Chapitre 18




Belle jeta son énième coup d'œil en direction de la baie vitrée avec l'espoir de ne pas voir cette Mercedes noire sur le trottoir d'en face. Elle avait l'impression d'être folle, paranoïaque. À la soirée des fiançailles, Alex Frost lui avait paru charmant mais séducteur. Belle avait alors prit note des conseils que lui avait donné Jafar Al-Zyhar. Voilà plusieurs jours qu'elle était victime de son acharnement si bien qu'elle craignait de plus pourvoir traverser le trottoir sans qu'elle le voit surgir de nulle part. Il s'était montré insistant avec cette proposition de faire d'elle un grand mannequin. Bien sûr Belle n'y avait pas crû. Puis il lui avait envoyé deux bouquets de fleurs ainsi que des chocolats. Si l'intention semblait sincère, Belle avait fini par comprendre qu'il s'agissait pour lui d'un jeu dans lequel seuls ses intérêts comptaient.

Belle s'était alors montrée ferme avec l'espoir qu'il se lasse.

- Belle ?

Réprimant un sursaut de peur, elle se retourna.

Georgio esquissa un sourire rassurant.

- Il est plus de vingt-deux heures Belle, lui indiqua son patron ; Tu devrais rentrer chez-toi à moins que tu veuilles venir à la maison.

Cette proposition la toucha mais elle devait la refuser. Être hébergée par son patron n'allait pas rendre la situation moins dramatique.

- Je te remercie infiniment pour ton aide Georgio mais je dois refuser.

- Tu es sûre ?

Non, elle n'était pas sûre mais il le fallait.

De plus, un autre problème de taille l'attendait. Prise par une folle idée, Belle avait tenté de joindre le sultan. Au moment précis où elle avait entendu sa voix elle s'était rendu compte de l'énorme erreur qu'elle avait commise. Pourquoi lui ? Pourquoi s'était-elle sentie obligée de le joindre avec la certitude qu'il ne répondrait pas à son appel ?

Elle s'était lourdement trompée et à présent, il s'apprêtait à débarquer sans qu'elle ait pu contester sa décision.

Son cœur battait déjà à la chamade.

- Oui, je suis sûre Georgio, répondit Belle en retirant son tablier ; Il est temps pour moi de rentrer, je ne pas fuir mon propre appartements simplement parce qu'un type se montre insistant.

Elle enfila son manteau sous l'air perplexe de son patron.

- Tu veux que je te ramène ? Il fait nuit noire, ce n'est pas raisonnable.

- Je rentre chez-moi à pieds tous les soirs Georgio, lui rappela-t-elle avec un sourire rassurant.

- Très bien, abdiqua ce dernier en s'écartant pour qu'elle passe derrière le comptoir.

- À demain Belle.

Elle avala péniblement sa salive en quittant le restaurant. Son cœur battait si vite qu'elle peinait à respirer.

La main plongée dans son sac à main, les doigts agrippés sur sa bombe de défense, Belle emprunta le trottoir sombre et silencieux jusqu'à ce qu'elle entende derrière elle une voiture roulant à faible allure.

Belle accéléra le pas alors que l'éclairage des phares éblouissaient son champ de vision. Puis soudain la voiture s'arrêta et un bruit de portière se fit entendre. Saisie par une frayeur indescriptible, Belle sortit sa bombe et se retourna avant qu'une main ferme immobilise son poignet.

Belle hoqueta en relevant son regard horrifié sur la grand et massive silhouette. Elle croisa des yeux orageux et son sang se figea avant de devenir brûlant.

Le sultan était là, la dominant de toute sa hauteur. Son éternel regard sévère se mit à briller d'une lueur mystérieuse.

- Le psychopathe numéro 1 est de retour, glissa-t-il d'une voix caressante.

Belle exhala un long soupir qui exprimait presque un soulagement indéniable. Il lâcha son poignet sans la quitter des yeux et une étrange sensation couvrit sa peau d'un irrésistible frisson.

- Com...comment avez-vous fait pour arriver aussi vite ? Parvint-elle à dire en le dévisageant.

- Les pouvoirs d'un jet privé, dit-il brièvement.

Il avisa son arme avec un sourire voilé par les ciselures de ses traits.

- Vous comptiez faire quoi avec ça ?

- Je comptais vous asperger avec mais j'ignorais qu'il s'agissait de vous, dit-elle en grimaçant l'air désolé avant de reprendre.

- C'est impossible, murmura-t-elle en refusant d'y croire alors qu'il se tenait bel et bien devant elle.

Il se rapprocha, exposant son visage dans l'éclairage des phares. D'instinct, Belle se recula.

- Pourtant ça l'est mademoiselle Moor, dit-il d'une voix chaude.

Agrippant la lanière de son sac, Belle baissa un instant les yeux, troublée par son regard qui n'avait eu de cesse de la hanter, si bien qu'elle se demandait à présent si ce n'était pas lui, le plus terrifiant des deux.

- Vous n'étiez pas obligé de faire tous ces kilomètres pour moi.

- Au contraire, rétorqua-t-il plus durement ; je me sens en partie responsable de cette situation, vous mettre en danger n'était pas mon but. Alex Frost a pour réputation d'être un sale type dont les rumeurs s'avèrent toujours exactes.

Un sentiment mystérieux lui comprima le cœur. En fait, elle avait presque du mal à accepter qu'il se soit déplacé uniquement pour elle. Jusqu'ici personne ne s'était donné autant de peine pour elle à l'exception de son père.

- Psychopathe hein ? Murmura-t-il d'une voix caressante.

Belle se sentit rougir à la hauteur de la honte qu'elle portait sur son visage.

- Ce...ce n'est pas exactement ce que j'ai dit, bafouilla-t-elle en riant nerveusement.

- Oh si mademoiselle Moor vous l'avez dit et j'ai une bonne dizaine d'hommes pour vous le confirmer, affirma le sultan.

- Je ne comprends pas, dit-elle en fronçant des sourcils.

- Vous étiez sur haut-parleur, je pensais qu'il s'agissait de Rachid, autrement dit, l'intégralité de mes conseillers ont entendu notre échange particulièrement étrange.

Belle ferma les yeux en se maudissant intérieurement.

- Je suis, affreusement navrée et je n'avais pas...

- Peu importe, la coupa-t-il en retirant son long manteau noir pour le passer autour de ses épaules.

Lorsque ses longs doigts s'aventurèrent sur sa nuque pour rajuster le col, Belle se pinça les lèvres, à la fois mortifiée et désireuse qu'il recommence.

- Montez dans la voiture, ordonna-t-il en allant ouvrir la portière du côté passager.

En proie au doute, Belle hésita longuement car elle ignorait ce qu'il pourrait se passer si elle acceptait de monter dans cette voiture. Pourtant, une source mystérieuse la poussa à s'avancer alors que le parfum de l'homme submergeait son odorat.

- Vous allez me ramener chez-moi ? Demanda-t-elle en observant son visage baigné par la pleine lune.

- Ceci m'est impossible, dit-il impassible ne lui laissant aucune chance de comprendre.

- Pourtant il va...

- Ne paniquez pas, l'interrompit l'homme en lui jetant un rapide coup d'œil ; Lors de notre conversation téléphonique je pensais que vous m'appeliez pour une raison tout autre. Une raison qui à ma grande peine nous unis et que je vais devoir défaire si vous voulez avoir une chance de rentrer chez-vous.

Interloquée, troublée par le parfum qui s'émanait de son manteau Belle le dévisagea dans l'obscurité alors que son cœur martelait ses tempes.

- Je ne comprends pas.

- Vous comprendrez lorsque nous serons arrivés, déclara-t-il sans prendre la peine de s'étendre sur la destination qu'il s'apprêtait à prendre.

Une angoisse latente la paralysa. Cependant elle voulait lui accorder un morceau de sa confiance car jusqu'ici le sultan avait fait preuve d'une grande sagesse envers elle-même si elle savait que celle-ci cachait sa véritable nature.

Au bout de quelques minutes il stoppa la voiture devant un hôtel et pas n'importe lequel.

- Je ne pense pas que...

- Vous avez entièrement raison, ne pensez rien.

Irritée par sa façon de lui couper sans cesse la parole, Belle affronta son regard sans ciller.

- C'est une habitude chez vous de me couper la parole ou vous le faites exprès ?

Il se pencha, pour plonger son regard dans le sien. Il était si proche qu'elle s'enfonça dans le siège en cuir pour échapper à la caresse de son souffle chaud.

- Je viens de traverser l'océan pacifique pour vous mademoiselle Moor alors je vous suggère de ne pas me mettre sur les nerfs, lui conseilla-t-il tout bas.

- Je ne vous ai pas demandé de traverser le globe terrestre pour si peu, je voulais simplement un coup de main pour me débarrasser de...

- Du psychopathe numéro 2 ?

Belle serra les lèvres tandis qu'elle sentit sa ceinture de sécurité glisser sur elle.

- Venez maintenant, ordonna-t-il en quittant la voiture.

- Comme je regrette, glissa-t-elle avant qu'il claque la portière.

La sienne s'ouvrit et il se pencha pour saisir son regard maintenant fuyant.

- Si vous regrettez, alors pourquoi vous m'avez appelé au secours ?

Belle se mordit la lèvre, pour s'empêcher de dire ce qu'elle avait peine à admettre.

Entendre sa voix sombre et aussi l'envie de savoir si oui ou non elle n'était plus qu'un vaste souvenir pour lui.

- Je voulais avant tout savoir si vous m'aviez oublié, si pour vous j'étais seulement la pièce maîtresse de votre plan contre la presse et rien d'autre, admit-elle en fuyant son regard.

- Comme vous pouvez le constater, vous vous êtes encore une fois trompé.

Il marqua une pause dans laquelle ses longs doigts se posèrent sur son menton.

- Je tiens toujours parole, gardez-le à l'esprit mademoiselle Moor cela pourrais vous être utile à l'avenir, rajouta-t-il comme s'ils étaient indéniablement destinés à se revoir...

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