Chapitre 15
Distraite par ses propres réflexions Belle s'installa à la table centrale comme un automate. L'homme à l'origine de son profond trouble prit place à ses côtés. Le cœur battant elle se tourna vers l'homme qui se tenait à sa gauche.
Elle fut soulagée quand elle comprit qu'il s'agissait de Rachid, le bras droit du sultan. Cependant, une fois prisonnière entre les deux hommes, Belle eut la sensation que la table rétrécissait, lui donnant l'impression d'être dans un étau.
- Vous étiez sérieuse à propos des enfants? Lança-t-il à voix basse.
Le parfum qui s'émanait du sultan était si présent qu'elle pouvait déceler chacune de ses effluves enivrantes.
- Bien sûr, affirma-t-elle en osant à peine le regarder ; Vous n'imaginez pas à quel point les enfants ont de grandes et divertissantes conversations. Avec eux difficile de s'ennuyer.
- Vous avez déjà travailler avec des enfants ?
- Oui, j'étais babysitteur avant de travailler comme serveuse, je m'occupais d'un petit garçon adorable.
- Ceci explique cela, dit-il brièvement.
Belle tourna sa tête vers lui et fut confronter à un visage impassible. Il était si près d'elle qu'elle pouvait déceler chaque parcelle de ses traits ciselés. Quelque chose de dangereux s'émanait de ses traits. Elle réprima un frisson puis dévia son regard sur la personne assise en face d'elle.
Il s'agissait d'Eloïse.
Cette dernière lui jeta un regard hostile qu'elle tenta d'ignorer.
Demain cette soirée ne sera plus qu'un souvenir, songea-t-elle pour se donner la force de résister à la tentation de fuir cette mascarade.
Demain, elle allait retrouver sa vie bien rangée, songea-t-elle en jouant avec les couverts sur sa droite.
- Vous êtes tendue, remarqua le sultan en la tirant de ses songes.
- Je le suis, cette situation me rend nerveuse, admit-elle doucement.
- Vous êtes à mes côtés, dit-il d'une voix grave et à la fois rassurante.
Devait-elle pour autant être rassurée ? Alors qu'il était l'essence même de la peur qui lui nouait le ventre.
Belle préféra se taire et dégusta l'entrée avec appétit tout en remarquant la délicate attention posée dans son assiette.
À l'inverse des invités elle avait eu le droit à une délicieux part de foie gras accompagnée de pain d'épice.
- Vous aimez ?
À cette voix chaude Belle réprima un sursaut.
Elle savait que si jamais elle s'aventurait à plonger son regard dans le sien, elle prenait le risque d'en être prisonnière. Elle le fit, et sentit son être se glacer instantanément.
- Oui, je vous remercie pour cette délicate attention, s'entendit-elle murmurer alors que son ventre se nouait d'une brûlante chaleur.
Le sultan se mit à l'observer comme un lion sur le point de s'emparer d'une gazelle. Belle sentit sa respiration devenir presque erratique. Il y avait quelque chose en lui qu'elle ne parvenait pas à déceler. Il dégageait une telle impression de force physique que Belle n'avait aucune peine à deviner ce dont il était capable.
- Je n'ai pas oublié comme vous pouvez le remarquer.
- Vous auriez pu.
- Au risque de vous voir tomber dans les pommes, murmura-t-il d'une voix si basse qu'elle était la seule à pouvoir l'entendre.
- Parfois j'aimerais bien tomber dans les pommes d'ailleurs ça m'est déjà arrivé.
Une lueur d'inquiétude brilla dans les yeux de l'homme.
- Il y a longtemps ?
- Il y a quatre mois, en plein milieu du service, répondit-elle brièvement ; Avant mon malaise, un client s'énervait sur moi parce qu'il n'avait pas sa commande. Une minute plus tard c'était le trou noir. Lorsque je me suis réveillé, j'étais dans un lit. J'ai échappé à la méprise de ce client et j'en suis plus que ravie.
- Vous étiez soulagée de vous être évanouie pour cette raison ? S'enquit le sultan en levant un sourcil.
- C'est ridicule n'est-ce pas ?
- Pas ridicule mais plutôt intéressant, dit-il en s'écartant pour que le serveur puisse poser les assiettes.
- Rassurez-vous ce désir d'échapper à une situation en louant l'intervention d'un malaise m'est arrivé qu'une fois.
- Vraiment ? Pas même avec moi ? Alors que votre seul désir au moment précis de notre rencontre était de me fuir à tout prix.
Il disait vrai...
Mais n'importe quelle femme avec un semblant d'intelligence aurait voulu fuir ce guerrier implacable.
- Qui n'aurait pas ressenti le désir de vous fuir, dit-elle fuyant son regard ténébreux.
- Un nombre assez conséquent de femmes se serait jeté sur l'occasion.
- Pas moi.
- En effet, pas vous, admit-il dune voix mystérieuse ; J'aime que l'on me regarde dans les yeux lorsque je m'exprime.
L'autorité qu'elle perçut dans sa voix la fit frissonner. Le cœur battant à tout rompre, elle releva son regard sur le sien.
- Pourquoi avez-vous ressenti le désir de me fuir ?
- Vous vous posez encore la question ? Demanda-t-elle d'une voix interloqué ; l'évidence ne vous a donc pas frappé ou vous avez pour habitude qu'une femme se jette sur vous sans se poser de questions ?
Un sourire aussi tranchant qu'un couteau se dessina sur ses lèvres dures.
- En général elles ne se posent aucune question.
Belle réprima le rougissement qui lui montait aux joues.
- Mais comme vous avez pu le constater, je suis jeune et dépourvue de toute connaissance de votre univers ce qui explique peut-être mon envie de fuir.
L'expression rembrunit, sa paire yeux cendré se baissa sur sa bouche alors que ses mâchoires volontaires semblaient crispées.
- Est-ce seulement pour ces deux raisons ?
- Non, il y en a d'autres mais vous n'êtes pas sans le savoir.
Jafar retint un sourire. Belle Moor n'était pas seulement différente, elle était aussi intéressante car son jugement était aussi sincère que ses yeux bleus l'étaient chaque fois qu'elle le regardait.
Elle se permettait ce que bien d'autres avant elles ne s'étaient jamais permise de faire.
Ses grands yeux de biche emplis d'inquiétude étaient la raison qui le poussait à la laisser faire une pareille folie.
- Éclairez-moi Belle, insista Jafar en oubliant presque le restes des convives.
Elle posa sa fourchette en exhalant un soupir tremblant.
- Que pensez-vous de moi ? Soyez sincère.
- Ma sincérité n'a pas aidé jusque-là, répliqua-t-elle en lui jetant un regard méfiant ; Elle m'a attiré que des ennuis.
- Je vous promets que je ne prendrais pas mal votre jugement, lui promit-il impatient ; Alors ? Que voyez-vous en moi ?
Elle se pinça les lèvres avant de répondre.
- Je vois un homme mystérieux et qui ne révèle pas tout de lui. Vous êtes tendu, ce qui me laisse penser que vous n'êtes pas vous-même. C'est comme si vous étiez tenu de jouer un rôle qui menace de s'écrouler à tout moment. C'est peut-être pour cette raison que vous me faites autant peur. Parce que vous n'êtes pas ce que vous voudriez être ou ce que vous êtes réellement.
Jafar en resta sans voix et dut faire appel à tout ses forces pour résister à l'afflux qui courrait dans ses veines. Il était presque admiratif devant cette jeune femme qui venait dépeindre l'exact vérité.
- Ai-je raison ? Demanda la jeune femme nerveusement.
- Vous avez entièrement raison, je ne suis pas ce que je suis habituellement et vous devriez vous en estimez heureuse, répondit-il d'une voix grave qui résonnait presque comme un avertissement.
- J'en prend note votre altesse, glissa-t-elle avant de reporter son attention sur le plat qui venait de lui être servi.
Jafar fixa avec intensité l'incarnat de ses lèvres et fut confronter à un violent et irrésistible désir de les couvrir.
Pire encore...
Il n'avait pas le souvenir d'avoir un jour ressenti un tel désir brutal...presque vorace.
Pas même pour son ex-femme.
Avec humeur il se redressa, balayant d'un regard sévère les invités. Il glissa quelques mots à Rachid en arabe afin qu'il presse le dîner et les desserts furent servis à la hâte.
Quand vint le moment du café, la jeune femme le refusa poliment et se tortilla nerveusement sur sa chaise. À son opposé, Eloïse assurait l'ambiance armée de son plus beau sourire. Cependant, un détail l'alerta. Zuyad lançait des regards en coin dans leur direction surtout sur la femme installée à sa gauche. Toute la soirée il avait observé le comportements des hommes et tous l'avaient regardé avec cette persistante lueur de convoitises. Toutefois il se méfiait de son intrépide cousin et pour se faire entendre, Jafar lui lança une œillade assassine.
- Je suis épuisée, puis-je monter maintenant ? Demanda-t-elle d'une voix presque suppliante.
Jafar quitta Zuyad du regard pour le dévier sur elle.
- Je vais vous raccompagner, décréta Jafar en se levant, très vite imité par les invités qui se levèrent respectueusement.
Il la raccompagna à l'étage et une fois devant la porte, Jafar éprouva le besoin de rester jusqu'à la fermeture définitive de celle-ci.
- Je tenais à vous remercier pour m'avoir aidé ce soir et le dîner était excellent.
- Je vous remercie également d'avoir été présente, dit-il en lui souriant.
Belle réprima un frisson délicieux qui courrait sur sa nuque et lui sourit à son tour.
- Je vous souhaite une bonne fin de soirée.
- Je viendrais vous chercher demain matin, bonne nuit mademoiselle Moor.
Belle le regarda partir d'un pas bourru et referma la porte avec l'intention ferme de quitté cette demeure avant l'aube...
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