- Est-ce que la soirée vous plaît ? Demanda Zuyad d'une voix dont l'intonation n'était pas aussi féroce que son cousin.
- Jusqu'ici elle me paraît très agréable, répondit-elle en faisant preuve de politesse.
Zuyad la dévisagea longuement avant de lui sourire.
- Sachez que j'ignorais tout de vous avant que mon cousin fasse des recherches sur vous.
- Cela n'a pas beaucoup d'importance, assura Belle avec assurance...une assurance qu'elle perdait pourtant en présence du sultan.
- Si, au contraire, insista Zuyad en la dévisageant de la tête aux pieds ; Si j'avais su qu'elle m'avait menti à votre sujet, je ne me serais pas empressé dans ce mariage.
Cet aveu surprenant prit Belle de court.
- Je ne pense pas qu'il vous soit utile de reconsidérer votre amour pour Eloïse tout simplement parce que nous avons eu quelques différents.
Le jeune homme haussa des épaules avec négligence ce qui eut bon de la choquer. Ce mariage avait-il un sens pour lui ?
- J'imagine que vous devez avoir hâte d'être de retour dans votre pays pour célébrer votre mariage ? Lança-t-elle afin d'en apprendre davantage sur lui.
- Le mariage est un engagement irréversible, déclara-t-il d'une voix mystérieuse.
Belle n'eut pas le temps de réagir car Eloïse se fendait déjà dans la foule pour les rejoindre.
Belle se racla la gorge et s'écarta.
Si elle partait, les chances qu'elle attire des soupçons étaient faibles mais bien présents. Alors Belle demeura silencieuse jusqu'à ce qu'Eloïse lui dévoile ses talents de comédienne.
- J'espère que la soirée est à ton goût ? Lança celle-ci d'une voix faussement aimable.
- Différente de celles que j'ai pour habitude de côtoyer, admit Belle en faisant preuve de politesse.
C'est-à-dire dire aucune, songea-t-elle avec nostalgie. Sa dernière soirée remontait à l'époque du lycée et elle en gardait un piètre souvenir.
- J'ai entendu dire que tu étais serveuse, ça ne doit pas être facile tous les jours, lança Eloïse sans masquer la faible moquerie qui vibrait dans sa voix.
- Non, ça ne l'est pas, mais j'ai la chance d'avoir un patron adorable.
Zuyad posa son regard sur elle accompagné d'un sourire qui se voulait désolé. Belle s'excusa d'un bref murmure inaudible puis les quitta pour se réfugier dans l'autre partie du salon. Il était si vaste qu'elle avait l'impression d'être perdue. Pire encore, elle se retrouva nez à nez avec Alex Frost.
- Quel plaisir de vous revoir si vite, dit-il d'une voix voluptueuse.
Belle se rappela alors de l'avertissement que lui avait donné le sultan quelques minutes plus tôt.
Sa voix s'insinuait encore à son oreille, dangereuse et rauque.
- Difficile de ne pas se recroiser dans ce salon qui pourtant est si vaste, dit-elle en jetant quelques coups d'œil aux invités. Le sultan était introuvable. Abandonnée à son triste sort Belle redressa les épaules.
- Pardonnez-moi si je me montre insistant mais je suis curieux de connaître les raisons qui ont poussé Eloïse à vous sortir de sa vie.
- Êtes-vous journaliste ? Demanda-t-elle en plissant des yeux.
- Non, je suis directeur de casting dans le mannequinat, répondit-il en faisant glisser ses yeux sur elle d'une lenteur étouffante ; D'ailleurs si je peux me permettre je serais ravi de vous recevoir à mon agence, vous êtes d'une beauté renversante.
Jafar n'écoutait plus le sénateur depuis plusieurs minutes. Son regard était porté sur Belle Moor qui avait dû faire face à Eloïse puis maintenant Alex Frost. Les dents serrées il ne quittait pas la scène du regard.
Pendant un long moment il s'était demandé pourquoi il agissait comme si la jeune femme lui appartenait. Il s'était pourtant juré de ne plus jamais se faire distraire par une femme car son pays avait besoin d'un souverain responsable. A une époque qui lui paraissait bien loin, Jafar avait été l'un de ces hommes que lui avait décrit la jeune femme. Volatil, séducteur, et dont le cœur froid n'éprouvait aucune culpabilité quand il s'agissait de se défaire d'une femme. Jafar se souvenait de cette période de sa vie comme si c'était hier. Agé de vingt-quatre ans il pensait qu'en tant que fils du sultan, rien ni personne ne pouvait heurter ses faiblesses secrètement enfouies en lui. Hélas, les années passées l'avaient rendu plus mature, et l'âge lui avait fait également comprendre que cette vie de célibataire invétéré ne le mènerait qu'à une profonde solitude. Après la guerre qu'il avait menée au côté de son père dont la vie s'était malheureusement achevée sur ce champ de bataille, Jafar avait pris la décision de combler ce vide. Jusqu'à ce qu'il soit confronté à la pire des trahisons.
Depuis, il maudissait celles dont le regard n'aspirait qu'à rien d'autre que de la cupidité. Mais dans le regard de Belle Moor, il y avait autre chose qu'il ne parvenait pas à déceler. Il se sentait presque coupable d'éprouver du désir pour cette jeune femme dont les yeux parvenaient facilement à le captiver. Et dans les tourments de ses pensées il s'était fait la promesse de s'éloigner le plus loin possible de cette dangereuse tentation. Hélas, à l'instant même où elle avait franchi les portes de sa demeure, Jafar avait brisé cette promesse.
Il serra convulsivement son verre lorsqu'il vit Alex Frost s'approcher d'elle, lui souriant dans l'intention de la séduire. Il s'empêcha alors d'intervenir pour ne pas attirer la presse de son pays mais plus les secondes s'égrenaient, plus Jafar sentait ses muscles se crisper. Et alors qu'il s'apprêtait à intervenir, il vit la jeune femme contourner Alex Frost le laissant sur sa faim. Ce dernier perdit son sourire et la suivit des yeux jusqu'à ce qu'elle disparaisse derrières les poutres en chênes.
Jafar s'excusa auprès du sénateur et passa de l'autre côté afin de la suivre à distance. A l'évidence cette soirée qui débutait à peine commençait peu à peu à l'ennuyer et elle n'était pas la seule. Le regard plissé, il la suivit du regard alors qu'elle se faufilait sur le balcon. Désireux et poussé par la curiosité, Jafar s'approcha doucement près de la fenêtre et la trouva, assise sur le banc en marbre, admirant les horizons éclairés par les faibles lueurs de la lune.
- Je vous quitte une minute et je vous retrouve au beau milieu de la nuit noire.
Belle se releva d'un bond, saisit par des frissons qui n'étaient pas dû au froid glacial de cette nuit noire.
- Vous étiez parti, l'accusa-t-elle en s'entourant de ses bras.
Soudain, l'éclairage extérieur illumina le balcon, lui donnant alors l'occasion de sonder son regard au sien.
- Je vous ai pourtant dit de ne pas bouger et vous avez désobéie, contrat-il en s'avança avec une lenteur délibéré.
- J'ignorais qu'il s'agissait d'un ordre, répliqua Belle.
- Et bien c'en était un mais je pense avoir aisément comprit que vous êtes rebutée à l'idée même d'exécuter mes ordres, dit-il d'une voix profonde.
- Oh mais j'en ai exécuté quelques-uns ! Rappelez-vous dans le chalet, fit-elle valoir en redressant le menton.
- Seulement parce que vous aviez peur, rétorqua-t-il en s'approchant de plus près, lui donnant la sensation d'être encore prisonnière de cette paire d'yeux d'acier.
- Quoi qu'il en soit, nous devrions rentrer avant que vous soyez victime d'une pneumonie, reprit-il fermement en l'obligeant à le suivre.
Belle ne résista pas et se laissa conduire à l'intérieur, prenant acte de son geste stupide.
- Alex Frost était avec vous, puis-je savoir ce qu'il voulait ?
Troublée, Belle rejeta sa tête son arrière afin de souder son regard au sien.
- Vous m'observiez n'est-ce pas ? Osa-t-elle demander en sachant pertinemment qu'elle s'engageait sur un chemin périlleux.
- En effet, je vous observais, du moins je vous surveillais, admit-il en esquissant un faible sourire qui la fit frémir ; Ne vous ai-je pas fait une promesse ?
Si, c'était le cas, songea Belle en se massant les épaules. Cependant elle ne comprenait pas pour quelle raison il se donnait autant de mal pour elle. Maintenant que la presse l'avait vu, il n'y avait aucune raison pour lui de poursuivre ce rôle de chaperon.
- Je vous ai aussi fait une promesse et je l'ai tenu, alors vous n'êtes pas obligé de rester avec moi, même si votre présence m'aide à me sentir moins perdue.
Il demeura silencieux et impassible.
- J'admire votre franchise, finit-il par répondre ; mais rester avec vous ne me demande aucun effort, au contraire.
Il combla le faible espace qui les séparait pour planter son regard dans le sien.
- Que voulait-il ? Vous ne m'avez pas répondu.
Égarée, Belle cligna plusieurs fois des yeux avant de recouvrir ses esprits.
- Il m'a dit qu'il serait ravi de me compter parmi ses mannequins.
- Vraiment ? Et qu'avez-vous répondu ?
Cette fois-ci elle se sentit vexée qu'il puisse penser qu'elle ait pu accepter cette proposition.
- J'ai évidemment sauté de joie, une opportunité pareille ! Vous vous rendre compte ?
Le regard du sultan se rembrunit, lui donnant l'impression que les ténèbres étaient en train de l'aspirer.
- Vous avez accepté ?
- Non mais vous en revanche vous laissez entendre que j'ai pu l'envisager, répliqua Belle d'une voix sèche.
Il laissa échapper une phrase en arabe.
- Alex Frost, sait se montrer convaincant, vous auriez pu accepter, se défendit-il de sa voix sombre.
- J'ai refusé votre altesse, murmura-t-elle en se retournant vers le brouhaha qui provenait du salon.
- Votre altesse, répéta le sultan d'une voix suave ; Je vois que ça commence lentement à rentrer dans votre tête.
- Bientôt, je me l'inscrirais sur le front, railla-t-elle alors qu'elle pouvait voir son regard s'assombrir.
- Je plaisantais, reprit-elle alors que son cœur s'emballait.
Il releva les yeux au-dessus d'elle.
- Venez, il est temps de passer à table.
Il prit reposa à nouveau sa main au creux de ses reins. Une fulgurante décharge électrique agaça sa peau sensible. Au prix d'un effort surhumain elle inspira profondément alors que les convives prenaient place autour des tables rondes.
- Je vous en prie dites-moi qu'il y a des enfants et que je suis placée à cette table.
Le sultan émit rire aussi bref que brûlant.
- Non, mais je suis certain que vous apprécierez le convive qui sera sur votre droite, répondit-il en baissant les yeux sur elle.
Manifestement il s'agissait de lui, comprit Belle alors que son coeur partait dans un assaut incontrôlable...
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