Chapitre 13



Pour masquer son trouble elle plongea ses lèvres dans la coupe et pivota sur elle-même afin de jeter un coup d'œil aux invités. Les femmes étaient parées de leur plus belles tenues, et dans cette foule, Belle reconnut une femme, vêtue de noir.

Son ex belle-mère.

Belle abaissa son bras alors que le verre de champagne qu'elle tenait fébrilement dans sa main manquait de se renverser.

De sombres et douloureux souvenirs lui revinrent en mémoire. Carole lui jeta un regard froid, comme si elle voulait la prévenir de la menace qui pesait au-dessus de sa tête. Elle préféra dévier son regard vers Eloïse qui de son rire cristallin bavardait avec un petit groupe de femmes, exposant sa bague en diamants.

Une ombre se planta devant elle, brisant la scène parfaite qui se jouait sous ses yeux humides.

- J'ai l'impression de vous avoir perdue, murmura-t-il en fronçant des sourcils.

- Oh, je...non...j'étais seulement perdue dans mes songes, balbutia Belle en lui souriant.

- Venez, je vais vous présenter à quelques invités, dit-il en posant une main dans son dos.

Belle déglutit péniblement car à travers le tissu de sa robe, elle avait l'impression que cette large main était imprimée dans ses chairs. Très vite elle dut s'efforcer de recouvrir ses esprits lorsqu'ils s'arrêtèrent devant deux hommes l'un d'une soixantaine d'années et l'autre du même âge que le sultan.

- Votre altesse, quel agréable plaisir de vous revoir, déclara l'un d'entre eux.

- Plaisir partagé, déclara le sultan d'une voix chaleureuse ; Laissez-moi vous présenter Belle Moor, la demi-soeur de la future mariée.

Belle faillit le rectifier mais sut que cela aurait de grandes conséquences. Alors elle se contenta de sourire et accepta la poignée de main de l'homme.

- Franco Reza, c'est un plaisir de vous connaître, déclara-t-il d'une voix douce.

- Mademoiselle Ford nous a bien caché qu'elle avait une demi-sœur aussi ravissante, commenta l'homme qui accompagnait Franco.

Belle réprima un frisson quand elle croisa le regard de ce dernier dont l'intérêt manifeste la rendit mal à l'aise.

- Alex Frost, se présenta ce dernier alors que les doigts du sultan se firent plus présent dans son dos.

- Comment se fait-il qu'elle ne nous ait pas parlé de vous ? insista Alex.

- Belle est une jeune femme assez discrète, ce genre de démonstration n'est pas de son goût, intervint Jafar mâchoires serrées.

Il connaissait suffisamment Alex Frost pour savoir que derrière ce regard de concupiscence il y avait de grands projets. Inutile de se mentir plus longtemps, il était temps d'admettre que dans cette salle, une seule femme était parvenue à capter le regard des hommes.

Cependant, il savait sans l'ombre d'un doute qu'Alex Frost désirait plus et ne se contenterait pas seulement de l'admirer. Les nerfs tendus, il sentit sous la paume de sa main un dos raide, et comprit qu'elle se sentait gênée.

- Vraiment ? S'enquit Alex en lui souriant.

- Oui, vraiment, articula Jafar en lui décrochant un regard sombre.

Alex Frost perdit instantanément son sourire de charmeur et se racla la gorge. Le guerrier implacable qui l'habitait lui hurlait de se jeter sur lui et de lui arracher violemment la gorge. Cependant, et alors qu'il sentait la maitrise de ses nerfs se perdre dans la noirceur qui l'entourait, Jafar déclara la gorge serrée.

- Venez Belle, je vais vous présenter à d'autre convives.

Gentiment, avec le plus de délicatesse possible il poussa la jeune femme hors de sa portée. Une fois loin, il l'entraîna vers une autre partie du salon et déclara ;

- Je vous déconseille fortement d'approcher Alex Frost est-ce entendu ? Ordonna-t-il d'une voix qu'il ne voulait pas menaçante.

La jeune femme cilla avant d'opiner en silence.

- C'est un homme dont les désirs se limitent à une nuit sans lendemain, rajouta Jafar avec humeur.

- Et pas vous ? S'enquit celle-ci en fronçant des sourcils.

Jafar retint un sourire.

- Au risque de vous décevoir la réponse est non.

- Je suis surprise, je pensais que...

- Que j'étais l'un de ces hommes qui se réveille tous les jours mais jamais avec la même femme à ses côtés ?

- C'est à peu près ça oui, avoua-t-elle en rougissant.

- J'apprécie beaucoup votre jugement à mon égard Belle mais vous faites fausse route, dit-il d'une voix faussement calme.

- Je suis navré si je vous ai irrité mais il faut dire que votre charisme, votre charme et votre statut peuvent laisser penser que vous êtes un homme bien entouré. Vous avez beaucoup d'admiratrices.

Jafar esquissa un sourire en coin.

- Cela ne veut pas dire que je suis un homme comme Alex Frost.

- Certes, vous avez sûrement raison, dit-elle en haussant des épaules ; Cependant vous ne pouvez pas m'empêcher de l'avoir pensé. Beaucoup d'hommes mettent les femmes dans une seule et même catégorie.

Cette fois-ci Jafar plissa son regard, vivement intéressé.

- Je trouve cette conversation très intéressante, nota-t-il en la dévisageant ; vous pensez que je suis ce genre d'hommes ?

- Je l'ignore, mais je sais qu'ils vous est difficile de distinguer celles qui ont de bonnes intentions et celles qui n'ont qu'un seul et même but précis.

La jeune femme baissa les yeux, lèvres pincées. À l'évidence elle se méfiait des hommes voire les fuyait.

- Suivez-moi, je voudrais vous montrer quelque chose.

Contre toute attente elle le suivit sans rechigner. Jafar la guida vers les marches puis appuya ses deux mains sur la rambarde en bois massif.

De cette hauteur, il pouvait balayer la salle sans difficulté.

- Vous avez raison, Beaucoup d'hommes ne prennent pas le temps d'observer une femme. Ce salon est inondé d'hommes riches mais il y a aussi des femmes et elles ont toutes une histoire différente.

Belle resta attentive, le regard rivé sur les invités.

- Vous voyez cette femme vêtue de bleu à côte de son mari ?

Belle acquiesça.

- Elle s'efforce de sourire, mais derrière cette façade nous pouvons voir que son intérêt est porté sur l'homme à sa droite Elle joue tristement avec son alliance dans l'espoir d'être regardée, d'être désirée parce que son mari ne la regarde plus alors elle cherche désespérément ce qu'il ne lui donne plus.

Belle regarda tristement cette femme puis se tourna vers lui, observant avec un frisson ses mâchoires volontaires.

- À présent regardez celle-ci, reprit-il en pointant du menton une femme rousse parée d'une belle robe nacrée.

- Que voyez-vous ? Demanda-t-elle d'une voix qui laissait entrevoir son intérêt.

- Elle fait valoir ses courbes et se cambre à chacun de ses rires et cette démonstration est destinée à l'homme en face d'elle. Il la regarde mais demeure stoïque pour ne pas attirer l'attention de celle qui l'accompagne.

Choquée, Belle étudia la scène et en fut stupéfaite.

- Vous voulez dire que c'est sa maîtresse et que l'autre femme est sa compagne.

Le sultan esquissa triste sourire avant d'acquiescer.

- Sauf que ni lui ni elle ne se doutent une seconde qu'elle est au courant de leur liaison.

Il se redressa lentement puis passa une main dans son dos.

- Poursuivons, murmura-t-il en la guidant en bas des marches.

Frémissante sous le contact de ses doigts, Belle huma l'odeur boisée de son parfum et crut défaillir.

- La jeune femme à votre gauche en revanche est l'opposé de ce que je viens de vous montrer. Regardez son sourire. Elle rayonne de bonheur et n'essaye pas de le cacher. Et derrière le regard sérieux de l'homme qui l'accompagne nous pouvons déceler que chaque regard qu'il lui porte exprime de la fierté.

- C'est vrai qu'ils ont l'air heureux, murmura-t-elle d'une voix à peine audible.

- Et il y a vous, conclut-il en pointant du doigt une serveuse prostrée dans un coin du salon, plateau à la main.

Belle sentit sa gorge se nouer.

- Après avoir fait le tour du salon elle a fini par abandonner et s'est volontairement mise à l'écart. Dans ses yeux qui balayent les invités, je peux voir de la tristesse mais aucune jalousie envers eux. Ce soir, elle aurait voulu être regardée. Non parce qu'elle désire être séduite, elle veut juste qu'on la regarde, qu'on estime la valeur de son travail, qu'on lui esquisse un sourire pour la remercier parce que pour elle, son travail a beaucoup plus de valeur que le nôtre. Ce n'est pas parce qu'elle ne porte pas des vêtements nobles qu'elle n'a pas d'importance.

Le cœur serré, Belle pouvait sentir le souffle de l'homme sur sa peau sensible. Il lui avait décris cette jeune femme d'une voix basse, et il s'était presque penché à son oreille pour ponctuer sa dernière phrase.

Au prix d'un effort surhumain elle se retourna, frôlant son torse, le regard déjà levé vers lui.

- Alors mademoiselle Moor, votre jugement est-il toujours le même à présent ? Demanda-t-il d'une voix rauque.

- Vous êtes doué, admit-elle.

- Je suis pas doué, j'ai le sens de l'observation, rectifia-t-il en la couvrant du regard qu'elle ne sut décrire.

- Jafar ? Le sénateur voudrait te parler, intervint Zuyad en se matérialisant à ses côtés.

Belle s'écarta, ignorant délibérément la présence de Zuyad.

- Restez ici, ordonna-t-il avant de s'éclipser, la laissant seule avec son cousin dont le regard était posé sur elle avec insistance.

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