Chapitre 10
Comme promis, Belle s'engouffra dans la voiture noire qui était venue la chercher, le ventre noué. Le chauffeur au teint hâlé souffla quelques mots en arabe en tenant l'oreillette qu'il portait à son oreille. Belle avait presque l'impression d'être une mission sur le point d'être accomplie. Nul doute que son interlocuteur n'était autre que le sultan en personne. Elle leva les yeux au ciel puis boucla sa ceinture de sécurité, les mains moites. Elle avait songé toute la nuit à cette soirée et surtout, à ses retrouvailles avec Eloïse. La perspective de la revoir ne lui posait aucun problème, en revanche subir ses brimades serait tout aussi pénible que de l'entendre rire au éclat avec cette note aiguë qu'elle avait dû supporter bon nombres d'années.
Plus tôt dans la journée Gary lui avait vivement déconseillé d'y aller. Pour lui, le sultan ne lui inspirait pas confiance. Dans un soupir tremblant, Belle se tourna vers la vitre teintée pour contempler la ville sous les belles lumières de noël. Chaque trottoir se distinguait des autres et donnait aux passants la joie de pouvoir s'émerveiller devant les vitrines.
- Vous êtes bien installée miss Moor ?
Belle battit des paupières avant de jeter un coup d'œil au chauffeur.
- Oui, merci, dit-elle en posant ses mains à plat sur les sièges en cuir.
Puis elle se racla la gorge nerveusement.
- Je suppose que vous connaissez votre patron depuis longtemps ? Le questionna-t-elle.
- Oui mademoiselle, affirma ce dernier en lui jetant un furtif regard dans le rétroviseur.
- Soyez sincère avec moi, est-ce que je dois m'inquiéter ?
Le chauffeur se racla la gorge, demeurant silencieux...beaucoup trop silencieux à son goût.
- Son altesse est un homme loyal, respectueux, vous n'avez pas à vous inquiéter. Il ne ferait aucun mal à une femme.
Mais ? Belle sentait qu'il y avait un " Mais " cependant elle préféra en rester là.
Alors elle se contenta d'attendre et prit son sac à main pour en vérifier le contenu. Elle rangea soigneusement sa bombe lacrymogènes au fond dans son sac en espérant ne pas devoir s'en servir. Et au bout d'une bonne demi-heure, la voiture s'aventura sur une route entourée d'arbres. Soudain la ville lui semblait bien loin.
Le cœur battant à la chamade elle se pencha vers la fenêtre lorsque le chauffeur déboucha dans une vaste allée avant de franchir un haut portail qui s'ouvrit automatiquement à leur passage.
Ça y est, songea-t-elle en serrant son sac à main contre son ventre noué. Belle savait qu'à l'instant même où elle quitterait cette voiture, elle n'aurait plus aucun contrôle. Elle quitta la voiture le regard perdu dans la contemplation de la grande demeure qui se dressait sous ses yeux bleus. D'une splendeur inqualifiable, Belle demeura sans voix. Cette vaste propriété datant du XVIIIe siècles possédait un immense jardin et des jeux d'eau absolument spectaculaire. Belle avait l'impression de rêver avant que ce rêve devienne sombre lorsqu'elle aperçut le sultan à l'entrée de la demeure. Vêtu d'un pull noir révélant une musculature impressionnante dont le tissu épousaient les reliefs de ses biceps, il la fixait avec cette même intensité troublante de la veille. Emprisonnée dans l'étau de ses yeux noirs, Belle dut faire preuve d'un effort surhumain pour s'avancer.
Un sourire se dessina sur cette paire de lèvres dures, signe qu'il semblait heureux qu'elle ait tenu sa promesse.
- Mademoiselle Moor, vous n'imaginez pas à quel point je suis heureux de vous revoir.
Belle grimpa les marches prudemment.
- Avez-vous fait bon voyage ?
- Assez oui, dit-elle d'une voix dont l'assurance manquait soudain.
Fasciné malgré lui, Jafar observa la jeune femme d'un regard presque brûlant. Il avait longuement douté de sa parole jusqu'à ce que son chauffeur le prévienne de son arrivée imminente. Et dans les lueurs rougeoyantes du soleil, ses cheveux dorés ressemblaient à du blé. Ils cascadaient sur ses épaules pour mieux retomber sur ses reins.
Il se recula, pour échapper à ce désir qu'il n'avait plus ressenti depuis des années.
- Venez avant d'attraper froid, dit-il en posant une main dans son dos.
Il la sentit se raidir mais l'ignora car il ne s'agissait pas de lui à cet instant mais d'elle.
Pour le bien de sa famille, Jafar était sur le point de crucifier une innocente en la plongeant au cœur d'un passé qu'elle voulait à tout prix oublier. Conscient de son égoïsme, Jafar avait fait en sorte qu'elle y soit confronté tout de suite.
Belle entra dans la majestueuse demeure avec une certaine appréhension. Et alors qu'elle pensait pouvoir fuir Eloïse toute la soirée, Belle l'aperçut à quelques mètres d'elle, accompagnée d'un jeune homme un peu moins grand que le sultan mais dont le teint hâlé ne laissait aucune place au doute.
Bizarrement, en voyant Eloïse, elle ne ressentit rien...pas même une émotion juste un goût amer logé au fond de gorge. Le pire c'est qu'elle n'avait pas changé. Perchée sur ses hauts talons, elle portait une robe crayon, moulant son corps dont une partie n'était plus naturelle. Ses cheveux noirs mi-long étaient soigneusement lissés. Quant à son visage fraîchement maquillé il donnait l'impression qu'elle était figé en une seule et même expression.
Le dédain.
Mais au moment où elle s'approcha, elle esquissa un sourire forcé,
- Je préfère faire les présentations maintenant, déclara le sultan d'une voix sèche ; Zuyad je te présente Belle Moor, Belle je vous présente mon cousin.
- Ravi de vous rencontrer, articula Zuyad en la dévisageant.
Pour faire preuve de politesse, Belle esquissa un sourire qui se voulait sincère.
Après tout cet homme ne lui avait rien fait de mal, songea-t-elle en évitant de regarder Eloïse droit dans les yeux.
- Pour ce qui est du reste, reprit le sultan en dominant la situation ; Je crois qu'il est inutile que je fasse les présentations.
- Je suis ravie de te revoir Belle, tu as tellement changée ! S'exclama Eloïse avec un sourire pincé.
- Toi aussi, répondit Belle en la toisant de la tête aux pieds ; Je vois que l'héritage de mon père t'a aidé dans ta transformation tant souhaitée.
Cette dernière lui jeta un regard glacial alors que ses joues s'embrasèrent d'une fureur contenue.
- Je suis ici seulement pour que la presse me laisse tranquille, alors faisons comme si nous étions invisibles l'une et l'autre sauf en cas de besoin, rajouta Belle en jetant un furtif coup d'œil au sultan qui n'avait pas bougé d'un millimètre.
Très vite elle comprit qu'il n'était le seul à la regarder, car Zuyad la fixait depuis plusieurs secondes...de quoi la rendre un peu plus mal à l'aise.
- Si tout est clair, je pense qu'il est temps pour nous d'aller nous préparer, intervint Jafar en pivotant les talons, emportant avec lui la jeune femme.
Belle avisa son manteau fermé en grimaçant car sous celui-ci elle avait mis une robe simple, tellement simple qu'elle redoutait le moment où elle devrait ôter son manteau.
- Vous vous êtes bien débrouillée, nota-t-il doucement.
Belle étouffa un rire sec.
- Quand je pense qu'elle est passée sous le bistouri avec l'argent de mon père, dit-elle en le suivant dans l'imposant escalier en bois ; Ses seins sont sur le point d'exploser quant à ses lèvres gonflées, je ne préfère même...
Dans sa diatribe, Belle manqua une marche et n'eut pas le temps d'anticiper sa chute car deux mains fermes la rattrapèrent à temps.
Saisie de violentes rougeurs, Belle baissa les yeux, honteuse.
- Si ça continue comme ça, je vais devoir vous tenir par la main, dit-il d'une voix moqueuse.
- Merci mais ça ira, je pense pouvoir m'en sortir, bredouilla-t-elle en luttant contre le rouge cramoisie qui lui montait aux pommettes.
- Alors poursuivons, ordonna-t-il en l'invitant à le suivre.
Belle fronça des sourcils car elle ne comprenait pas pour quelle raison il l'avait fait monté au premier étage. Il ouvrit une porte puis s'écarta pour la laisser passer.
- Je peux savoir ce que je fais ici ? Demanda-t-elle d'une voix nerveuse.
- Vous êtes dans la chambre que je vous ai attribuée, répondit-il d'une voix caressante avec un haussement d'épaules négligeant.
- Qu...quoi ? Je ne comprends pas, je croyais qu'il s'agissait d'une réception, pourquoi me donner une chambre ?
Impassible, il plissa des yeux en silence.
- Vous ne m'avez rien dit de tout ça, insista Belle.
- Vous en êtes certaine Belle ? S'enquit l'homme en plissant de nouveau des yeux comme deux fentes impénétrables ; Pourtant j'étais persuadé de vous l'avoir dit.
- Dites plutôt que vous m'avez piégé ou que vous ne m'avez pas tout dit, s'emporta Belle en le dévisageant.
- Vous avez raison, je ne vous ai pas tout dit Miss Moor, avoua-t-il sans lui exprimer le moindre regret.
Puis il s'avança, brisant l'espace qui les séparait.
- Mais maintenant que vous êtes à ma portée, je peux enfin vous révéler la partie manquante, reprit-il alors que dans ses yeux, elle pouvait y déceler une lueur mystérieuse.
Une lueur qu'elle n'avait jamais perçue auparavant...
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