5. Le baiser de l'au revoir

Cléo avait beaucoup pleuré.

Il avait pleuré au self, dans son lit, sous la douche, en prenant son petit déjeuné et même lors de la ballade de son chien Chupa.

Il se détestait et il détestait ça mais il n'y pouvait rien. Il avait suffit d'une toute petite phrase pour que ses 2 ans de relation ressortent sans prévenir, le plaçant sur une bascule particulièrement sensible. Un coup de vent et il retombait dans les bras de Maya.

C'était dur, de perdre son premier amour. Simplement cela. Et ça faisait vraiment, vraiment mal de réaliser que c'était toujours dur, même après un mois de soirées, de bières, de coups d'un soir ; bref d'été. Il regrettait, un peu, d'avoir refusé le dialogue. Mais finalement, que se seraient-ils dit ? Ce n'est pas comme si ils allaient se remettre ensemble. Mais quand même... Sur un coup de folie, Cléo attrapa son téléphone, débloqua Maya -en priant pour qu'elle ne l'ait pas bloqué, lui- puis rédigea un message sans trop réfléchir. 

Trente minutes plus tard, elle était en bas de chez lui. 

Il se triturait les mains avec nervosité, elle se mordillait la lèvre, anxieuse. Elle n'avait pas changé de parfum. C'était comme un vieux souvenir qui ressurgissait, dans un moment inopportun, comme une Madelaine de Proust dans laquelle on n'avait pas eu envie de croquer. Pourtant Cléo ne pu qu'apprécier, apprécier cette odeur qui lui faisait tout remonter ; ça faisait mal physiquement, comme si les souvenirs remontaient dans sa poitrine, éraflaient son plexus solaire. Tu m'as manq- c'est ce qu'il faillit dire. Mais après l'épisode de la cafétéria, il sentit qu'il n'en avait pas le droit.

"Tu voulais parler, commença t-il.

- Oui. Tu ne m'en a pas laissé l'occasion. Ni tout à l'heure, ni cet été, puisque tu m'as bloquée.

- J'en suis désolé, je suis là maintenant. Mais tu me comprends.

- Je te comprends. "

Une heure et demi. Une heure et demi à reparler d'eux, à parler du passé, du présent qui s'y entremêle, des non-dits et des fautes commises. Maya avait bien avoué l'avoir trompé : un garçon qui habitait non-loin de sa maison de vacances, un peu plus vieux, déjà étudiant. La tromperie n'avait pas été bien loin, mais malgré tout elle avait eu lieu. Cléo s'était aussi excusé, de son absence amoureuse cet été. Il n'avait pas été présent, c'est vrai, ou du moins pas en tant que copain. Il y avait des jours, des semaines parfois, où le jeune homme se sentait, sans qu'il ne sut l'expliquer, complètement détaché, hors du monde. Faute de chance cela était arrivé de longs jours pendant l'été, durant lesquels Maya s'était sentie complètement abandonnée. La conclusion fut la suivante : leur relation était arrivée à son terme, comme la plupart des premiers amours. Pourtant, un regret mutuel persistait, une envie de recommencer, que ni l'un ni l'autre n'avait osé exprimé. L'histoire aurait-elle était différente si ils l'avaient fait ? 

Cléo s'essuya la bouche. 

Ils s'étaient embrassés. 

Cela avait été plus un bisous d'au-revoir qu'autre chose, mais pour autant dans la poitrine du jeune garçon, son cœur battait très fort.  

*

Il se faisait déjà tard : il envoya un message d'excuse à Azaël pour s'excuser du retard. Ses émotions étaient en vrac -il ne savait pas si il avait envie de crier ou de pleurer, ou, éventuellement de s'emmurer dans un silence. Le fait est qu'il n'avait par conséquent aucune envie de se rendre à cette soirée organisée par les jumeaux, la soirée "opération séduction" dixit Azaël. Il est vrai que théoriquement, c'était ce dernier et Cléo qui étaient les plus à même d'accomplir leurs missions, puisqu'il était peu probable qu'Abraham se lance pour des raisons légales évidentes, et que Newton n'avait pas encore eu l'occasion de parler à sa cible. Les trois amis avaient tous félicité Azaël quand il avait annoncé s'être rapproché d'Angel pour unir les deux groupes. Mais Cléo ne pouvait s'empêcher de se demander comment le jumeaux taquin avait réussi à convaincre Angel, connaissant ses méthodes peu orthodoxes. 

Mais bien sûr, ce n'était pas de la jalousie.

Il descendit au salon pour trouver sa mère occupée à répondre à ses mails, sourcils froncés. Elle releva la tête quand elle le vit :

" Tu vas bien ?"

Un ange passa. Elle enchaîna :

" Cléo je sais que tu as vu Maya, comment tu te sens ? 

Elle connaissait l'histoire. Elle avait beaucoup apprécié Maya durant la relation de cette dernière avec son fils, parce que c'était une jeune fille polie, enjouée, jolie et très intelligente. Du point de vue d'une mère : la belle-fille parfaite. Cependant, en tant que mère également, elle vouait tout naturellement une haine relative à cette fille qui avait osé tromper son fils, bien qu'elle ne l'ait jamais exprimé à Cléo, ne voulant pas envenimer la situation.

- Ça va, on a parlé, on s'est expliqué, répondit le jeune garçon, peu loquace.

- Tu as une soirée ce soir non ? Tu n'y vas pas ?

- Si si... je sais pas trop quoi mettre. C'était la seule explication qu'il avait trouvée.

Marion Gaïus, qui n'était pas dupe, mais qui ne laisserait cela-dit jamais son fils se rendre à une soirée habillé comme un plouc, se leva promptement.

- Cléo, vient là, appela-t-elle une fois dans la buanderie. Une fois son fils arrivé, elle lui tendit fièrement une étoffe noir-jais, douce sur les doigts, légèrement transparente, dont le tout formait une chemise large mais élégante. Normalement, continua-t-elle, c'était pour le premier rôle, mais je l'ai mal taillée et il l'a déchirée au niveau des bras. Je l'ai recousue et je l'ai gardée en me disant qu'elle t'irait bien.

- Oh, merci maman."

Cette attention, sans qu'il ne sache trop pourquoi, le toucha particulièrement. Il arrivait souvent que sa mère, costumière et couturière pour une compagnie de théâtre, lui apporte de beaux vêtements laissés pour compte. Mais c'était là une des plus belles pièces se dit-il, qu'elle ait pu lui donner. Il se déshabilla sans pudeur -après tout, c'était sa mère, et enfila la chemise qui lui allait (sans surprise) à la perfection.

*

Il arriva comme prévu en retard chez Azaël et Abraham. Connaissant les lieux, il se permis d'entrer avec le double des clés caché dans le pot de géraniums, et passa par le grand salon à l'aile Ouest pour saluer les propriétaires des lieux. Le père des jumeaux, qui adorait Cléo, lui tenu la grappe pendant 10 bonnes minutes, ce qui le mis encore plus en retard qu'il ne l'était déjà. Armand finit par lui indiquer l'aile Est en lui proposant de dormir au manoir si il le souhaitait. 

Arpentant les couloirs de la grande demeure, Cléo repensa au baiser avec Maya : devait-il le dire à ses amis ? Si Newton ne l'apprenait pas de sa bouche, il serait assurément déçu. Mais Azaël risquait de ne se moquer de lui, et Abraham le jugerait sans aucun doute. Mais après tout, comment pourraient-ils l'apprendre ? Ce n'est pas comme si Maya risquait de la crier sur les toits. Il décida donc de ne rien dire, et de prendre Newton à part quand il en aurait l'occasion. Car même si ce dernier passait pour le plaisantin du groupe la plupart du temps, il savait se montrer sérieux et attentif quand la situation le demandait. Cléo le savait, car Newton avait été plus que présent lors de sa rupture avec Maya ; ce n'était pas son meilleur ami pour rien. Je devrais lui donner un coup de main avec sa cible, se dit le blond, je lui doit bien ça.

Presque arrivé au selon des jumeaux, il entendit des rires et de la musique, signe que la soirée se passait bien. Son cœur battit un coup fort dans sa poitrine : Cléo retrouvait ses amis, il le savait, mais il avait toujours cette pointe de stress, inévitable, qui le saisissait en amont de chaque évènement social. Il inspira donc un grand coup en songeant à une bouteille de vin blanc qui l'attendait probablement, et poussa la porte du salon.

9 paires yeux se tournèrent vers lui, Mais Cléo n'en vit qu'une.

Des yeux verts qui le dévoraient tout entier.

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