36. Foutue cravate
"Donc vous vous êtes comme par hasard retrouvés à la même soirée ?
- Parce qu'Angel est devenu ami avec Félix ?
- Et qu'il est le stagiaire de ton prof de droit ?
Cléo cligna des yeux :
- Euh, oui, c'est à peu près ça.
Puis les quatre étudiants éclatèrent de rire. La situation n'était pas si drôle, mais c'était plutôt l'euphorie de se retrouver après tant d'années qui faisait cet effet. Maya reprit son souffle et se leva pour enlacer Angel :
- Tu m'as manqué. On s'est tous inquiétés quand tu as disparu.
Cléo baissa les yeux. S'inquiéter, c'était le minimum qu'elle puisse dire. Il en avait fait des cauchemars. Des cauchemars où, inlassablement, il perdait Angel. Des cauchemar qui n'avaient pas de fin, ni de solution.
Newton posa une main sur son épaule en souriant :
- Ça va mec ?
Il prononça ces mots assez bas pour que seul Cléo ne les entende.
- Je sais pas, souffla ce dernier en guise de réponse.
Et Newton resserra la main sur son épaule, comme pour dire je serai là.
Cléo lui sourit en retour.
Mais sourire fut difficile car il était soudain envahi d'une vague d'incertitudes. Il regarda Angel qui riait avec Maya et il fut pris d'un terrible doute : est-ce que c'était la bonne chose à faire ? De laisser Angel entrer dans leur vie de nouveau ? Parce qu'il n'avait pas fait que du mal à Cléo en disparaissant. Tout le groupe en avait pâti. Individuellement et collectivement. Et même si la faute ne revenait pas à Angel directement, qu'il était au final la plus grande victime dans l'histoire, Cléo ne savait pas si il se rendait compte de l'énergie que cela prenait quand il était dans les parages.
Mais après tout un an avait passé. Et Angel s'était fait soigner. Et il avait l'air d'aller mieux. Et Cléo ne pouvait pas ignorer que son cœur se réchauffait à le voir là, chez lui, dans sa cuisine, à boire le café qu'il avait préparé et à rire avec sa meilleure amie. A l'heure actuelle, tout semblait facile et il aurait voulu que ça reste ainsi.
- Jolie coiffure Newt', interpella Angel.
- Merci mec, elle m'a coûtée une blinde et j'ai cru que mon crane allait exploser tellement la coiffeuse serrait mes tresses. Mais ça en valait le coup.
- Je confirme, renchérit Maya.
- Bon, sinon, qu'est-ce que vous veniez faire à la base ici ?
- Oh, c'était pour t'annoncer une bonne nouvelle.
- Oui, tu sais pas quoi ?
- Mayalène et moi, on va être parents !
- Quoi ?!"
*
De Angel à Moi : Qui aurait cru que les bébés de Newt' et Mayalène étaient deux cochons d'indes ?
De Moi à Angel : En vrai, ça m'étonne pas d'eux. Mais bon, Quenelle et Fusée, ils auraient pu faire mieux comme noms.
De Angel à Moi : Oh bah moi, je trouve ça trop cool.
De Moi à Angel : Évidemment que tu trouves ça cool, c'est pas toi qui devra les garder quand ils seront pas là !
Cléo sourit derrière son écran. Utiliser WhatsApp sur son ordinateur en cours était vraiment la technique ultime.
"A qui tu souris comme ça ? Demanda Félix.
Bon, ils étaient en plein cours, mais Cléo avait visiblement mieux à faire.
- Personne.
- Menteur.
- J'te jure.
- Menteur, vous avez fait quoi avec mon pote quand vous êtes partis ensemble de ma soirée ?
"Son pote". Comment dire...
- Je t'ai dit que je te parlais plus vu que t'as osé invité Éloi.
- Et je t'ai dit que je l'ai défoncé avant d'arriver en Amphi 4 !
- ...
- Défoncé verbalement ! Je te jure que je lui ai fait regretté ce qu'il t'a fait !
- ....
- Aller Cléochou dis quelque chose...
Cléo ne pu s'empêcher de sourire devant la tête de son ami. Il céda :
- Pff. Bah, rien, on a dormi.
Félix afficha un air vainqueur :
- Tu vas pas me dire merci ?
Cléo fronça les sourcils :
- Pour quoi ? Pour avoir ouvert mes chakras et pensé à quelqu'un d'autre qu'Andréanne ?
- Bah non bêta, pour t'avoir fait retrouvé Angel !
Le blond arrêta un instant de sourire. Comment ça ?
- Comment ça ?"
*
Félix. Avait. Reconnu. Angel. Depuis le début.
Merde alors, il n'en revenait !
Certes, il lui avait déjà parlé de cette histoire, mais il ne lui semblait pas lui avoir montré de photo ou quoique ce soit. Quoiqu'il en soit, son ami avait tout fait pour lui faire recroiser la route d'Angel. Et de surcroît, il avait appris que les deux s'était vus pour la première fois au gala de charité de son association, sans même qu'il se doute de quelque chose. Cléo ne savait pas si à cet instant c'était le pire ou le meilleur ami qu'il ait jamais eu.
Il marchait d'un pas nerveux en direction de la salle de photocopie alors qu'il entendit une fois l'interpeller :
"Eh, Cléo !
Cette voix, il la connaissait : Andréanne. Elle se tenait droite, toujours impeccablement habillée, ses cheveux ramenés en queue de cheval haute. Il se sentait coupable. Elle avait du le voir partir avec Angel de la soirée de Félix.
- Oh, Andy, tu.. je... je suis désolé, lâche t-il finalement, car c'était ce qui semblait le plus juste à dire.
Andréanne haussa les épaules :
- T'inquiète, on est pas ensemble.
Elle était particulièrement belle aujourd'hui et Cléo eut un pincement au cœur. Ils s'entendaient réellement bien et peut-être que si il n'y avait pas eu d'histoire de sexe entre eux, ils auraient été bons amis.
- Andréanne je crois pas que...
Qu'on se reverra. Enfin, pas comme ça. Pas ensemble.
- Oui, je sais, répondit-elle rapidement, comme si elle avait déjà compris. Tu sais... je t'aimais vraiment bien Cléo. Mais je sentais bien que tu n'aurais jamais pu me donner plus que de l'affection. Ton cœur... a l'air d'être autre part.
Le blond baissa la tête. Il se sentait honteux parce qu'elle avait raison.
- Je suis désolé, répéta-t-il.
Andréanne émit un couinement et renifla :
- Putain, je m'étais promis de pas m'attacher, la honte.
Elle essuya une larme qui coulait insolemment.
- Je vais y aller là, parce que je vais pas en plus me prendre l'humiliation de pleurer devant toi", continua-t-elle.
Et elle dépassa rapidement Cléo, qui resta pantois. Il souffla un bon coup. Il se sentait lourd. les émotions de ces derniers jours commençaient à s'accumuler. Il avança jusqu'au fond du couloir et poussa la porte de la salle informatique. Il avait des flyers à imprimer pour son association ; ça allait lui changer les idées.
Mais alors qu'il se connectait à l'ordinateur -qui mettait un certain temps à charger, foutu matériel de la fac, il entendit une voix derrière lui :
"Cléo ?
- Angel ?
Décidément.
Le destin ne semblait pas avoir pu les garder loin l'un de l'autre. Le châtain se tenait au fond de la pièce, derrière une étagère, ce qui expliquait que Cléo ne l'avait pas vu en entrant. Angel s'avança doucement, l'air embêté :
- Je sais que je t'avais dit que je ne viendrais plus aux cours de ton prof, enfin, de mon tuteur, mais il m'a juste demandé de passer pour ramener des contrats à un client. Il m'a dit que je pouvais faire les photocopies là au lieu de repasser au bureau. J'ai essayé de te prévenir, enfin, je voulais être sûr que ça te dérangerait pas, mais tu répondais pas à mes messages. Mais bon, je voudrais pas empiéter sur ton... euh, ta nouvelle vie donc...
La vérité était que Cléo n'en avait pas grand chose à faire des excuses d'Angel, si ce n'était dire qu'il ne les entendait pas.
Il était concentré sur autre chose.
Car -mon Dieu, Angel portait un costume de travail et il... il était l'homme le plus sexy que la terre ait porté. Et ce de manière totalement objective, bien sûr, pas simplement dans l'esprit de Cléo.
Angel passa la main dans son cou et Cléo eut envie, navré de le dire, de lui arracher sauvagement cette insolente cravate qui l'empêchait de voir sa nuque.
Angel parlait, parlait, parlait et sa bouche se mouvait dans un mouvement qui semblait comme au ralenti pour Cléo. Parce qu'il s'imaginait toutes sortes de chose, avec cette bouche bavarde, toutes sorte de chose, vraiment.
Et puis, à mesure qu'il le regardait, là, à être juste si beau dans son costume, Cléo se dit que pour une fois, il avait envie d'être égoïste. Pour une fois. Parce que c'était dans sa nature depuis toujours de penser aux autres. Mais là, à cet instant précis, il ne pensait qu'à lui et cette putain de bouche et à ce putain de cou et à cette foutue cravate.
- Et puis merde, finit-il par lâcher.
Oui, merde, car le destin n'avait pas mis Angel sur sa route un nombre incalculable de fois pour rien.
Le châtain interrompit immédiatement son monologue, étonné. Mais il n'eut pas le temps de poser de question que les lèvres du blond étaient déjà presque collées aux siennes. Il poussa un hoquet de surprise, puis ouvrit la bouche comme pour parler mais rien se sorti. Cléo vit son regard passer de ses yeux, à ses lèvres, puis de ses lèvres à ses yeux.
Le blond attendait. Il attendait car même si il voulait désespérément être égoïste à ce moment précis, il ne voulait l'être que si Angel le voulait aussi.
Il ne restait plus que la place d'un filet d'air entre eux. Leurs bouches se frôlaient. Il avait les yeux grands ouverts, ancrés dans ceux d'Angel qui le regardait comme si il était un diable. Et Cléo sentit des papillons partout dans son corps.
Peut-être que c'était trop, vraiment trop, car le châtain ferma les yeux. Il respirait fort et vite, et ils étaient si proches que Cléo sentait son torse se soulever contre le sien. Angel avait la bouche entre-ouverte et les yeux clos. Alors, dans un souffle presque inaudible, il prononça sa réponse :
- Pitié... vas-y.
Cléo sentit une chaleur remonter dans son cœur à l'entente de ces trois mots. Il ne lui en fallait pas plus : il fondit sur ses lèvres.
Mon dieu, mon dieu, mon dieu.
C'était bien trop bon, bien trop doux. Pourquoi -comment, avait-il pu attendre jusque là ? La bouche d'Angel, sa langue, ses mains qui s'accrochaient à ses hanches, qui le tiraient contre lui : tout ça, c'était tout ce que voulait Cléo. Tout.
Il gémit doucement parce que ça faisait du bien. Ça faisait du bien de le sentir aussi proche. Angel rit doucement entre deux baisers et Cléo eut l'impression que son rire pourrait le tuer trois fois. Il l'embrassa de plus belle pour le faire taire.
Il s'embrassèrent si fort qu'il n'entendirent pas l'ordinateur de Cléo qui s'allumait enfin, ou bien les photocopies d'Angel qui tombaient une à une sur le sol puisque personne ne les ramassait. Il ne voyaient, ne sentaient, n'entendaient qu'eux, eux et eux seuls. Cléo entendait la respiration erratique d'Angel, Angel entendait les doux gémissements de Cléo. Cléo sentait l'odeur d'un costume neuf, Angel sentait le doux parfum d'un nouveau shampoing.
Dans un moment pareil, le mythe n'en est pas un : ils sont seuls au monde.
Cléo finit par dégager la nuque d'Angel en tirant sur sa cravate. Il fondit dans son cou, partout là où il pouvait. Le châtain se laissa faire, comme docile, les yeux fermés, mais toujours en agrippant fort les hanches du blond.
- Cléo..., souffla Angel.
Pitié. Cléo aurait voulu qu'il dise son nom, encore et encore. Il agrippa les cheveux du châtain, en tirant presque dessus, alors qu'il s'acharnait sur son cou de plus belle. Angel émit un son plus plaintif.
- Cléo... répéta-t-il.
Le blond mordit sa nuque et s'en fut apparemment trop. Il se sentit soulevé -bien trop facilement, par des bras qui le déposèrent rudement sur une des tables de la pièce. Merde alors, ils voulaient tous les deux la même chose. Les deux garçons se regardèrent intensément, reprenant leur souffle tout en restant extrêmement proches. Cléo finit par rire doucement :
- Dans un établissement scolaire, encore ? Chuchota-t-il.
Angel sourit à son tour :
- Bah, ça deviendra notre spécialité.
Puis il passa insolemment une main sous le t-shirt de Cléo, qui ne put se retenir d'émettre un son de satisfaction.
- Oua -ouais, finit-il par prononcer difficilement. Je crois que -merde Angel, que c'est notre truc.
- Je crois bien aussi."
Et à ces mots, Angel le plaqua sur la table de la salle informatique.
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