34. Comme à la maison

"Enchanté, moi c'est Cléo."

Il prononça ces mots avec bien plus d'assurance que ce qu'il en était réellement. Angel était devant lui. Angel qui se révélait être l'ami mystère de Félix.

Cléo était de ceux qui croyaient en "qui doit se retrouver se retrouvera". Et si la vie avait fait en sorte que son ex trouve le chemin de son meilleur ami de fac, alors ça devait être pour une raison. Si il n'avait pas réussi à le rattraper ce jour là après son cours, c'était peut-être parce qu'ils devaient se retrouver ce soir. Peut-être. Ou peut-être que Cléo se trompait sur toute la ligne.

Ce qu'il su en tout cas, c'est que cette poignée de mains lui déclencha des frissons dans tout le corps. C'était Angel qu'il touchait, son Angel. Il portait ce soir un haut simple, mais dieu, une chose qui n'avait pas changée était que c'était dans les habits les plus humbles que le châtain était le plus sexy.

Ils jouaient à un jeu dangereux. Faire semblant de ne pas se connaître plutôt que de se retrouver et s'expliquer ? Il y avait quelque chose -et Cléo s'en mordait les doigts, d'un peu excitant dans tout cela. Et puis, quelque part, c'était tellement plus facile comme ça. Plus facile que de jouer l'air des retrouvailles dramatiques et des explications sous les pleurs. Plus facile que de poser les milliers de questions qui trottaient dans sa tête depuis plus d'un an. Plus facile que d'entendre des réponses dont il avait peur.

"Et je te présente Auguste, son +1", enchaîna Félix en toute innocence.

Cléo fronça les sourcils. Naïf, il s'était peut-être imaginé qu'Angel était venu seul.

Raté.

Le Auguste en question était loin d'être moche. Il abhorrait une coiffure assez excentrique -à savoir des cheveux ras teints en blond ornés de fleurs en teinture rose. Il avait un visage doux qui contrastait avec un corps qui semblait très en forme. Cléo pensa un instant à son propre corps trop svelte à son goût avant de chasser cette pensée. 

Il tendit la main à Auguste avec un sourire et ce dernier lui rendit un regard énigmatique en précisant :

- Son coloc, en quelque sorte.

Très bien, c'était donc ça. Cléo ne laissa rien transparaître ; après tout il était bien lui-même en quelque sorte engagé dans une espèce de relation ; d'ailleurs, où était Andréanne ? Il espéra qu'elle ne venait pas ce soir, ce n'était vraiment pas le moment.

- Faites gaffe les gars, lança une fille, ne vous laissez pas avoir par sa tête d'innocent, gardez vos distances !

Auguste leva un sourcil :

- Ah oui ? Pourquoi ?

La jeune fille rit gentiment :

- Bah... c'est Cléo quoi. Je veux dire... Félix, Typhaine, Andr-

- Nickel Jenna, merci pour la réputation, la coupa le concerné avec un sourire feint.

Merde alors, est-ce qu'elle était obligé de l'afficher comme ça ? Bon cela dit, il n'avait certes pas été le plus intelligent à fréquenter des gens de la même promo. Cléo osa un regard vers Angel qui semblait amusé de la situation. Il aurait voulu souffler d'exaspération et lui lancer une pique bien placée, mais il ne pouvait pas. Ils n'étaient pas censés se connaître.

- Ah oui, c'est un mec comme ça Cléo ?

Le blond faillit s'étouffer avec son verre en voyant qu'Angel se prêtait au jeu de la conversation.

- Bah, regarde le, c'est quand même le mec le plus charmant ici, c'est normal qu'il en profite. Enfin toi... tu pourrais lui faire de l'ombre, rajouta la jeune fille, Jenna, en regardant Angel de haut en bas.

- Super, parlez comme si j'étais pas là, souffla Cléo, de plus en plus embarrassé.

- Ah, c'est clair que je suis bien plus beau que lui, répondit Angel avec un grand sourire.

- N'importe quoi, c'est moi le plus beau ici, interpella Auguste en se rajoutant dans la conversation. Et d'ailleurs, toi tu es la plus belle fille de la soirée, si je peux me permettre, ajouta-t-il en se tournant vers Jenna.

Cette dernière rougit immédiatement. Angel leva les mains en signe de défaite. Cléo était confus. Il ne savait pas comment réagir ; il avait rarement vécu une situation aussi bizarre. La seule bonne chose pour l'instant, c'était qu'Auguste semblait donc être réellement le coloc d'Angel et rien de plus.

Et alors qu'il tergiversait sur comment agir ce soir, Félix hurla :

- Allez les pintades, on danse !!"

*

Comment en était-il arrivé à voir aussi flou ? Cléo avait commencé par boire un verre, puis deux, afin de se donner du courage. Au bout du cinquième, il en était venu à se dire que merde, ce n'était pas à lui de faire tous les efforts. Après tout, c'était Angel qui était parti sans prévenir. C'était Angel qui ne lui avait jamais répondu.

C'était Angel qui l'avait abandonné.

Cléo secoua la tête pour chasser cette pensée. Pas. de. mauvaise. pensé. avant. d'avoir. parlé. Encore fallait-ils qu'ils se parlent. Mais si le cœur de Cléo lui hurlait de courir dans les bras d'Angel et de l'embrasser, son égo lui disait de l'ignorer... et son ventre le suppliait d'arrêter de boire.

Merde, il avait vraiment la tête qui tournait.

Félix arriva vers lui en tourbillonnant.

"Tu ne vas pas le voir ?

Cléo dû faire un effort pour comprendre ce qui venait de lui être dit :

- Qui ?

- Bah, mon nouvel ami.

Son nouvel ami ? Ah, Angel ! Ou son ex, ou son amour qu'il n'avait jamais réussi à oub- enfin bref. Cléo secoua la tête une énième fois. Décidément, ses pensées prenaient beaucoup trop de libertés ce soir.

- Pourquoi j'aurai envie d'aller le voir ? Finit-il par articuler après un temps de réflexion excessivement long.

- Bah, tu le fixe depuis tout à l'heure.

Oui en même temps, qui ne le ferait pas ? Il était là, à quelque mètres, beau comme un dieu, à se déhancher de manière bien trop sexy sur du ABBA. 

- Bah, ça veut rien dire, répondit Cléo sur le même ton. 

Il n'avait trouvé que ça, trop ivre pour inventer un quelconque mensonge.

- N'importe quoi, je commences à te connaître : tu veux ce joli monsieur. Aller mon Cléo, un peu de courage, continua Félix, ça fait des semaines que tu restes avec Andréanne par dépit. 

- Non, elle... elle est super, c'est pas du dépit.

- Dans ce cas, pourquoi t'officialises pas avec elle ?

Touché. Cléo voulu lever les yeux au ciel, mais provoqua à la place un mouvement de tête incontrôlé qui le fit basculer en arrière. Il se rattrapa de justesse contre la table.

- Oh bah merde, t'es sacrément bourré ! Lança Félix, ne se rendant compte que maintenant de l'état de son ami. J'allais te mettre au défi d'aller le chopper, mais du coup c'est pas une bonne idée, continua-t-il avec un air un peu inquiet.

Cléo lâcha un petit rire. Ça lui semblait alors très drôle. Un défi ? Félix ne croyait pas si bien dire. Si il savait que c'était comme ça qu'avait commencé sa relation avec Angel.

- J'accepte, lui répondit Cléo galvanisé par l'alcool.

- N'importe quoi, t'accepte rien du tout, t'es complètement mort !

- Ah ouais, t'as raison, je peux pas le retrouver comme ça, faut que j'aille me... débarbouiller.

Félix afficha un air confus :

- Le retrouver ?

- Aller je file à la salle de bain, surveille le pour moi Félichou !

- Euh -ouais, c'est ça, va dans la salle de bain", lâcha Félix, visiblement soulagé que Cléo laisse tomber si facilement.

*

Le trajet du salon à la salle de bain paru excessivement long à Cléo. Il n'y avait pourtant que quelques pas à faire, mais déjà monter les escaliers fut une épreuve abominable. Argh, pourquoi avait-il autant bu ? Arrivé en haut, il n'y avait que deux portes. Cléo était déjà venu auparavant, mais n'avait à l'instant présent aucun souvenir des ces deux portes et décida donc d'en ouvrir une au hasard en espérant tomber sur sa salle de bain tant recherchée.

Évidemment, il s'était trompé. Il était arrivé dans la chambre de Félix.

"C'est pas vraaai..., arriva t-il à prononcer en se parlant à lui-même.

Il s'assit un instant sur le lit -en réalité 10 bonnes minutes mais le temps lui paru bien moins long, la tête entre les mains, essayant de stopper le bourdonnement dans son crâne. Quand il se décida enfin à repartir, il n'eut pas le temps de se lever que la porte s'ouvrit.

"Cléo ? T'es là ? Prononça une voix en entrant.

Déjà, ce n'était pas une voix féminine. Et... ce n'était pas non plus Angel, ni Félix. Alors qui...

- C'est moi, Éloi, continua la voix.

Roh, qu'est-ce qu'il faisait là lui ? C'était bien la dernière personne qu'il avait envie de voir. Cléo voulu se lever et s'en aller, mais son corps était terriblement lourd.

- T'inquiète Cléo, j'ai compris le message, je sais pourquoi tu t'es isolé, je devais juste attendre un peu avant de te rejoindre.

Que racontait-il ? Cléo essaya tant bien que mal de faire remonter quelque chose à son cerveau, mais rien ne lui vint : il ne trouvait pas à quoi Éloi faisait référence. Il fronça les sourcils :

- Je comp-

- Je le savais, lui chuchota le garçon en s'approchant, je savais que tu m'aimais encore !

Hein ? Si Cléo était certes bien éméché, il savait pourtant avec certitude qu'il n'avait aucun sentiment à l'égard de cet... hétéro curieux.

- N'importe quoi, parvint-il à articuler difficilement. 

Éloi s'agenouilla à son niveau :

- Cléo je suis désolé, j'étais pas prêt à assumer mais maintenant je peux. Je vais le faire, pour toi, pour nous !

Et il tenta de prendre la main du blond, qui commençait lentement à dessouler. Il ne voyait pas comment Éloi avait pu se faire autant de films alors même qu'il ne lui avait envoyé aucun signaux. A la base il était monté dans cette chambre pour... pourquoi d'ailleurs ? En tout cas, il était temps de partir, car l'étudiant désespéré commençait à lui faire peur. Cléo réussit à se lever tant bien que mal et s'extirpa du lit en évitant la main d'Éloi qui cherchait son contact.

- Qu'est-ce que tu fais Cléo ? Tu t'en vas ? T'assumes pas ?! T'es qu'un connard, Cléo ! T'as tout chamboulé chez moi, t'as gâché ma vie ! Et maintenant tu te casses ?!

Le blond entendit des larmes dans la voix de son interlocuteur. Il eut un instant de la peine pour lui : Éloi aimait les hommes mais ne s'assumait pas et il en souffrait. Cléo réunit toutes ses forces pour formuler une phrase cohérente :

- Éloi, ce n'est pas parce que je t'ai fait réaliser que tu aimais les hommes que j'ai gâché ta vie. Tu l'aurai découvert un jour ou l'autre.

Et il s'éloigna ; il n'avait pas envie de rester une seconde de plus à côté de ce garçon. Mais Éloi lui attrapa le bras ; Cléo fut surpris de sa poigne. Il ne semblait pas avoir l'intention de le lâcher.

- Non, non, non c'est pas possible, je t'aime moi, Cléo, je t'aime !

Le garçon lui enserrait le bras de plus en plus fort. Et bien qu'il commençait à dessouler, le blond n'avait pas assez de force pour se dégager. Il lui répondit un peu paniqué :

- Mais t'es complètement malade ! Lâche moi !

Le visage du garçon en face de lui trembla un instant mais il ne lâcha pas son bras pour autant. Cléo se demanda comment sa soirée aurait pu être plus chaotique que ça, mais il n'eut pas le temps d'aller jusqu'au bout de la réflexion car alors qu'il tirait pour forcer Éloi à le lâcher, ce dernier tira si fort de son côté qu'il projeta Cléo à terre.

Le temps qu'il réagisse, son dos heurta violemment le sol. Merde alors, ça faisait un mal de chien ! Une voix familière retenti au loin :

- Connard !

Et alors que Cléo se redressait à peine, Éloi fut projeté à terre à son tour. Il s'écrasa pathétiquement en sanglotant. Cléo ne ressenti même plus de la pitié, mais un simple dégoût.

- Cléo, ça va ?

Est-ce que à allait ? Oui, à peu près. Il leva le visage celui qui venait de parler. Angel. Évidemment que c'était lui. Il hocha la tête.

- Aller viens, on se casse d'ici."

*

"Est-ce que tu as mal quelque part ? S'enquit Angel en touchant son front.

- Mh, mis à part à mon égo, ça va. Franchement, me dire que j'ai fréquenté ce mec me dégoûte.

Les deux garçons s'étaient réfugiés dans la salle de bain. En entrant, Cléo s'était vaguement souvenu de pourquoi il la cherchait en premier lieu. La honte. La seule bonne chose dans l'histoire, c'est que son altercation avec Éloi l'avait pratiquement fait dessouler. Il ferma les yeux en appréciant le geste d'Angel qui passait un gant de toilettes sur son visage.

- Ah, il faisait parti de tes nombreuses conquêtes ? Lança Angel malicieusement .

Cléo n'avait même pas la force de protester pour sauver sa réputation.

- Ouais. Franchement, les hétéros curieux, plus jamais. Je comprends pourquoi tu m'avais dit ça dans la bibliothèque des jumeaux.

Angel sourit au souvenir évoqué par Cléo. Il lui avait effectivement dit "je ne donne pas dans les hétéros curieux" le soir où ils s'étaient rapprochés pour la première fois au manoir.

- Ah, pas faute de t'avoir prévenu. A part te pousser... il ne t'a rien fait d'autre ?

Angel avait posé la question avec une petite appréhension dans la voix. Cléo lui sourit pour le rassurer :

- Non, t'inquiète. C'est juste un tocard.

Le châtain soupira de soulagement à cette réponse :

- Ouf, je sais pas si j'aurai pu me retenir d'aller lui en coller une si jamais il t'était arrivé quelque chose. Enfin, je voudrais pas que tu me vois comme quelqu'un de violent ou...

- Oh, certains le méritent.

Cléo resta vague mais l'image du jour où il s'était battu avec Mathias lui revint en pleine face. Peut-être qu'un jour il le dirait à Angel. Ou peut-être pas.

- Oui, sûrement, souffla le châtain.

Un ange passa. Aucun des deux garçons ne semblaient vouloir évoquer ce qui devait l'être.

- Angel ?

Le concerné releva la tête. Cléo sentit son cœur faire un salto.

- Merci, prononça-t-il à demi-mot.

Les joues du châtain se tintèrent immédiatement de rouge. Il baissa la tête. Au lieu de répondre, il l'avança et l'enlaça. A son contact, Cléo se sentit envahi d'une chaleur réconfortante. Il posa la tête sur son torse et respira son odeur. Dans les bras d'Angel, Cléo se sentait comme à la maison

- Cléo ?

- Oui ? Souffla le blond contre lui.

- Tu m'as manqué."

Lui aussi, il lui avait tellement, tellement manqué.

*

NDA : désolé pour le retard sur ce chapitre, j'ai mis super longtemps à l'écrire. A la base, le chapitre ne se déroule pas du tout comme ça, mais je n'étais pas satisfaite. J'ai donc tout réécrit et ça m'a pris du temps :')







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