33. Comme des inconnus
Angel se passa la main sous l'eau : de stress, il s'était légèrement entaillé la paume à force de serrer son poing. Ça avait été un moment assez horrible. Il s'attendait à voir Cléo, mais il ne savait pas que ça serait si douloureux. Devoir faire semblant de ne pas le voir avait sans doute été le plus compliqué, mais il s'était promis, pour le bien de Cléo et pour le sien, de ne plus interférer dans sa vie.
Mon dieu que c'était compliqué.
Tout ce qu'il aurait voulu faire été courir et lui sauter dans les bras, mais déjà ce n'aurait pas été correct ; et puis, qui aurait dit que Cléo voulait le revoir ? Il avait eu l'air heureux cette soirée là, avec ce mec aux cheveux longs. Et Angel n'était personne pour venir gâcher son bonheur. Oui, c'était sûrement mieux ainsi.
Auguste dû voir son visage renfermé et ébouriffa ses cheveux.
"Souris un peu, t'as décroché un stage de rêve et tes notes on remontées !
Angel resta silencieux, dubitatif. C'est vrai que son stage auprès d'un juriste en agence sportive était plutôt une aubaine. Depuis qu'il avait commencé ses études de droit, il ne savait pas trop quoi faire de sa vie, alors un stage lui permettrait sûrement d'y voir plus clair. C'était un stage à mis dans temps mais payé, ce qui remplacé en quelque sorte son ancien travail étudiant. Maintenant qu'il n'allait plus à la clinique, il avait plus de temps.
Il souffla et s'assit nonchalamment sur son nouveau canapé vintage dont il était très fier.
- Tu penses encore à Cléo n'est-ce pas ? Lança Auguste.
Auguste était plus ou moins au courant de tout. Angel n'avait rien à lui cacher et inversement. Ils s'étaient rencontrés dans un contexte où, au plus bas, on s'accroche si fort à l'autre que la pudeur ou le tabou ne sont plus de mise.
- Est-ce que j'aurai dû essayer de lui parler ?
Son ami pencha la tête, confus :
- Bah, t'avais l'air décidé à le laisser vivre sa vie, donc...
- Ouais mais...
- Mais tu veux le voir n'est-ce pas ?
- Carrément. On ne s'est jamais dit au revoir, on n'a jamais pu se parler après que la vidéo ait fuité. C'est... super, super, frustrant.
- Mh, il est aussi beau que tu le dis ?
Angel rougit immédiatement.
- Qu'est-ce que... quel rapport ?
- Aller, je te taquine. T'es tout rouge purée !
Le châtain observa auguste rire de bon cœur devant son air embarrassé et se dit qu'il avait de la chance de l'avoir rencontré. A la fac, c'était plus compliqué ; l'ambiance était assez solitaire.
- Pff, et puis de toute façon, y a pas de débat, c'est le garçon le plus beau que j'ai rencontré."
Cette nuit là, Angel ne dormit pas très bien.
*
Le trajet jusqu'à son stage ne prenait qu'une quarantaine de minutes, voire moins s'il se permettait de griller quelques voitures sur le dos de sa moto. L'agence sportive se trouvait heureusement dans un coin plus éloigné du centre-ville, si bien qu'il ne risquait pas vraiment de croiser des élèves de la fac, ou autrement dit Cléo. Il avait prévenu son maître de stage qu'il ne viendrait plus assister à ses cours, pour une question d'emploi du temps -bon d'accord c'était une excuse mais que dire ? Il n'avait pas trouvé mieux.
Il se doutait que Cléo devait être plus que perturbé, bien plus que lui. Après tout, Angel avait pu de son côté suivre la vie de son ex via les réseaux sociaux, mais l'inverse était impossible puisqu'il avait été conseillé à Angel par son psychiatre de s'éloigner de tout ça. Bon, docteur Héraut n'avait pas besoin de savoir que si lui ne postait rien sur son compte anonyme, il s'en servait pour aller stalker Cléo de temps en temps.
"Monsieur ? Court ou long le café ?
Angel sorti de ses pensés en entendant la voix du barista. Il s'était arrêté à un petit coffee shop non loin de l'agence afin de se donner de l'énergie après l'affreuse nuit qu'il venait de passer.
- Euh, long, merci.
- Vous pouvez aller vous assoir, mon collègue vous l'apportera."
Le châtain s'assit en soupirant. Il regarda ses mains légèrement entaillées. Ne plus jamais voir ou parler à Cléo était-il le bon choix ? Après tout, c'était son choix à lui ; mais pas celui de Cléo. Et Angel savait ô combien on croit parfois prendre les bonnes décisions pour les autres alors qu'on est en réalité complètement à côté de la plaque. Et si Cléo avait en fait envie de lui parler ? Et si...
"Eh, t'es le mec du gala ! Celui qui était avec l'école hôtelière sans être à l'école hôtelière... ?
Angel leva la tête ; surpris.
Et merde.
Le mec aux cheveux longs -enfin là en l'occurrence aux cheveux ramenés en chignon sous une casquette, de la soirée où Auguste l'avait trainé travailler. Le mec à qui Cléo remettait la cravate. Il fut pris d'un léger vertige de surprise et dû paraître assez idiot pour que le garçon doive préciser :
- Tu sais, dans la cuisine...
- Euh, ouais, carrément je me souviens ouais.
Le garçon était tout aussi charmant, même au travail. De près, Angel distingua mieux ses traits fins, des pommettes hautes, une bouche fine, des yeux de biches et décidément ; on aurait pu s'y méprendre avec un visage féminin.
- Tiens, ton café.
Il posa la tasse remplie de café et ornée d'un petit biscuit sur la table, puis pris la chaise et s'assit devant le châtain.
A l'aise.
Angel ne dit pas un mot ; le naturel revient au galop, il n'aimait toujours pas parler pour rien. Or, il ne voyait pas du tout quoi dire à ce jeune homme. Ce qui trottait dans sa tête, là, était putain quelle coïncidence. Penser à remettre en question sa promesse de ne pas s'immiscer dans la vie de Cléo et croiser son nouveau mec ? C'était carrément le destin.
- Je m'appelle Félix, continua le garçon.
Félix donc. Félix et Cléo. Ça sonnait bien.
- Mh, Angel, répondit doucement le châtain.
Il avait faillit mentir sur son nom, car peut-être que Cléo avait parlé de lui à ce Félix, mais se lancer dans un mensonge avec le risque de s'y enfoncer ne lui semblait pas une bonne idée.
- Qu'est-ce que tu lis ?
Le garçon aux cheveux longs pointa du doigt le livre qu'Angel avait posé sur la table.
- Oh, c'est un roman graphique. Ça parle... d'un mec qui commence à oublier ses journées.
Félix lui lança un sourire êtrange :
- Je connais pas, mais ça a l'air chouette. J'aime bien les bd aussi.
- Ouais, avant j'étais très romans, mais depuis la fac..."
Et sans s'en rendre compte, en oubliant son lien à Cléo, Angel se retrouva à parler une dizaine de minutes avec le garçon aux cheveux longs. Il apprit que ce dernier était en fac de sciences sociales, qu'il faisait partie d'une association pour les enfants en foyer... enfin bref, tout comme un certain blond en fin de compte. Félix ne mentionna nullement un petit copain ou quelque chose du genre et Angel n'osa pas poser la question -bien que l'envie le démangeait.
- Bon, faudrait que je retourne bosser quand même, finit par dire Félix en soupirant.
- Oh ouais, pardon, je t'ai pris ton temps.
- Mais non t'inquiète, c'est moi qui suis venu te parler ! Faudrait qu'on garde contact non ?
Le début des problèmes. Angel ne sut quoi répondre. Est-ce que c'était malsain de sa part de nouer contact avec le nouveau mec de son ex ? Très certainement oui. Mais est-ce que ce n'était pas peut-être le destin qui le poussait à revoir Cléo ? On pouvait l'imaginer.
Devant l'air confus du châtain, le garçon aux cheveux longs rajouta :
- On s'ajoute sur insta ?
- Euh, j'ai pas insta.
Ça au moins, ça n'était pas vraiment un mensonge. Félix n'en démordit pas et lui fit un grand sourire :
- Bon, on va le faire à l'ancienne alors !"
Et il sortit un stylo de sa page et inscrivit son numéro sur la serviette en papier.
*
"Et il t'invite à une soirée ? Où y aura Cléo ? Mec c'est énorme !!
Angel observa un Auguste tout excité par la situation. Encore une soirée qu'ils passaient à deux. Bien qu'ils ne soient pas colocataires, ils vivaient dans le même immeuble du Crous, au meme étage, à deux chambres d'intervalle, alors c'était tout comme. C'était compliqué après leurs jours passés ensemble à la clinique de ne pas se voir constamment.
Dans la soirée, Angel s'était décidé et avait envoyé un timide message à Félix sur base de "Salut c'est Angel", auquel son correspond avait directement répondu "je fais une soirée chez moi ce weekend ça te dit de venir ?". Troublé, il avait montré les messages à Auguste en quête de conseils.
- Je ne vois pas quoi te dire à part : fonce mec !
Le problème était qu'Auguste était toujours, toujours partant pour tout. Sans trop de demi mesure.
Angel souffla :
- Ouais... je sais pas si c'est une bonne idée... Cléo avait l'air heureux, j'ai pas envie de tout gâcher.
- Roh, t'es sérieux de sortir des phrases toutes faites ?
- Et puis, à tout moment Cléo n'est même pas là ! Répondit Angel comme si il ne l'avait pas entendu.
- N'importe quoi : si c'est vraiment son mec, il sera là. Enfin après, c'est toi qui a déduit ça tout seul....
- Si tu les avais vu dans cette pièce, quand il lui attachait sa cravate...
Auguste leva les mains, vaincu :
- Ok, ok, je te crois ! Pas trop de scrupules à aller voler le mec d'un mec plutôt sympa ?
- Alors, déjà c'est mon ex avant tout. Et puis, je veux pas lui voler, je veux juste discuter...
- C'est ça, à d'autres !"
A juste titre, Auguste ne paru pas très convaincu.
*
Le jour fatidique arriva. Angel s'était décidé à aller à cette foutue soirée à une condition : qu'Auguste l'accompagne. Il avait demandé par message à Félix et ce dernier lui avait répondu qu'il n'y avait aucun problème pour un +1.
Stressé, il serra les mains sur le guidon de sa moto. Il inspira, expira, se concentra sur le vent qui lui caressait agréablement les bras et se détendit. Avoir son acolyte lui aussi à cheval sur sa deux roues juste à côté de lui le rassurait. Si vraiment la soirée s'avérait catastrophique, au pire, il y aurait Auguste pour le ramasser.
Joli plan Angel.
Ce qui se dessina à leur arrivée fut une jolie demeure de campagne, à quelques kilomètres de la ville, dans un décor plutôt champêtre. Angel s'y sentit bien. La maison avait l'air très grande, mais surtout de contenir beaucoup de gens au vu du bruit.
"T'es prêt mon gros ?" L'apostropha Auguste.
Le châtain ne lui répondit rien mais hocha la tête et articula un "Merci" silencieux. Ils avancèrent timidement jusqu'à la porte et sonnèrent.
"Trop cool que tu sois là ! Lui lança Félix sitôt qu'il le reconnut au pas de la porte. Et toi tu es Auguste c'est ça ? Enchanté !
Auguste et Félix se serrèrent la main avec un sourire. Puis le garçon aux cheveux longs se tourna vers Angel et le prit dans ses bras.
Argh.
Angel se tendit, gêné, mais n'osa pas le repousser. Il se dégagea doucement
et poliment.
- Oh, désolé, je devrais demander avant de faire un câlin, c'est ma façon de dire bonjour.
- Pourtant, tu ne m'as pas fait de câlin à moi, je suis jaloux, fit remarquer Auguste en plaisantant.
Angel remercia silencieusement son ami pour le sortir encore une fois d'une situation d'inconfort. Félix fit un grand sourire avant de déclarer :
- Eh bien, remédions à ça ! Je ne dis jamais non pour enlacer un beau garçon.
Le châtain grimaça : si Cléo et Félix étaient réellement ensemble, ce dernier n'avait pas trop de respect pour leur relation.
- Bref, entrez je vous en prie, continua le garçon aux cheveux longs, imperturbable.
Et ils entrèrent dans la belle demeure de campagne. L'intérieur était spacieux et adorable, rempli de tapis et de mobilier en bois. Un certain nombre de personnes étaient déjà présentes, comme l'avait imaginé Angel. Quelque part ça le rassurait : ça aurait été vraiment bizarre de revoir Cléo dans un contexte d'une soirée intimiste.
- Laissez moi vous présenter quelques personnes, suggéra Félix en se dirigeant vers une grande table centrale où trônaient de nombreuses bouteilles et quelques gâteaux apéro.
Les étudiants agglutinés autour de la table se retournèrent à la voix de Félix. Tout ces individus se ressemblaient dans la tête d'Angel. Des garçons, des filles, voilà tout.
- Eh, t'es pas le stagiaire du prof de droit ? Lança une étudiante avec un accent espagnol.
- Euh, si.
- Trop cool !
Et quelques filles se lancèrent des regards plus qu'indiscrets : Angel compris plus ou moins qu'il avait dû faire sensation lors de son apparition en classe.
- Et toi tu es ? Demanda la même fille en s'adressant à Auguste.
- Oh, moi..."
Angel se détacha vite de la conversation naissante. Son esprit était ailleurs, ou plutôt concentré sur une seule chose : Cléo était-il présent à cette soirée ? Où Angel s'était-il trompé sur toute la ligne ? Il se sentit un peu bête d'un coup. Il se sentit bête d'avoir cru voir un signe du destin. Il se sentit bête savoir quelque part menti à un mec dont il n'avait rien à faire. Il se sentit bête d'être à une soirée où rien ne l'intéressait si ce n'était...
Cléo.
Enfin il le vit.
Là, au milieu de la foule d'étudiants, qui lui paru n'être qu'un brouillard autour du soleil.
Là, debout, un verre de vin à la main, les cheveux détachés et lâches qui tombaient presque à ses épaules.
Là, avec ses yeux vairons et son regard unique, qui plongea dans le sien au même moment.
Là, avec-
seigneur
la même chemise qu'il avait porté à la soirée chez Azaël, cette première soirée qui avait tout déclenché.
Une chemise semi-transparente qui dévoilait tout et rien en même temps.
Une chemise qui définitivement, faisait bien trop d'effet à Angel.
Merde, revoir Cléo ne devait pas être un moment malsain, mais Angel ne put s'empêcher de s'imaginer, dans un laps de temps très court, toutes sortes de choses.
"Oh, il faut absolument que je te présente quelqu'un ! S'exclama d'un seul coup Félix, faisant sortir instantanément Angel de ses rêveries.
Son cœur battait si vite qu'il eut du mal à se comprendre ce que Félix venait de dire. Ce dernier lui pris la main, et en un instant il se tenait devant Cléo.
Son Cléo.
Il ne disait rien d'ailleurs, ce Cléo, ne laissait rien transparaître. Pas même une once de surprise ou de stupeur. Il était là, à la regarder de ses yeux hypnotisants, à ne regarder que lui.
- Cléo, c'est le mec dont je t'ai parlé ! Lança Félix, tout excité, qui visiblement avait rien saisi de la situation.
Angel se sentit complètement impuissant et désemparé. Comment devait-il réagir ? Il s'attendait à ce que quelque chose en Cléo trahisse ce qu'il attendait de lui, mais rien. Il restait là, à le regarder, sans rien dire.
La scène ne dura que quelques secondes, mais des années passèrent dans la tête d'Angel. Et Cléo, Cléo qui ne lâchait pas son regard...
Et soudain, Angel ressentit une émotion nouvelle, comme de l'excitation mélangée à de l'exaltation et de l'incompréhension.
Il ressentit cette tension, entre eux, qui n'avait jamais disparue, qui était même plus forte qu'avant.
Il ressentit un sentiment étrangement agréable à être présenté à Cléo, comme si ils ne se connaissaient pas, alors même qu'il ne s'était jamais senti plus proche de quiconque d'autre.
Oui, c'était peut-être ça la solution : recommencer, comme des inconnus.
Alors il s'avança en souriant et tendit la main au au jeune homme blond en face de lui :
- Je m'appelle Angel.
Et le blond lui sourit en retour :
- Enchanté, moi c'est Cléo."
*
Nda : je suis en vacances alors j'ai écrit sur mon téléphone, ce que je déteste faire, donc il y a sûrement des fautes, je m'en excuse :)
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