Cléo avait prévenu Angel du potentiel retour de Mathias. Forcément ça lui faisait peur, mais il n'avait pas voulu se montrer égoïste dans la mesure où c'était Cléo qui avait perdu sa grand-mère dans l'histoire. La rentrée de novembre avait donc repris dans cette ambiance étrange de deuil pour les deux garçons. 

Cléo ne lui avait pas demandé de l'accompagner à l'enterrement, ou même de venir chez lui le soir pour l'épauler. Angel se sentait un peu impuissant face à la situation, bien que le blond lui ait assuré qu'il avait fait le deuil de sa grand-mère depuis longtemps. D'après ce qu'il avait compris, le problème portait plus sur son père et la manière dont la famille allait gérer l'enterrement et la succession. De ce point de vue là, Angel ne voulait effectivement pas se mêler de leurs histoires de famille. 

Alors qu'il passait dans un couloir quelconque pour se rendre à son casier, le châtain se rendit compte de l'ampleur qu'avait pris sa popularité depuis le match de foot. C'était pire qu'à la soirée de Dorothée. Il sentait que les filles -et quelques garçons le regardaient bien plus qu'auparavant. 

Pourtant, mis à part des bisous ostensibles, Cléo et lui n'avaient pas vraiment changé leur façon de se comporter l'un envers l'autre. Ils étaient complices, tactiles et tendres, sans que bizarrement, personne ne se doute qu'il y avait plus que de l'amitié entre eux. Dans l'imaginaire collectif du lycée, Cléo et lui étaient totalement hétéros. Mythe accentué par le fait que tout le monde était persuadé que le blond allait se remettre avec Maya. Quelque uns pensaient aussi que Newton avait délaissé son meilleur ami au profit de sa nouvelle copine, et qu'alors Angel avait pris sa place. 

Bref, tant de rumeurs qui ne s'approchaient même pas un peu de la réalité. Mais au final cela arrangeait bien les deux garçons, qui n'avaient pas à se cacher plus que mesure. 

Il rejoignait d'ailleurs son amant secret et l'aperçu au loin sur un banc, discutant avec Maya.  Elle avait était très présente pour lui depuis cette histoire de décès, car elle connaissait en réalité mieux qu'Angel la famille de Cléo. Il allait sans dire que le nouveau n'était pas ravi de la situation, mais il avait accepté avec le temps que la relation entre les deux ex allait toujours se constituer au delà d'une simple amitié. Ils étaient -et c'était bizarre de le dire en parlant d'un ancien couple, un peu comme des frères et sœurs. 

Angel arriva à leur hauteur et s'assit à la droite du blond en lui passant un bras autour des épaules et en lui faisant un bisous sur la joue. Cléo était beau aujourd'hui, dans son pull bleu marine et sa veste blanche. Il ressemblait à un marin. 

"Salut joli garçon, lui chuchota Angel à l'oreille. 

Cléo rougit légèrement et lui rendit son sourire : 

- Hey. 

- Et salut Maya, ajouta Angel.

- Salut beau gosse, ça va comment aujourd'hui ? 

- Oh, tranquille. Je vis dans la peur que mon ex psychopathe débarque, mais à part ça tout va bien. 

Maya était plus ou moins au courant de tout maintenant, comme le reste du groupe d'ailleurs, qui sans connaître les détails, savait qu'Angel avait un passif lourd avec le cousin de Cléo. Le châtain arrivait de plus en plus à rire de la situation ; peut-être qu'il était enfin entrain de passer à autre chose. Et c'était en grande partie grâce à Cléo et son affection quotidienne. 

- Roh, arrête de le regarder avec des yeux comme ça, tu me fous le seum d'avoir personne, se plaignit Maya. 

- Désolé, mais Cléo est trop beau. 

- Merci monsieur Ameziane, je vous retourne le compliment.

Maya se leva précipitamment :

- Bon, tant d'amour me fait mal à la tête, je vous laisse.

Cleo lui sourit :

- On se voit ce soir ?

Il se voyaient ce soir ? Maya hocha la tête et s'en alla.

- Vous vous voyez ce soir ?

- Euh, ouais je te l'ai pas dit ?

Non de toute évidence.

- C'est pas grave, t'as dû oublier.

- C'est rien de toute façon, je dois juste passer chez elle pour voir sa mère.

Angel prenait sincèrement sur lui. Il fronça les sourcils :

- Sa mère ?

Cléo plissa les yeux avec un sourire coupable :

- Elle m'adorait quand...

- Quand t'étais avec Maya, souffla Angel.

- Ouais, répondit le blond en baissant le regard.

Un ange passa.

- Est-ce que ça te dérange ? Finit par demander Cléo.

Angel soupira en s'affalant d'autant plus sur le banc. Il ne répondit pas tout de suite et regarda la tête de chiot de Cléo. Comme lui résister ?

- Ah Cléo, avec toi je travaille mon self-control !

Angel avait dit ça avec un sourire et le blond, visiblement soulagé, lâcha :

- Ouf, je détesterais que tu sois jaloux !

Angel grimaça : 

- Tu vas chez ton ex... voir sa mère... n'importe qui serait jaloux.

- Mais tu n'es pas n'importe qui n'est-ce pas ?

Cléo le regardait si fort avec ses yeux vairons qu'Angel eut l'impression que son âme entière était sondée.

- Non, je ne le suis pas."

Oh comme il aurait voulu l'embrasser.

*

"Je pense que t'as pas à t'en faire, Cléo est le mec le plus droit sur lequel tu pourrais tomber"

C'est ce que lui avait dit Maël quand Angle lui avait confié ses doutes en cours de français. Bizarrement, Maël ne se mettait plus vraiment à côté de Nolan en classe. Angel n'avait pas voulu lui avouer qu'il savait pourquoi. L'ambiance était bizarre entre les trois frivoles qui s'étaient amusés dans la salle de bain, mais quelque part c'était mieux que la tension qui régnait avant.

Angel voyait bien qu'ils étaient tous les trois gênés et ça le faisait bien rire.

Quand il avait confié ses doutes à Maël à l'égard de Maya, ce dernier n'avait pas paru surpris de l'aveu. Angel en avait déduis que tout le groupe était plus ou moins au courant de la relation entre Cléo et lui, ben qu'ils ne l'aient jamais dit clairement. Angel appréciait le fait que personne n'était venu les embêter avec ça, même Charline qui pourtant n'en loupait jamais une sur Newton et Mayalène.

"À demain monsieur" lui avait chuchoté Cléo à l'oreille en sortant de classe, sans manquer de lui caresser discrètement la main.

Et Angel l'avait regardé partir au loin avec Maya, un pincement au cœur. Il avait surpris quelques personnes chuchoter sur leur passage ; ça, ça ne ferait qu'alimenter les rumeurs.

Il soupira longuement en se dirigeant vers la sortie du lycée en compagnie de Romain qu'il avait pris en otage pour ne pas être seul ce soir. Ils s'étaient prévus une soirée chill -jeux vidéos /  pizza qui obligerait Angel à ne pas imaginer la soirée que Cléo passait en compagnie de son ex.

En arrivant vers la sortie, il vit un attroupement autour d'une belle voiture -mais qu'il était incapable d'identifier puisqu'il n'y connaissait connaissait en voitures. Angel observa des filles et des garçons se chuchoter des choses. Il lança un regard intrigué à Romain qui haussa les épaules l'air de dire : je n'en sais pas plus que toi.

"On s'approche ? Suggéra Angel.

Romain hocha vivement la tête. Mine de rien, personne n'échappait au syndrome du potin. Ils avancèrent alors et...

Évidemment.

Ça ne pouvait être que lui.

Mathias, dans toute sa splendeur.

Mathias, appuyé sur sa belle voiture.

Mathias, avec ses cheveux noir corbeau.

Mathias, portant la couleur du deuil dans son costume trois pièces.

Il était diablement beau et visiblement tout le monde présent semblait le penser aussi.

Angel sentit son cœur s'arrêter. Mais pas du genre "j'en ai le souffle coupé". Plutôt du genre "si je pouvais littéralement me glacer d'effroi, je le ferais". Il s'apprêtait à sortir sa Ventoline, mais bizarrement il ne sentit pas sa gorge se resserrer ou ses mains trembler. Il inspira un grand coup et constata avec victoire que l'air passait.

Mathias n'avait plus d'effet sur lui.

Enfin, plus d'effets physiques. Il en restait qu'Angel ne pouvait se sentir totalement indifférent face à ce garçon. C'est une histoire qui ne s'oublie pas, malgré tout. Et il en resterait marqué à vie.

Il croisa le regard de Mathias, qui lui fit un signe. Il sentit une main lui retenir le bras : c'était Romain qui s'inquiétait.

Angel hésitait. La dernière fois, il n'avait pas eu le courage de lui faire face, il avait fuit.

Mathias réitéra son signe.

Alors Angel s'approcha. Il ne voulait plus fuir. Fuir était une preuve d'aveux qui dirait "tu me contrôles encore". Il rassura Romain d'un signe de tête et s'avança vers la belle voiture -et le beau jeune homme.

"Te voilà, lâcha Mathias avec un grand sourire.

Ce même sourire qui lui semblait sincère autrefois. Angel se trouva bête : il ne savait pas quoi dire. Rien ne sortit de sa bouche.

- Tu n'as rien à me dire ? S'enquit Mathias.

C'est ça, enfonce moi.

Angel soupira. Contrairement à ce qu'il pensait, il ne se sentait pas anxieux ou sur le point de faire une crise d'angoisse comme auparavant. Il se sentait terriblement vide : Mathias lui prenait toute son énergie.

- Tu es devenu très beau Angel, continua son interlocuteur. Enfin, tu as pris un peu de poids, fais gaffe. Mais j'aime bien ta coiffure.

Angel sentit une sueur froide le parcourir. Les compliments de Mathias lui faisaient un effet inverse : ils le dégoûtaient. Il grimaça :

- Et toi, tu n'as pas changé. Qu'est ce que tu fais devant mon lycée ?

Mathias agrandit son sourire, si c'était encore possible :

- Ohlala, ne crois pas que tu es le centre du monde. Je te rappelle que c'est aussi le lycée de Cléo. Et je te rappelle que sa grand-mère, accessoirement ma grande tante, est morte.

- Cléo n'est pas là, lâcha Angel.

Mathias fit la moue :

- Vraiment ? Zut, je voulais aller à la lecture du testament avec eux.

Angel se figea. La lecture du testament ? Cléo ne lui avait rien dit. Non, pire : Cléo lui avait mentit. Cette fois, son cœur s'accéléra vraiment. Il n'y croyait pas. Pourquoi ?

À la vue d'un Angel paniqué et consterné, Mathias dû sentir qu'il avait mis le doigt sur quelque chose :

- Oh mince, tu ne savais pas ? Je croyais que vous étiez... très proches. Il faut croire que non.

Angel ne l'entendait même plus.

Cléo avait préféré le laisser à l'écart. Il avait préféré se tenir aux côtés de Maya dans cette épreuve. Si en apparence la situation pouvait ne pas paraître si grave que ça, dans la tête d'un Angel qui commençait à peine à avoir confiance en lui et en les autres, c'était toute une montagne.

Il sentit une main lui toucher l'épaule. Il sursauta et se dégagea rapidement :

- Me touche pas connard, lâcha Angel sans se retenir.

Mathias se mit à rire d'un air grinçant.

- Wow, Angel, tu m'impressionnes. A l'époque, tu te serais effondré. Ou alors, tu m'aurais demandé pardon sans même savoir pourquoi tu t'excuses.

Angel ferma les yeux. Comment avait-il pu être un jour aussi pitoyable ?

- Cléo te caches souvent des choses ? Tu sais, ce n'est pas comme ça qu'on entretient une relation. Enfin... si relation vous avez... 

Angel en avait assez entendu. Tant pis si il devait fuir, encore. Il ne savait pas si il voulait appeler Cléo et l'harceler jusqu'à ce qu'il réponde ou bien s'effondrer dans son lit et pleurer sans s'arrêter, mais tout ce qu'il savait c'est qu'il voulait partir d'ici et ne plus jamais revoir cet homme qui hantait sa vie depuis plus de 2 ans.

Il commença alors à tourner les talons sans prévenir avant qu'il n'entende Mathias le rappeler :

- Eh Angel, attend ! Est-ce que Cléo t'as déjà parlé de son travail auprès des sourds là ?

Voyant que son ancien amant ne s'arrêtait pas, le brun continua :

- Est-ce qu'il t'a dit qu'à la base, c'était un travail d'intérêt général ?"