24. Le calme...

Le jeune homme se frayait un chemin à travers les arbres et les touffes de fougères peu entretenues ; un soleil automnale lui balayant le visage. On lui avait dit que Cléo était ici, mais à vu d'œil, le blond n'était pas encore dans son champ de vision. Angel arriva dans un espace plus dégagé et entendit les clapotis d'une eau ainsi que des éclats de rires. 

Cléo se tenait au loin sur un banc en compagnie de cinq enfants qui jouaient près d'une rivière peu profonde, puisque qu'Angel pouvait en voir le fond de là où il était. Il s'approcha sans bruit et se félicita que le jeune homme assis ne l'entende pas arriver. Quelques enfants le remarquèrent mais il leur fit un signe "chut" de la main, et alors ils pouffèrent, heureux d'être dans la confidence. 

Arrivé juste derrière Cléo, Angel s'approcha de son oreille et... 

"Salut joli garçon. 

Cléo sursauta en poussant un cris de surprise et tous les petits qui jouaient à côté éclatèrent de rire. Le blond se retourna et Angel sentit son cœur fondre, comme à chaque fois. Il s'habituait jamais au charme enchanteur de son... de son quoi d'ailleurs ? Ils n'avaient jamais mis de mots sur leur relation. Cléo souffla en signe de désapprobation : 

- Tu m'as fait peur sale... carotte. 

- Carotte ? Releva Angel en fronçant les sourcils. 

- Les enfants sont juste là, je ne vais pas t'insulter devant eux. 

- Mais la plupart sont sourds alors...

- Chut ! Assena Cléo en lui donnant une tape sur le torse. La plupart savent aussi lire sur les lèvres. 

A chaque vacances et certains weekends par mois, Cléo venait aider dans ce centre pour enfants sourds et muets. Lors des vacances il était payé, en weekends il était bénévole. 

- Ils n'avaient plus ton préféré, alors je l'ai fait moi-même . J'espère que c'est aussi bon, prévint Angel en sortant de son sac un tupperware en verre, qu'il tendit à Cléo. 

Depuis quelques jours -depuis le début de la pause de la Toussaint, Angel venait au centre lors du midi pour manger avec Cléo. Il lui prenait souvent à la même boulangerie un sandwich au poulet curry dont raffolait le blond. Ou alors, comme aujourd'hui, il lui faisait à manger lui-même. Ce n'était pas comme si il avait grand chose d'autre à faire, à part voir les autres de temps en temps et faire quelques devoirs. Mais de toute façon il adorait venir ici, à la fois pour le calme et l'aspect apaisant du lieu, à la fois parce qu'il aimait particulièrement, pour une raison qu'il ignorait, voir Cléo au travail. Ca faisait un peu comme une routine, comme un vrai couple. 

Cléo rougit légèrement, peut-être à l'idée qu'Angel se soit embêté à refaire son sandwich préféré. Il l'invita à s'assoir sur le banc en tapotant à côté de lui. Angel pris place et mis son bras automatiquement autour des épaules du blond, qui lui posa sa tête sur ses épaules, dans un soupire : 

- Je suis crevé. Ils sont mignons, mais pleins d'énergie. Ca fait depuis ce matin qu'ils courent dehors sans se fatiguer. En plus, j'ai mal aux bras à force de signer. Rien ne me fera plus plaisir que ton sandwich à l'heure actuelle. 

- J'espère qu'il est bon...

- Je suis sûr qu'il l'est !" 

Et Cléo mordit dedans à pleines dents. 

"Monsieur, Cléo c'est ton amoureux ? 

Angel sursauta, tiré de sa rêverie par un petit roux qui le regardait avec des gros yeux. Cléo était parti chercher sa remplaçante pour l'après-midi et le châtain gardait un œil sur les enfants pour quelques minutes. Il se gifla mentalement en réalisant qu'il s'était perdu dans ses pensées alors que des petits êtres turbulents jouaient à côté d'une rivière -certes, pas profonde, mais une rivière quand même. 

- Euh, pourquoi tu dis ça ? Répondit Angel, troublé par la question. 

- Parce que t'es avec lui comme l'amoureux de maman. Lui aussi il lui apporte à manger le midi. 

- Dis-donc, t'es pas censé être muet toi ? 

Encore une gifle mentale. Angel n'était pas très doué avec les enfants et n'avait aucun tact. heureusement, à cet âge il ne semblait pas connaître la susceptibilité et le roux afficha un grand sourire : 

- Nan, c'est ma sœur qui l'est. Moi je viens pour lui tenir compagnie. C'est compliqué des fois parce que les autres enfants ils parlent très vite avec leur mains et moi je parle pas aussi vite qu'eux avec mes mains alors je comprends pas tout. Mais ils sont gentils. 

- Et t'as une amoureuse... ou un amoureux ? 

Le petit garçon lui lança un regard fier : 

- Bah oui, j'en ai plein. Lucas dans ma classe, Clara et Mimi ici, Charlie de la colo.... 

Alors que le petit étalait ses exploits amoureux, Cléo revint avec sa collègue. 

- Dis donc Mathéo, tu embêtes Angel ? Lui lança t-il directement. 

Le dit Mathéo fit la moue : 

- Bah non, je lui demandais si t'étais son am...

- Aller hop, on y va ! Lança bien vite Angel en se levant du banc. On a plein de choses à faire Cléo et moi ! Dites lui au revoir les enfants", signa t-il à leur attention. 

Tous leur fit un signe de la main que Cléo leur rendit avec un grand sourire. La brise automnale lui caressait le visage et faisait volait ses mèches blondes qui commençaient à être sérieusement longues et qui s'envolaient délicieusement au gré du vent. Une joie innocente émanait du jeune homme lorsqu'il était entouré de ces petits dont il s'occupait depuis plusieurs années. 

Angel ne pouvait que l'aimer.

Mais il n'arrivait pas à le formuler, parce que le mot "aimer" n'avait jamais été synonyme de bonheur dans son esprit. 

*

"Dis moi où on va !" 

- Nan. Et cache toi les yeux, on passe devant un panneau.

Ils roulaient vers une direction inconnue pour Cléo, qui se tenait tant bien que mal à la taille d'Angel. Le blond avait été surpris quand ce dernier lui avait dit avoir un scooter. En réalité, Angel avait passé son permis scooter il y avait de ça plusieurs années -ça avait été un caprice, et ne s'en était jamais réellement beaucoup servi. Tous les trajets qu'il faisait pouvaient se faire à pied, et pour l'école sa mère l'emmenait puisque c'était sur le chemin de son travail. 

Au final, il avait rapidement revendu son scooter et en était même venu à oublier qu'il avait le permis scooter. Mais dans la perspective d'amener Cléo en date, il avait de nouveau ressorti ce bout de papier obtenu à 14 ans. Et Dorothée lui avait gracieusement prêté son scooter -enfin, un des siens, car selon ses dires : "j'en ai déjà un, pourquoi en avoir deux ?" Angel s'était dit qu'il était bien pratique d'avoir une amie riche aussi sympa. 

C'était donc dans le vent vif de l'automne qu'ils se rendaient à la "surprise" d'Angel. Ce dernier avait conscience de ne pas avoir épargné Cléo et, aussi bien qu'il le pouvait, il voulait s'en faire pardonner. Profitant de cette après-midi de congé qu'avait le blond, il voulait lui Et puis, il était heureux en ce moment, sincèrement heureux, et il savait que la présence d'un certain blond aux yeux vairons dans sa vie n'y était pas pour rien. 

- On est arrivé joli garçon ! Dit-il en se garant sur un parking. 

- Pas trop tôt, j'ai trop mal aux fesses ! 

- Oh, c'est bien dommage, rétorqua Angel avec un sourire en coin. 

Cléo pouffa de rire : 

- Alors toi... 

- Et du coup, la surprise te plaît ? 

- Euh... 

Le châtain observa le blond regarder autour de lui, comme à la recherche de la surprise. Ils étaient sur un parking de gravier, entouré... de rien. Il y avait des toilettes publiques, là bas plus loin et quelques arbres en perte de feuilles, mais c'était tout. Cléo grimaça, gêné : 

- Bah je... c'est, enfin... 

- Je rigole Cléo, le reste doit se faire à pied. 

- Ouf, j'ai bien cru que j'allais devoir te larguer aujourd'hui !" S'exclama le blond avec un grand sourire, sincèrement soulagé. 

"Te larguer". Angel ne releva pas. Si il y avait bien un sujet sur lequel il ne voulait pas aller avec Cléo, c'était celui de leur relation. Il avait l'impression que si il abordait le sujet, leur bonheur insouciant allait soudain se muer en une montagne de problèmes, le genre de problèmes qui incombent les couples. 

Ne se rendant visiblement pas compte de sa maladresse, Cléo enchaîna : 

- Et du coup, elle est où cette surprise ? 

*

"Oh, des canards !

Cléo ressemblait à un enfant heureux de déballer ses cadeaux de noël et Angel n'aurait jamais cru que cette réserve naturelle lui ferait autant plaisir. En réalité, il avait demandé conseil à Newton et Maya et chacun lui avait donné la même réponse : Cléo adorait la nature et les animaux. Ce n'était pas un homme de la ville. Il n'y avait ni zoo ni aquarium à proximité de la ville -et de toute façon Angel n'aimait pas l'idée d'animaux enfermés, alors la meilleure alternative qu'il avait trouvé était cette réserve naturelle, à une bonne quarantaine de minutes, qui formait un anneau autour d'un grand lac, où cohabitait oiseaux et poissons. On pouvait même y voir des biches et des renards apparemment, mais Angel n'y croyait pas trop. 

- Et maintenant, pique-nique ! Déclara Angel en étalant un plaid sur l'herbe grasse. 

- Quoi ? Mais on vient de manger ! 

- Et alors ? Protesta le châtain. 

Le "pique-nique" était plus un goûter qu'autre chose en réalité, alors Cléo s'assit de bonne grâce sur la couverture. Après avoir dévoré tartines et chocolatines, les deux garçons s'allongèrent, fatigués par la digestion et bercés par le bruit de l'eau et des oiseaux. 

- Angel... commença Cléo. 

Ce dernier tourna la tête vers lui et croisa des yeux dorés. Il était beau, il était tellement toujours beau .

- Oui ? 

- Si je te dis un truc, tu promets de pas répéter ? 

Ça, ça sentait le potin. 

- Ça concerne Cha' ? Elle a un date avec Abraham ? 

- Non c'est pas ça. Cela dit j'y travaille... 

Angel continua de fixer Cléo avec un air interrogatif, du genre : "lâche le morceau". 

- Mais vraiment, tu dis rien. J'ai promis de garder le secret. 

- Promis joli garçon, je serais muet comme une tombe. 

- Tu sais, avant que je te retrouve à la soirée... 

Oh oui, il s'en souvenait. Ils s'étaient embrassés à en perdre haleine dans le jardin. 

- ... bah, en te cherchant, je suis entré dans la salle de bain.

- Et ?

- Comment te dire..."

*

Le jeune homme se fige, complètement désarçonné par ce qu'il vient de voir. Il se fixent tous, sans savoir quoi se dire, avant qu'Azaël ne dise quelque chose par rapport au fait d'assumer, mais Cléo ne l'entends que d'une oreille, trop choqué pour que ses sens fonctionnent normalement.

Puis Cléo recule et fuit en claquant la porte d'un coup. C'est la seule solution qui lui semble raisonnable sur le moment. Il reste bouche bée un instant derrière la porte fermée, avant de se s'éloigner à grands pas.

Qu'est-ce qui s'est passé bordel ?!

Enfin, ce qui s'est passé, il en a sa petite idée. Mais ces trois là ensemble ? Nolan et Azaël sont censés se détester, en plus ! Comme on le dit si bien, de l'amour à la haine, il n'y a qu'un pas. Enfin là, un grand pas quand même.

Puisqu'il en a déduit qu'Angel est dans le jardin et non, -Dieu merci, dans la salle de bain, il s'apprête à descendre les escaliers quand..

"Cléo, attend !

C'est Maël qui lui court après, les cheveux mouillés et un t-shirt remis à la va vite. Le blond grimace : ce qu'il a le moins envie au monde, c'est de se retrouver coincé dans les histoires de cœur du duo infernal Maël et Nolan.

- Alors toi, t'es le champion du triangle amoureux, lâche t-il.

Mince, il a été un peu méchant. C'est l'alcool qui le rend acerbe. Ou peut-être qu'il en a marre de voir Azaël passer pour le méchant, alors qu'en fait les autres ne sont pas mieux. Maël baisse la tête, honteux. Il chancelle un peu et doit se tenir au mur : il est très éméché.

- Je... je sais j'ai merdé. Dis rien à personne s'il te plaît, ajoute-t-il en chuchotant.

Cléo ne va rien dire, évidemment qu'il ne va rien dire.

- Je dirais rien, souffle t-il. Mais tu sais, là, j'ai bien l'impression que c'est toi qui joue avec les deux et pas Azaël... qui fait son Azaël.

Maël ne répond rien : Cléo sait qu'il a touché juste. Mais là, tout de suite, tout ce qu'il veut, c'est voir Angel. Il interrogera Azaël plus tard. Alors il tourne les talons, laissant un jeune homme perdu, désemparé et trempé au bout du couloir.

*

"Wow.

C'est tout ce que trouva Angel à dire pour le moment. Il digérait l'information, mais était moins étonné que Cléo ne l'avait été. Le pauvre avait été plongé dans le bain (sans mauvais jeux de mots), mais quelque part...

- Tu sais, je suis pas si surpris, finit-il par lâcher.

Cléo le regarda un peu consterné, dans l'attente d'une explication.

- Et bien..., continua-t-il, Maël et Nolan ont toujours entretenu cette relation ambigüe, malgré le rejet de Maël il y a quelques années. Et puis Azaël se rajoute à l'équation : d'un côté il est le crush ultime, de l'autre il est l'ennemi numéro un. L'un voit l'occasion d'assouvir son désir de toujours et pour l'autre... disons qu'il y a beaucoup de tension sexuelles dans le sentiment de haine.

Le blond avait les sourcils froncés. Angel rit doucement, voyant qu'il ne semblait absolument pas comprendre sa logique.

- Laisse tomber, pouffa le châtain, tu n'as pas lu assez de fan-fictions pour comprendre.

- Waw, c'est donc de là que vient ta science amoureuse !

- Oui. Ça et toute mon éducation sexuelle.

Cléo se figea un instant avant d'éclater de rire.

- Très bien monsieur, je vais installer Wattpad fissa ; ça me permettra de comprendre les relations trop bizarres de mes amis. Non, sans rire, je vois les garçons dans deux jours parce que les jumeaux reviennent de leur séjour en Sicile. Je le questionnerai sans relâche et je peux te jurer que je te répèterai tout.

Angel haussa un sourcil :

- Vraiment ?

Après tout, il avait déjà trahi sa parole envers Maël en lui racontant ça.

- Bien sûr, tu peux me faire confiance, tu le pourras toujours.

Cléo lui dit ça en le regardant droit dans les yeux et Angel eut l'impression que son affirmation dépassait leur simple conversation. Dans cette position, avec le vent balayant ses cheveux, il voyait le jeune homme sous un autre angle : avec l'ombre qui encadrait son visage, Cléo semblait presque avoir les yeux de la même couleur, ce qui ne lui faisait en rien perdre son charme, mais au contraire le rendait plus mystique, plus insondable. 

L'image de sa première interaction avec lui lui revint : il revoyait ce jeune homme blond et trop bavard, les cheveux plus courts et la différence de ses yeux qui ressortaient avec un grand contraste sous la lumière artificielle des couloirs du lycée. Cléo était un peu apparu comme un ovni dans sa vie, non-invité mais objet de curiosité, qui s'était imposé si naturellement que le temps où Angel ne le connaissait pas lui paraissait bien lointain.

Ça ne faisait pourtant qu'un mois et demi. C'était presque ridicule quand on y pensait.

- J'ai vraiment apprécié la surprise, chuchota Cléo.

Le ventre d'Angel se tordit presque. C'était une sensation nouvelle de faire plaisir ; de faire plaisir sans y être officieusement contraint. Il ne faisait pas plaisir par son corps, il ne faisait pas plaisir par sa docilité : il faisait plaisir en étant lui.

Il regardait Cléo, encore. Et il fermait les yeux pour les rouvrir, pour le revoir une infinité de fois, ce garçon qui lui faisait battre le cœur si vite, trop vite.

Il voulait lui dire.

Je t'aime, je t'aime, je t'aime.

Il ne savait pas si il l'aimait, parce qu'il ne savait pas ce que c'était l'amour, mais il voulait bizarrement lui dire. Il voulait prononcer ces trois mots, distinctement, en regardant Cléo droit dans les yeux, en voyant ses pupilles se dilater et sa bouche s'entrouvrir sous l'effet de la surprise. Il voulait qu'il lui réponde, qu'il lui dise à son tour ; qu'il lui apprenne, pour la première fois de sa vie, ce que le mot "aimer" voulait dire.

Cléo le regardait, lui aussi, mais ne disait rien. Peut-être qu'il pensait à la même chose, ou peut-être pas du tout. Angel savait que si Cléo lui disait en premier, il lui répondrait tout de suite, sans attendre. Mais il n'arrivait pas à se lancer d'abord.

Cependant le blond demeura silencieux et si on disait que les yeux parlaient à la place du cœur, alors Angel ne comprenait pas ce langage là. Parce qu'il ne sut pas si ce soir là, Cléo lui disait "je t'aime" avec son regard particulier.

Pour autant Angel n'en fut pas malheureux : après tout ils avaient le temps -il semblait maintenant qu'ils avaient l'éternité ; et les mots, les statuts et les choses compliquées pouvaient venir plus tard. Pour l'instant, il était simplement heureux et il en était comblé.

- Tu sais, un jour j'ai lu dans un livre, quelque chose comme "je peux mourir maintenant, alors que je suis au Zénith", souffla le châtain.

Cléo esquissa un sourire :

- Tu es au Zénith là ?

Angel lui rendit :

- J'en ai bien l'impression.

- Et tu as envie de mourir ?

Au loin, une chouette hulula. La nuit allait bientôt tomber.

- Pas le moins du monde. J'ai envie de vivre très longtemps, pour passer le restant de mes jours à tes côtés."

*

NDA : omg, merci pour les 2k de vues !! <3

On m'a déjà demandé un récap des personnages : est-ce que ça vous serait utile ? (si jamais certains d'entre vous sont perdus dans les relations etc) Bisous :)






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