2. Où regarder ?

Ils étaient en retard. Angel détestait ça : il était un garçon très ponctuel. Il avait juste oublié de réveiller sa mère, et celle si avait mis un peu trop de temps a se préparer. Dans la voiture, comme à son habitude, elle tapotait le volant du bout de ses doigts frêles. Nerveusement. C'était une femme âgée de seulement 35 ans, ce qui était relativement jeune pour être mère d'un adolescent ayant presque atteint l'âge adulte. Raide dans son fauteuil, le dos droit et les lèvres pincée, elle ne jetait pas un regard à son fils affalé sur sa droite. Les soucis de ses années d'existence s'accumulaient entre ses sourcils, formant un froncement constant qu'elle songeait vraiment à faire disparaître à coup de botox.

Loin de se laisser emporter par la musique populaire que crachait la radio, Angel avait déjà mis ses écouteurs. Il sorti son portable et lança la chanson. Celle dont il ne se lassait jamais. Juste quelque notes, et il s'endormi contre la buée matinale de la vitre.
Le silence le réveilla. La voiture s'était arrêtée et le moteur ne ronronait plus. Il bailla un grand coup et s'ébourrifa les cheveux. C'était sa manière de les coiffer : il est bien connu qu'il ne faut jamais passer de brosse dans une chevelure bouclée.
Sans un mot, il embrassa sa mère en l'etreignant, et celle si lui rendit son baiser. Il ouvrit la portière d'un air las.
Un nouveau monde bien inquiétant l'attendait.

C'était en somme un lycée plutôt banal. Un grand bâtiment principal, gris tout de béton, et quelques annexes ; un gymnase, un self, un terrain de foot...
Le ciel était terne. Angel soupira. En passant près d'une vitre, il regarda son reflet. Il n'aspirait pas forcément à faire bonne impression. Il se demanda quand même si sa tenue était adaptée. Il ne savait rien de ce lycée ; si les gens étaient plutôt du genre à s'habiller tous de la même manière ou si la diversité était permise. Cependant, étant en L, il espérait quand même tomber dans une classe un minimum ouverte-d'esprit.
Il était déjà 8h15. Angel pressa le pas. Sans difficulté, il trouva la porte du secretaria, et toqua deux fois. Une voix masculine lui dit d'entrer. C'est ce qu'il fit.

"C'est pourquoi ?

L'homme qui venait de parler devait avoir la quarantaine. Il possédait un crâne étonnamment lisse. Angel suposa que c'était le proviseur, puis il en eu la confirmation en lisant une petite plaque de métal clouée sur le bureau en bois vernis.

- Je suis nouveau, je dois vous donner ces papiers. Et désolé pour le retard, spécifia le jeune homme.

Il eu pour toute réponse un froncement de sourcil. Le chauve fouilla dans un tiroir et en extirpa un dossier. Il parcourru les feuilles jusqu'à tomber sur celle qui visiblement l'intéressait. Il lu en silence.
Angel senti une pointe d'agacement grandir en lui. Il n'aimait pas l'indifférence, ou en tout cas quand ça le concernait. En revanche, la pratiquer envers les autres, il en était professionnel. Cependant, comme à son habitude, il ne dit rien. Parler pour rien n'était pas dans ses moeurs.

Le proviseur lisait visiblement très lentement. Au bout d'un certain temps, il posa enfin le papier, et daigna regarder l'adolescent en face de lui.

- Nous avons un problème, déclara t-il.

Le châtain fronça les sourcils :

- Et... quel est-il ?

- Vous êtes effectivement bien inscrit au lycée, mais vous n'êtes sur aucune des listes de classes.

Le plus jeune soupira. Il s'attendait à quelque chose de bien pire.

- Eh bien, suivant ma filière et mes options, j'imagine qu'une classe de correspondra.

- Je le sais bien, rétorqua l'homme d'un ton agacé. C'est juste que ce contre-temps retarde ce que j'avais prévu de faire."

Angel voulu dire quelque chose, puis se ravisa. Cela n'aurait servit à rien.

Le garçon se trouvait devant la porte.

"Suis-je anxieux ou au contraire totalement désintéressé ?" Se demanda-t-il.
Il ne su pas trancher. Il avait souvent du mal à définir ses propres émotions. Et alors, n'en parlons pas pour les autres. Si Angel n'était pas le plus sociable des adolescents, c'était en partie à cause du fait qu'il était difficilement cernable. D'un geste lent, il tourna la poignée.

Puis, il vit des yeux.

Vingt cinq paires d'yeux, qui le regardaient sans pudeur. Angel ne savait pas vraiment où regarder. Vers le haut ? La rangée de devant ? Ou alors au fond, vers ce groupe de quatre garçons dont les regards semblaient plus insistants que ceux des autres. Trois en particulier avaient l'air bien excités, tandis que le dernier affichait un air bien plus préoccupé. Angel ne s'attarda pas trop sur eux, il aurait bien le temps de les observer plus tard.

Comment était-il censé se comporter face à une masse abondamment curieuse ? C'était bien ça qui l'inquiétait plus que la raison de cette étrange intérêt pour sa personne.
Il opta finalement pour une solution assez évidente : porter son attention sur la professeure, elle aussi visiblement retournée par l'apparition du garçon.
Lorsqu'elle s'adressa à lui, il sursauta presque imperceptiblement. Il répondit distraitement aux questions de la jeune femme, répétant plus ou moins ce qu'il avait dit au proviseur un peu plus tôt. Il entendi quelques chuchotements lorsqu'il annonça son nom, et se savoir objet d'intrigue lui fit presque plaisir.
Ayant passé un long temps hors de la collectivité, il avait oublié ce sentiment gratifiant. Celui de se sentir important. C'était peu être de l'égocentrisme, mais après tout qui pouvait lire dans ses pensées et le juger ?
Angel était convaincu qu'au fond, tout le monde était la recherche de reconnaissance. Il ne faisait pas exception.

Il s'assit nonchalement à une place tout devant lorsque la prof eu enfin terminé. Il n'avait pas vraiment eu le choix mais peu lui importait où il était assis. Les deux heures passèrent lentement. Angel réfléchissait au moyen de se faire des amis. Bien qu'il supportait plutôt bien la solitude, il avait paradoxalement besoin de se sentir entouré. De bonnes personnes.
Enfin, le cours s'acheva. Il avait entendu Mme Roseline dire que quelqu'un devait lui faire visiter le lycée, et il espérait en effet que ce soit le cas. Déjà, pour ne pas se perdre dans les couloirs ; ensuite, pour avoir une première approche avec quelqu'un de la classe. Alors, bien qu'il fasse généralement toujours partie des premiers à quitter la salle, il traina volontairement dans l'espoir qu'une personne vienne lui parler.

Et là, on lui tapota l'épaule.

Angel se retourna pour faire face à un garçon blond. Il devait faire une demi-tête de moins que lui. Il possédait un visage fin et des traits réguliers sans particularités apparentes. Il était... tout en douceur.

Et ses yeux étaient vérons.

Son oeil droit était marron clair presque doré, tandis que le gauche, bien que marron également, tirait vers le vert.

Angel pensa qu'il était vraiment charmant.

Mais c'était tout. Car le sourire que le blond abordait paraissait tellement factice au yeux du chatain, que cela lui fit perdre tout son charme en instantanément. Et puis, quand il ouvrit la bouche, se fut encore pire :

"Salut, tu es le nouveau c'est ça ? Moi c'est Cléo, enchanté !

Et il lui tendit une main hésitante.

Il n'aurait vraiment pas pu faire pire comme approche.

Angel avait la terrible envie de n'absolument pas lui répondre. Néanmoins, suite à un coup d'oeil rapide, il remarqua que tout le monde avait quitté la salle. Si il voulait visiter le lycée, il n'avait pas le choix. Alors, il lui serra la main en silence.
Mais ce Cléo était visiblement décidé à continuer la conversation à sens unique :

- Alors, qu'est ce qui t'amène par ici ? Les nouveaux ont toujours une petite histoire tragique à raconter...

Angel le trouva immédiatement extrêmement lourd. Et aussi beaucoup trop maladroit dans ses paroles.

- Un acte de bontée, une obligation familiale et un peu d'ambition personnelle, il répondit simplement.

Le blond fit la moue :

- J'imagine que je n'en saurais pas plus...

- Non, effectivement.

Alors qu'il n'y aurait rien eu à répondre, le plus petit enchaîna :

- Mais t'inquiètes, je veux pas te forcer à dire quoique ce soit ! Seulement, si un jour t'as besoin de te confier à quelqu'un, je suis là hein !"

"Mais il est complètement attardé ou il gratte l'amitié ?", se questionna mentalement Angel.

Il voyait bien que Cléo n'était pas du genre ultra-sociable et spontané. Il voyait bien qu'il se forçait à faire la conversation et à sourire niaisement. Mais ce qu'il ne voyait pas, c'était pourquoi. Pourquoi un gars comme lui, qui semblait avoir déjà assez d'amis, désirait à tout prix parler avec lui ?
À moins que le petit blond soit intéressé par lui ? Mais Angel était presque convaincu que l'energumen se tenant à ses côtés n'était pas gay.
Ou alors un pari ? Du genre, "ramène le nouveau à notre table ce midi".

Quoiqu'il en soit, le chatain trouvait ce jeune homme trop peu intéressant, trop peu naturel, et bien trop bavard. Heureusement, le lycée n'étant pas bien grand, la visite se termina bien vite. Angel n'en pouvait plus d'entendre le blond jacasser dans ses oreilles.

"Tu... tu veux manger avec moi et mes potes ce midi ? Finit par lui demander ce dernier après avoir terminer une histoire que le chatain n'avait absolument pas écoutée.

Ce dernier ne répondit pas tout de suite. Bien sûr il souhaitait forcément se faire des amis. Mais il ne voulait en aucun cas se jeter sur les premiers venus. Et, surtout, il voulait des gens intéressants. Or, il trouvait ce Cléo bien fade. Il songea un court instant que c'était un peu du gâchis, quelque part.

- Je verrais ça le moment venu, il répondit alors d'un air nonchalant.

Cela voulait clairement dire : si je trouve mieux que vous, alors non. Mais le blond ne semblait pas avoir compris :

- D'accord, n'hésite pas hein !"

Puis la sonnerie retentit, annonçant la fin de la pause. Angel la remercia intérieurement.

Heureusement pour lui, il avait sympathisé au cours de la mâtiné avec un dénommé Maël. Blond aux yeux bleus océan, les cheveux un peu longs ; il n'avait pourtant rien d'un surfeur. Il sortait de lui une espèce de candeur bienfaitrice.
Ils s'étaient parlé une première fois lors de la troisième heure de cours.

"Je regrette déjà cette option", lui avait-il dit d'un ton las, en maudissant les mathématiques.

Angel n'avait pu qu'être d'accord avec lui.
La deuxième fois, et bien, c'était tout juste maintenant.

"Tu manges avec nous le nouveau ? Comme ça, tu nous raconteras ce qui t'as amené ici.

- Et bien, on m'a déjà proposé, mais... , répondit l'intéressé en faisant mine de relfechir.

Maël paru surpris :

- Ah bon ? Qui ça ?

- Il s'appelait Cléo... tu sais, avec les yeux vérons.

- Je vois très bien qui c'est. Alors ? Il t'as fait quelle impression ?

Angel haussa les épaules d'un air désabusé :

- Trop bavard, inintéressant.

- Hm ? C'est bizarre... "

- Pourquoi ça ?

- Bah... même si leur bande est plutôt bruyante, Cléo est le plus silencieux. Il est plutôt du genre artiste dans la lune, tu vois ? Je dirais presque qu'il est timide, même si ce n'est pas le cas."

Le chatain fut surpris : il eu l'impression que Maël décrivait une toute autre personne.

Et alors, en jetant un regard sur un groupe qui passait dans le couloir, il croisa des yeux vérons fugitifs.
Il se dit que, vraiment, c'était dommage.

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