17. Troubles-fête
"Et du coup, c'était à propos de quoi cette chanson ?"
Les deux garçons étaient allongés dans l'herbe du parc juste à côté du lycée ; ils avaient séché mais c'était bien le dernier de leur soucis. A vrai dire, dans l'esprit des jeunes hommes à ce moment là, il n'y avait aucun soucis. Le vent soufflait légèrement, mais il faisait encore assez chaud à ce stade de l'année pour que ça ne soit pas dérangeant. Angel caressait distraitement les cheveux de Cléo, qui se laissait faire les yeux fermés. Il le regardait tendrement. Le moment qu'ils avaient vécu dans la salle de musique était pour lui surréaliste : enfin. Enfin il avait embrassé Cléo. Mais ce n'était pas juste embrasser Cléo, c'était le tout, c'était le fait que c'était un garçon sain et attentionné, qu'il n'était pas Mathias, qu'il était doux, que ces yeux étaient envoutants, que...
- Mh, c'est à propos de moi.
Angel fut sorti de ses rêveries, et leva un sourcil de surprise :
- De toi ? Mais elle sonnait comme... un hommage. Je pensais que c'était en référence à quelqu'un de ta famille, genre une grand-mère ou même à ton ancienne relation.
- Oh, j'en ai écrit des chansons pour Maya, répondit Cléo en riant. Mais non, cette compo là parle de moi. Ou de mon évolution. Un peu comme si elle était destinée à mon ancien moi. Je t'avais dit, c'est stupide.
- Pas du tout. Moi aussi si j'étais musicien, j'écrirais des chansons sur toi.
- J'avoue, je suis une super source d'inspiration.
Il rirent tous les deux et le moment semblait hors du temps. Il passèrent un instant à regarder les nuages défiler en silence, avant qu'Angel ne le rompt :
- Dis Cléo, je suis le premier gars que t'embrasses ?
L'intéressé esquissa un sourire :
- A ton avis ?
- Mh... c'est égoïste si je te dis que j'en suis un peu content ?
- Je ne crois pas, répondit le blond en réfléchissant tout de même. Quand j'étais avec Maya, je ressentais une sorte de fierté à être son premier amour. C'est toujours glorifiant, quelque part.
- Et elle était le tien ?
- Oui.
- Oh, d'accord.
- Ça te dérange ? S'enquit Cléo l'air inquiet.
- Certainement pas, répondit Angel en souriant. Je suis heureux que tu aies eu une bonne première expérience de couple. Enfin... même si elle t'a trompé à la fin.
Le blond grimaça :
- C'est plus mon égo qui en a pris un coup qu'autre chose finalement... je savais que notre couple était sur la fin, je n'ai pas été des plus correct moi-même.
Angel se retourna sur le dos, pensif. Il était ravi -enfin nous dirions même transcendé par son baiser avec Cléo, mais il ne savait pas où est-ce que cet évènement allait les mener. Étaient-ils en couple ? Il n'en avait pas envie. C'était égoïste, mais il avait peur, il ne se sentait pas capable de donner tant d'amour maintenant : il avait trop donné dans sa relation avec Mathias. Pouvait-il en parler à Cléo ? Une part de lui se disait qu'il comprendrait, mais une autre avait peur que ça ne gâche quelque chose d'à peine commencé.
- Cléo je...
- On ne se met pas de pression, le coupa le blond. Je n'ai pas envie de me mettre en couple pour l'instant, et je crois que toi non plus. On s'est embrassés et c'était très agréable -enfin même incroyable, mais je ne pense pas que ça soit le moment, ni pour toi ni pour moi, de s'engager.
- Comment tu as su que je pensais à ça ? S'enquit Angel incrédule.
- Voyons, je commence à te connaître."
C'est donc ça que d'avoir quelqu'un qui vous comprend ? Angel s'en sentit apaisé.
.
La semaine passa comme un rêve, et Angel dormi tantôt chez Cléo, tantôt chez lui avec Cléo. Leurs mères respectives ne posèrent pas de questions plus que cela, semblant penser qu'ils étaient devenus bons amis. Il ne croisèrent jamais Mathias, et ce dernier ne renvoya aucun message. Leurs nuits étaient soldées de câlins et de papouilles, mais ils ne s'embrassèrent pas de nouveau, et leurs contacts physiques restèrent innocents. L'un et l'autre semblaient respecter leurs barrières mutuelles, et leur relation ressemblait à une amitié avec une tendresse inhabituelle.
Devant leurs amis, ils se montrèrent le plus impassibles possible, bien qu'ils se prirent quelques réflexions qui n'étaient autre que de l'humour. "Vous vivez une vraie bromance" leur avait dit Charline. Newton et Romain étaient les seuls au courant pour le bisous, Cléo ne pouvant rien cacher à son meilleur ami et Angel ayant trouvé en le jeune homme timide un confident sans pareil. Les deux au courant n'avaient rien dit aux autres et c'était tant mieux.
"Tu n'en parle pas aux jumeaux ? Avait demandé Angel, connaissant désormais l'histoire du pari.
"Mh, non. Je les adore, mais depuis cette histoire avec Azaël, je lui fais moins étrangement confiance. Et Azaël et Abraham se disent tout alors... Est-ce que je suis un mauvais ami ? " avait répondu Cléo.
"Tu n'est pas un mauvais ami. Mais tu devrais peut être lui parler." lui avait conseillé Angel.
Cléo n'avait pas eu l'air convaincu. Mais il était vrai qu'Azaël était de plus en plus bizarre ces derniers temps ; il venait moins en cours, trainait de plus en plus avec ses amis de l'option art, et ne parlait quasiment plus à Maël. Newton lui avait dit que c'était des "phases", qu'il avait toujours plus ou moins eu ce genre de moments, mais qu'il revenait à chaque fois. Angel avait depuis longtemps accepté le fait que certaines personnes ont un comportement que l'on ne comprend pas, mais qu'ils ne sont pas mauvais pour autant. Il avait alors arrêté de se préoccuper pour le jumeau ; après tout ils ne se parlaient plus beaucoup non plus.
C'est dans cette ambiance qu'arriva le marathon Harry Potter de Newton, un vendredi soir où le temps s'était rafraichi.
*
"Puisqu'il fait aussi froid, c'est l'excuse parfaite pour mettre un max de plaids ! S'exclama Charline en descendant au salon.
- Hé, t'as dépouillé tous mes placards ! S'indigna Newton.
- Mh, qui aurait cru que Newton ait une si grande collection de couvertures ? Monsieur est douillet !
- Roh, ta gueule.
Et tout le monde éclata de rire devant la tête mi honteuse mi vexée du jeune homme.
- Qui a les chips ?
- Moi ! S'exclama Cléo depuis la cuisine.
Angel regarda le blond arriver au salon en tenue décontractée qui lui allait merveilleusement bien, les mains chargés de paquets de chips. Naturellement, le châtain se poussa pour lui faire de la place, mais Charline protesta :
- Hep, hep, tu vas t'assoir plus loin le musicien. On a le droit de profiter d'Angel nous aussi, ça fait une semaine que vous êtes collés non-stop.
Et elle s'assit à la place normalement réservée à Cléo. Angel esquissa un sourire en levant les yeux au ciel :
- Espèce de jalouse.
- J'avoue. Mais bon, je suis sûre que Cléo manque à Newton aussi.
L'intéressé, qui était entrain de brancher la télé, se retourna :
- Euh, non, pas vraiment. Ça fait des années que je me coltine Cléo moi.
C'est beau l'amitié.
- Dans ce cas, viens à côté de moi, proposa Elisa assise sur un pouf au sol.
Le blond jeta un regard désemparé -mais discret à Angel, avant de consentir :
- Vendu, j'arrive.
La jeune fille semblait un peu trop ravie au goût du nouveau, mais il garda pour lui toute réflexion. Une fois tout le monde installé -c'est à dire les uns avachis sur les autres, par terre et sur le canapés, vautrés de manière disgracieuse, Newton lança le premier film.
- Et euh... Azaël ne vient pas ? Osa demander Romain.
Cléo, Newton et Abraham se lancèrent un regard gêné, visiblement embarrassés par la récente attitude de leur ami.
- Mh, il était pas à la maison quand je suis parti, mais normalement il devrait venir, finit pas répondre le jumeau."
Personne ne répondit, si ce ne fut que quelques hochements de têtes. Étrangement, quand le sujet de la conversation portait sur Azaël, personne n'osait rien dire ou commenter. Comme certaines personnes dans ce monde, le jeune homme avait cette faculté à être constamment pardonné ou excusé malgré des comportements limites. On appelle ça le beauty privilège, ou le... charme privilège ? Pensa Angel. Peu importe, après tout ils n'étaient pas plus mal sans lui.
*
Au milieu du premier film, le châtain sentit quelque chose toucher -non caresser son pied. Surpris, il dégagea bien vite sa jambe, avant d'intercepter le regard malicieux de Cléo. Décidément, celui là était bien plus effronté qu'en apparence. Il prit alors son téléphone :
De Moi à Cléo lycée : c'est pas un peu ringard de faire du pied ?
Angel se dit qu'il devrait quand même changer son nom de contact. Il regarda le blond qui checka son téléphone en fronçant les sourcils, avant d'esquisser un rictus à la lecture du message.
De Cléo lycée à Moi : on nous a séparés, c'est le seul moyen de te toucher :(
De Moi à Cléo lycée : j'ai une idée.
Angel se releva de sa position avachie pour demander :
"Qui a faim ?
Un "moi !" unanime retentit dans la pièce ; après tout ce n'était pas seulement des chips qui allaient nourrir des adolescents en pleine croissance.
- Je vais aller mettre les pizzas au four alors. Cléo, tu m'aides ?
- Comme par hasard, lança Nolan avec un sourire.
- Je suis le seul ici qui sait faire marcher le four de Newton à part lui-même, rétorqua Cléo.
- Et pourquoi c'est pas lui qui y va alors ?
- Parce que j'ai la flemme", répondit l'intéressé, non sans adresser un sourire complice à Angel.
Dieu merci, le meilleur ami de Cléo était son plus grand supporter. Les deux garçons chargés de la grande mission nourriture se levèrent donc pour partir en cuisine. Heureusement, ce n'était pas une cuisine ouverte mais une pièce à part, alors Angel pu fermer la porte derrière eux. Il s'approcha de Cléo qui était déjà entrain de sortir les pizzas du frigo et l'enlaça par derrière.
"Ahh, t'es trop agréable à câliner. T'es tout fin, alors je peux enrouler mes bras tout autour de toi.
- Euh, merci j'imagine ? J'aime bien que tu me câline aussi, répondit le blond avec un sourire.
- Dis Cléo, tu trouves pas qu'on est des genre de friends with benefits ?
Le corps contre lui se tendit :
- Euh bah je... on a pas, enfin...
Angel rit à la vue du jeune homme paniquant :
- Les "benefits" étant ces supers câlins.
- Oh, d'accord...
Puis Cléo se retourna, l'air malicieux :
- ... et ça pourrait être autre chose ?
Le châtain était toujours fasciné par la capacité du blond à paniquer si vite, puis à reprendre de l'aplomb en cinq secondes.
Avec une tête de plus que lui, Angel avait selon lui la plus belle vue du monde : les yeux vairons de Cléo, surplombés par ses mèches rebelles qui tombaient différemment selon les jours de la semaine. Les deux jeunes hommes se fixèrent un moment, pensant probablement à la même chose l'un et l'autre.
Angel ne pouvait s'empêcher de se dire qu'un bisous de plus ferait considérablement avancer leur relation, voire même trop. Si ils commençaient à s'embrasser trop régulièrement, en quoi seraient-ils différents d'un couple au regard de leur complicité actuelle ? Mais d'un autre côté, voir le blond ainsi, en face de lui, la bouche à quelques centimètres de la sienne, le rendait très faible.
Et puis merde.
Angel s'approcha doucement, et embrassa délicatement le jeune homme en face de lui, parce qu'il était précieux et qu'il en valait la peine. Cléo répondit par un mouvement d'appréciation en lui attrapant les cheveux, ce qui rendit leur baiser plus rude et plus sexy.
L'embrasser n'était pas comme embrasser Mathias.
Avec Mathias, Angel se sentait toujours en position d'infériorité, parce que ce n'était jamais lui qui décidait des moments d'affection. C'était toujours Mathias, si il le voulait bien. Les baisers avec lui étaient des récompenses et pas des gestes d'amour, et Angel n'avait compris et su les apprécier seulement quand il avait embrassé Cléo près du piano. Avec le blond, il se sentait d'égal à égal, parce que s'embrasser était un témoignage d'affection et de respect mutuel.
Les deux jeunes hommes étaient encore collés l'un à l'autre quand ils entendirent des éclats de voix provenant du salon. Intrigués, il se séparent à contre cœur et s'échangèrent un regard de confusion avant que Cléo ne semble reconnaître une voix :
"Azaël", lâcha t-il exaspéré.
Ils se précipitèrent au salon pour trouver une scène déroutante : Azaël, de toute évidence complètement ivre, se tenait avec difficulté sur le mur du hall d'entrée, et Nolan lui barrait la route. Angel jeta un œil à Cléo qui semblait démuni et perdu et décida de prendre les choses en main -enfin, du mieux qu'il pouvait :
- Nolan, Aza, qu'est-ce qui se passe ici ?
- Tiens, si ce n'est pas ce charmant nouveau, lança le jumeau avec un rictus.
- Ta gueule, connard, rétorqua Nolan.
- What the fuck. Expliquez moi là, demanda Cléo qui avait retrouvé la parole.
Bon, je n'ai rien pris en main du tout, se dit Angel.
Azaël se tourna vers Newton :
- Je suis juste venu passer du temps avec vous, j'ai été invité non ?
- Ouais. Mais t'as été invité sobre et sans le comportement de gros con.
Angel ne comprenait décidément rien à ce qui se passait : certes Azaël était bourré mais est-ce que c'était une raison pour être aussi remonté contre lui ?
- Déjà, excuse toi auprès de Maël, rajouta Newton.
- Putain Aza, qu'est-ce que t'as encore dit ?! S'exclama Cléo, visiblement exaspéré par son ami.
- Ce connard a... commença Nolan.
- On a couché ensemble, lâcha Maël en se tournant vers Angel et Cléo.
Quoi ?
- Oh.
- Mais euh...
Elisa se tourna vers les deux garçons qui avaient l'air encore plus perdus qu'avant :
- En gros pendant que vous faisiez les pizzas -d'ailleurs vous en avez mis du temps, Azaël est arrivé bourré, comme vous pouvez le voir. Du coup on était tous un peu réticents à ce qu'il vienne nous rejoindre et Maël a dit un truc du genre : "tu devrais aller dessouler d'abord". Là, Aza s'est énervé et à dit "tu disais pas non quand on était au lit". Du coup Nolan a voulu aller le frapper, on l'a retenu et euh... voilà on en est là.
- Bien résumé beauté, lâcha le jumeau.
- Bon là, c'est trop. Je te ramène à la maison. Sérieux, tu fais que de la merde en ce moment, on dirait que c'est moi le grand frère et j'en ai marre de rattraper tes conneries.
Sur ces mots, Abraham s'avança pour aller ramener son frère. Mais ce dernier se recula, avec un signe de refus :
- Mais non mec, tu peux pas, j'ai ramené un pote, c'est pas poli de le laisser en plan.
- Comment ça, t'as ramené qui chez moi ?!" S'insurgea Newton.
Et alors, Azaël se dégagea de la porte pour laisser place à un jeune homme au teint pâle et aux cheveux noirs jais.
Angel sentit tout son corps se pétrifier.
Il était là.
Il était toujours aussi beau, ou encore plus si c'était possible, et il le regardait comme un animal regarde sa proie. Angel le voyait maintenant, le vice dans ses yeux, alors qu'auparavant il n'y voyait que le charme et l'illusion de l'amour. Mais il ne pouvait pas bouger, parce qu'il ne savait pas comment réagir. Il aurait voulu fuir, courir à l'étage et s'enfoncer au fond d'un lit sans jamais en ressortir, mais il ne voulait pas être lâche. Il aurait pu le frapper, lui reprocher toute la haine et la tristesse qu'il avait accumulé ces deux dernières années, mais il ne s'en sentait pas capable.
Et une part de lui, une part qu'il détestait, aurait voulu foncer dans ses bras et l'enlacer, parce que malgré tout, il lui avait manqué.
Tout se mélangeait dans sa tête et il sentit son cœur commencer à accélérer, ses mains trembler et son corps se liquéfier. Mais avant qu'une crise ne puisse se déclencher, une main se glissa dans la sienne.
C'était Cléo. Qui d'autre ? Il avait compris, sans aucun doute. Et il était là pour lui.
Merci.
Angel vit le regard de Mathias se poser sur les mains jointes des deux jeunes hommes et abhorrer un sourire que le châtain ne su pas interpréter. Mathias ouvrit la bouche pour parler, et Angel se prépara à recevoir une pique, une parole, ou n'importe quoi qui lui ferait du mal. Mais le jeune homme aux yeux sombres ne regardait plus le châtain ; non, il regardait Cléo. Et alors il lança :
"Salut cousin, ça fait longtemps".
*
NDA : les problèèèèèmes
Blague à part, je voulais vous remercier parce que je remarque que vous êtes de plus en plus nombreux à lire cette romance ;) je suis super étonnée mais ravie et reconnaissante !!
A la semaine prochaine (ou avant ??) pour un nouveau chapitre :)
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