16. Enfin

"Salut joli garçon".

Cléo sursauta ; il n'avait entendu personne s'approcher. Il rougit immédiatement, rien qu'à l'idée que quelqu'un ait pu l'écouter jouer. Puis il se retourna et sans surprise -puisqu'il n'y avait qu'une seule personne qui puisse l'appeler "joli garçon", Angel se tenait dans l'entrebâillement de la porte. 

"On est juste amis Maya et moi, lança immédiatement Cléo.

Merde, pourquoi il avait dit ça comme ça ? En réalité c'était la première chose qui lui était venue à l'esprit, comme si c'était la chose la plus importante à dire sur le moment.

- Je sais, elle me l'a dit, répondit doucement Angel.

- Oh, souffla Cléo. Vous vous êtes parlé ?

Ça lui faisait bizarre d'imaginer ces deux là discuter ; comme si la saison 1 de sa vie était diffusée en même temps que la saison 2.

- Ouais, elle est sympa.

Un ange passa. Puis Angel entra dans la pièce, lentement, comme si il pénétrait un sanctuaire, un endroit sacré. Cléo était toujours assis sur le banc du piano, retourné vers le jeune homme, dans l'attente de quelque chose.

- Je suis désolé, finit par dire Angel.

C'était ce qu'il attendait. Il avait besoin d'un mea culpa d'Angel, car même si il admettait que faire un câlin à son ex pouvait porter à confusion, il refusait que le garçon puisse le confondre avec ce connard de Mathias. 

- Je ne suis pas comme lui tu sais. Je ne profiterai pas de toi, je ne me jouerai pas de toi, je te respecterai. Je te respecte déjà.

Le châtain le regarda d'un air presque désolé :

- Je sais pas Cléo, je ne crois pas que je suis respectable.

- N'importe quoi. Pourquoi tu ne le serais pas ?

- Je fais n'importe quoi. Je me laisse avoir, je fais pleurer ma mère, je m'énerve pour rien, je m'énerve contre toi.

- Mais tu sais revenir, et tu sais t'excuser. Franchement Angel, tu n'es pas pire que n'importe quel garçon de notre âge, au contraire. C'est normal de passer par des étapes où l'on ne se reconnaît pas soi-même. C'est parce qu'on change, parce que les gens changent autour de nous, parce qu'on se cherche.

Le jeune homme en face de lui baissa le tête en esquissant un petit sourire, et Cléo se demanda ce que ce petit sourire voulait dire.

- C'est joli ce que tu as joué.

Le blond fronça les sourcils, pris de court par ce changement de conversation.

- Je.. ouais, merci. C'est... une compo.

Angel avança d'un pas.

- Tu es doué. Tu l'as écrit... pour quelque chose en particulier ?

- Ah... je vais te paraître ridicule.

- Jamais de la vie. Tu ne sera jamais ridicule à mes yeux Cléo.

Pourtant, Cléo avait l'impression de tout le temps se ridiculiser face à lui. Il s'était ridiculisé lors de leur première conversation, il s'était ridiculisé dans la bibliothèque du manoir, il s'était ridiculisé en croyant qu'Angel allait l'embrasser dans sa cuisine, quand ils faisaient la vaisselle.

- Tu mens. Tu m'as forcément trouvé ridicule quand je suis venu te voir à la rentrée.

Angel laissa échapper un rire :

- Nan, je t'ai trouvé gênant, c'est pas pareil.

Cléo, écarlate, se cache la tête entre les mains.

- Oh my God, la honte. Je suis tellement désolé pour ce jour là c'était...

Le pari. Mais il ne pouvait pas lui dire.

- Un pari ? 

Une sueur froide parcourut tout le corps du blond.

Angel savait ? 

- Comment-tu...

Le châtain haussa les épaules : 

- J'ai deviné. Plus ou moins. Une conversation avec Romain m'a aidé aussi. Puis j'ai fait les calculs dans ma tête et je me suis dit que c'était logique. Pourquoi un garçon hétéro viendrait me faire des avances comme ça ?

- T'abuse... je t'ai pas fait des avances.

- Mhh, c'était quoi exactement ce... qu'est-ce que tu m'as dit déjà ? Ah oui : "si j'aimais les garçons, ça serait différent" ?

Oh. Mon. Dieu. Cléo eut soudain envie de s'enterrer six pieds sous terre.

- Arrête de te moquer de moi, souffla t-il. En plus, tu m'as recalé. Tu m'as bien fait comprendre... que je ne t'intéressais pas.

Angel sourit et avança encore d'un pas.

- Je n'ai pas dit ça. J'ai dit que je ne jouais pas sur plusieurs tableaux, c'est pas pareil.  À l'époque, j'étais vraiment intéressé par Azaël.

Le châtain s'avança encore plus, jusqu'à surplomber le blond, toujours assis. Leurs genoux se touchaient et Cléo pouvait sentir son souffle lorsqu'il parlait. Il était proche, beaucoup trop proche. Pour remettre un peu de distance entre eux, le pianiste se releva lentement, en soutenant le regard profond d'Angel. Ils étaient désormais à égalité, bien que le nouveau le dépasse toujours d'une tête.

- Et maintenant ? Osa demander le blond.

- Maintenant quoi ?

- Il t'intéresse toujours ?

C'était risqué mais il devait savoir. Bien sûr, la question sous-entendue n'était pas "est-que Azaël t'intéresse" mais "est-ce que je t'intéresse ?".

Angel fit mine de réfléchir :

- Mhh... je sais pas, ça dépend. Tu es toujours hétéro ?

Cléo entrouvrit la bouche, décontenancé par l'audace du jeune homme, puis lâche un petit rire.

- Les garçons ne m'intéressent pas. . . , commença t-il.

Le sourire d'Angel se fana presque instantanément, et Cléo culpabilisa de le faire tourner en bourrique. Alors il enchaîna :

- Les garçons ne m'intéressent pas. . . mais un garçon. . . 

Et il vit dans les yeux du châtain une lueur qu'il n'avait jamais vu jusque là ; un mélange de félicité et de désir sincère. Un désir pour lui.

Angel s'approcha encore plus, si bien que leurs deux corps étaient collés, Cléo coincé entre lui et le piano. Le blond haleta un peu : il paniquait légèrement car il ne s'était jamais retrouvé dans une telle position avec un garçon. Et pas n'importe quel garçon : Angel. Contrairement au moment où ils avaient dormi ensemble, qui n'avait été qu'innocence et candeur, Cléo sentait là que leur proximité physique prenait une toute autre dimension.

Les deux garçons, naturellement, avancèrent leurs têtes, jusqu'à ce que leurs fronts soit collés.

- Ah ouais ? Un garçon ?" Chuchota Angel contre ses lèvres.

Cléo voulu répondre, avoir de l'aplomb, mais dans une telle situation il était incapable de prononcer le moindre mot, il se sentait si faible. Ses yeux faisait la navette entre ceux du jeune homme beaucoup trop proche de lui et ses lèvres surplombées d'un piercing très excitant, et tout ce que son cerveau était capable de penser était : Angel, Angel, Angel.

Et alors, ce dernier se pencha vers lui pour exécuter son vœu silencieux.

Lorsque les lèvres du châtain s'écrasèrent contre les siennes, Cléo cru voir les étoiles. 

C'était si bon, c'était. . . c'était tout ce qu'il voulait. Ce qu'il ressentit au creux de son ventre n'avait rien à voir avec les petits papillons qu'il avait lorsqu'il embrassait Maya. Là, ce fut un millier d'oiseaux, des hirondelles, des corbeaux, des aigles et tout ce que le ciel pouvait abriter. Il sentait le piercing d'Angel contre ses dents et avec un peu d'audace le mordilla, ce qui fit gémir le châtain qui le pressa encore plus contre le piano. Cléo émit un soupire à son tour et l'embrassa de plus belle.

Au niveau des seules sensations physiques, embrasser un garçon était tout comme embrasser une fille. Mais au regard de ses sentiments, embrasser Angel était bien différent. C'était comme un soulagement, comme un secret enfin révélé grand jour qui nous débarrasse d'un poids. À mesure qu'il l'embrassait, Cléo réalisait à quel point c'était de ça dont il avait besoin depuis des jours -voire des semaines, que c'était ça la réponse à tous ses tourments.

Désormais il en était sûr, il pouvait se l'avouer à lui-même : il ressentait des choses pour un garçon, des choses autant physiques que sentimentales. Il ressentait des choses pour Angel.

Lorsqu'ils finirent par s'écarter l'un de l'autre, un peu essoufflés et décoiffés, Angel l'enserra dans ses bras, fort, et chuchota au creux de son oreille :

"Enfin".





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