12. Joli garçon
Pour des raisons évidentes, Angel n'avait pas assisté aux cours de l'après-midi. Il sut par Romain qu'il avait été le sujet de discussion à midi et apprit avec étonnement que les deux groupes avaient mangé ensemble. Ça lui faisait bizarre mais aussi plaisir de penser ses amitiés en terme de "groupe", d'avoir autant de gens liés les uns aux autres dans son entourage. Il avait toujours eu des amis par-ci par là, sans jamais se constituer un groupe à proprement parlé, et quelque part en avoir un était rassurant.
Une fois rentré chez lui, il reçu plusieurs messages qui lui demandaient si il allait mieux, et il y répondit brièvement avec des "oui, merci" sans s'étaler d'avantage. Il ne savait pas vraiment comment réagir à cette déferlante d'attention. Et puis, il était inquiet. Il était inquiet par ce message qui avait provoqué sa crise d'angoisse. Il était inquiet de constater qu'après avoir été sûr de rayer Mathias de sa vie -ou du moins leur relation, il ne s'en était en réalité pas du tout défait.
Mathias.
Son meilleur ami. Son premier amour. Son tortionnaire.
Sentant une vague de stress monter, il inspira et expira profondément. Sa mère était repartie au travail après avoir été le chercher ce matin, alors il ne pouvait pas se permettre de refaire une crise ; il ne voulait pas l'inquiéter plus qu'elle ne l'était déjà.
Une lumière automnale s'infiltrait doucement à travers les fentes des rideaux de sa chambre, plongeant la pièce dans un délicieux mélange de couleurs orangées. Angel s'en sentit apaisé. Il relativisa ; après tout ce n'était qu'un message. Même si Mathias était en ville, il n'allait sûrement pas le croiser, et pour plus de précautions il n'avait qu'à éviter le quartier où vivait la tante de ce dernier.
Ce n'était qu'une semaine à tenir.
Pour se changer les idées, il envoya un message à Maël pour lui demander les cours -c'est lui qui avait la plus belle écriture ; puis il attrapa son livre du moment et se plongea dans les lignes de Ionesco.
*
La porte claqua, ce qui réveilla Angel. Il s'était endormi le nez dans son livre. Il s'étira bruyamment et se leva avec peine pour aller saluer sa mère. Cette dernière l'accueilli avec un grand sourire et lui demanda comment il se sentait.
"Ça va mieux, j'ai encore dormi, donc j'ai bien récupéré" signa t-il.
En soi sa mère pouvait lire sur les lèvres, mais ça lui demandait un effort supplémentaire alors il préférait toujours signer.
"Tu pourras aller à l'école demain ?"
"Oui oui, sans problème. C'était juste une crise d'asthme, ne t'inquiète pas."
Il n'avait pas dit à sa mère que cette crise d'asthme avait été provoquée par une crise d'angoisse. Heureusement que Cléo avait quitté l'infirmerie avant qu'Angel ne dise son semi-mensonge, car il n'aurait pas osé mentir à sa mère devant lui. C'était bête de sa part, il se savait, mais au fond de lui, il voulait croire que cette crise d'angoisse n'était qu'une exception ; alors pourquoi embêter sa mère avec quelque chose qui n'allait plus arriver ?
"J'ai croisé un ami à toi au travail aujourd'hui", commença Amélie.
Ce n'était pas étonnant, car sa mère travaillait dans une médiathèque, alors elle croisait souvent des étudiants et des lycéens qui venaient réviser. Ce qui était étonnant, c'est qu'elle ait reconnu Romain -Angel présuma que c'était lui car c'était la seule personne de son nouveau lycée qu'il lui avait présenté jusque là, alors qu'elle ne l'avait vu qu'une fois.
"Tu sais, Mathias, de ton ancien lycée".
Angel sentit son souffle se couper. Non, non, non, non. Mathias s'était rendu à la médiathèque ? Comme par hasard là où travaillait sa mère ? Quel enfoiré. Le châtain sentit cette fois-ci non pas de l'angoisse monter mais une colère sourde. Ne laissant rien paraître devant sa mère, qui ne connaissait pas l'histoire -enfin, qui la connaissait sans jamais avoir su que Mathias y était impliqué, il demanda innocemment :
"Il t'a parlé ?"
"Oui, il a bien articulé pour que je comprenne tout, c'est vraiment un gentil garçon. Il m'a dit que ça fait longtemps que vous ne vous étiez pas vu et qu'il avait perdu ton numéro, alors je lui au proposé de passer avant le dîner", lui répondit-elle avec un grand sourire, heureuse d'avoir fait ça pour son fils qui serait sûrement enchanté de revoir un ancien ami.
Angel cru mourir. C'était un cauchemar. Mathias était comme une ombre -non, un fantôme ou n'importe quelle merde qui vous hante, et dont vous ne pouvez jamais vous défaire. C'était sa malédiction.
Son cerveau passa en mode automatique, et alors plus rien n'était rationnel. Sérieusement, pourquoi sa mère lui avait proposé de passer ?! Ce n'était pas de sa faute elle ne savait pas. Mais pourquoi est-ce qu'elle se mêlait de sa vie ?! Elle voulait juste le rendre heureux. Quelle conne d'avoir invité Mathias !
Et il entendit un sanglot. Il se figea et revint à la réalité. Sa mère pleurait. Il réalisa : il avait pensé à voix haute, il avait crié sur sa mère. Il redevenait comme avant, comme quand sa mère le regardait avec de la peur dans les yeux. Il ouvrit la bouche, bêtement, ne sachant pas quoi dire. Je suis désolé. Il n'arriva pas à le prononcer. Alors, il fit la chose la plus lâche qu'il puisse faire à ce moment précis : il tourna le dos, se précipita dans l'entrée, enfila n'importe quelles chaussures et sortit de chez lui en claquant la porte.
Une fois dehors, il marcha pendant un long moment, jusqu'à ce qu'il fasse nuit. La colère finit par redescendre, mais l'angoisse refit surface. C'était ridicule, il se sentait ridicule. Il était un monstre, il avait fait pleurer sa propre mère. Il était un lâche, il avait fuit. Il était faible, il n'arrivait pas à surmonter ses ténèbres. Il se mit à pleurer doucement et son souffle se fit de plus en plus saccadé.
Mais il était hors de question qu'il refasse une crise d'angoisse.
Alors, instinctivement, il attrapa son téléphone et scrolla rapidement dans le groupe WhatsApp de la classe jusqu'à trouver le numéro de Cléo.
Pitié qu'il décroche.
*
C'était bizarre. C'était même très bizarre. Il était à table avec newton, Cléo et sa mère Marion. La pièce sentait bon les lasagnes, la conversation allait bon train, et il ne sentait plus la moindre trace d'angoisse en lui.
Il était arrivé chez Cléo après que celui-ci lui ai communiqué son adresse, lui indiquant qu'il ne pouvait pas sortir parce que sa mère avait fait à mangé et que Newton était chez lui, mais qu'il pouvait venir sans problème les rejoindre pour le dîner. Angel ne savait pas ce qui lui avait pris, mais il avait accepté. Il avait envoyé un message rapide à sa mère pour lui dire qu'il était en sécurité mais qu'il ne mangerait pas à la maison. Il se sentait comme un imposteur dans ce foyer chaleureux, lui qui avait quitté le sien en hurlant sur sa mère. Il ne méritait pas d'être ici, entouré de bonnes personnes, d'amis en or et de lasagnes -mon Dieu, ces lasagnes étaient divines.
Cléo ne lui avait même pas posé de question, et Angel appréciait ça (bien qu'il intercepta des regards inquiets de la part du blond au cours du repas). Newton et Marion non plus, même si ils n'étaient pas dupes et qu'ils se doutaient sûrement que quelque chose n'allait pas. Mais chacun respectait le silence d'Angel sur sa situation et ils avaient compris que leur mission était seulement d'être là pour lui, et pas de lui donner des conseils, ou de servir de psychologues. La mère de Cléo décréta que cela tombait bien parce qu'il y avait "assez de lasagnes pour nourrir un régiment", et que ça lui éviterait du gâchis. Elle souligna aussi le fait qu'elle était ravie de rencontrer un nouvel ami de son fils. Cléo s'étant confié à lui plutôt dans la journée, Angel se doutait que le blond ne lui avait pas présenté beaucoup de personnes.
Ils parlèrent alors de tout et de rien, des cours, du travail, de souvenirs, de Mayalène -beaucoup de Mayalène d'ailleurs car Newton n'avait que ce nom à la bouche. Une fois le repas terminé, ce dernier annonça qu'il ne devrait pas tarder car il devait emmener sa petit sœur au cinéma ce soir. Elle s'appelait apparemment Georgia -ils devaient aimer les prénoms américains dans cette famille, était fan de Miraculous et attendait donc avec impatience de voir le film. Angel sourit à l'idée d'avoir une petit sœur, lui qui avait toujours été fils unique.
"Et toi mon grand, commença la mère de Cléo (elle appelait toujours les amis de son fils par cette dénomination) en s'adressant à Angel, tu restes un peu ? Tu peux même dormir ici si tu veux.
Angel regarda immédiatement Cléo et vit ce dernier rougir. Il hésita :
- Hum, je ne voudrais pas déranger...
Marion lui adressa un sourire franc :
- Je ne suis jamais dérangée par les amis de mon fils. Et tu es très poli, tu m'as remerciée un million de fois pour le repas ! Alors, il n'y a aucun problème à ce que tu restes.
Angel aurait voulu revenir chez lui pour s'excuser auprès de sa mère, mais elle avait donné leur adresse à Mathias. Il avait peur que ce dernier l'attende devant sa porte, car il en était capable.
- C'est gentil de votre part, il faudrait prévenir ma mère et euh...
- Je m'en occupe, le coupa Marion. Donne moi juste son numéro et je vais la prévenir. Des fois, il vaut mieux que ça soit de parent à parent, ça passe mieux."
Angel la remercia et lui donna son téléphone avec le contact de sa mère, et Marion s'éclipsa dans la cuisine pour passer l'appel. Newton se leva :
"Bon les gars, j'y vais sinon je vais me faire engueuler par une gosse de 9 ans. Cléo, tu diras merci à ta mère de ma part ! A demain et ne faites pas de bêtises, gloussa t-il.
Sur ces belles paroles, il s'en alla. Angel se tourna vers vers Cléo :
- C'est ok si je reste ? Je peux toujours dire à ta mère que...
- Non non, c'est très ok, le coupa Cléo. Mh question bête, enchaîna t-il, mais est-ce que ma mère ne devrait pas plutôt envoyer un message ? Si elle appelle...
- C'est gentil de t'inquiéter. Ma mère a une appli qui transpose les appels par écrit, donc pas de problème. Ensuite, elle tape ce qu'elle doit répondre et ça le transcrit en parole.
- Ok, cool, souffla le blond.
- Ta mère est d'accord ! Annonça Marion en revenant dans la salle à manger. Elle s'inquiétait pour toi, mais elle est contente que tu sois chez moi plutôt que dans la rue. Enfin, c'est ce qu'elle a dit."
Angel esquissa un sourire. Il aimait sa mère, elle était incroyablement patiente avec lui. Trop patiente. Il se disait parfois qu'il ne la méritait pas.
Ils débarrassèrent la table et Cléo assura à sa mère qu'ils allaient s'occuper de la cuisine. Elle accepta de bonne grâce et se retira dans sa chambre, en imputant aux garçons de lui demander si ils avaient besoin de quoique soit. Elle rajouta qu'elle déposerait Angel chez lui le lendemain pou qu'il récupère ses affaires de cours. Le châtain n'avait même pas pensé à ce détail ; mais il vrai qu'il n'était que lundi : ils avaient encore toute une semaine de cours à subir.
"Comment ça se fait que tu sais signer ? S'enquit Angel alors que Cléo lui passait une assiette à essuyer. Je veux te poser la question depuis ce matin.
Cléo baissa légèrement la tête :
- Mh, c'est pas grand chose. Je fais du bénévolat dans une association pour enfants malentendants. On les aide avec leur devoirs, on monte des évènements sportifs... ce genre de choses.
- Wow Cléo, c'est super.
Angel était sincèrement admiratif. Des jours en jours, le jeune homme aux yeux vairons l'intéressait d'avantage.
- Tu as un super niveau pour quelqu'un qui n'a aucun malentendant dans sa famille, c'est réellement impressionnant, continua t-il en observant avec délectation les joues du blond se teinter de rouge.
- On m'a déjà dit que c'était grâce à la mémoire musculaire, vu que je joue du piano, tu sais.
- Oh c'est vrai, tu fais de la musique. Depuis combien de temps ?
- Mhh, je dirais 5 ans. J'ai pas un niveau de dingue, mais je ne cherche pas à en faire mon métier donc, c'est pas grave.
- Et tu voudrais faire quoi ?
Cléo lui sourit timidement :
- Bonne question, je crois que personne ne sait vraiment trop à notre âge. Tu as une idée, toi ?
- Pas le moins du monde.
Et le blond laissa glisser un rire entre ses lèvres, et Angel cru un instant que c'était le plus beau son du monde.
- A quoi tu penses ? S'enquit Cléo, parce qu'Angel le fixait plus que de mesure.
- A ton rire, il est doux. Comme toi, répondit le plus sincèrement Angel.
Il vit le blond ouvrir la bouche de stupeur ; il ne s'attendait pas à cette réponse visiblement.
- N'importe quoi, protesta l'intéressé en fronçant les sourcils.
- Si, c'est vrai. Et c'est parce que tu es aussi doux que tu as réussis à m'apaiser pendant ma crise, ce matin.
Angel était d'humeur joueuse. Malgré les évènements de la journée, il n'avait pas oublié sa conversation avec Romain, et la promesse qu'il lui avait fait d'être "le plus beau défi" de Cléo. Ce dernier ne semblait plus savoir où se mettre, et le châtain s'en amusait un peu.
- C'est juste que par chance, je connaissais la LSF, c'est tout.
Mais Cléo lui même ne semblait pas convaincu par ses propres paroles. Angel se tourna face à lui et lui prit la main.
- Qu'est-ce que..., commença le blond.
Angel guida sa main jusqu'à sa poitrine, au même endroit où Cléo l'avait posée plus tôt dans la matinée.
- C'est parce que tu as mis ta main ici, que je me suis calmé.
Il prit son autre main et la posa sur sa mâchoire.
- C'est parce que tu m'as pris la tête comme ça que j'ai pu me concentrer sur mon souffle."
Cléo ne disait rien, la tête relevée vers lui et son regard planté dans le sien. Ses yeux étaient emplis d'une fascination qu'Angel n'avait jamais vu dans le regard de quelqu'un -en tout cas pas envers lui. Il était beau, comme toujours ; doux et délicat dans sa façon de papillonner des paupières, désirable et fantasmatique par cette bouche légèrement entrouverte, comme dans l'attente de quelque chose.
Il voulait l'embrasser. Il allait l'embrasser.
Puis le visage de Mathias apparu dans son esprit. Putain. Ce connard hantait sa conscience et ses désirs. Angel n'était pas bien, il avait passé une journée émotionnellement compliquée, et il ne voulait pas que Cléo soit un lot de consolation. Pour la première fois depuis longtemps, Angel se dit qu'il voulait faire les choses bien. Est-ce qu'il était vraiment entrain de s'attacher au jeune homme ? Peut-être bien.
Alors, il fit couler furtivement l'eau du robinet et aspergea le visage de Cléo.
"Il faut revenir à la réalité joli garçon, l'interpela Angel sur ce geste.
- Eh ! Protesta ce dernier. Tu vas voir !"
Et Cléo l'aspergea à son tour. S'en suivit une bataille d'eau qui aurait fait frissonner d'horreur la pauvre Marion (qui tenait à ce que sa cuisine reste toujours impeccable), et les deux garçons ne s'arrêtèrent que jusqu'à être complètement trempés et essoufflés.
"T'abuses, lui lança Cléo d'un ton accusateur, mais avec un grand sourire.
Il était plutôt sexy les cheveux mouillés, mais Angel se retint de lui dire.
- Désolé, c'était trop tentant d'ouvrir les hostilités, confessa t-il avec un sourire tout aussi grand.
- Tu peux monter pour aller prendre une douche. C'est juste à gauche après les escaliers, et y a des serviettes propres dans le tiroir du bas. Et prend aussi un pyjama dans mon placard, tiroir milieu droit ; tu peux pas te tromper y a une seule chambre à l'étage. Moi je vais ranger ce bordel sinon ma mère va faire une crise cardiaque, et je te rejoins.
- Tu me rejoins dans la douche ? Releva le châtain avec un sourire en coin.
- N'importe quoi, souffla le blond.
- C'est devenu ta phrase préférée j'ai l'impression.
- C'est parce que tu dis toujours n'importe quoi.
- Juste avec toi joli garçon.
- Et arrête de m'ap...
- Chut, tu vas me vexer."
Sur ces mots, Angel monta les escaliers.
*
Le châtain attendait affalé sur un pouf au pied du lit -ma foi très confortable, que Cléo sorte de la douche. La chambre de ce dernier était étonnante : les murs étaient peints en couleur vert pastel, entrecoupés par-ci par-là par des coups de pinceau violet et bleu pastel, couleurs que l'on retrouvait partout au plafond. Etrangement le tout rendait bien, et Angel avait l'impression d'être plongé dans un joli rêve rempli d'herbe fraîche et de barbes-à-papas. Tous les meubles étaient en bois clairs et de nombreuses plantes parsemaient la pièce ça et là, certaines en meilleur état que d'autres -Cléo n'avait apparemment pas la main très verte. Un piano électronique faisait face à l'unique mais grande fenêtre, à droite du lit qui trônait au milieu de la pièce. Angel se dit qu'il aimerait bien entendre Cléo jouer ; il lui demanderait un jour. Le meilleur de la pièce cependant restait cet énorme tapis persan bleu et blanc qui couvrait presque tout le sol, surmonté d'un pouf effet laine de mouton.
Bien qu'Angel était du genre à préférer les chambres sobres comme la sienne, il ne pouvait qu'être impressionné par le monde que s'était crée Cléo dans cette pièce. Ce dernier entra dans la pièce affublé du même type de pyjama que lui, c'est à dire un simple jogging et un t-shirt.
"Tu es fatigué ? Demanda le blond.
- Pas vraiment. A vrai dire, j'ai pratiquement dormi toute la journée.
Cléo esquissa un sourire avant de s'affaler sur le lit. Instinctivement, aucun des deux garçons ne s'était posé la question du couchage. Ils dormiraient ensemble, et c'était une évidence.
- On peut regarder un film sur mon ordi si tu veux, proposa le blond.
Angel acquiesça :
- Choisis. Je regarde pas trop la télé ou des trucs en streaming, alors j'ai rien à te proposer.
Cléo haussa un sourcil, l'air de dire : " quel adolescent ne regarde pas de films ou de séries de nos jours ?"
- C'est pour ça que j'ai jamais vu Harry Potter, rajouta le châtain.
- Ah oui, Newton m'a reparlé de son marathon, je crois que ça va vraiment se faire.
- Ca serait cool.
- Ouais.
Un ange passa. Puis Cléo lança :
- Mais du coup, tu fais quoi si tu regardes rien ?
- Je lis.
- Wow, ok monsieur-je-suis-différent-des-autres.
- On est dans une filière littéraire ; si tu ne lis pas, c'est toi le problème.
- Touché. Et du coup, tu lis quoi en ce moment ?
- Le Solitaire, de Ionesco.
- Une pièce de théâtre ?
- Non, le seul roman qu'il a fait. Il interroge la place du "moi" dans le monde. Et puis ça parle de l'altérité, de l'argent, de la révolution, du vide. Bref, de plein de sujets propices au pessimisme.
- En gros c'est sur l'absurdité de la vie ? C'est son truc, non, l'absurde ?
- En fait, c'est le contraire. Selon lui la vie n'a rien d'absurde. Ce qui est absurde, c'est qu'on ne la comprenne pas.
- Ça a l'air sympa.
- Je te le passerai ; j'ai noté plein de trucs dessus."
*
"Angel, tu dors pas ?
- Non, j'y arrive pas. Désolé de t'avoir réveillé.
Décidément, dès qu'il dormait avec quelqu'un... et bien il ne dormait pas justement. Ils s'étaient assoupis devant The Office, que Cléo avait été très fier de faire connaître à Angel. Bon, ça ne valait peut-être pas la philosophie de Ionesco, mais ça avait le mérite de l'avoir fait bien rire. Cependant, Angel s'était réveillé assez rapidement sans réussir à se rendormir. Il avait fait son possible pour ne pas réveiller Cléo, mais il s'était trop tourné et retourné, ce qui avait finit par déranger le sommeil de son compagnon de lit. Sur le dos, il sentait le souffle de Cléo dans son cou, qui s'était tourné sur le côté pour lui parler. Ce garçon l'apaisait d'une manière inexplicable. Il ne se sentait en rien gêné de dormir avec lui et ça lui semblait même naturel.
- T'inquiète, répondit le jeune homme à ses côtés, encore à moitié endormi.
Angel se tourna lui aussi, de manière à faire face à Cléo. La chambre de ce dernier n'avait pas de volet, seulement des rideaux, ce qui faisait que la pièce était relativement éclairée par la nuit. Le châtain entrapercevait les yeux vairons du blond, qui lui semblaient alors encore plus mystiques à la lumière de la lune. Cléo semblait hésiter à lui dire quelque chose.
- Qu'est-ce qu'il y a ? S'enquit alors Angel.
Son interlocuteur se mordilla la lèvre.
- Est-ce que... est-ce que tu veux me raconter ce qu'il s'est passé aujourd'hui ? Enfin je veux dire... ce qui a provoqué ta crise d'angoisse ?
Est-ce qu'il voulait se confier à Cléo ? Oui. Est-ce qu'il pouvait se confier à lui ? C'en était moins sûr. Mais il lui faisait tellement confiance, dans une telle mesure qu'il n'aurait su expliquer pourquoi rationnellement, qu'il su que c'était la bonne chose à faire.
Alors, il prit une grande inspiration, et commença à raconter.
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