10. Un simple message

Était-il un défi pour Cléo ? Angel n'arrêta pas de faire tourner cette pensée en boucle pendant son chemin vers le lycée. La seule manière pour lui d'y voir plus clair était de confronter insidieusement le blond en ce lundi, et de voir sa réaction. Lorsqu'il arriva devant la salle -décidé à enclencher il ne savait quel plan, il tomba sur Azaël et Maël en pleine discussion. Il sentit immédiatement toute sa culpabilité remonter et leur adressa un sourire, il fallait le dire, assez pitoyable. "Il faut vraiment que je m'explique avec eux" se dit-il. Mais ce n'était pas le moment, alors il les dépassa pour aller rejoindre Nolan déjà arrivé lui aussi. Il voulut s'excuser, mais ce dernier le devança :

"Mec, je suis désolé pour hier. J'aurais pas dû réagir comme ça ; ce que tu fais avec Azaël ne me regarde pas. C'est juste que quand ça touche Maël... ça me tend. Enfin bref, tu le sais de toute façon, on en a parlé.

Angel se sentit soulagé et hocha la tête :

- Je m'excuse aussi. C'était un peu con de ma part. C'est juste qu'avec Azaël on parlait vraiment donc... je sais pas, sur le moment je me suis dit que c'était OK.

- Ah ouais, genre parler parler ?

- Bah...

Angel sortit son téléphone pour montrer brièvement sa discussion avec le jumeau, entre conseils musicaux et sous-tendus grivois. Nolan esquissa un sourire amer :

- Ah ouais quand même... putain il s'est bien foutu de votre gueule à tous les deux.

- Ouais..." souffla le nouveau.

Il se sentait un peu bête d'avoir foncé sur le premier garçon qui l'avait abordé lors de la semaine de rentrée ; après tout il avait une longue année devant lui et de toute façon, se mettre en couple ou quoique ce soit qui y ressemble n'était pas dans ses plans initiaux. Il voulait juste passer une bonne année, loin de l'année passée et tous les malheurs qui s'étaient accumulés. Il voulait que sa mère reparte du bon pied aussi, et pour ça il fallait qu'Angel aille bien ; il n'était pas question de lui donner du soucis, encore. Alors, il jeta un œil à Azaël au loin lui fit un adieu mental.

En parlant de lui, il avait visiblement finit de discuter avec Maël et les deux se dirigèrent vers Nolan et lui. Maël déclara :

"On enterre officiellement la hache de guerre et tout va bien dans le meilleur des mondes.

Angel lui adressa un regard confus :

- Euh, d'accord ? Je peux quand même m'excuser même si la hache est enterrée ?

- T'inquiète. On est pas des gamins, on va pas se disputer pour des histoires de bisous en soirée. Azaël et moi on est d'accord là dessus, et vous aussi j'imagine.

- Mais, voulu protester Nolan. 

De toute évidence, il n'acceptait pas qu'Azaël s'en sorte aussi facilement. Cependant, ce dernier intervint :

- Bon alors... si tout est ok, on devrait rentrer en classe, la prof est là."

*

Pourquoi Cléo voulait-il se mettre à côté de son ex la trompeuse au lieu de... lui ? Angel était indigné. Il avait été ravi de voir, que, pour une raison inconnue, Newton ne s'était pas mis à côté du beau blond. S'il voulait se rapprocher de Cléo pour vérifier si il était bien un défi pour lui ou non, c'était l'occasion idéale. Et puis, ce n'était pas trop suspect puisqu'il était au final le seul qu'Angel connaissait dont la place à côté était libre. Alors, il s'était innocemment approché de sa table. Mais le blond ne l'avait même pas regardé dans les yeux et à  la place, il avait littéralement supplié du regard son ex copine, -Maya c'est ça ? De venir à côté de lui. Angel n'était pas dupe, il bien observé la situation. 

Quelque part il savait qu'il n'avait aucune légitimité à se plaindre au regard de la manière dont il l'avait éconduit (pour ne pas dire salement recalé) dans la bibliothèque, mais d'un autre côté il venait a priori à côté de lui en tant qu'ami, alors il ne comprenait pas trop la réaction du jeune homme. Déçu et confus, il lança :

"Ouais, ok, je vois. Bonne journée Cléo."

*

Le cours avait été plutôt passionnant et au final, Angel était content de s'être mis devant à côté de... Clarisse ? Clarence ? Il n'était pas sûr, elle lui avait à peine adressé un mot. Enfin, peu importe ; il avait pu écouter comme il se devait le cours sur l'absurde au théâtre. Angel aimait la littérature, et il était heureux d'avoir une professeure à la hauteur de ses attentes. A côté de Cléo, il aurait été... distrait.

La pause fut annoncée ; certains élèves sortirent prendre l'air et d'autres restèrent en classe... tels que Maya et Cléo. Angel les observa discrètement discuter -il ne s'avait pas de quoi, mais ils avaient l'air heureux et complices ensemble. Peut-être que Cléo était finalement bien totalement hétéro et que le beau blond se remette avec la belle brune était dans l'ordre des choses. Angel soupira à cette pensée et attrapa son téléphone pour regarder distraitement ses notifications. 

Puis il vit. Il vit un nom s'afficher, un nom qu'il n'aurait jamais cru revoir -ou qu'il ne voulait pas revoir.

Mathias.

Le message affichait : "Pb de famille, je viens passer une semaine chez ma tante. J'espère qu'on se croisera, j'ai hâte de te revoir".

"J'ai hâte de te revoir". Angel sentit ses entrailles se figer. Il eut froid, puis chaud, en l'espace de 30 secondes. Puis l'angoisse remonta de son estomac à sa gorge et alors il su que ça n'allait vraiment pas. Ce n'était pas juste de la panique, il allait faire une crise d'angoisse. 

Alors il se précipita dehors. 

Il s'entendit dire quelque chose à la professeure, sans savoir exactement quoi, et tituba jusqu'à trouver un bout de couloir vide, où personne ne pouvait le voir. Il tomba à terre. Il cherchait de l'air, en vain ; de sa gorge jusqu'à ses doigts tout son corps était contracté, serré, comme si il voulait se rétracter en lui même et ne plus jamais être au contact de la moindre chose extérieure. Angel eu envie de suivre le mouvement de son corps et de disparaître en lui-même : il réalisait que quoiqu'il fasse, il était toujours derrière lui, il ne le lâcherait jamais. Il devait avoir l'air vraiment pitoyable là maintenant, et si... et si quelqu'un le trouvait, il passerait pour un faible et...

"Merde, qu'est-ce qu'il a"

Angel cru reconnaître la voix de Nolan. Mais il avait les yeux embués, alors il n'était sûr de rien. Et il n'arrivait toujours pas à respirer correctement ; sa tête commençait à tourner. Il connaissait cette situation, il l'avait déjà vécue quelques fois. Angel faisait en réalité rarement des crises d'angoisses, mais à chaque fois son asthme s'en mêlait, et alors chaque crise pouvait lui être fatale. Il fallait lui fallait sa ventoline. Il tâta le sol au hasard, avant de réaliser que dans la précipitation, il avait laissé son sac dans la classe.

Merde, merde, merde.

Il fallait qu'il leur dise.

Il releva la tête et s'essuya les yeux. Devant lui se tenait Maël, Nolan et Cléo, paniqués. Il voulu leur expliquer qu'il lui fallait sa ventoline, mais à cause du manque d'air, aucun son ne sorti de sa bouche. Il se dit alors qu'il allait mourir là, dans un couloir de lycée, tué par un simple message. Il ne s'était jamais sentit aussi pathétique.

Mais quand la raison lâche et que la tête abandonne, le corps prend le relais. C'est comme ça chez tous les animaux : l'instinct de survie passe avant tout. 

Alors, Angel se mit à signer.

La langue des signes était sa deuxième langue, il la pratiquait couramment, tous les jours avec sa mère. Cette dernière était sourde de naissance, alors Angel avait toujours su signer. C'était naturel chez lui, autant qu'un bilingue peut passer du français à l'anglais sans s'en rendre compte.

"Dans mon sac" est tout ce qu'il pu signer avec ses mains tremblantes. 

Ce n'était pas rationnel, ce n'était pas réfléchi, car aucun de ses trois amis n'allait comprendre mais...

"Maël, ramène le sac d'Angel !"

Angel ne put y croire. Cléo le comprenait.

Il le sut au moment où il croisa son regard. Ses yeux vairons le fixaient à la fois avec étonnement et panique, mais aussi avec discernement. Le châtain sentit une vague de soulagement envahir sa poitrine. Mais ce fut de courte durée car malgré tout, il n'arrivait toujours pas à respirer correctement. Un râle sorti de sa gorge. Maël se releva et couru, probablement, chercher son sac, tandis que Nolan semblait parler avec véhémence au téléphone.

Puis Cléo lui attrapa la mâchoire pour le forcer à garder sa tête droite. Ses mains étaient douces mais fermes. Il signa :

"Regarde devant toi"

Et Angel regarda devant lui. Il tomba dans le regard de Cléo.

"Suit ma main"

La façon de signer de Cléo était un peu brouillon, mais restait compréhensible. Angel sentit une main sur sa poitrine tandis que l'autre lui tenait toujours délicatement la mâchoire. Il ne décrochait pas des yeux du blond, qui l'apaisaient par leurs couleurs hypnotiques. Alors, la main gauche de Cléo effectua une pression sur sa poitrine, et Angel expira. Puis, il sentit la pression se relâcher, et il inspira comme il put. A mesure que Cléo pressait sa main puis la relâchait, Angel arrivait à de mieux en mieux respirer : le blond lui imposait un rythme qui arrivait à l'apaiser. 

Cléo lui sourit doucement pour l'encourager, et le châtain sentit son cœur rater un battement.

Puis Maël arriva avec son sac. Alors Angel attrapa sa ventoline dans la poche avant et pu, enfin, prendre une grande bouffée d'air.  

Ce n'était pas aujourd'hui qu'il mourrait.

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