Course Hippique

Oooh, je savais qu' ça arriverait un jour. Sortir du club à deux heures du matin, un peu chancelant, et marcher droit vers une arme pointée sur mon visage dans un tremblement. Merde.

"Dis-moi juste qui," lui dis-je.

"J'vais t'tuer."

"Ça, j'ai saisi. T'es c'lui qu'a le --"

"La ferme! J'vais t'BUTER !"

"Hey, dis-moi juste qui t'envoie avant d'appuyer sur la gâchette ! Si j'dois mourir dans cette putain d'allée, fais-moi une faveur et dis-moi POURQUOI."

Il paraît plutôt apeuré. Peut pas empêcher sa main de trembler et il cligne des yeux plus vite que les bandeaux d'information déroulants sur Times Square. Bourré comme je suis, j'peux quand même voir ça.

"Y'a personne qui m'envoie. J... J'm'envoie moi-même."

Ça m'prend une seconde à intégrer. Donc ni T-Rag ni Skewer Jackson. Oh mec, j'peux pas réfléchir correctement. Qui est ce gamin putain d'merde ?

"Et qu'est-ce que j't'ai fait, exactement ?" dis-je. "J'glande pas dans les parcs à mioches." Ça c'était drôle. Je pense que j'suis en train de rire un peu.

Du moins, je pense que c'est moi qui rit. J'suis pas sûr.

Bordel, j'suis bourré.

"T'as descendu mon père."

"Ça m'aide pas du tout. Honnêtement. J'ai pas la moindre idée de quel moufflet est à qui."

Il est en train d'y réfléchir. Sa joue se contracte comme s'il pouvait pas s'décider. J'me demande quel âge il a. Treize ? Quatorze ? Visage pas familier. Qui j'ai buté, putain ?

"Hutchins. Dally Hutchins." Il lève son bras et essuie son visage avec la manche de son sweat à capuche noir.

Hutchins. J'suis en train d'me creuser la cervelle. Hutchins...

J'devine qu'il peut voir ça gribouillé quelque part sur mon visage, parce qu'il commence à gémir et à bafouiller.

"Tu l'as buté parce qu'il avait même pas 50$ quand il a perdu à une course de chevaux. T'as buté mon père ! Là-bas, à Harlem. Pour 50 malheureux dollars, mec ! Et maintenant, maintenant j'vais te buter. Comme ça tu sauras c'que c'est, mec. Pour que TU saches ce que c'est de se faire descendre pour que dalle mec, QUE DALLE."

"Quoi ? Un pari de 50$ ? De quoi j'ai l'air, d'un putain de bookmaker ? J'suis pas un pelousard. Tu te trompes de gars."

"J'me trompe pas de gars ! J'ai le bon gars !" Il cesse de cligner des yeux et commence à scanner les murs de brique sales et les bennes à ordures indiscernables pour je-n'-sais-foutu-quoi.

"Il travaillait pour toi, enfoiré ! Tu l'as buté et tu t'en souviens même pas ! Dally "Tu Piges" Hutchins, mec !"

Oh, ce Hutchins.

Super. J'vais m'faire liquider par ce connard de mioche. J'suis presque déçu maintenant qu' ce soit pas un des hommes de main ra-ta-ta-ta de Skewer. Attends une minute -- quelle foutue course de chevaux ?

"Maintenant mets en pause une minute. Rembobine. D'où tu tiens cette information ? Ta vieille ?"

Je vois que c'était le cas.

"Eh bien, pour info, ces 'malheureux 50$' c'était plus genre 5 000$. Et ton père a fumé cet argent. Pouf ! Volatilisé."

"Nan, nan c'est pas d'cette façon ! Tu mens. C'était un pari, mec. Un pari ! Tu l'as buté pour un stupide pari sur une course de chevaux !"

"Putain d'merde, j'ai l'air de gaspiller mon fric sur des canassons...?" et soudain l'ampoule s'illumine et je pige. Je pige et maintenant je sais que j'suis en train de rire.

"COURSE DE CHEVAUX ! Putain d'COURSE DE CHEVAUX. C'en est une bonne ! Oooooohhhouaiiiiis, c'en est une bien bonne !" Oh, mec, J'pense que j'vais m'écrouler.

"La ferme ! Ris pas, mec ! J'vais t'buter. J'vais l'faire !"

Oh, merde. J'crois qu'il commence à chialer.

Je lève les mains en l'air et repositionne ma jambe pour me stabiliser. L'allée est en train de tournoyer un p'tit peu.

"Horse, gamin. HÉ-RO-Ï-NE. Ça va faire mal, mais ton père pouvait pas s'empêcher d'y toucher. Il utilisait c'qu'il était supposé vendre. Il avait commencé à creuser trop profond. Tu vois l'truc ? Il pouvait pas s'en sortir."

Il ne dit rien. Il me regarde juste, en chialant.

"Ton père était un junkie. Quel genre de bobards il racontait à ta vieille, hein ? Qu'il prenait des paris en loucedé ou quelque chose comme ça ? Que c'est d'là que venait l'argent ?"

Tout d'un coup, l'ampoule s'éteint et j'ai plus envie d'rire. J'ai envie de m'allonger et de dormir pendant des lustres. J'veux sortir de cette allée, monter dans un taxi et aller à la maison. J'suis trop vieux pour ces conneries. Mais, voilà...

"J'suis... ça change PAS qu'tu l'as tué. Et j'vais --" dit-il.

"J'vais te dire c'que tu vas faire ! Tu vas appuyer sur cette gâchette et j'vais mourir. Ensuite tu vas courir, espérant que personne t'ait vu. Mais quelqu'un, quelqu'un qui me connaît, va revenir ici très bientôt et voir mon cadavre allongé sur le trottoir juste ici. Tu m'suis ?"

J'attends une seconde, pour m'assurer qu'il percute. M'assurer qu'il écoute.

"... et ils vont commencer à poser des questions. Et tu sais c' que c'est les questions ? Les questions c'est les emmerdes. Les questions c'est les méchants blacks qui te cherchent.

Les questions c'est les flics. Les questions c'est ton cul black en taule pour meurtre au premier degré. J'comprends que c'était ton père et tout..."

Il respire fort, mais il a arrêté de scanner les murs et a commencé à se concentrer.

"Mais il en vaut pas la peine, fils. Il a cherché c' qui lui est arrivé. C'est pas d'moi qu'il s'agit. Il s'agit de toi, et lui. Le passé, c'est l'passé. Fais juste demi-tour et va-t'en. J'te suivrai pas. T'es juste un gosse. Allez. Va-t'en."

C'était plutôt bon.

Et j'peux dire qu'il y réfléchit. J'peux le voir ronger sa lèvre inférieure. J'peux voir le rouage travailler dans sa tête.

Mais merde... Le moment où il appuie sur la gâchette m'échappe complètement.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top