déclaration et évasion

J'avais décidé de prendre le premier tour de surveillance des patrouilles. Comme les gardiens ne devaient pas savoir que j'étais encore réveillée, j'étais blottie contre Bastien et je faisais semblant de fermer les yeux. J'étais bien installée comme ça, comme dans le temple la nuit dernière. Je n'avais jamais aussi bien dormi de ma vie, ou, plus exactement, qu'il y a cinq ans, la dernière fois que j'étais en couple. Je ne voulais pas relier ces deux morceaux. C'était impossible. Je n'avais pas le temps pour ma famille dans ma vie, alors pour un homme en plus... Même si c'était quelqu'un de compréhensif comme Bastien, ce serait compliqué. D'un autre côté, il n'habitait pas loin et le déménagement ne devrait pas être trop compliqué, sauf si ses affaires étaient éparpillées dans tous les sens. J'étais sûre qu'il serait même prêt à apprendre à ranger correctement... Au moins, pour ça, il fallait encore une seule condition, la plus improbable : qu'il m'aime aussi.

- Réveille-toi ! me chuchota Bastien à l'oreille.

- Quelle heure est-il ? demandai-je d'une voix ensommeillée.

J'avais laissé dormir mon ami un peu plus que prévu et j'avais l'impression que je venais de fermer les yeux. Malgré le fait de ne presque pas avoir fermé l'œil de la nuit, je savais maintenant ce que je pensais réellement de Bastien. Ce n'était donc pas un mythe, la nuit portait bien conseille. Il n'était pas comme mes collègues, non, lui, je l'aimais. Et d'une autre manière que mes amies ou ma famille. Il ne restait plus qu'à savoir si lui m'aimait aussi comme ça. Ce n'était pas mon fort de faire des déclarations d'amour, mais j'allais devoir me lancer... En espérant que, même s'il ne m'aimait pas, nous pourrions à garder la même complicité, elle nous serait utile pour survivre une fois qu'on serait de nouveau dans la nature. Sinon je devais attendre qu'il ne me demande, s'il avait plus de courage que moi pour ce genre de choses.

- Il ne doit pas être loin de huit heure.

- Déjà ?

- Oui, je voulais te laisser dormir encore un peu, mais le petit-déjeuner risque d'être froid si on attend encore.

- On nous a donné quoi à manger ?

- Je pense que ça doit être des céréales, je ne connais pas.

Je me levai lentement pour ne pas attirer l'attention des gardes. Ce serait étrange de se lever d'un bon alors que je venais juste de me réveiller, même si je ne voulais faire que ça tant j'étais excitée. J'avais hâte de mettre en commun nos notes de la nuit pour notre plan d'évasion. Je donnai à Bastien la moitié de ce qu'on nous avait apporté et goûtai de moi-même. C'était pas si mal, même si je ne savais pas ce que c'était. Ça ressemblait à un morceau de sucre, mais beaucoup moins sucré.

- Tu n'es plus aussi méfiante ? s'étonna mon ami. Habituellement, tu n'aurais pas mangé comme ça. Tu aurais regardé et fais je ne sais quoi pour vérifier qu'il n'y avait pas de poison.

Je m'arrêtai dans mon geste. C'est vrai, pourquoi ne l'avais-je pas fait cette fois ?

- Je sais qu'il ne peut rien arriver quand tu es là, répondis-je simplement même si je savais qu'il ne pourrait rien faire contre un éventuel poisons.

- Comment dois-je le prendre ? Je ne suis pas un sorcier qui peut te sauver la vie, je pense que tu es plus forte dans ce domaine que moi.

C'était le moment de me lancer. J'avais l'impression d'être au-dessus d'un gouffre, hésitant à sauter. Finalement, je pris une grande respiration et me jetai dans le vide. En cachant mes mains dans mon dos pour éviter qu'il ne les voit trembler, je fis tout mon possible pour garder ma voix stable pendant que j'avouai :

- Je... Je ne sais pas si c'est réciproque, mais depuis que nous nous sommes rencontrés dans l'avion, je ressens quelque chose de spécial envers toi et...

- Ce ne serait pas de l'amour par hasard ? me coupa-t-il.

- Heu... Si. Et toi, est-ce que tu m'aimes ?

- Bien sûr que je t'aime ! Qui ne le pourrait pas ?

- A peu près tout le monde, répliquai-je avec un rire de joie tant la situation m'échappait mais virait au plus beau rêve de ma vie. Sauf toi.

Il me prit par la taille et m'embrassa. Je n'avais jamais ressenti ça avant. Ce baiser fut d'une intensité que j'eus l'impression que mes lèvres allaient se détacher de ma bouche pour rester sur celle de Bastien.

- Je ne veux en aucun cas casser ce beau moment, intervint ce dernier en se détachant de quelques centimètres de moi après deux minutes, mais nous avons toujours un plan à élaborer nous si on veut s'évader ce soir.

- Je l'avais totalement oublié, m'excusai-je avant de me placer à ses côtés pour laisser de la place devant nous afin de mettre le papier sur lequel on avait fait le compte-rendu des patrouilles nocturnes.

- On a un gros problème. Les patrouilles attendent que la relève arrive avant de partir, alors je propose qu'on se dépêche de limer les barreaux avec le couteau pendant qu'ils papotent et on attend que les anciens partent puis on s'occupe des nouveaux gardiens, tu en penses quoi ?

- Je ne sais pas s'ils parleront assez longtemps pour que nous aillons le temps de faire assez de dégâts pour passer, fis-je, sceptique.

- On pourrait le faire à toutes les relèves. Il nous suffirait de faire comme si nous voulions voir ce qu'il se passait dehors, faire semblant d'être attiré par la conversation et on pourrait commencer à limer discrètement.

- Ils risquent d'entendre les bruits, contrai-je. Si on se fait prendre, c'en est fini de nous. Sinon on fait une diversion qui les occupe assez longtemps cette nuit pour couper les barreaux et nous enfuir, sentant une idée germer dans ma tête.

- A quoi penses-tu ?

- Tu vas bientôt le savoir.

Je fouillai déjà dans mon sac à la recherche du matériel pour préparer l'invention la plus utile du siècle. Je détachai mes cheveux pour récupérer l'élastique. Il était encore assez rigide, ça allait beaucoup m'aider. J'entrepris de réduire les gâteaux qu'il nous restait en petit morceaux.

- Tu es consciente que ce sont nos dernières ressources pour quand nous serons de nouveau dans la jungle ? demanda Bastien, visiblement inquiet que je perde la raison.

- Tu vas bientôt comprendre, lui promis-je. Je sais que tu es assez intelligent pour ça.

Il me fallait maintenant un haut-parleur. Évidemment, je n'en n'avais pas.

- Prends la feuille papier sur laquelle on a écrit les patrouilles, me conseilla Bastien. Regarde, si tu la replis pour en faire un cône, elle pourra servir de porte-voix, même si elle risque d'être modifiée.

- C'est parfait si elle est changée, au contraire. Merci beaucoup.

Je me calai contre la porte de la prison et commençai à positionner les morceaux de gâteau pour les faire catapulter par l'élastique. Je faisais souvent ça avec des billes quand j'étais enfant pour soûler le voisin en cassant ses gnomes qui, à mes yeux, avaient toujours été des monstres qui n'avaient rien à faire dans un jardin. J'aperçus nos gardiens par les barreaux. C'étaient les mêmes êtres qui nous avaient poursuivi et fait abandonner notre campement ! J'aurais dû m'en douter... Je regardai dehors pour voir où viser. Puis je me ms à tirer. Mes projectiles atteignaient toujours leurs cibles. Nos geôliers ne comprenaient pas d'où venaient les morceaux de gâteau, ils cherchaient partout autour d'eux à la recherche d'un danger ou de quelque chose de surnaturelle. Pour enfoncer le coup, je pris le haut-parleur en papier et hurlai dedans : « Mortels ! Fuyez tant que vous le pouvez ! Quelque chose de grave va arriver ! »

Les gardiens se figèrent aussitôt, mais ne partirent pas. Ça n'avait pas marché !

- Lance-leur encore un peu de gâteau, me chuchota Bastien. Ils n'ont peut-être pas compris le message. Ils ne comprennent pas le français je te rappelle.

- Oui, c'est vrai. Je connais plusieurs langues, mais je ne sais même pas ce qu'ils parlent !

- Je vais essayer de prendre une voix plus imposante et en même temps tu vas leur lancer des projectiles. Si ça ne marche pas, il faudra trouver quelque chose qui leur fait croire que quelque chose s'acharne sur eux comme c'est le cas maintenant, peut-être comprendront-ils.

- Je l'espère, sinon je ne vois pas ce que nous pourrons faire.

- Ne t'en fais pas, on trouvera bien un moyen. On ne va pas renoncer si vite ! Mais pour l'instant essayons déjà de leur lancer des bouts de gâteau, on verra après d'accord ?

- Tu as raison, allons-y.

Je repris mon élastique et lui donnai le haut-parleur de papier. Il hurla dedans, prenant de temps en temps un ton pressant, d'autre fois descendant le plus possible dans le grave. Il ne disait pas de mots en particulier, juste des sons qui devaient faire peur. Pendant ce temps, je m'appliquai à envoyer des missiles sur les pieds et autour de nos agresseurs. Les créatures étaient maintenant totalement apeurées. Elles se mirent à crier. D'autres gens vinrent et virent ce qu'il se passait, sans arriver à voir d'où venait les morceaux de gâteaux. Ils ne devaient pas les voir voler depuis la prison, et ça m'arrangeais bien. Ils semblaient en pleine discussion jusqu'à ce que je tire un missile dans la tête de l'un d'eux. Il se mit à hurler et partit en courant. Visiblement, il avait été effrayé par des gâteaux. Bastien se mit à faire des bruits grave avec sa voix et je continuai de tirer des missiles sur les gens qui partaient un par un.

Ce manège dura pendant une dizaine de minutes. Quand le dernier monstre s'enfuit, je me rendis compte qu'il ne me restait plus qu'un gâteau intacte. - J'ai besoin de boire, fit Bastien. J'ai la gorge totalement sèche !

- Je vais couper les barreaux en attendant. Mieux vaut se dépêcher avant qu'ils ne reviennent.

Le soleil était déjà levé assez haut dans le ciel. Il ne devait pas être loin de dix heures. Pour le moment, le village était calme, il n'y avait pas un chat. C'était tellement étrange de se dire qu'on venait de faire fuir une population entière avec des bouts de gâteau ! Peut-être avaient-ils une divinité qui leur envoyait des choses pour leur faire passer un message, ou peut-être étaient-ils très peureux, je m'en fichais. Tout ce qui comptait pour moi était que j'étais libre, et avec Bastien. Nous nous trouvions sur une place, et, en vue des bâtiments qui l'entourait (ils étaient plus grand que ceux autour des prisons) c'était un lieu important.

- Hâtons-nous de piquer des vivres et des armes, fis-je. Je ne veux pas finir derrière les barreaux alors que je viens de m'évade, fis-je.

- Ne t'en fais pas, moi non plus, me rassura-t-il. Je vais voir si je peux trouver quelque chose qui me permettrai de stocker de l'eau, je reviens dans deux minutes. Reste ici et regarde ce qu'il y a dans le coin.

Je fouillai dans les maisons, trouvant des sortes de coffres remplis de provisions. Je pris tout ce que je pouvais, tant pis pour les créatures. Elles n'avaient qu'à pas nous avoir capturé, c'était bien fait pour eux. Mon sac était maintenant plein de choses que je ne connaissais pas, mais comme elles étaient mélangés avec des bananes et d'autres fruits exotiques, je supposais donc que tout devait être comestible. J'allais quand même vérifier avant que Bastien ou moi n'en mangions, car on n'est jamais assez prudent et je n'avais vraiment pas besoin d'avoir une intoxication alimentaire en pleine nature. Je m'assieds au sol et attendis Bastien. Je ne savais pas où il était passé, il m'avait ordonné de rester ici, et, de toute façon, je ne savais pas du tout de quel côté il était parti.

Je commençais à trouver le temps long toute seule. Qu'était-il arrivé à Bastien ? Il avait forcément dû se passer quelque chose, je ne pouvais pas croire qu'il m'avait abandonné ou même qu'il soit encore en train de chercher de l'eau depuis au moins une heure ! Les êtres étranges allaient revenir, et je n'avais aucun endroit où me cacher ! La panique me gagna lorsque je vis une silhouette se diriger droit vers moi. Je pris fermement mon couteau dans les mains, prête à m'en servir. Je le reposais aussitôt quand je reconnus qui venait à moi.

- Bastien ! Où t'étais passé ?

- Je suis juste allé chercher quelque chose qui puisse retenir l'eau. Regarde, j'ai trouvé ces feuilles spéciales qui arrivent à garder l'eau ! On ne va pas être obligé de mourir de soif !

- Bonne nouvelle. Les créatures ne devraient pas tarder à revenir, dépêchons-nous de nous tirer avant qu'il ne soit trop tard !


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