7. Un départ fracassant

La présence de Malcolm n'est pas très bien accueillie par mon meilleur ami, ce qui n'est pas très surprenant. Les écouteurs dans les oreilles, Milo accorde davantage d'attention au paysage qu'à ma présence. J'ignore combien de temps il fera la tête, mais cela risque de prendre un moment. C'est une personne plutôt rancunière, il a fallu un bon moment pour que celui-ci pardonne ma connerie au camp de vacances. J'augmente le son de la musique pour détendre l'atmosphère, mais celui-ci se contente d'augmenter le son de sa propre musique. Un vrai gamin !

Je serre davantage le volant dans mes mains en appuyant sur la pédale pour accélérer. Une fois toute l'équipe réunie les vacances commenceront officiellement. Je secoue la tête en rythme avec la musique, ce qui pousse mon voisin à me regarder. Il fronce les sourcils puis tourne aussitôt la tête.

― Tu n'as pas besoin de bouder pendant dix ans, Milo.

Il fait mine de ne pas m'entendre, mais il m'entends très bien. La technique des écouteurs est un vieux truc datant des années 2010 ! Je détourne mon attention de la route pendant une seconde afin de lui arracher les écouteurs, ce qui l'énerve encore plus. Tant pis, il est temps d'avoir une conversation de jeunes adultes.

― Astrée ne sera pas contente de te voir en colère contre moi.

― Je pense qu'elle sera de mon avis, imbécile. Pourquoi as-tu changé les plans pour inclure Malcolm à la dernière minute ? On est plus ensemble lui et moi ! Je sais que tu espères refaire revivre notre couple, mais ça n'arrivera pas.

― Sa présence est aussi importante que le reste du groupe. Ce qui t'emmerde, c'est de ne pas avoir le contrôle et te retrouver dans le même endroit que le garçon pour qui tu craques encore malgré tout !

Mon ami lève les yeux au ciel.

― Arrête de chercher des excuses pour m'endormir. Je te connais bien maintenant et je sais que tu es tout à fait capable d'orchestrer un plan aussi tordu uniquement pour fonder un couple. Aurais-tu oublié la façon dont nous nous sommes fréquentés lui et moi au début de notre histoire ? Tu l'as poussé à me draguer pour me faire prendre confiance en moi, mais c'était complètement débile !

Je comprends le sentiment de Milo, mais est-ce une raison pour m'agresser de la sorte ? J'ai toujours des idées pour rassembler les gens et ne sont pas toujours les plus brillantes, mais ça fonctionne toujours ! Le brun soupire puis baisse le son de ma musique en souriant de façon maléfique.

― Pas touche à mon bouton magique !

― Je croyais que j'avais le droit de choisir la musique durant le trajet ?

― Milo a le droit de choisir, mais pas la tête de con qui est à côté de moi.

Cette plaisanterie a le mérite de le faire sourire. Je lui donne un petit coup à la main pour l'empêcher de toucher à la musique. En plus, je me méfie particulièrement des goûts particuliers de celui-ci. Il n'écoute pas tout le temps de la merde, mais les tubes des années 80 me sorte par les yeux.

― Une seule ? m'implore-t-il.

― Tu fais chier avec ce regard implorant.

Milo désactive mon bluetooth pour connecter son portable. Je lève les yeux au ciel en reconnaissant les premières notes d'une vieille chanson d'un film que mon ami adore. Il remue les bras en chantant les paroles, ce qui me fait éclater de rire. Nous avons peut-être grandi, nous restons tout de même les mêmes gamins chantant comme des dingues. Il augmente le son tandis que nous dépassons une voiture dans lequel se trouve des enfants. Aucune gêne dans notre vie !

Milo et moi chantons en choeur le refrain d'une voix forte.

― Footloose, footloose ! Kick off your Sunday shoes !

Nous roulons encore une quarantaine de minutes avant de faire une pause à une station service. J'ai une sérieuse envie de pisser et acheter des bonbons pour le voyage, ça nous fera pas de mal de nous dégourdir les jambes avant de reprendre la route. Je gare le van sur une place réservée au camping car, mais c'est la seule qui est suffisamment grande.

Je confie les clés à Milo puis me dirige vers les toilettes. Une fois ma vessie complètement vidée, je me lave les mains puis me rends dans la petite boutique pour faire des emplettes. A ma grande surprise, je découvre Malcolm devant les bonbons en train de choisir les bonnes sucettes à acheter. Milo quant à lui prend le temps de sélectionner les sandwichs. Je n'avais même pas remarqué que midi approchait.

— Attention à ne pas avoir de caries avec toutes ces sucettes. D'ailleurs, tu ne peux pas manger autre chose ?

— Chut ne me déconcentre pas dans mon choix !

Malcolm observe chacune des sucettes avec le plus grand soin avant d'opter pour des basiques à la cerise. Il en prend une quarantaine et s'approche rapidement du comptoir. Un gamin en compagnie de sa mère le pointe du doigt en sautillant.

— Moi aussi je veux pleins de sucettes !

— Théodore... menace la femme.

— Allez maman !

Milo ne tarde pas à me rejoindre en tenant le repas de ce midi. Des bouteilles d'eau fraîches, un grand paquet de chips à partager et des sandwichs triangles.

— Tu veux autre chose ? demande-t-il.

— Ouais des bonbons, je reviens.

Je m'empare d'un paquet de bonbons acidulés puis retourne faire la queue. Malcolm sort de la petite boutique sans prononcer un mot supplémentaire. Je remarque le regard de Milo tourné dans sa direction, il peut bien se mentir à lui-même, mais certainement pas à moi ! Peu importe le temps que ça prendra, j'arriverais à réunir ces deux têtes de mule.

Une fois à la caisse, Milo insiste pour payer nos achats avec sa carte bancaire. Je remarque ses mains tremblantes une fois sortie du magasin. Le contact avec les autres reste toujours un obstacle dans son quotidien, mais il fait de son mieux pour dépasser sa crainte. En l'espace de deux ans, Milo a tout de même bien évolué.

― Tu as une glacière ? demande-t-il.

― Ouaip, elle est rangée dans un coffre secret en-dessous du matelas.

Nous soulevons le matelas à la recherche du coffre et prendre la glacière. Milo dépose nos achats - sauf le paquet de bonbons pour des raisons évidentes - puis décide de la prendre avec lui. Il reste encore trois bonnes heures de route devant nous sans compter les pauses nécessaires. Je m'installe de nouveau derrière le volant pendant que Milo appelle ses parents pour les rassurer sur notre périple.

Il est au courant de mon idée de nous couper du monde en éteignant nos portables pour ces prochaines semaines. Adieu les réseaux sociaux qui ne font que nous emprisonner dans une cage. Des souvenirs inondent mon esprit passant de ma première rencontre avec Maël à nos disputes de plus en plus violentes. Cette relation m'a vraiment détruit, c'est un fait. Des larmes roulent le long de mes joues que je me presse d'effacer en voyant Milo monter.

― Ma mère ne peut pas s'empêcher de me considérer encore comme un bébé.

― Au fond tu l'es sûrement.

― Qui est le plus immature de nous deux, Alex ?

Je fais mine de réfléchir avant d'éclater de rire en voyant la tête de mon ami. Selon moi, la maturité n'est pas qu'une question d'âge parce que je connais un grand nombre de personnes qui le sont devenues beaucoup trop tôt. Ils ont découvert les difficultés de ce monde bien avant la normale. J'ai peut-être dix-neuf ans, mais je n'ai aucune envie de quitter le cocon de l'adolescence parce qu'être adulte est effrayant. Il y a tant de responsabilités auxquelles je ne veux pas accorder d'importance. Je ne veux pas être un autre putain d'homme manipuler pour travailler encore et encore jusque la fin de ses jours.

― Je suis désolé que ta relation entre Maël et toi n'est pas fonctionné.

― C'est la vie, malheureusement.

― Je ne l'aimais pas de toute façon.

La plus grande qualité de Milo est de loin sa franchise. Il ne mâche plus du tout ses mots, ce qui est agréable. L'adolescent timide et renfermé semble définitivement au placard ! Le moteur ronronne lorsque je tourne la clé pour que nous reprenions la route. La musique est à un volume plus convenable afin que Milo puisse faire une sieste avant notre prochaine pause. Je refuse de laisser quelqu'un d'autre prendre le volant, ça m'aide à faire le vide dans mon esprit.

La tête collée contre la vitre, Milo est plongé dans un profond sommeil. Je m'installe un peu plus confortablement pour conduire et éviter le mal de dos en arrivant. Ces vacances valent le coup, j'ai vécu une année difficile, mais je suis loin d'être le seul. Nous retrouver loin de tout pendant quelques semaines est la meilleure thérapie qui soit.

24.08.2022

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