5. Une explosion de couleurs
Je suis contraint de quitter le café deux bonnes heures avant le feu d'artifice. J'étais le dernier client présent sur place, le prix de ma consommation mérite cependant une médaille. Non seulement les serveurs n'étaient franchement pas sympathiques, mais j'ai connu mieux niveau goût. Ils devraient en apprendre davantage ! Je prends la direction du van pour déposer ma batterie externe et ensuite faire une balade sur la plage. Everhill a le mérite d'être une ville calme, cela ne me déplairait pas de passer quelques heures au calme au bord de la mer.
Je prends la direction de la plage ne se trouvant pas très loin de mon endroit de stationnement. Mes écouteurs dans la main, j'observe les vagues roulant délicatement sur le sable laissant une trace d'écume sur son passage. Je m'installe au bord de l'eau puis glisse les écouteurs dans mes oreilles. Oui, je suis probablement bloqué à une autre époque lorsque les écouteurs sans fils n'hésitaient pas encore. Que voulez-vous, cette technologie ne m'apprécie pas. Lorsque Addy m'a offert une paire à Noël l'an dernier, ils se sont retrouvés coincés dans la machine à laver après une semaine de vie.
Je reste quelques minutes installé sur le sable encore un peu humide avant de me résoudre de marcher. Je retire mes chaussures puis glisse mes pieds dans l'eau, toujours les écouteurs dans mes oreilles. Il y a un ponton un peu plus loin qui me donne très envie de m'y installer. Je suis sur le point de m'avancer pour le rejoindre lorsque je remarque une silhouette familière. Le jeune homme en question est entouré d'un groupe de filles et de garçons. Il joue avec le bâton d'une sucette, l'air ennuyé. Il me faut quelques secondes pour reconnaître Malcolm !
― Quelle agréable surprise ! m'exclamé-je.
― C'est pas vrai ! Alexander Watters c'est bien toi ?
Malcom remarque ma présence et s'excuse auprès de son groupe d'amis pour me rejoindre. Nous avons malheureusement perdu contact lors de la rupture entre Milo et lui. Une période complexe pour mon meilleur ami qui ne savait pas quoi ressentir. J'étais certain que cette relation fonctionnerait, ils se complétaient à merveille au camp de vacances. Malheureusement, Malcolm souhaitait vivre un million d'aventures pendant que Milo était encore en pleine découverte de lui-même. Ils ont rompu il y a quelques mois d'un accord commun, mais au fond il reste toujours une attirance l'un envers l'autre.
― Qu'est-ce que tu deviens ? demandé-je.
― Après une année sabbatique à chercher ce que je voulais faire dans la vie, j'ai eu le courage nécessaire d'envoyer ma candidature pour une école d'art située à New York. Je déménage dans deux mois pour suivre le cursus de mes rêves, je réalise toujours pas.
― Ouah c'est une sacré opportunité !
― Comment se passe l'université, tu apprécies ce que tu fais ?
Je grimace involontairement lorsqu'il évoque la fac.
― Sujet sensible ? demande-t-il.
― Pour être tout à fait honnête, j'ai l'impression de perdre mon temps dans une salle de classe. Ma famille souhaite que je rentre dans une case uniquement parce que je suis devenue un jeune adulte, mais ça ne me plaît pas.
― Tu es à la recherche de toi-même si je comprends bien.
Je hausse les épaules incapable de répondre à cette affirmation. Depuis mon année de Première, je sais exactement la personne que je souhaite être. Une version de moi-même colorée et pleine de vie. Ces derniers mois ont causé tellement de souffrance que cela a effacé peu à peu mon identité.
― Je me souviens de ton engagement auprès de Milo pour l'aider à prendre confiance en lui.
― Cela remonte à une éternité.
― Je ne sais pas ce qui s'est produit dans ta vie pour que tu oublies qui tu es, mais sache que les personnes que tu apprécies t'aideront toujours en cas de besoin. Je reconnais que c'est carrément gonflé de dire ça, mais tu peux compter sur moi.
Je souris.
― Est-ce que tu as des projets pour ces trois prochaines semaines ?
― Non je ne pense pas. Pourquoi cette question ?
― Je t'invite officiellement à rejoindre l'aventure du van ! Nous allons sillonner les routes et découvrir différentes villes pendant ces prochaines semaines et profiter d'un repos bien mérité. Ta présence serait bénéfique pour le groupe, je suis certain que les autres vont être heureux de te revoir !
Malcolm croise les bras sur son torse en levant les yeux vers le ciel parsemé de nuages.
― Tu devrais évoquer le sujet avec tout le monde, tu ne crois pas ?
― Cela ne posera pas problème, voyons !
― Je ne suis pas certain que Milo accepte facilement ma présence.
Ces mois d'organisation et de préparation ont volé en éclat à la seconde où les mots ont dépassé ma bouche. Malcolm mérite tout autant ce voyage, il avait une place importance lors de ces fameuses vacances. Je ne souhaite pas le tenir à distance uniquement parce que Milo et lui ne sont plus ensemble.
― Cela risque d'être terriblement gênant...
― Tu cherches une excuse pour ne pas revoir Milo.
Il se gratte la nuque.
― Je ne sais pas ce que tu essaies de faire exactement, mais c'est une mauvaise idée. Nous sommes peut-être en bon terme lui et moi cependant ça ne veut pas dire que je suis prêt à le revoir.
― Justement c'est le moment idéal.
Malcolm tente de me convaincre que c'est une mauvaise idée de l'emmener avec nous, mais je ne l'écoute pas. C'est en prenant des risques que nous vivons nos plus belles aventures. Milo risque de m'en vouloir au début, mais il me remerciera. Si je ne peux pas être heureux autant aider les autres à l'être.
***
Malcolm a finalement accepté de nous accompagner durant ces vacances à la seule condition de prendre sa propre voiture. Il affirme que le van n'aurait jamais assez de place pour une personne supplémentaire, ce qui permet de proposer une place supplémentaire dans la voiture de celui-ci pour celle qui ne voudrait pas dormir dans le van. Nous nous retrouverons un peu plus tard au feu d'artifice le temps qu'il prépare ses affaires pour le voyage.
Les écouteurs enfoncés dans les oreilles, je ne remarque pas tout de suite la personne tournant autour du van. Je me redresse en fronçant les sourcils. Il n'y a vraiment aucun moyen d'être tranquille ne serait-ce que dix minutes. Je soupire puis ouvre la porte menant à l'extérieur afin de faire face à des adolescents de quinze ans à peine. Ils tiennent des feutres dans leurs mains et il semblerait que je vienne de gâcher leur plan.
― Qu'est-ce que vous essayez de faire au juste ?
Les trois gamins prennent la fuite le plus vite possible par peur, ce qui me fait éclater de rire. Ils n'ont heureusement pas eu le temps de toucher au van. Je ne pensais pas que des gamins tourneraient autour du van. Je suppose que c'est le moment idéal pour appeler Addy avant de couper mon portable. Lorsque tout le monde sera présent, je compte bien profiter de mes vacances et ne plus utiliser mon mobile pour ces prochaines vacances.
Je verrouille le véhicule puis marche en direction du centre-ville en attendant le feu d'artifice. Il reste une bonne heure avant que les festivités ne débutent. J'appuie sur le numéro de ma soeur pour l'appeler en m'installant sur le banc le plus proche. Addy répond en quelques secondes, ce qui ne m'étonne pas.
― Putain j'en reviens pas !
― J'espère que tu comprendras ma décision de partir. Je n'avais pas le choix de te piéger pour pouvoir prendre le van et rejoindre mes amis. Ce n'était pas contre toi, Addy.
― On a toujours le choix, imbécile ! J'avais un petit espoir que tu te comportes comme un adulte et non un ado de seize ans, mais il faut que j'arrête de toujours croire en ton évolution personnelle. Papa est furieux contre toi, il attend d'avoir une sérieuse conversation avec toi lors de ton retour.
Je soupire.
― Je n'ai pas besoin d'entendre encore des reproches, c'est franchement ennuyeux. Oui, je suis un mauvais fils et je l'ai parfaitement compris. Maintenant, tu peux me foutre la paix ?
— Alex !
Je ne lui laisse pas le temps de répondre puis raccroche, les poings serrés. Les vacances débutent officiellement demain, la chose la plus logique et intelligente à faire est de couper tout contact avec le monde extérieur. Trois semaines uniquement en compagnie de mes compagnons de voyage. Cela va nous permettre de nous ressourcer et nous éloigner de notre addiction à la technologie. On a besoin d'un break, c'est le moment idéal.
J'essuie le sable collant à mon pantacourt puis retourne dans le centre-ville. Une foule impressionnante commence à s'installer pour contempler le feu d'artifice. La musique débute dans les hauts parleurs afin de briser ce silence inconfortable. Des marchands vendent des accessoires qui illuminent l'obscurité et je suis brièvement tenté d'en acheter. La zone où se trouve les feux d'artifices est surveillée par deux hommes en uniformes. La plupart des enfants crient et courent un peu partout.
― Un grand merci aux personnes présentes pour le feu d'artifice annuel. Nous espérons vous faire voyager ce soir.
Les lampadaires s'éteignent au même moment tandis que la musique s'adapte au thème. Je reconnais les premières notes de Pirates des Caraïbes, une sacrée coïncidence ! Les premières explosions retentissent illuminant le ciel. Tel un enfant, mon regard ne quitte pas le feu d'artifice. Je sens la joie se répandre dans mon corps. Un sentiment qui fait beaucoup de bien à mon petit coeur blessé.
10.08.2022
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