14. Black-out

La douleur dans mon dos me réveille de façon immédiate. Je marmonne des mots incompréhensibles en me redressant difficilement. Qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi ai-je aussi mal à la tête ? Je prends alors conscience que je ne suis pas dans le van contrairement à ce que je croyais au début. Qu'est-ce que je fais sur un banc ? En caleçon en plus ! Ma tête est comme un marteau piqueur, c'est insupportable !

Je regarde autour de moi à la recherche d'une chose familière. La dernière chose dont je me souvienne c'est l'explication ennuyante d'Astrée au sujet de la ville, mais c'est tout. Je passe une main sur mon front couvert de transpiration. Une silhouette humaine attire mon attention allongée sur le sol enroulée dans une couverture.

― Milo ?

Un grognement répond à la place, mais bon au moins j'ai la certitude que c'est bien lui. Je passe une main dans mon dos en gémissant de douleur. Il y a un matelas super confortable dans le van alors pourquoi je me trouve sur un banc ? Je tente de remettre de l'ordre dans mon esprit pour mieux comprendre la situation, mais ça provoque un nouveau mal de crâne horrible. Une bonne leçon à retenir pour la suite de notre voyage : ne pas abuser de l'alcool sous peine de perdre son pantalon ainsi que sa mémoire.

Je parviens à me mettre debout en m'enroulant dans la couverture déposée sur moi. Où Diable se trouve le reste de la bande ? Je commence sérieusement à paniquer ! Comment ne pas l'être ? Nous sommes dans une ville inconnue sans moyen de communication avec la mémoire trouble et avons dormi dans la rue ! C'est la dernière fois que je bois de l'alcool, c'est promis !

― Il faut qu'on retrouve les autres, debout.

― Besoin... dormir... envie...

― Pas question, tu feras la sieste plus tard !

Je n'hésite pas une seconde à retirer la couverture enveloppant mon ami. Celui-ci roule quelques mètres puis ouvre les yeux. Il se redresse en passant une main sur son front, la gueule de bois sans aucun doute. Ses cheveux bouclés partent dans tous les sens, cela lui donne une allure plus sauvage. Je remarque l'absence de son t-shirt jaune ainsi que de son short.

― Tu veux bien m'expliquer ce qu'on fait en pleine rue à sept heures du matin ?

― Je n'en ai pas la moindre idée.

Milo s'enroule de nouveau dans la couverture tout en s'avançant dans la rue où nous nous trouvons. Ma gueule de bois m'empêche de réfléchir correctement, mais il le faut bien parce que nous sommes dans une situation critique. On a pas d'argent, pas de téléphone et nous sommes perdu ! C'est la merde absolue !

― Tu veux bien me rendre mes affaires, j'ai un peu froid.

― Je suis désolé de te décevoir, mais ce n'est pas moi qui ait volé tes vêtements.

Il lève les yeux dans ma direction puis constate que je suis dans une situation similaire. Je n'avais aucune envie qu'on voit mon caleçon avec les Bisounours ! La prochaine fois je ne me moquerais pas de Max bourrée parce que je ne vaut pas mieux !

― Inutile de paniquer, on va trouver une solution.

― Qu'est-ce que tu veux faire ? demandé-je d'une voix hystérique.

― Demander notre chemin à des passants pour retourner jusque la plage. Le van est certainement toujours à la même place, il suffira d'attendre le reste du groupe pour avoir une explication des événements de la veille.

Je passe une main sur mon visage en réfléchissant. C'est la meilleure chose à faire en espérant trouver nos amis et comprendre la raison de la disparition de nos vêtements. Est-ce une mauvaise blague d'Astrée ou Malcolm ? Les connaissant c'est tout à fait possible, mais à quoi bon ? Nous avons un peu bu parce qu'on voulait s'amuser un peu, ce n'est pas très grave. D'accord, c'est grave dans la mesure où on est paumé.

Nous débutons notre marche dans cette ville déserte à une heure aussi matinale. Les boutiques sont fermées alors il est impossible de demander son chemin. Cette journée commence vraiment mal ! Je maintiens la couette autour de mon corps tout en marchant, ce qui n'est pas une mince affaire. On dépasse une grande fontaine sur laquelle se trouve du papier toilette. Milo s'immobilise en penchant la tête sur le côté.

― Je suis certain de l'avoir déjà vu.

― De quoi ?

― La fontaine.

Je claque la langue contre mon palet.

― Impossible, on a pas fait de tourisme !

― Oui mais rappelle-toi que nous étions suffisamment bourrés pour avoir un Black-Out.

Je hausse les épaules. Son raisonnement n'est pas idiot, mais alors pourquoi je n'arrive pas à me souvenir d'un quelconque lien avec cette fontaine ? Avons-nous jeté ce papier toilette ? Milo m'entraîne un peu plus loin. Il tente de se remémorer nos actions de la nuit et avec un peu de chance il y arrivera.

― Je suis presque certain que nous sommes passés par ici.

― Tu te bases sur quoi au juste ?

― Le reste de vomi par terre.

Je m'écarte aussitôt en voyant le vomi en question qui semble dater de quelques heures. Bon d'accord, c'est peut-être la preuve de notre présence quelques heures auparavant. Néanmoins, cela n'explique pas la raison pour laquelle nous avons dormi sur un banc et par terre ! Nos amis ont-ils décidé de poursuivre le voyage sans nous ? Milo et moi avons décidé de nous lâcher un peu plus, mais ce n'est pas une raison de nous abandonner de la sorte !

Milo m'entraîne encore un peu plus loin et miracle je reconnais les lieux ! Il s'agit de la boulangerie dans laquelle nous sommes allés pour acheter le petit-déjeuner. J'aurais pu me repérer en voiture, mais pas à pieds. Merde ! Je peste contre moi-même et mon sens de l'orientation pourri.

― Tu arrives à te rappeler ce qu'on a fait hier soir ? demandé-je.

― Non c'est le trou noir.

― On a bu tant que ça ?

Milo hausse les épaules.

― On dirait bien.

― Je pensais tenir un peu plus l'alcool pour éviter le black-out.

― Pas moi, je bois très peu en temps normal.

Nous sommes deux paumés dans une ville dont on ne connaît rien. J'aurais dû suivre Astrée pour découvrir l'histoire locale et ne pas me retrouver dans une telle situation. Je passe une main sur mon front en soupirant. Qu'est-ce qu'on doit faire maintenant ? Milo n'est pas d'une grande aide, mais au moins je ne suis pas seul.

Je m'approche de la boulangerie qui n'est pas encore ouverte. C'est étrange, nous ne sommes pas en week-end pourtant. Milo lève les yeux vers l'horloge de la mairie et pousse un cri d'exclamation.

― Normal que toutes les boutiques soient fermées, il est cinq heures du matin !

― Impossible il est indiqué sept heures sur ta montre.

Je masse mes tempes pour réfléchir malgré le marteau piqueur à la place de mon cerveau. Quelques images défilent dans mon esprit, mais sont encore confuses pour tout comprendre et remettre dans l'ordre. Je vois principalement Milo et moi sur la piste de danse avec des garçons et filles autour de nous. Je n'ose pas imaginer les circonstances nous ayant mené dans cette situation.

― On a beaucoup dansé, je peux te l'affirmer.

― C'est donc ça la douleur dans mes jambes ! s'exclame Milo.

Remettons les informations dans l'ordre pour y voir un peu plus clair. Nous avons bu un grand nombre de cocktails et avons visiblement dansé au milieu d'une foule d'inconnus dans un bar. C'est ça ! Nous devons revenir sur nos pas en espérant trouver les autres et avoir davantage d'explications.

― Est-ce que tu te souviens du nom du bar dans lequel nous étions ?

― La licorne féerique, non ?

― Hum c'est possible.

Nous reprenons notre marche en direction du bar en question. C'est la première fois de ma vie que je suis victime d'un black-out. Un sentiment étrange qui est en train de me rendre fou. Comment des personnes peuvent-elles boire continuellement et oublier une partie de leur vie ? Je n'arrive pas à le supporter, mais je suppose que certains ont tellement de souffrance qu'ils préfèrent le trou noir qu'à la douleur.

Le plus grand mystère de cette histoire est la disparition de nos vêtements. Pitié, j'espère que rien de bizarre ne s'est produit hier soir ! Milo soupire puis s'installe sur le premier banc que nous croisons. On ne fait que tourner en rond depuis notre réveil brutal ! C'est alors que mon meilleur ami se lève d'un bond.

― Il y a un chemin menant à la plage.

― Comment peux-tu savoir ça ?

― J'ai quelques souvenirs de notre aventure nocturne.

Milo et moi partons à la recherche de ce fameux chemin en espérant que celui-ci mène bien à la bonne destination. Le panneau indique le nombre de kilomètres à parcourir pour arriver à notre destination. J'ai mal aux pieds d'avance ! Je suis heureux d'avoir encore nos chaussures car j'aurais été incapable de parcourir autant de distance jusque la plage ! Nous n'avons aucune garanti que nos amis se trouvent bien là-bas, mais qui ne tente rien n'a rien. Milo s'engage le premier en me lançant un regard pour s'assurer que je le suis. Je suppose que je n'ai pas le choix. Lorsque nous retrouverons les autres, j'aimerais avoir une sérieuse explication sur les événements de cette nuit. Même si au fond je redoute la réponse.

08.10.2022

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