Chapitre 35
Je ne sais pas. Sur le coup je ne savais pas trop quoi dire. Je m'étais contenté de bafouiller et de prétexter mon départ. Je repensais à ces mots. Non je les redessinais dans mon esprit, je ne voulais pas en perdre un des infimes sens qu'ils pouvaient prendre. Peut être étais ce vraiment ce que je voulais. Mais le pouvais je encore ? Pouvais je me permettre les joies d'un amour beau et sincère, les joies d'une vie heureuse, dans mon état ? Aurais je pu en supporter les peines ? Je crois qu'au fond je mourais d'envie de répondre oui, mais étais ce possible ? J'étais sûrement trop faible d'esprit pour me penser digne de tout cela, et puis de quel amour parlait-il ?! Après tout c'était ça l'important : ce qu'il pensait...
Étais je vraiment là à pourpenser sur un tel sujet comme si l'on parlait de mariage ? Il m'avait perdu. Totalement. Il l'avait fait bien longtemps avant, mais ces mots avaient été comme un coup fatal, comme une boussole déréglée qui m'avait perdu bien plus loin que mes pensées. Cette phrase, "laisse moi t'aimer", ce qui semblait à mes oreilles comme un ordre, saisis-tu la lourdeur de ses sens ? Parceque moi oui, et cela me pèse...
Peu après je m'étais engouffré dans les réunions et autres obligations de mon travail, peut être pour libérer mon esprit de ce qui lui torturaitcdepuis peu. Heureusement pour moi le travail ne manquait pas, je devais en rattrapper pas mal à cause de mes vacances, cela m'arrangeait parfaitement alors c'est par plaisir que je le faisait, mon séjour se résumait alors au travail. Je passais de temps en temps des coups de fils à Meyra pour m'enquérir des avancées des préparatifs et tout semblait être contrôlé. Dans à peine deux jours on se revoyait, notre voyage, à Hatiel et moi, était programmé pour cette date. Rowen lui y allait un jour avant nous, aucune réunion ne le retenait plus tard alors pourquoi rester.
Plus le temps passait et plus je me noyais dans mes réunions, ce n'était qu'a ce moment que je réalisais que j'étais à ce point lâche, si peu forte pour être déstabilisée par une simple phrase, après tout même malgré les sens que je lui donnais cela restait une phrase et ça ne valait pas que je me cache dans mes réunions, et surtout pas que je me cache d'Hatiel...
Depuis le temps, et ça faisait deux jours, je n'avais pas autant parlé à Hatiel, à vrai dire chacun de ses messages me faisait revivre cette phrase que je ne comprenais encore pas assez, je me sentais alors mal à l'aise, mais ça je pense qu'il ne l'avait pas compris, c'est surement pour ça qu'il n'avait pas arrêter de m'en envoyer, je venais justement d'en recevoir un de sa part. C'était un " Bonsoir Lyria j'espère que tu vas bien "
J'avais maintes fois hésité, devais je répondre ? Ou pas ? Ne pas répondre aurait été stupide. Non ?
Messagerie_
Lyria : .... Bonsoir... ça va et toi ?
Hatiel : Enfin ! Tu ne sais pas à quel point je me suis inquiété, enfin tu me réponds 😯
Lyria : Désolée. Comment tu vas ?
Hatiel : Hum je vais bien. À propos de la dernière je suis vraiment désolé, je constate que ça t'a contrarié plus que je ne le voulais.
Lyria : Euh... Je... C'est pas grave !
Hatiel : Lyria ?
Lyria : Oui ?
Hatiel : Demain voyons nous silteplait. J'ai quelque chose à te dire...
Lyria : Euh je sais pas. Non je ne peux pas... J'ai une réunion le matin et... Je dois me rendre à "l'orphelinat"
Hatiel : on pourrait s'y retrouver silteplait ?
Lyria : ....
Si tu veux.
Hatiel : Merci. À 15 h alors ?
Lyria : Oui
Hatiel : D'accord
Lyria : Bonne nuit Hatiel
Hatiel : Toi aussi Lyria !
Fin.
Pathétique. A cause d'un tout petit message je me retrouve être aussi préoccupée que tourmentée. Même par message il arrive à m'imposer la réflexion, le doute. A ce moment là je voulais aussi le rencontrer, peut être par simple habitude, par manque, mais tout n'était pas non plus réglé, chaque fois que je me forcais à oublier ses mots, ils me revenaient en plein visage et optempérer était la seule option. J'étais obligé d'y réfléchir, ses mots, ses simples mots qui pouvaient être à la fois trop lourds et trop négligeable, ses mots qui me semblaient tellement fugace environnaient mon esprit, me forçant à leur accorder tout : mon attention, mon doute, mon espoir, ma peur, tout.... Et puis que pouvait-il bien vouloir me dire ! N'allait- il pas aggraver mon état en me sortant d'autres mots bien plus profonds que ceux ci ? Avais je vraiment bien fait d'accepter ce rendez vous ? Peut être pas, mais après tout nous nous serions vu un jour où l'autre, alors pourquoi fuir maintenant ? Ça n'aurait eu aucun sens. Ce sont sur ses pensées depuis peu familières que je m'endormis par la suite, l'esprit nuageux.
[...]
05:49. La réunion est à 8h mais je suis déjà debout, je crois avoir de plus en plus d'insomnie ces derniers temps, heureusement que j'y suis habituée. Je passe le temps en révisant mon allocution et m'assures des bonnes marches du projet que j'ai à défendre. Après 1h je finis et vais vers la douche ou j'y dure une éternité. Je m'habille, prends un petit déjeuner sous les yeux anodins de mon père puis m'échappe de cette petite prison froide qu'est ma maison. J'arrive effectivement à l'heure et la réunion, quelques minutes après, commence.
Autant dire que la réunion était banale et agaçante. Quand comme moi on aime pas particulièrement le travail qu'est celui des affaires et qu'on ne s'y intéresse pas plus, les réunions sont très vite ennuyantes, se ressemblent presque toutes et sont énervantes, surtout quand vous avez derrière votre dos un de ces "faux charmeurs" qui ne manquent pas les occasions de vous faire la cour et de vouloir vous impressionner, en bref de vous tapper sur le système. C'était le cas de Mr Mickler, ce "charmant prétendant" n'arrêtait pas de s'approprier la réunion, ce qui y ajouta une once d'inutilité et de désintérêt.
Une fois enfin fini je m'étais précipité vers mon véhicule pour ne pas avoir à le recroiser, je soupirai de soulagement une fois dans le véhicule.
J'avais encore près de 3h devant moi avant de me rendre à l'"orphelinat" alors j'avais sur un coup de tête décidé de déjeuner dans un restaurant non loin de l'"orphelinat". Lorsque j'y étais entré, la première chose qui m'avais frappé était la petitesse de l'endroit, c'était peut être pour cette raison que je trouvais le restaurant convivial : il était petit et presque plein, tout ce que ma maison n'était pas. A la maison il y'avait la grandeur du salon, qui vous absorbait tant il vous faisait vous sentir petit, il y avait l'air glacé qui se promenait librement dans chaque domaine, il y'avait ce calme imperturbable, celui qui me rappelait à quel point ma vie était vide autant que cette maison. Ce restaurant m'avait alors d'un coup plu. Je m'asseyai près d'une grande vitre qui faisait aussi office de fenêtre je crois, elle donnait sur l'extérieur dégagé du restaurant. J'avais fait ma commande à un gentil serveur qui a lui seul méritait 5 étoiles pour le service. Il m'apporta très vite mon plat avec ce sourire qu'il plaquait toujours, je me demandais si il était vrai ou faux. Le plat était bon, très bon et tout se passait très bien calmement, tres bien jusqu'à ce que j'assiste à un accident...
Juste devant moi il y avait une femme à terre et une foule qui progressivement s'était agrandi. Je ne sais pas exactement comment ça s'est passé, mais l'état de la jeune femme donnait à croire qu'elle ne s'en sortirait pas. C'est triste. En fait je ne savais pas vraiment comment réagir. Je me suis dit que cette belle jeune femme songeait juste à traverser, que peut être elle s'apprêtait à rentrer, retrouver son enfant, son mari, sa famille, et que juste comme ça elle s'en était allé. Pourquoi je m'étonne ? La vie à toujours été injuste, elle a toujours trouvé malin plaisir à arracher au monde sa quiétude, à blesser tous ceux qu'elle pouvait, comme elle l'a fait à ma mère. Elle aussi traversait... elle aussi s'apprêtait à rentrer...elle aussi avait une famille, sauf qu'elle, elle, elle était enceinte, mais elle est quand même partie, en m'abandonnant.
Je me suis levé, ai réglé la note, et suis sortie, loin, plus loin que je ne le pouvais. J'avais ce coeur serré, serré par la brutalité de cet accident, de la fragilité de la vie, de l'amertume des souvenirs. J'avais finalement marché jusqu'à l'"orphelinat". Il était aux environs de 14h et je m'étais directement dirigé vers l'étage. Étonnamment en traversant le rez-de-chaussé il n'y avait pas la foule d'enfants habituelle, c'était sûrement un calme admirable et peu fréquent dont profitait l'enceinte ce jour là. En me dirigeant vers les escaliers je fut interpellé par l'une des gérantes, c'était Marta qui m'avait intimé de lui rejoindre à la direction, dans son bureau. Ce qui me fit d'abord tiquer c'était son visage maussade et sombre. Je la suivis dans son bureau après quelques formalités puis nous discutions un peu sur les enfants. Dans mon for intérieur j'avais assez hâte que Hatiel vienne, alors au lieu de m'intéresser à la conversation j'espionais plutôt l'horloge en face. Il était 14:24, constatant que l'heure s'avançait une saine quiétude me remplit le cœur, étais ce peut être l'apaisement du mal-être d'un cœur qui s'était trop rappellé les mauvais choses et qui chantait l'arrivée de son sauveur, de son chevalier ? Hatiel viendrait dans à peine quelques minutes. J'étais heureuse, jusqu'à ce que la conversation avec Marta vira vers une autre tournure,
Marta : Justement je t'ai appelé à propos de Sarah...
Sa mine sombre du début avait refait surface
Moi : Oui qu'est ce qu'il y'a ? Ah je me rappelle qu'elle a mentionné qu'elle avait vraiment mal au ventre, tout va bien ?
Marta : Non justement. La petite a...
Elle se tu. Et reprit
Je sais que tu es vraiment attaché à Sarah et Illyam tout comme à chaque enfant d'ici d'ailleurs. Mais nous avons emmené Sarah à l'hôpital et elle a une méningite à méningocoques... le docteur à dit qu'à ce stade elle ne peut plus être traitée et.... que bientôt... Sarah....
Mourra.
Elle fondit ensuite en larmes. Je ne comprenais pas. Je savais que ce que je venais d'entendre n'était pas réel ! Sûrement. C'était impossible. Après tout un mal de ventre ne peut être un signe de méningite. C'est n'importequoi ! Pas vrai ? Sarah, Sarah, cette petite fille que j'avais pratiquement vue grandir, cette petite fille que j'affectionnais tant, cette petite fille en qui je voyais de grandes choses, cette fille qui a été la première à me considérer comme sa sœur, sa vraie sœur, cette fille ne pouvait pas mourrir, non. Je voulais interdire à la vie de me la prendre. Mais étais-ce réaliste ?
Je sortis du bureau l'air interloqué, je l'étais. Marta chuchotait derrière moi des mots, mais qui n'aboutissaient jamais à mes oreilles. Plus je marchais plus je réalisais, mes yeux scintillaient jusqu'à ce qu'ils aperçoivent Hatiel qui venait d'entrer dans le domaine. Lorsque mon regard se posa sur le sien mes yeux déchargèrent une masse de larmes aussi déchaînée que mon cœur à cet instant, ce que je semblais retenir au fond de mes yeux se déversa totalement là, à la vue de celui qui les auraient séché à la perfection. Je crois que c'est la première fois que je pleurais autant, son air intrigué et inquiet était peut être dû à ça.
Hatiel : Lyria ?! Mais qu'est ce qu'il y'a ??? Se précipita t- il dans ma direction.
Je ne répondais pas mais pleurais, il essaya alors de me calmer, du mieux qu'il pouvait, je ne sais pas si je réalisais à ce moment la portée de son geste. Mais une fois dans ses bras j'eus le courage de prononcer ces mots fatal, ceux qui me démangeaient
Moi : Sarah va mourir...
Dis je m'accrochant plus fortement, toujours en pleurs. Il était choqué
Hatiel : Quoi !! Dit il relachant un instant son étreinte, comme perturbé. Je n'eus pas la force de repéter alors je laissai mes larmes lui répondre. Il semblait très mélancolique mais je l'étais moi même trop pour le remarquer, la seule chose que je semblais capable de faire, c'était pleurer.
Hatiel : Ne t'inquiète pas Lyria. Je suis là, ça va aller. Pleure, je serais toujours là...
A un moment de notre vie, on reçoit une déception, un mal. On voscifère contre la vie, on y croit, et un jour on la voit s'envoler, comme l'étincelle la plus éphémère qui soit, la plus fragile qui puisse exister. A ce moment, lorsqu'on réalise tout, c'est le cœur et ses attentes qui sont brisées et qui volent en éclats parmi mille et une larmes d'âmes...
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