Le terrible château noir
Les héros en devenir arrivèrent devant les énormes grilles de fer forgé du château. En tendant l'oreille, on pouvait entendre un gémissement plaintif provenant de l'intérieur de la demeure, difficile pourtant de définir s'il s'agissait du vent ou... autre chose. Le portail n'étant pas verrouillé, Irena n'eut qu'à le pousser.
"C'est le commencement d'aventure le moins palpitant de toute l'histoire des aventures, observa-t-elle dans un soupir, Robyn, arrête de noter s'il te plaît. Nous retravaillerons le début de l'épopée."
Les aventuriers longèrent le chemin de gravier qui montait vers l'entrée. Des rosiers morts depuis longtemps entouraient une fontaine remplie d'eau stagnante. Des arbres morts tendaient leurs branches nues telles des griffes. Irena réprima tout de même un frisson à la vue d'un panorama aussi lugubre. La double porte de chêne de la demeure ne bougea en revanche pas d'un pouce alors qu'ils tentèrent de l'ouvrir. L'une des fenêtres aux étages béait sans vitre, surement par là que les jeunes gens avaient pénétré à l'intérieur la dernière fois.
« Bon voilà, c'est bloqué, affirma Gentié qui avait laissé son courage sur le bord du chemin, c'était bien tenté. Rebroussons chemin et rentrons chez nous !
- Nous n'allons pas nous laisser avoir par une saleté de porte ! clama Bronk.
- Pourtant plein d'entrain les héros se heurtèrent à un terrible château noir, qui leur opposa toute sa résistance, chantonna Robyn.
- Il doit bien y avoir un moyen de grimper là-haut, surenchérit Irena en montrant la fenêtre du doigt. Qui a une corde ? »
Tous se regardèrent, l'air gêné. Qui aurait pu prévoir l'utilité d'une corde dans une maison hantée après tout ?
"Laissez-moi faire", grogna le nain.
Le nain s'avança fièrement, et planta sa double hache dans la porte. Celle-ci trembla, mais ne céda pas.
"Je risque d'en avoir pour un moment", déclara le guerrier.
Ainsi, le début de la quête pris du retard. Pendant que Bronk entreprit de créer une ouverture, les autres entamèrent un pique-nique. Si le supposé spectre les observait en ce moment même, il devrait se retourner dans sa tombe, et pour cause : lui qui essayait d'effrayer les bonnes gens et de dévorer des âmes, verrait une bande de joyeux lurons ripailler gaiement sur ses pelouses, ne ramassant même pas leurs détritus, qui plus est. Il y en avait même un qui jouait de la musique.
Finalement, alors que les fiers héros étaient en pleine sieste, l'endurance légendaire des nains eut raison de la porte de chaîne, qui était passée de l'état solide à celui de copeaux.
« Enfin Bronk, tu aurais pu nous appeler plus tôt ! Au vue de l'état de la porte, voilà une heure que nous aurions pu rentrer ! Et nous nous étions là, à batifoler sur les pelouses ! Intervint Irena.
- C't-à-dire que j'apprécie beaucoup ma hache, répondit Bronk, gêné. Son aérodynamisme et son tranchant me donne envie de l'utiliser. Sa lame est en mithril des montagnes du..
- Nous te remercions chaleureusement pour ton œuvre, coupa Irena. Très bien, entrons. »
La fraicheur contrasta instantanément avec le soleil de l'extérieur. De la poussière en suspension flottait dans les raies de lumières que laissaient passer les rideaux fermés. Les visiteurs impromptus déboulèrent dans un vaste hall. Plusieurs portes donnaient sur des salles adjacentes, tandis qu'un double escalier, encadrant un foyer de cheminée éteint depuis longtemps, montait dans les étages. Des draps recouvraient les meubles. Les regards sévères des portraits familiaux ne se génèrent pas pour juger les arrivants.
"Bon, nous voilà dans l'antre du monstre, tout le monde est prêt ? demanda Irena.
- Quelqu'un devrait rester ici pour surveiller, clama Gentié, l'air de rien.
- Surveiller quoi ?
- Surveiller en général, veiller à ce que les issues restent libres, que personne n'entre et nous mette des bâtons dans les roues, de ce genre là. Ouvrir l'œil quoi, répondit le prêtre avec applomb.
- Bonne idée, ça fera une part de butin plus grosse pour les autres.
- Plaît-il ?
- Enfin tu n'es pas sans savoir que les cavernes de monstre renferment toujours un trésor. Sans quoi, aucun aventurier ne se pointerait et ils devraient aller les chasser eux-mêmes. Vois ça comme un repas livré à domicile pour eux.
- Cela veut dire que la personne qui fera le sacrifice courageux et nécessaire de rester ici pour le bien commun aura malgré tous ses efforts une part en moins ? résuma Gentié l'air bougond.
- Tout à fait.
- Ceci dit...Il serait étrange que le danger vienne de l'extérieur. Je veux dire, le spectre est plutôt à l'intérieur.
- Et du coup ?
- Peut-être n'est ce pas tant utile de surveiller le hall et le jardin.
- Comme tu le souhaite", conclut Irena avec un sourire narquois.
Au terme de cet échange de la plus haute importance, un cri strident résonna dans toute la maison. Le son se répercuta sur les murs, et les aventuriers durent se boucher les oreilles du mieux qu'ils le purent pour y résister.
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