Le spectre
Le couloir se terminait effectivement par une porte des plus banales. Ni énigme, ni défense magique, ni pièges explosifs. Seulement quelques planches et une serrure rouillée.
"Je ressens de l'énergie nécromancienne, avoua Gentié, il est derrière cette porte.
- Comment tu ressens ça ? demanda Robyn.
- Mes pouvoirs viennent de la lumière et de la vie, je ressens tout ce qui n'en n'est pas.
- Alors, la magie démoniaque ne te dérange pas ? demanda Shek un peu déçue.
- C'est une drôle de sensation, les démons sont vivants, mais je ressens une aura autour de toi. Comme un parfum désagréable.
- C'est peut-être juste son parfum, railla Bronk, à moi aussi ça me le fait."
Shek lâcha un mot de pouvoir dans une langue inconnue, et le diablotin jusqu'alors perché sur son épaule se jeta sur Bronk, s'agrippant à sa barbe.
« Ordonne-lui de me lâcher ! »
Il tomba à la renverse sous l'assaut furieux de cette dangereuse bête sauvage, et déboula dans la pièce à plat ventre. Devant ses yeux, une robe spectrale flottait à quelques centimètres du sol.
"C'est l'entrée en matière la plus minable de tous les temps", clama le spectre d'une voix qui faisant penser au vent dans un cimetière.
Luisant d'une lueur verte, le fantôme n'avait rien de particulier. Il s'agissait d'un homme vêtu d'une longue robe noir, aux joues creuses et aux cheveux hirsutes. La pièce qui l'entourait semblait vaste, quoique plongée dans la pénombre.
Bienvenue dans ma demeure, aventuriers, grâce à vous, je vais pouvoir sortir d'ici.
- Halte-là", intervint Irena de l'air le plus impérieux dont elle était capable.
Bronk rechuta en tentant de se relever. Irena attendit donc poliment qu'il réussisse sa manœuvre. Au bout de longues secondes, il se remit sur ses appuis, toussota, puis recula de quelques pas, l'air penaud
« Halte-là, disais-je, tu ne peux pas sortir comme ça et aller tourmenter les braves villageois.
- Les tourmenter, voilà des propos insultants, je veux juste dévorer leurs âmes. Certains n'en ont même pas besoin.
- Qui es-tu ? Cet endroit ressemble à un laboratoire, dit Robyn.
- Ah évidemment, les elfes sont nyctalopes. Et bien oui, c'est ici que j'ai réalisé mes expériences pour obtenir la vie éternelle.
- À priori cela a moyennement marché, dit Irena.
- Disons qu'il y a eu un effet secondaire inattendu, répondit le spectre.
- Lequel ? demanda naïvement Robyn.
- Et bien, heu, je suis mort. Et j'ai été prisonnier ici depuis. Mais grâce à vous, je suis libre !
- Comment ça ? Mais nous n'avons rien fait.
- Vous avez ouvert cette porte, je peux à présent sortir, je sais que les abrutis de la dernière fois ont cassé un carreau à l'étage.
- Mais vous voulez dire que.. vous ne pouviez pas ouvrir cette porte là ?
- Je suis mort, je ne peux pas interagir sur le monde des vivants, ni passer à travers les murs, croyez moi, j'ai essayé ! Tout au plus, je peux déplacer la poussière si je force. »
Gentié, resté en arrière par prudence, ferma tout simplement la porte du bout du pied. Le spectre n'eut pas le temps de passer, et se retrouva ainsi fort dépourvu.
"Bon puisque nous avons du temps, tu vas nous expliquer ton histoire, demanda Irena.
- Soit... Il y a bien longtemps que je n'ai pas pu discuter", grogna le spectre.
Il leva les bras, et des braseros aux flammes vertes s'allumèrent dans la pièce. Celle-ci se révéla vaste, il s'agissait d'un laboratoire, rempli de bibliothèques, de cuves et autres tubes à essai, et, remarqua Irena avec intérêt, de plusieurs coffres à trésor. Des runes s'affichaient sur le mur du fond, rédigées dans une écriture qui était inconnue à Irena, et en dessous de cette calligraphie, gisait un cadavre desséché.
« C'est ton corps, intervint Shek en se rapprochant, au vue de son état, tu es ici depuis longtemps.
- J'ai perdu la notion du temps, je ne saurais le dire. Je passe mes journées à hurler dans l'espoir d'attirer du monde.
- Pour dévorer les âmes ?
- Afin de me renforcer et pouvoir poursuivre mes expériences.
- Ces runes sont d'origines démoniaques ! C'est un portail ! nota Shek qui en connaissait un rayon sur ce sujet.
- Détruisons cette engeance, hurla Gentié, il est temps. Que la Déesse me donne ce courage qui me fait tant défaut ! »
Contre toute attente, un jet de lumière pure tomba alors du ciel, à travers le plafond de pierre. L'âme du spectre, car il s'agissait bien de son âme prisonnier sur le plan physique, monta dans les cieux.
Avant même que les aventuriers ne purent se réjouir, ou profiter des richesses abandonnées, les runes sur le mur se mirent alors à rougeoyer. Un son de plus en plus strident émana de la paroi.
"Le portail s'active, je ressens les énergies ! hurla Shek, c'est son âme qui maintenait la faille fermée !
- Que pouvons-nous faire ? clama Irena.
- Il est trop tard, nous allons être pris dans le flux ! Tout ce que nous pouvons faire, c'est espérer de ne pas tomber trop mal, et rester ensemble !
- Cette énergie, elle me brûle !" glapit Gentié.
La salle baigna alors dans la lumière, puis se fut le néant. Les aventuriers tombèrent au centre d'un tourbillon d'énergie violette, puis atterrirent lourdement sur un sol poussiéreux. Des éclairs rouges zébrèrent le ciel orangé au loin, l'air avait un gout de métal. Autour d'eux, une plaine rocailleuse à perte de vue, parsemée de cristaux géants.
« Par mes ancêtres, qu'est ce que c'est que ce bitzouf ? demanda Bronk.
- Nous avons atterris dans une autre dimension, expliqua Shek, espérons que ce ne soit pas celle d'où viennent les démons..
- Et comment on rentre ? questionna Irena, inquiète.
- Toutes les dimensions sont reliées entre elles, le portail qui nous a emmenés a dû en créer un autre quelque part, nous devons le trouver et continuer tant que nous ne sommes pas rentrés, continua Shek.
- Et bien, cette histoire fera de moi une légende, conclut Robyn, « La quête dimensionnelle de la Compagnie Sans Nom ».
- C'est une belle compensation, dit Irena, parce que jusqu'à présent, c'était pas hyper palpitant ».
Voilà un an que le spectre avait disparu de la demeure. Mark Élégant en avait été plus que ravi, même si les villageois avaient attendus plusieurs mois avant d'oser l'inspecter. Six mois sans cris d'outre-tombe leur avait paru un temps raisonnable pour commencer à se décider. Le Val avait repris possession du domaine, et c'était à présent un centre communautaire qui rassemblait petits et grands. Le maire se demanda une fois de plus ce qu'était devenue cette compagnie. Elle n'était jamais revenue, et ne connaissait même pas son nom.
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