Chapitre I : La tristesse installée
Le lendemain matin, les papiers du divorce étaient arrivés comme attendus. Pourtant, ni Saphir ni Nicholas ne les avaient signés. Les papiers trainaient donc sur la table de la salle à manger de l'ancien couple. Une salle à manger que Saphir avait pris le soin de décorer détail par détail, quatre ans plus tôt.
Tout comme la salle à manger, ce couple fonctionnait parfaitement bien. En amour depuis près de deux décennies, ils avaient appris à apprécier et à tolérer le côté différent de l'autre.
Saphir était une jeune femme enjouée, extravertie, luxueuse et amusante. Nicholas, tout son contraire, était vieillot, simple et calme. Malgré leur opposition, le caractère et le tempérament de ces jeunes personnes s'alliaient de façon harmonieuse et leurs faisaient vivre la plus belle des relations.
Mais, qu'est-ce qui c'était passé?
C'était une question que Saphir se posait à chaque jour depuis plus de treize mois. Elle voulait réellement savoir ce qui avait fait autant déraper son couple, son foyer, son mariage. Un jour, tout allait parfaitement bien et le lendemain, tout était cahot et destruction.
Qu'est-ce qui c'était passé?
Se poser cette question et ne pas pouvoir trouver la réponse tourmentait beaucoup la jeune femme. Cette ignorance était une preuve d'échec insoutenable pour elle. Étant une thérapeute, la future maman aidait des couples à trouver des solutions à leurs problèmes et sauvait ainsi des centaines de mariages, mais elle n'était aucunement capable de sauver le sien.
Quoi de pire comme preuve d'échec?
Signer ses papiers officialiserait son échec. Elle n'avait aucunement la force de le faire, là tout de suite. Elle n'avait aucunement envie de montrer à tout le monde son incapacité. La réalité venait de la frapper, elle n'était vraiment pas prête pour ce divorce.
Nicholas, de son côté, ne se posait pas autant de question. Il n'hésitait certainement pas à signer ses papiers. Il était conscient du divorce et était prêt à passer à travers. Il appréhendait même, avec un plaisir coupable, le lancement de sa nouvelle vie. La vie d'un célibataire.
Il n'en était pas un depuis fort longtemps. Il comptait donc goûter, profiter et apprécier cette vie. D'ailleurs, ses amis lui avaient organiser une sortie dans un club dès la soirée même. Il en était tout content.
Mais pourquoi n'avait-il pas signé les papiers du divorce?
Il persistait à se dire qu'il voulait relire tous les documents en prenant son café, tout juste avant d'aller au travail, le lendemain matin.
Mais, il avait lu et relu les termes de son divorce. Tous leurs biens devaient être séparés en deux, Saphir pouvait garder son nom de famille, et la maison, une fois vendue, revenait à Saphir.
Tout était simple, non? Alors, hésitait-il?
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Ce soir-là, Nicholas ne s'était pas amusé comme il l'aurait pensé. Il était avec ses amis, il y avait de la bonne musique, de l'alcool, des belles femmes, pourtant il se sentait vide, et peut-être même triste. Il avait beau essayé de sortir Saphir de sa tête, mais elle y restait.
Elle était là, accrochée à toutes ses pensées. Plusieurs fois pendant la soirée. Il avait secoué la tête, comme-ci qu'il pouvait la chasser de cette façon.
- Ça va Nick? Son ami Robert l'avait demandé à plusieurs reprises.
- Oui, il avait répondu à chaque fois.
L'alcool coulait à un tel point qu'il était tout étourdi. Malgré son début d'ivresse, il ne pensait qu'à elle, la jolie femme, son ex jolie femme. Il avait même cru la voir en face de lui. C'était à ce moment qu'il avait décidé d'arrêter de boire et de rentrer chez lui.
Il avait fait signe à la jeune femme sur ses genoux de se lever. Celle-ci s'était exécutée. Il s'était alors mis debout et avait fait signe à Robert. Ce dernier était venu vers lui et semblait étonné de le voir sur le point de partir. Il n'était qu'une heure du matin tout de même et la fête venait à peine de commencer.
- Quoi? Tu nous abandonnes déjà? Robert, dont l'haleine puait atrocement l'alcool, avait lâché proche du visage de son meilleur ami.
- Oui, je travaille tôt demain.
- Qu'est-ce que tu me racontes? On a l'habitude de rester debout toute la nuit.
Nicholas avait soupiré longuement.
- Avait l'habitude, il avait corrigé son ami.
- Ne me dis pas que tu trouves qu'on est trop vieux pour faire la fête toute la nuit et aller au travail le lendemain!
« Oui, on est trop vieux! » Nicholas avait tendance à répondre à son ami, mais il s'était ravisé.
Les deux hommes vivaient la trentaine de façon complètement différente. D'un côté, Nicholas appréciait énormément les soupers avec Saphir, ensuite la séance de cinéma, pendant laquelle Saphir finissait toujours par s'endormir. De l'autre, Robert sortait chaque soir manger au restaurant, dirigerait ensuite vers un club, ramenait une fille à la maison et allait au travail sans même se coucher.
Ils vivaient deux vies différentes, mais avaient toujours trouvé un moyen de se voir et de partager un bon moment. Bien-sûr, il y avait des compromis à faire chez les deux individus.
- Je vais aller, ok? Il avait simplement répliqué.
- Ok, Robert avait répondu avec un soupire.
- Vas-tu me ramener chez moi, mon beau? La femme qui était assise sur Nicholas avait demandé.
L'homme s'était retourné pour faire face à la blonde, en pensant pourquoi diable, elle était encore là!
- Non, il avait répondu sèchement.
La jeune femme était très étonnée de sa réponse. Elle pensait avoir fait bonne impression, avoir montré qu'elle le désirait.
Robert avait ricané.
- Désolé amour, il préfère les femmes avec de la mélanine! Ce dernier avait spécifié bêtement à la jeune blondasse.
- Pardon?
- Les femmes avec la mélanine, la peau d'ébène, les femmes noires! Le proverbe est vrai : « once you go... »
- C'est assez Rob!
Ce dernier avait ricané en penchant la tête en arrière. C'est sur cette note de blague de mauvais goût que Nicholas avait quitté le club et s'était dirigé vers la maison qu'il partageait encore avec son ex-femme.
Saphir était rentrée vers 20 heures. Fatiguée, elle avait laissé tomber son sac sur le sofa, avait enlevé ses talons et s'était dirigée vers le frigidaire pour manger n'importe quoi qu'elle pouvait y trouver.
La première chose qu'elle avait vu en ouvrant la porte de l'électroménager c'était la bouteille de vin « Vihno » qu'elle avait mis à réfrigérer pour pouvoir célébrer son divorce. C'était le plan avant de savoir qu'elle était enceinte.
Elle avait sorti la bouteille, avait refermé la porte derrière elle et s'était dirigée vers le plan de travail. Elle regardait la bouteille comme on regarde un fruit défendu. Elle voulait boire. Elle voulait se saouler. Pas pour fêter, mais pour oublier. Pour oublier le cauchemar dans lequel elle se trouvait.
La tentation était grande. Elle était forte. Elle voulait sentir le vin couler dans sa gorge. Elle voulait avoir la sensation de brûlure au fond de son être. Elle voulait...elle voulait tout sauf regarder la bouteille.
À quoi elle pensait en achetant ce vin? Pensait-elle qu'il y aurait matière à célébrer?
Elle avait déposé le vin et avait pris sa tête dans ses deux mains.
Comment a-t-elle pu penser une seconde qu'elle pouvait se séparer du seul homme qu'elle avait jamais aimé sans être triste? Comment a-t-elle une seconde pu penser que c'était la meilleure chose à faire?
Elle aimait cet homme de tout son être. Comment a-t-elle pu été autant stupide?
Les larmes dévalisaient ses joues, pour la énième fois de la journée. Les gouttes tombaient sur les papiers qu'elle avait évité toute la matinée. Elle les avait donc pris pour essuyer ses larmes, pour ne pas les tâcher, quand elle avait vu la signature précise de Nicholas.
C'était fini, il l'avait signé.
Sans aucune considération.
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