un
𝐁𝐫𝐮𝐱𝐞𝐥𝐥𝐞𝐬, 𝐣𝐮𝐢𝐧 𝟏𝟗𝟑𝟵
Un léger grondement retentit, se mêlant au clapotis régulier de la pluie battante. De fines gouttes ruissellent sur les carreaux et les pavés des trottoirs, submergeant chaque carré de terre qui n'était pas à l'abri et faisant fuir les rares passants qui avaient malencontreusement décidé de faire un tour en ville.
James octroie un nouveau regard inquiet à la porte, espérant que cela fasse apparaître, comme par magie, celui qu'il attendait depuis quelques bonnes minutes. Mais l'entrée reste déserte et ses iris ne rencontrent que la rue, vide et agitée par de fréquents courants d'airs cinglants. Les façades beiges des immeubles paraissent bien pâles par un temps si maussade — il est difficile de croire que, pendant les journées ensoleillées, elles puissent prendre la teinte de rayons de miel.
— Il n'est toujours pas rentré ?
Une voix retentit depuis l'arrière de la boutique, couvrant la cadence de la pluie avec son accent britannique familier.
— Non, pas encore. James pivote, posant sur le côté le caisson plein de fleurs qu'il portait. C'étaient des marguerites étant arrivées le matin même, et le jeune homme brun doit les répartir en pots égaux. J'espère qu'il reviendra avant que l'orage n'éclate.
— Oui, moi aussi. Mais Tom est un garçon intelligent, s'il ne rentre pas, c'est qu'il a trouvé un abri.
La chaude lumière des lampions révèle le visage de William Hiddleston, l'interlocuteur de James et propriétaire du magasin, tandis qu'il s'avance, les bras chargés de petits pots multicolores ; de loin, ses yeux bleus semblent gris et les ombres rendent les ondes châtains de ses cheveux plus foncées.
Il sourit au jeune homme pour l'apaiser, se plaçant à ses côtés.
— Ne t'inquiète pas, d'accord ? Je suis sûr que Tom est sain et sauf. Dis-moi plutôt ce que tu penses des couleurs des pots, plutôt innovant, non ?
— J'espère que tu as raison, James lui répond par un sourire plus faible. De toute façon, il peut s'abriter dans n'importe quel café. Il jette finalement un coup d'œil aux pots en question. J'aime bien les nouvelles couleurs, je pense qu'elles s'accorderont bien avec la blancheur des fleurs.
William tapote son épaule avec la paume de la main, puis se met à minutieusement sortir les marguerites de leur enclos de bois.
— Elles sont très jolies, commente-t-il, effleurant un pétale du bout de l'index. Donne-moi une truelle s'il te plaît.
Ils se remettent à travailler, ce qui permet à James de se distraire momentanément et ne pas trop songer au garçon de quinze ans et son vélo, filant quelque part sur les pavés glissants de Bruxelles. Il aurait voulu que son cerveau se contente d'avoir une image de lui bien au chaud, assis dans un café devant une tasse de chocolat fumante, mais pourquoi penser au meilleur quand on peut penser pire ?
Dehors, le fracas perdure, s'amplifiant même, et bientôt un éclat de tonnerre déchire le ciel mélancolique. Le coeur de James se serre inévitablement, et cette fois-ci, même les sourcils de William tressaillent.
— Pourquoi faut-il qu'il soit sorti... murmure-t-il, essuyant ses doigts tachés de terre sur son tablier, et un nouveau grondement sourd couvre sa complainte.
— Le temps est vraiment féroce aujourd'hui, observe William, terminant de replanter sa partie des fleurs dans leurs récipients multicolores. Cette remarque ne change évidemment rien à la situation, mais James est reconnaissant envers l'homme pour au moins essayer de ne pas les laisser muets dans les plaintes du déluge.
— Oui, c'est sûr. En plus l'orage est agréable à entendre quand on est à l'intérieur, mais avec Tom dehors, impossible d'apprécier quoi que ce-
Une secousse abrupte interrompt soudain James, qui se tourne instinctivement vers l'origine du bruit : la porte. Pendant un instant d'incompréhension, il se demande si la foudre n'avait pas percuté le verre dont elle était en partie composée.
Puis il le voit ; un jeune homme se tenant timidement dans l'entrée, entièrement trempé et les épaules agitées de petits soubresauts.
— Je suis désolé, je ne voulais pas entrer si précipitamment, s'excuse le nouveau venu, sa voix surpassant à peine le tambour de la pluie. Vous êtes le seul magasin ouvert que j'ai pu trouver dans les environs, les cafés sont totalement bondés. Je suis encore désolé du dérangement, je vous achèterai quelque chose à charge de revanche.
— Ce n'est rien, William, avec son aptitude naturelle à la communication, lui offre un sourire chaleureux et s'avance pour l'inviter à entrer dans le magasin. Vous devez être frigorifié, venez.
Il s'avance avec un peu plus d'assurance et William l'aide à enlever son manteau gorgé de pluie, tandis que James se glisse dans l'arrière boutique pour lui amener un pull propre ; le nouveau venu avait l'air de faire sa taille, peut-être un petit peu plus grand.
— Comment vous appelez-vous ? demande William alors le brun revient, apportant le vêtement le plus chaud qu'il ait pu trouver.
— Steven Rogers, mais appelez-moi Steve, répond l'inconnu, toujours luttant contre le froid qui le faisait trembler, et serre la main du propriétaire.
— Tenez, mettez ceci, ça vous tiendra chaud, James lui tend le pull avec un sourire compatissant, s'autorisant maintenant à correctement regarder les traits du visage du visiteur.
Ses yeux rencontrent deux iris bleus, plus clairs encore que ceux de William, dont l'intensité est atténuée par la faiblesse de l'éclairage ; un nez droit, des joues rosies par la fraîcheur et des lèvres bleuies. Ses cheveux foncés, mouillés par la pluie, sont séparés par une raie sur le côté gauche et tirés en arrière. James se sent presque rougir, intimidé.
— Je m'appelle James. James Buchanan Barnes, se présente-t-il à son tour.
— Enchanté. Encore merci.
— Ce n'est rien, je ne me porterais sûrement pas aussi bien que vous après être passé dehors, le brun rit poliment, voulant rendre cette fin d'après-midi moins pénible pour le visiteur malchanceux. Venez, je vais vous amener près du chauffage.
— Merci beaucoup, un instant. Steve fait un rapide aller jusqu'à son manteau, fouillant brièvement dans l'une de ses poches, puis retourne auprès de James. Désolé, on peut y aller maintenant.
— Qu'est-ce que c'est ? demande le fleuriste, curieux, avant de se reprendre. Pardon, vous n'êtes pas obligé de me dire quoi que ce soit.
— Il n'y a aucun souci. C'est juste un carnet de dessin, ou plutôt ce qu'il en reste.
Les deux jeunes hommes jettent un regard simultané à l'objet, lui aussi victime de la météo au vu de sa couverture humide.
— C'est surtout lui qui va avoir besoin du chauffage, soupire Steve, les lèvres jointes en un sourire penaud.
— On va faire le maximum pour le sauver, assure James, plaisantant à moitié, tandis qu'il guide Steve dans le magasin.
Au dehors, la pluie battante gronde toujours.
—
clemdun a fait un magnifique dessin du magasin de william uwu
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top