sept

Après de longues journées de pluie, le beau temps revient mais le moral n'y est plus. Des noms sont suspendus à toutes les lèvres : Führer, Nazis, Juifs ; les rumeurs frappent par vagues, les journaux s'arrachant la moindre nouvelle information. Comme une grenade sur le point d'exploser, la menace plane.

La porte d'entrée du magasin est grande ouverte, laissant un courant d'air matinal se faufiler entre les étagères fleuries. James débarrasse la table du petit déjeuner, enveloppant soigneusement les restes de la tarte aux pommes avant de la remettre au frigo, tandis que la radio rapporte des décisions gouvernementales venues de France. Malgré l'affolement que ces informations apportent, il ne peut se résoudre à l'éteindre.

Après avoir fini le jeune homme dévale les escaliers, rejoignant Tom qui avait commencé à arroser les plantes. D'habitude ils répartissaient le travail en trois, mais il doute que William ait le temps de les aider. Il se faisait du souci pour leur aîné et le nombre d'heures qu'il passe à son bureau, mais le Britannique se décide cependant à les rejoindre avant midi.

Les garçons, les interpelle William, faisant un signe de main pour qu'ils le rejoignent.

Vêtu d'un costume marron clair et d'une chemise blanche, il porte également son sac de voyage en cuir.

Je vais devoir m'absenter pour deux jours, annonce-t-il, une pointe regret tintant à travers son accent. Je suis désolé de vous laisser, mais il faut que je me rende à la campagne pour visiter un parc floral où j'ai passé une commande à un horticulteur. Je veux juste m'assurer que c'est une affaire sûre.

Tu es sûr que c'est nécessaire ? Avec tout ce qu'on entend, j'ai l'impression que tout devient dangereux, même les voyages dans notre propre pays... dit Tom, les pupilles ancrées sur l'Anglais avec inquiétude. Comment on va faire si une armée débarque ? Ou encore pire, si elle te tombe dessus ?

Le visage de William s'adoucit et il pose son sac pour faire un câlin au jeune homme.

Ne t'en fais pas, ce n'est que deux jours, personne n'attaquera par surprise, il passe sa main sur ses omoplates dans un mouvement rassurant.

Tu seras prudent, tu me le promets ?

Tom le serre dans ses bras, enfouissant sa tête au creux de sa poitrine.

Je te le jure Tom. Ce ne sera pas long.

William tapote tendrement le dos de l'adolescent puis se recule, récupérant ses affaires. Il passe devant James et ils échangent aussi une étreinte, le brun lui murmurant de faire attention.

Ne faites pas de bêtises, je vous fait confiance, William leur lance un demi-sourire, déjà à moitié sorti. Et n'hésitez pas à inviter Steve.

Il maintient la porte d'une main.

Au revoir.

Puis la clochette retentit et sa silhouette disparaît après avoir longé la vitrine, partie aussi rapidement que son départ avait été annoncé.

Je sais que ce n'est pas grand chose, mais j'ai l'impression que tout est en train de changer, Tom pousse un lourd soupire, passant une main sur son front. Pourquoi on fait toujours semblant que rien de mal n'arrivera alors qu'on n'en sait rien ?

Le départ inattendu de William semble l'avoir abattu.

Il se tourne vers James, et le brun est frappé par l'intensité de ce qu'il discerne dans les yeux noisette du jeune homme. La vivacité qui y infusait la joie semble envolée, remplacée par quelque chose de plus pesant et douloureux — de la peur sans doute, du chagrin.

Et malgré la maturité dont il fait preuve, Tom n'est qu'un garçon. Un garçon de quinze ans terrifié qui n'a pas encore eu son premier baiser, qui n'est jamais allé à un concert de musique, qui n'a jamais fait de patin à glace et qui travaille pendant ses vacances d'été. Un garçon qui n'a presque pas de famille et qui a été abrité par deux étrangers qui sont devenus des meilleurs amis. Un garçon qui sera peut-être obligé de tout perdre une nouvelle fois.

Parce qu'on a peur, nous aussi, répond James et sa voix vacille. Il a essayé de se protéger de cela, de ne pas laisser la peur gagner du terrain, et il s'était promis de tout faire pour que Tom soit en sécurité.

L'adolescent le rejoint en silence et se glisse dans ses bras. James le sert contre lui, le plus près possible, près de son cœur, et pose doucement son menton sur le haut de sa tête.

Il faut garder espoir, chuchote-t-il.

Tom ne rétorque rien, les muscles de ses bras contractés autour du torse du jeune fleuriste. La respiration de l'adolescent se fait de plus en plus pesante et saccadée ; il renifle et ses épaules tressaillent, avec de petites secousses d'abord, puis gagnant de l'ampleur.

Je suis désolé, arrive-t-il à articuler, la phrase entrecoupée de sanglots qu'il tente d'étouffer. Je suis vraiment désolé.

Bucky pose la paume de sa main droite contre la nuque du garçon, le rapprochant de lui. Il sent Tom pleurer, son corps tordu et frissonnant recherchant désespérément un abri.

On va tout faire pour s'en sortir, tous ensemble. Je te le jure.

Le garçon hoche difficilement la tête, sa poitrine faisant une succession de soubresauts. Il lutte pour reprendre un semblant de calme, se cramponnant aux vêtements de James.

On arrête pas de le répéter, mais c'est tellement dur de se dire que tout va juste bien se passer...

Je sais, le jeune homme brun lui caresse les cheveux, la gorge serrée par des liens douloureux qu'avaient forgés les larmes du garçon — il ne l'avait jamais vu dans un état pareil et voudrait tout faire pour le réconforter. Mais qu'est-ce qu'on pourrait dire de plus ?

Le souffle de Tom ralentit, s'approfondissant en séquences convulsives de plus en plus longues. Un dernier gémissement traverse ses lèvres et il desserre les doigts, relâchant ses muscles épuisés à cause de la contraction prolongée.

Comment est-ce que des gens peuvent en venir à... Ça ? La guerre ? Tout ce qui s'est passé en 14 ? demande-t-il faiblement.

Je ne sais pas, James n'ose même pas imaginer le supplice ayant été vécu par les soldats dans les tranchées, l'horreur du tableau lui donnant la nausée.

La guerre coûte aux soldats leurs vies, leurs familles, leurs corps, leur raison. Une bataille humaine qui n'a pourtant rien d'humain, la violence des assauts effaçant toute trace de compassion et de miséricorde. Mais le fleuriste ne veut pas affoler son jeune ami encore plus alors il se contente de le tenir contre lui, lui promettant un lendemain sans savoir ce que renferme la nuit.

Le reste de la journée se déroule laborieusement, le magasin de fleurs plongé sous une fine pellicule de tristesse. Tom marche dans les rayons sans but véritable, à bout de forces et tentant toujours de repousser ses craintes, s'occupant pour gagner quelques heures de répit. James passe un coup de balai au sol, repeint une partie de la porte qui s'était esquintée, revient à la radio.

Ils font de leur mieux.

Après le dîner, le fleuriste brun ferme la boutique et prend l'initiative de ranger les documents relatifs aux ventes et achats de plantes. Il se pose dans l'arrière boutique sous la lumière blafarde d'une lampe, triant les dossiers que William avait fini d'étudier. L'Anglais étant bien organisé, cela ne prend pas beaucoup de temps mais James repère cependant quelques feuilles volantes qu'il remet à leur place. L'une d'entre elles attire particulièrement son attention, étant plus petite.

Le jeune homme la porte à la lumière, déchiffrant l'écriture de William, et y trouve une liste de nombres — des heures, plus précisément. Il s'apprête à la reposer sur le bureau mais son regard se pose sur une inscription dans un coin du papier, ce qui l'arrête subitement. L'écriture est petite mais lisible.

« Horaires de trains pour Paris.
7 juin 1939. »

La date correspond à celle d'aujourd'hui.




l'intrigue se met en place...

j'espère que vous passez une bonne journée, merci pour les 1k de lectures ! j'espère vraiment que cette histoire vous plaît ♥

je ne me suis toujours pas remise d'endgame (même si j'ai déjà hâte de le revoir!), mais je serai éternellement reconnaissante au cast pour avoir permis à toutes ces aventures de prendre vie et de nous faire rêver (et souffrir occasionnellement...)

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