dix
James déplie la serviette de bain laissée à son égard près du lavabo et la passe sur son dos parsemé de gouttelettes chaudes, la douceur du coton l'apaisant davantage. Il la glisse sur ses épaules, sa tête, son visage, puis l'enroule autour de ses hanches et se place devant le miroir, éclaboussant de nouveau son visage, mais avec de l'eau froide cette fois-ci.
Lorsqu'il s'essuie les yeux, son reflet lui rend un regard éreinté, attristé. La douche ayant délavé la colère, il ne reste plus que la tristesse, réfugiée dans sa poitrine, muette et recroquevillée.
Le jeune homme passe une main sur son visage, prenant une profonde inspiration en rassemblant ses pensées. Il devrait parler à Steve, et malgré le fait que causer de la peine à son ami est ce qu'il redoute le plus, il n'a plus le choix maintenant que le mal est fait. Appuyé contre le lavabo sous la lumière tamisée d'une lampe, ses décisions ne lui ont jamais paru aussi fragiles, mais il va continuer de s'y accrocher.
James déplie ensuite les vêtements que son ami lui a prêtés, commençant par mettre le pull tricoté marron. Il porte l'odeur de pomme de Steve, et le brun reste immobile pendant quelques instants alors que son imagination lui échappe. Juste pour quelques parfaites secondes, il rêve de sentir les bras du jeune homme blond autour de son torse, sa tête appuyée contre son dos. Ils resteraient silencieux, effrayés mais palpitants, plongés dans la torture suave du contact.
Peut-être est-ce à ce moment que James s'avoue enfin qu'il est amoureux de Steve, la déclaration intime laissant dans son estomac des papillons virevoltants en tous sens. C'est aussi simple que cela.
Et pourtant si compliqué en vérité. Si seulement deux garçons, deux filles, ou même peu importe, pouvaient eux aussi danser comme si le monde cessait de les regarder et se tenir la main sans crainte. Si seulement l'amour n'était pas un crime.
Puis il se souvient de Peggy, du regard bienveillant de Scott posé sur son ami et elle, et le tableau s'effiloche, l'étreinte de Steve s'envolant et abandonnant James à la réalité. Il se dépêche de se rhabiller, le coeur battant si fort qu'il a peur que l'on puisse l'entendre à travers la porte, même si une mince part de lui souhaiterait que Steve en soit témoin.
Lorsque le fleuriste sort, fermant soigneusement la porte derrière lui puis se dirigeant vers le salon, le blond l'attend sur le canapé. Un plateau est posé à côté de lui, comportant deux tasses et une petite théière transparente pleine de thé vert à la teinte ambrée.
— Comment tu te sens ? demande-t-il alors que Bucky prend place à ses côtés, ce dernier se sentant soudain timide à cause de la prise de conscience de ses sentiments si longtemps refoulés et du tête-à-tête.
— Mieux, merci, le brun lui offre un sourire fatigué mais reconnaissant, essayant de chasser cette gêne inappropriée. Je suis désolé de t'embêter avec ça, je devrais sûrement rentrer.
— Bucky, tu as vu ton état ? le ton de Steve n'est pas irrité, mais au contraire, soucieux. Hors de question que tu partes. Tu restes pour la nuit.
— Mais, et Peggy ? demande le brun, étonné par l'aplomb de Steve à le faire rester.
— Peggy a un rendez-vous, un demi-sourire traverse son visage. Elle ne dort pas ici ce soir.
— Un rendez-vous ? Pourtant vous...
Il ne termine pas, espérant que son ami comprenne.
— Nous..., Steve se met à servir le thé. Nous ne sommes pas ensemble.
— J'ai vu la façon dont Scott vous a regardés, confesse le fleuriste. Si tu veux garder ça privé, je te promets de n'en parler à personne, alors tu n'es pas obligé de mentir.
— James, je ne mens pas, le jeune homme blond fronce les sourcils, et leurs regards se croisent. Peggy est mon amie, certainement la meilleure, mais nous ne formons pas un couple. Elle a déjà quelqu'un.
— Très bien, peu importe de toute façon, répond le fleuriste, faisant mine de pas prendre cela à coeur. Cependant, son coeur, lui, s'obstine à s'y prendre.
— Du thé ? Steve esquive la prolongation de ce sujet, lui présentant une tasse. J'espère que tu aimes bien l'appartement, d'ailleurs. Il n'est pas aussi grand que le vôtre, mais fais comme chez toi.
L'appartement est un deux-pièces aux tons blancs et marron clair, sa petite taille le rendant convivial et mettant James à l'aise. Deux lits sont agencés dans le vaste salon relié à la cuisine, aucune porte ne séparant le tout, et des fenêtres accompagnées de rideaux s'étendent sur le mur à sa gauche. Quelques plantes sont dispersées sur les meubles ; le brun retrouve avec une agréable surprise celles que Steve avait achetées au magasin.
— Merci, le fleuriste se saisit du récipient, le portant à ses lèvres. Le breuvage chaud adoucit son palais, y laissant un goût sucré. J'aime beaucoup l'appartement, encore merci de m'accueillir.
— C'est normal, vu tout le temps que j'ai passé chez vous, Steve rit doucement, buvant lui-aussi.
La tasse de James a beau être logée aux creux de ses paumes, c'est surtout le son éthéré émanant de Steve qui le réchauffe. Il voudrait embrasser chaque coupure sur son visage, lui promettant d'être là, toujours. Là pour mettre de la glace sur les blessures, pour l'aimer sans paroles, pour manger des crêpes et rire un peu trop fort dans la rue.
— Maintenant, est-ce que tu peux me dire ce qu'il s'est exactement passé avec Tom ? souffle le blond.
Le fleuriste hoche la tête, prenant une gorgée de thé en rassemblant les événements de la journée. Il commence par parler du départ de William, puis de la réaction de Tom, et évoque même les horaires de trains pour Paris. Et à chaque nouvelle phrase la tristesse ressurgit, brute et simple. Ce n'est pas celle qui fait rêver les poètes, mais juste celle qui fait mal.
Steve ne le quitte pas des yeux tout le long du récit, ses traits devenant plus sévères alors qu'il est attentif à chaque détail.
— Ce serait possible que William ait aussi passé une commande de fleurs à Paris ? demande-t-il à la fin, une pointe d'espoir dans la voix.
— Ça m'étonnerait, James soupire, reposant sa tasse maintenant vide sur la table basse. Il a dit qu'il se rendait à la campagne.
— J'espère qu'il est sain et sauf en tous cas, qu'il soit à Paris ou ailleurs. Son intention n'était peut-être pas de vous mentir ? interroge le blond. Peut-être qu'il essaie de vous protéger, et il y a sûrement une raison à ça.
— J'aimerais te croire. J'essaierais de lui en parler, mais c'est surtout pour Tom que je suis inquiet.
— Je pourrais lui rendre visite ? demande Steve, tout aussi soucieux quant à l'état du garçon.
— Bien sûr, ça lui fera sûrement très plaisir de te voir, répond James, sincère. Lui aussi, cela lui fera plaisir.
— Bucky, je suis encore désolé pour tout à l'heure, s'excuse à nouveau son interlocuteur. Je n'ai pas dû arranger les choses.
— Non, mais maintenant si, James sourit doucement, sentant des constellations pourpres se former le long de joues. Heureusement, l'éclairage peu intense devrait le camoufler.
— C'est réciproque, Steve se laisse aller contre le dossier du sofa, et son visage fatigué et ses cheveux désordonnés font chavirer le jeune homme brun. Encore merci d'avoir pris soin de moi après la bagarre. Et je pense que Peggy t'es aussi reconnaissante, je doute qu'elle aurait apprécié devoir me traîner à la maison avant son rendez-vous.
Il secoue la tête, un sourire courbant ses lèvres avec autodérision.
— Elle était très gentille, tu peux la remercier aussi, dit James, s'accrochant au mince espoir que Steve lui ait dit la vérité à propos de leur relation.
— Je n'y manquerai pas, assure Steve, se levant ensuite pour ranger leurs tasses vides et la théière.
James fait de même, mais ne sachant pas où aller, il entreprend un petit tour du salon. Il remarque des photographies en noir et blanc installées sur une étagère ; l'une d'entre elles représente Steve et Peggy, riants, et une autre encore montre Peggy accompagnée d'une jeune femme blonde et souriante. La joie palpable qui émane des clichés éveille sa tendresse.
Steve ne tarde pas à revenir, et il sourit à la vue de Bucky observant les photos. Il décide de ne pas le déranger, s'occupant plutôt de faire leurs lits. Il dormirait dans celui de Peggy et proposerait le sien à son ami.
Le fleuriste s'aperçoit cependant vite de son retour et commence à l'aider, les deux jeunes gens manœuvrant dans un silence confortable. James se sent un peu mieux après s'être confié à Steve, le fait d'avoir sorti tout cela hors de lui rendait le poids des choses moins lourd.
Lui avoir parlé commence à faire cicatriser les plaies, d'une certaine façon. Cela prendrait du temps, mais il est son premier pas, le point de départ pour se relever. Et les effluves d'alcool l'empoisonnant encore en sont peut-être responsables, mais il imagine lui dire. Tout ce dont il aurait besoin sont quelques secondes de bravoure, le plus de courage qu'il ait jamais eu.
— Bonne nuit, Bucky. J'ai mis un réveil pour six heures pour demain, comme ça on sera sur place avant que Tom ne se réveille.
Ils se glissent dans leurs lits, et Steve éteint les lumières.
— Merci. Bonne nuit.
S'il tendait le bras, il pourrait toucher son matelas.
James se recroqueville confortablement, se tournant de sorte à voir Steve. Il arrive tant bien que mal à le dissocier de la pénombre, le contour de sa silhouette étant légèrement plus marqué.
— Steve, je peux te dire quelque chose ?
Quelques secondes seulement, les plus importantes pour tout ce qui pouvait suivre. Peut-être les plus importantes de sa vie.
— Oui. Qu'est-ce qu'il y a ?
— Je suis en train de tomber amoureux de toi.
Il n'a pas vraiment conscience de ce qui arrive. Pas conscience de la musique à peine audible traversant le verre de la fenêtre depuis la rue, du bras de Steve qui se fraye soudain un chemin sur sa couverture. Pourtant, leurs doigts se rencontrent.
Muets, dans le noir, ils se tiennent la main.
—
bonsoir, j'espère que ce chapitre vous a plu ❥
qu'en avez-vous pensé ?
ces deux-là méritent tout le bonheur du monde
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