CAN'T REMEMBER TO FORGET
Tilleul
Une pompe infatigable, le cœur. Pompe généreuse, pulse sept mille litres de sang par jour dans le corps. Bat cent mille fois, la journée. Pompe la vie ; ce présent qui rapidement se mue en passé, souvenirs. Je sais que pour beaucoup, vivre est une histoire de présent et de futur. Pour ma part, il ne s’agit que de la redondance de l’antériorité. C’est vrai, qu’est-ce que la vie sans le passé, face à un future illusoire et à un carpe diem fugace ? Le passé est la seule donnée qu’on puisse emmagasiner. Une donnée tangible… Une sorte de trésor… Le graal, en d’autres termes.
Ce sont donc mes antécédents que pulse mon cœur à cet instant, contredisant par contre la théorie sur sa pseudo intelligence. Le mien est stupide. Avec sincérité, qui continue de baver devant le mec que sa sœur s’est tapé et qui se fera repousser avec certitude, si par un malheureux hasard ce dernier venait à se rendre compte de votre existence ? Fait-on plus contradictoire et stupide ? J’en doute.
Ah le cœur, nullement ma passion première et pourtant, reste le centre de mes préoccupations… Il m’aura définitivement tout prit. Surtout le surplus de me matière grise dont j’aurais davantage pu m’enorgueillir.
–– Tu ferais mieux de l’oublier, me souffle Marin au creux de l’oreille alors que je m’apprête à remettre mes yeux au bon endroit c’est-à-dire : dans mon bouquin et non sur Harry Minakshi en grande conversation avec des membres de sa communauté.
–– Tu peux être plus précis ? feins-je l’ignorance, avant de me lancer dans une lecture murmurée, de mon livre d’anatomie.
Ma tête accuse le brusque changement de sujet par un bug qui dure assez longtemps pour me pousser vers une irritation gratuite. Les traits de mon visage se froissent aussitôt.
–– Ce n’est pas avec ce masque de colère que tu me boucleras le bec petite fleur. Trois ans à bavocher devant la même gueule, sérieusement ?
–– Je ne vois vraiment pas de quoi tu parles ? ponctué-je théâtralement cette fois.
Sans cadavre, il n’y a pas de meurtre. Je n’ai jamais eu intérêt que cette situation honteuse, se sache. Ça n’a pas du tout changé, il en va de ce qu’il reste d’attrayant dans ma réputation.
–– Tilleul, arrêtes deux secondes tu veux ? Je suis ton ami, ça restera entre nous. À qui je le dirai de toute façon ?
–– À Suh par exemple, qui me charriera. Et en prenant en compte son degré de subtilité qui se résume en tout pour tout à zéro ––quand il s’agit des autres, bien entendu––, tous les autres finiront par comprendre.
Ma sœur en moins par contre. Elle, elle est au courant depuis le premier jour. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle s’est donnée pour mission d’en faire un numéro sur sa liste.
Et zut ! Je viens d’avouer par omission.
–– Tu gardes ça pour toi, menacé-je Marin du doigt, après m’être frappé le front du plat de ma main.
Pour toute réponse, il lève ses mains en l’air. Je reçois plus vite que je ne l’attendais, une preuve de sa bonne foi, lorsqu’il change de sujet.
–– Et si on abandonnait cet antre du livre, me propose-t-il en refermant son bouquin à son tour. Suh vient de m’envoyer une vidéo. Il parait que ta sœur fait son show au club.
Mon refus est immédiat. Après l’affreuse semaine que j’ai eu, aucun moyen que j’en entende davantage sur mon sulfureux baiser échangé avec le nouveau… Le sexiest Frenchy de l’année, comme l’appellent Acacia et sa clique. Je crois avoir suffisamment été traumatisée par l’expérience. Et à présent que j’arrive à fermer les yeux sans ressentir mes papilles gustatives s’éveiller en l’honneur du goût exquis de ces lèvres dont l’expertise n’ont d’égale que leur sauvagerie, autant dire que je n’ai nullement envie de retenter l’expérience. Enfin si… j’ai juste un problème avec le partenaire en question.
Il y’a bien une raison pour laquelle mon béguin pour Harry ne s’est pas essoufflé depuis toutes ces années. C’est le garçon le plus intelligent et le plus spirituel du bahut… même de toutes les personnes de ma génération qu’il m’a été donné de connaître. J’aime les gens intelligents, ce n’est pas de ma faute. Mais bien entendu, dépourvue de toute superficialité ––un défaut que tous les sportifs semblent avoir en commun dans ce campus. Et je ne pense certainement pas à ma sœur… Ou si…
–– Tu ne vas pas vivre en fonction d’elles quand-même, essaie de me convaincre mon ami.
Je grimace de désapprobation.
–– Je ne vis en fonction de personne. Tu m’offenses là. Disons que j’ai besoin d’espace.
Je suis encore fâchée avec ma sœur et ses amies tu sais bien, je les tolère, rien de plus, rien de moins.
–– Allé Ti, pour moi.
Les mains réunies comme celles d’une statue bouddha, il finit par m’arnaquer avec une de ces moues tristounettes à laquelle je ne résiste jamais bien longtemps.
–– D’accord, abdiqué-je en ébouriffant sa blonde crinière. Juste quelques instants alors.
Il sourit pour sa victoire, avant de se mettre à ranger ses affaires. Je l’imite et quelques minutes plus tard, nous sortons du bâtiment. Lui est impatient et moi, nostalgique, coincée entre ce monde imaginaire où Harry et moi avons eu le coup de foudre le premier jour de notre rencontre, et le monde réel où il supplié ma sœur à genou pour la convaincre de rester avec lui. J’ai beau le trouvé pathétique, il reste incroyable à mes yeux. Tout comme je ne désespère pas qu’il se rende enfin compte de mon existence, tout en sachant pertinemment que si cela arrivait, mon orgueil s’établira en muraille entre nous.
Nous sortons du bus avec sur les lèvres, l’obésité selon les neurosciences, comme sujet de conversation. D’ailleurs, je trouve qu’elles donnent une explication plus empathique que celles apportées par la diététique, le fitness ou même la chirurgie. Marin dont la sœur en souffre mène tellement bien la conversation qu’il n’y a que les puissantes notes du piano derrière lequel se tient ma sœur qui parviennent à l’arrêter dans sa lancée.
J’ai le cœur lourd en prenant congé de Bérénice qui rejoint son petit-ami, face à ma sœur en plein concert solo. Sa dernière composition, précise sans gêne celle-ci, après avoir appuyé une dernière fois les touches de l’instrument. Mais je devrais déjà y être habituée, pour n’avoir jamais tenu à rétablir la vérité. Nos chansons, c’est moi qui les composent. Celle qu’elle vient de présenter comme étant sienne, m'a été inspirée par ma première scène solo ––qui équivaut aussi à ma première rébellion. Je l’ai composée il y’a environ deux jours. Elle parle des premières fois, de mes premières fois qu’elle vient de faire siennes par caprice, par rancœur.
Le cœur, m’aura vraiment tout pris…
–– Mais c’est que ces génies se sont enfin décidés à se pointer. Sœurette, je commençais à croire que tu m’évitais.
Acacia traverse gracieusement l’espace sobre dont les pièces majeures sont, le piano brun foncé qu’elle vient de quitter, une table ronde dont le bois marron est magnifiquement lissé, plus son joli bouquet de fleur, et le large tapis persan sur lequel le bleu resplendit en maître. J’ai droit à deux bises et à un sourire qu’on sait toute les deux, complètement hypocrite (puisque je ravale ma bile et elle sa jalousie), quand elle arrive enfin à ma hauteur et Marin, à un câlin des plus affectueux. C’est simple, elle vit mieux en s’accaparant mon petit monde. Ah, la peste ! Je la déteste…
Heureusement Marin est là. C’est le seul qui me donne espoir. Tout le monde ne succombe pas à son chant de sirène sournoise. Et ceci est l’unique raison pour laquelle elle est de plus en plus mielleuse vis-à-vis de ce dernier.
–– Trop de travail, fais-je sèchement, et marre d’entendre parler des basketteurs à longueur de journée.
Elle me sourit sincèrement, amusée par ma moue agacée, baptisée petite de dindon par cette dernière, avant d’attraper mon ami par le coude et de le traîner jusqu’à leur table.
–– On ne parle pas des basketteurs, juste de Wyatt et votre baiser.
–– C’est la même chose, grimacé-je dans son dos, contrainte de suivre le mouvement en tant qu’électron libre.
–– Quoi ? s’enquiert Suh qui écarte déjà les bras pour m’accueillir.
–– Wyatt, ricane ma sœur, qui sait mieux que personne combien ce sujet m’irrite.
C’est par elle que je me suis faite cette réputation de snob, hautaine et élitiste ––Non pas que les faits soient faux seulement, personne n’aurait jamais rien su si Acacia ne s’était pas chargée de casser du sucre dans mon dos et de répéter devant tout le monde, sans que cela n’en ait l’air, les réflexions que j’avais faite il y’a de cela deux ans à mon journal, sur la façon dont je percevais mes nouveaux camarades. On parlait de perroquets pour Vanessa et Halle, suiveuses pour Amalia, secrétaire pour Suh, pèlerin pour Marin et insupportable pour toute l’équipe de basket.
–– Tu es vraiment bizarre, me rappelle Vanessa dont le regard a pour seconde caractéristique ponctuelle, l’espièglerie. Emerson a beau être le plus sombre des connards, je n’ai jamais compris cette aversion que tu as contre les sportifs.
Si elle n’était pas au service de la mauvaise cause, je lui aurais trouvé cela comme qualité.
–– Euh à part qu’ils se croient tout permis, spéciaux, irrespectueux pour la plupart, non rien. Eh ah, je crois que tu devras porter plainte à Hollywood aussi. Les clichés ont la peau dure.
Plus sérieusement, je n’ai pas de problème contre tous les sportifs du monde entier… Juste contre cette catégorie rentrant dans le moule de la superficialité.
–– Dommage, soupire Suh qui se tort en quatre pour s’intégrer et donc, se convainc de partager le même avis que les quatre cheerleaders. Il est dans l’autre salle, et je m’étais dit qu’on aurait droit à un round deux.
Je n’ai aucune justification plausible face à l’émotion qui traverse mon corps au moment où cette nouvelle me tombe dans les oreilles. Excitation et peur m’étreignent tout d’un coup, et ce, sans réserve. La gorge sèche, mon coup de met à bouger sur mon tronc fixe, à la recherche la source de mon agitation. En cédant au sourd appel de la main de Marin, je perds la notion du temps et m’assied sans voir, ni entendre. Mes souvenirs me sont revenus avec virulences, si bien que l’impression d’être collée à ces lèvres juteuses à cet instant, semble des plus réelles. Plus que ce baiser, j’ai encore dans la tête, ses yeux dont l’influence me dépasse.
Je ne l’avouerai jamais à voix haute, mais ce gars m’a secoué de la tête à la plante des pieds.
Bien entendu, je déteste ça.
Mais ce que je déteste par-dessus tout, c’est l’arrivée d’Harry, au bras d’une première année. Leur complicité me coupe l’estomac et, sans que mes prunelles n’aient à se clore, dans le coma.
Ah le cœur, pourquoi faut-il qu’il soit aussi grand ?
Par chance, Marin qui sait désormais lire en moi comme dans un livre ouvert, me sauve la mise lorsqu’au bout de n+1 conversations que je suppose, toutes inutiles, Halle remarque elle aussi mon air sonné et l’assimile à la présence du basketteur.
–– Tilleul a eu de mauvaises remarques sur son devoir ce matin, je suis certain que c’est à ça qu’elle pense en ce moment.
–– En effet, m’empressé-je de renchérir en secouant la tête pour me décrocher de mon nuage. D’ailleurs, il faut que je me remette dessus, il faut que j’y aille.
–– Non mais attend. Tu n’as même pas touché à ton dinner. Tu n’aimerais quand-même pas que Sissle dise à papa que tu t’es mise au gaspillage.
Cette tentative de dissuasion n’est certainement pas faite pour par générosité et encore moins pour me faire rester. Après la mesquinerie, il n’y a que de la vantardise masquée sous cette couche de bienveillance. Notre père est l’un des propriétaires du club de golf dont monsieur Sissle le gérant, à la responsabilité. On dira peut-être que j’exagère mais moi j’en suis sûre, elle ne le cite que pour rappeler à tout ce monde, quel est son nom. Et ce qu’il vaut, surtout. Tout comme elle sait ce que vaut ce regard triste que je pose une dernière fois sur la table d’à côté.
Je ne me donne même pas la peine de lui répondre après avoir persuadé Marin de rester tenir compagnie à Suh qui se gavera à sa saietté pour sûr, et pas que de bouge. J’ai besoin d’être seule pour réfléchir à ce qui m’est arrivée… J’ai besoin d’être seule tout court, après avoir compris que jamais, il ne me verrait.
La fraîcheur de la nuit me fait un bien énorme. Ayant pour ambition de rejoindre directement mon lit, je rebrousse chemin vers le campus. Malgré les larmes qui brouillent ma vue, je continue de me débattre avec mon moi intérieur pour ne pas m’épancher sur mes émotions et prendre la situation avec logique. C’est évident que je n’y peux rien. Tout comme lui, n’y est pour rien. Je survivrai. De toute façon, mes larmes n’arrangeront rien alors pourquoi m’éterniser ? Mais la réponse est claire, il n’y a rien de logique dans ces choses invisibles alors, pas moyen de résoudre la solution à coups d’équations mathématiques… Donc, les larmes poursuivent leur cours, malgré ma gorge qui s’apaise.
Prise de cours par une mélodie dans ma tête, mes pas dévient vers le jardin le plus près de ma résidence pour la faire exister. La beauté du lieu n’aura jamais fini de m’éblouir. Après l’architecture gothique de ces lieux, je crois que les jardins sont ce qui réveillent le plus ma sensibilité. Ils respirent la vie, l’amour et la santé. Et à cet instant, c’est cet éclat de couleurs dévoilé par les lampadaires allumés pour soutenir notre orientation face à la nuit, qui réussit à me consoler. Aussi, c’est devant elle que je laisse libre cours à mon génie créateur.
J’enregistre plusieurs fois la mélodie, l’écoute et la réajuste, jusqu’à ce qu’elle soit en parfait accord avec le bruit dans ma tête. Absorbée par mon inspiration, je me mets à écrire les paroles. Les paroles me sortent de la tête avec clarté, et très vite je termine ma copie. Pourtant en relisant, le premier couplet semble me semble non satisfaisant. J’entame donc sa réécriture mais fini par coincer sur le dernier vers. Bien décidée à débloquer le couplet en entier, je me relie à voix haute pour voir s’il m’est possible d’avoir une nouvelle perception de mon travail.
–– Tout de toi, me semble être un à propos du soleil
On l’adore, mais jamais de trop près
Tu es ce trou noir qui par-delà mes peurs, m’attire…
Plusieurs propositions se bousculent dans ma tête. Ça se cafouille tellement, qu’à un moment, je dois faire bourdonner mes oreilles pour déstabiliser le flux agressif d’idées qui cognent contre les parois de ma boite crânienne. Puis soudainement, une autre voix s’en mêle.
–– Mais merde, comme c’est bon de tomber dans l’oubli.
Le timbre a beau être amicale, voire charmeur, il réussit à me faire sursauter. J’asphyxie le hoquet de surprise par une longue exhalation marquant mon soulagement dès que mes yeux rencontrent ceux de cher Wyatt. Toutefois, le répit ne dure que très peu. Son retentit deux fois à peine dans mon esprit que mon cœur s’engage dans un galop assourdissant. Chaque bond libère une décharge différente à chaque fois. Le flot est tellement rapide que j’abandonne le décompte au bout d’une demi dizaine.
–– Ouais ça le fait, arrivé-je néanmoins à répondre, avec sincérité. Pas certaine d’être d’accord mais oui, ça fonctionne.
–– Tu peux la garder si tu veux.
–– Vraiment ?
Il s’occupe en premier, de me rejoindre au bord de l’eau, avant de me répondre.
–– Vraiment, sourit-il en coin, me laissant découvrir la profondeur de son regard noir. Wyatt Iding Pierces, se présente-t-il toute juste après, en m’offrant sa paume de main.
Encore décontenancée par le caractère hasardeux de la situation, je tarde à la saisir. Il y’a aussi qu’il fait partir de l’équipe de basket. C’est bien le clan des cheerleadears qui se moquerait de moi si une d’elles apprenait que j’ai de mon plein gré serré la main d’un de ces odieux personnages comme j’aime à les qualifier. Aussi me suis-je assurée qu’il n’y avait pas de témoin, avant de me montrer polie.
–– Tilleul.
–– Pas de nom de famille ? me taquine-t-il après avoir jeté un caillou dans l’eau.
Je retrouve peu à peu de mon calme, sans pour autant me détendre. Que me veut-il ? Comment a-t-il su que j’étais là ? M’a-t-il suivi ? Si oui, pourquoi ? Et pourquoi après une semaine et pas avant ? Je rappelle que le jour du concert, il m’a complètement ignoré le reste de la soirée. Mon orgueil ayant surpassé ma curiosité, je me suis contentée de suivre le mouvement, sans plus. Et puis, ça m’arrangeait bien, j’ai détester aimer ce baiser. Tout comme je me suis détester toute la semaine, de ne pas être de ceux qui consentent à oublier.
Vivre pour moi, c’est se souvenir.
Mais s’il faille faire des suppositions, j’opte encore pour l’explication du pari entre potes. C’est bien le genre de ces misogynes de faire des trucs pareils.
–– Je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’en faire mention. Tu le connais de toute façon, puisque tu connais ma sœur.
Bien plus, il doit connaître mon richissime de père. Tout le monde le connaît. Et puis culturellement parlant, comparé à son patronyme à lui, le mien fait presque plume. Je ne tarde pas de le lui faire savoir après avoir examiné son profil à la va vite. Cheveux frisés coiffés en un dégradé teint en blond, l’oreille gauche percée reteint une petite croix, son nez séant à une parfaite hypoténuse et son t-shirt ni trop serré, ni trop ample qui laisse deviner le corps précieux d’un futur professionnel de la balle orange.
–– De toute façon, ton nom est bien plus intéressant.
–– Ah bon ? semble-t-il surpris en tournant son visage vers moi.
–– Iding, soufflé-je au vent, l’air songeuse. Il vient du peuple bantu, de la tribu des fang bétis. Il signifie amour, tu le savais ?
L’air impressionné, il m’apprend que non.
–– Intéressant. Tu tiens ça de Suh ?
–– C’est vrai qu’elle nous a accueillis chez elle l’an dernier, mais non. Elle vient des Grassfields de toute façon. Je vais en Afrique une fois par an depuis que je suis en âge de voyager toute seule parce que, comme Markus Garvey je pense qu’un peuple qui ne connaît pas son passé, ses origines et sa culture ressemble à un arbre sans racines.
Son coup d’œil admiratif jette du feu sur mes joues.
–– Je te voyais plus dire : si un Homme ne croit pas en son individualité, il ne peut-être loyal à rien. Je trouve qu’elle te définit mieux.
–– Claude McKay, renchéris-je de suite. Expliques-toi.
–– Je te trouve authentique.
Bien qu’émue par ce compliment, mes alarmes internes s’affolent de plus belle. Qu’est-ce qu’il me veut ?
–– Merci, mais dis-moi, qu’est-ce que tu fais là ? Au club, on m’a fait comprendre que tu dinais avec ta clique.
La grimace de dégoût qui tord mes lèvres au moment où je fais référence à ses coéquipiers, je fais pouffer de rire, creusant sa fossette gauche.
–– Au moins, j’ai été prévenu.
Comme un réflexe, mon sourire se lève d’étonnement.
–– Je croyais que tu me trouvais authentique, et donc que tu t’étais directement fait une idée sur moi et non en te basant sur les ragots.
Ce qui était léger devient tonitruant. Ce qui était presque amicale, devient hargneux. Bougonne, j’entreprends de quitter le sol. Le quitter simplement, car j’ai horreur qu’on se moque de moi.
–– Attend s’il te plaît, me retient se dernier au moment où je m’apprête à ramasser mon sac. Excuse-moi mais, c’est que tu as cette moue tellement adorable quand tu te vexes.
–– La petite moue de dindon, cinglé-je boudeuse, en croisant les bras.
Son hilarité va vers le sommet. Et pour cette fois, je n’ai pas envie de la réprimander. Étonnement, mon cœur s’emplit d’une joie certaine. Une chaleur tiède. Douce, elle est surtout bonne, subtile et, m’ouvre la voie vers une nouvelle perception de l’homme en face de moi. ce que je vois me bouleverse. Depuis combien de temps n’a-t-il pas ri ? Ou, est-il simplement de cette catégorie de personnes qui cueillent la vie carpe diem, se donnant à fond au présent, dans l’insouciance ? Si c’est le cas, comment est-ce qu’il fait ?
Je resterai certainement sur ma faim, n’étant pas assez proche lui pour engager ce type de conversation.
–– D’où tu sors cette appellation joli rossignol ? me demande-t-il lorsqu’il parvient enfin à se calmer, sans vraiment attendre de réponse, puisqu’il continue aussitôt. Promis la prochaine fois, je ferai davantage attention à mes paroles. Tu es une vraie loupe en fait.
Je ne suis peut-être pas aussi euphorique que lui mais sa bonne humeur est contagieuse. Et surtout, elle réussit l’exploit de l’ennui habituel que je ressens lorsque je suis avec la plupart des gens.
Mais bon sang, il a fallu que ce soit un basketteur.
–– Ce n’est pas de ma faute, soufflé-je sur un ton enjoué, en me rasseyant près de lui. Ça bouge sans arrêt dans ma tête. Il me faut constamment de la matière sur le feu. Néanmoins, je doute qu’il y ait de prochaine fois. On a dû te prévenir je suppose.
–– Oui, mais j’y tiens, soutient-il en déposant irrévocablement son regard intense sur moi. C’est pour ça que j’ai aussi tenu à réinventer le conte de cendrillon. Tiens, c’est à toi, fait-il en ouvrant sa paume demain devant moi, me laissant découvrir mes cauris peints en noir par mes soins. Je te l’ai volé sur la scène, histoire d’avoir une bonne excuse pour me rapprocher à nouveau de toi.
Je les croyais perdues à jamais. J’en eu le cœur lourd longtemps parce que, non seulement je les adore, mais je suis aussi de ceux qui déteste par-dessus tout, perdre. Généralement je vais jusqu’au bout, quitte à me perdre moi-même. Les faits actuels sont d’ailleurs flagrants.
Tout comme le fait qu’un mur vient de se briser devant ce charmant argument. Il me fait la cour, j’en ai à présent la certitude. Ses paroles gisant dorénavant dans la corbeille du passé en sont la preuve. Ce sont désormais des archives, le gage d’un présent qui a été, qui a compté. Ce passé que mon cœur ameuté voudrait moins que ma tête, se rappeler avoir oublié.
Ah le cœur, il m’aura fait voir de toutes les couleurs…
–– Le compétiteur n’a-t-il pas mieux pour me convaincre, lui opposé-je hautaine, les pieds figés dans mes hésitations.
J’empreinte volontairement ce ton guindé et hautain que je sers exclusivement à Emerson lorsque, pendant ses rares chutes d’égo il revient à la charge vers moi. Je fais bien en sorte que mon corps soit en accord avec ma voix, dans l’espoir de mieux le faire fuir. Pas certain que je sois en mesure de le rejeter sans ciller, maintenant que l’envie de lui sourire me semble aussi naturelle que celle de songer à nouveau à notre baiser et de m’en languir.
Le petit sourire en coin qu’il m’adresse va de pair avec le regard perçant qu’il darde sur moi. Ils me perdent. Mais ça, c’était avant que je n’entende la suite… Et peut-être que c’est ça, tomber dans l’oubli.
–– Ce serait bien de plonger dans le lac
Sortir de l’eau tel un nouveau vêtement
Débarrassé de toutes tâches
Comme la montre, de tout silence
Tomber dans l’oubli de notre existence
Se faire plus léger que les fumées
Et moins toxiques, que d’ardentes nuées.
Ah le cœur, pourquoi faut-il qu'il change si souvent d'avis ?
Désolé pour le retard, j'ai eu un malheur... J'ai perdu mon cousin.
On va pas s'étendre. J'espère que vous aimez l'histoire. Si c'est le cas, n'hésitez pas à voter et à commenter.
Je vous dis bonne nuit et rendez-vous, mercredi.
Love guys 😜❤️
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