23| New York, encore ?
Le pont en bois qui craquait sous ses pieds. Le vent glacé qui faisait voler ses cheveux autour de son visage. L'air marin qui emplissait ses poumons.
Si Catherine avait un jour pensé revenir aux Etats-Unis, elle n'avait certainement pas imaginé que ce serait si tôt.
L'immense paquebot s'étendait à perte de vue autour d'elle, dégorgeant de passagers, et elle se démena pour sortir de la foule. Déposant sa valise à ses pieds, elle chercha du regard les sorciers qui étaient censés l'accompagner.
Elle n'arrivait pas à croire que deux mois s'étaient écoulés depuis sa première traversée, deux mois merveilleux en compagnie d'un homme au cœur en or.
Elle porta la main à ses lèvres, impatiente de le retrouver, quand la voix chaude de Thésée résonna à ses oreilles.
— Catherine, ravie de te revoir, s'exclama-t-il en l'étreignant brièvement. Newton n'est pas avec toi ?
— Il doit probablement être avec Augustus et Nina.
Catherine ne savait pas trop quoi penser à l'idée de faire la traversée avec l'éditeur et son assistante. Elle ne les connaissait pas vraiment mais elle était sûre d'une chose : que leur petite bande était bien trop hétéroclite pour que le voyage ne se passe sans rebondissements.
Entre Thésée, charmeur incorrigible ; Augustus, fêtard et exubérant ; Newt, réservé et peu loquace et Nina, timide et travailleuse, elle sentait d'ici les prises de bec qui feraient leur apparition s'ils se marchaient un peu trop souvent sur les pieds.
Catherine eut tout de même un léger sourire en imaginant Augustus essayer de faire danser Newt lors d'une des nombreuses soirées dansantes à bord du paquebot. Elle adorerait voir cela. Thésée s'y amuserait d'ailleurs probablement beaucoup. Catherine allait lui proposer de l'accompagner ce soir mais l'Auror, le regard perdu sur l'horizon, paraissait légèrement à cran.
La moldue n'avait pas été mise au courant de la mission qui lui avait été attribuée, et donc de la raison de sa présence sur le bateau avec eux, mais Newt n'avait pas été rassuré en apprenant la nouvelle et cela lui suffisait pour comprendre que celle-ci était probablement dangereuse.
Elle hésita à interroger Thésée là-dessus mais préféra tenir sa langue. Il ne tenait sûrement pas à en parler, donc quand la corne de brume résonna dans l'atmosphère matinale, signifiant le départ, Catherine proposa :
— On ferait mieux d'aller retrouver les autres sinon ils pourraient penser que nous avons loupé le départ et faire quelque chose de stupide pour le retarder.
Thésée ricana avant de hocher la tête.
— Ils en seraient bien trop capable, oui. Dépêchons-nous.
Thésée et elle marchèrent en silence pendant de longues minutes, se frayant un passage parmi la foule. Ils traversèrent une grande partie du pont supérieur avant d'apercevoir les trois autres sorciers.
Catherine repéra immédiatement Augustus Worme. L'éditeur semblait surexcité, bougeant les bras avec énergie alors qu'il parlait à son assistante d'une vingtaine d'années, Nina Lewis. Petite et fine, elle contrastait à côté de son supérieur. Newt se trouvait légèrement à l'écart, observant le duo avec une moue amusée.
Quand le magizoologiste les aperçut, il sourit de toutes ses dents et Catherine se précipita vers lui pour le serrer dans ses bras. Elle enfonça son nez dans le col de son manteau, respirant l'odeur familière de terre qui semblait toujours flotter autour de lui, avant de se mettre sur la pointe des pieds pour l'embrasser rapidement sur les lèvres. Newt eut un sourire touché, rougissant faiblement.
— Je suis content que tu sois venue, murmura-t-il dans son oreille en déposant une main sur son dos.
— Je ne crois pas que j'aurais supporté d'être séparée de toi plus longtemps, admit-elle en rougissant.
Newt sourit avant de souffler un baiser sur ses phalanges.
À ce moment-là, Catherine aurait tout donné pour être seule avec lui. Depuis qu'il était venu la voir dans son appartement, après l'accident avec le dragon la semaine auparavant, elle ne l'avait plus revu. Elle se souvenait très bien de son expression fatiguée et de ses cheveux en pétard alors, qu'après plusieurs heures à dormir sur son canapé, il lui avait demandé de l'accompagner à New York, une lueur d'excitation dans le regard à l'idée de partir pour une autre aventure. Catherine avait immédiatement accepté. Cependant, alors qu'il transplanait hors de son salon pour rentrer chez lui, la moldue n'avait pas imaginé qu'il serait alors trop occupé par les préparatifs du voyage pour lui rendre visite. Avoir été séparé de lui aussi longtemps lui avait donné l'impression d'avoir été amputé d'un membre.
Mais elle savait que cela représentait beaucoup pour lui, et pour Augustus, qui tenait au plus haut point que le voyage se déroule sans accroc afin de pouvoir commencer la promotion du livre avec les Wellington dès leur arrivée. Newt avait aussi promis à Queenie et Tina de leur apporter un exemplaire de son livre et Catherine se faisait une joie de les revoir.
Au final, Thésée avait été une addition de dernière minute à leur petit groupe mais cela arrangeait bien la moldue ; elle espérait ainsi qu'il pourrait s'occuper d'Augustus quand Catherine et Newt décideraient de passer un peu de temps seul.
— Ils sont tellement mignons.
Une voix rêveuse surgit dans le dos de Catherine et celle-ci se détourna des yeux émeraudes du sorcier pour faire face à Nina, qui serrait son calepin contre sa poitrine, des étoiles plein les yeux. Catherine rougit légèrement quand elle se rendit compte qu'Augustus les regardait avec un sourire légèrement déplacé et que Thésée levait un sourcil dubitatif.
— Écœurant plutôt, plaisanta-t-il en faisant un clin d'œil à son frère sans se rendre compte de l'expression conquise que la jeune fille eut en le voyant.
Catherine retint son rire puis entraîna Newt avec elle pour s'installer dans leur cabine respective et enfin pouvoir profiter d'un peu d'intimité.
Le voyage d'une quinzaine de jours s'avéra bien plus court que dans ses souvenirs. Les premiers jours se déroulèrent sans que la moldue ne s'en rende compte. Elle passait une majeure partie de ses journées dans la valise du sorcier afin de ne pas tomber malade. Cet endroit étant le seul où elle pouvait échapper au balancement incessant du paquebot sur l'eau. Thésée et Nina la rejoignaient assez souvent et la moldue observa avec une forte appréhension les sentiments de la jeune fille accroître pour l'Auror, qui n'y prêtait aucune attention.
Quand Nina n'était pas avec elle, alors elle travaillait avec Augustus sur toutes sortes de documents compliqués décrivant les stratégies à mettre en place pour faire de l'exploitation américaine de leur livre un succès.
Quant à Thésée, il passait une majeure partie de son temps seul. Très calme et solitaire, il déambulait sur les ponts extérieurs, s'attirant de nombreux regards appréciateurs, mais il était loin du charmeur que Catherine avait rencontré lors de la soirée de lancement du livre de Newt. Il se montrait bien plus souvent amical et joueur et était toujours partant pour une partie de cartes en fin de soirée dans la salle commune du bateau ou dans la valise du magizoologiste.
Plusieurs jours après le départ et, comme à son habitude, Catherine s'était réfugiée dans la valise du sorcier. Assise en tailleur sur le sol, les deux mains tendues devant elle, elle observait le Niffleur les renifler et tenter de les ouvrir, un regard d'incertitude tellement adorable sur son petit visage que la moldue ne pouvait s'empêcher de sourire.
Après plusieurs secondes, il s'arrêta devant sa main gauche et la tapota plusieurs fois avec fébrilité, lui demandant de l'ouvrir. Elle s'exécuta et la petite pierre verre brillante qu'elle tenait dans sa paume quelques secondes auparavant disparut aussitôt dans la poche ventrale de la petite créature.
Catherine rit avant de récupérer une autre pierre de sa poche. Acheter ces fausses pierres précieuses avait été le meilleur investissement qu'elle avait jamais fait. Voir la petite bouille ravie du Niffleur à chaque fois qu'il réussissait à découvrir dans quelle main était caché l'objet la rendait incroyablement joyeuse.
Cachant la pierre rouge dans sa main droite, elle les tendit devant elle. Dougal, assis calmement à côté d'elle, tapa aussitôt dessus, trichant sans vergogne. Sous le rire de Catherine et le regard outré du Niffleur, il récupéra la pierre dans ses grandes mains. La petite créature brune prit un air indigné et se mit à grimper sur le Demiguise, n'acceptant pas de voir sa récompense lui passer sous le nez.
Catherine les observait se chamailler gentiment quand Newt la rejoint. Il s'assied à côté d'elle et Dougal eut aussitôt une vision.
— Qu'est-ce qu'il voit à ton avis ?, demanda Catherine au sorcier alors que le Niffleur récupérait la pierre des mains immobiles du Demiguise et partait en courant vers son terrier pour y cacher son butin.
Newt observa Dougal avant de prendre un air mystérieux. Il se tourna vers Catherine, prit son visage entre ses deux mains et l'embrassa à pleine bouche. Il se recula quelques secondes après, un sourire à la fois timide et joueur sur le visage.
— Il y a de fortes chances pour qu'il ait vu cela.
Catherine, qui avait toujours du mal à s'habituer à avoir face à elle un Newt aussi entreprenant, en eut le souffle coupé.
— M. Scamander, vous êtes plein de surprises.
Catherine l'aurait embrassé à son tour si ce n'était pour Dougal qui venait s'installer sur ses jambes, se plaçant entre les deux humains.
— Je crois qu'il est jaloux, dit Newt en esquissant un sourire
— Oh Dougal, tu sais pourtant que tu es le seul homme de ma vie.
Catherine déposa un baiser sur la tête du singe avant de lui frotter le dos, le faisant fermer les yeux de contentement.
Newt leva un sourcil dubitatif.
— Tu ne vas pas être jaloux, toi aussi ?, lui demanda-t-elle avec une lueur taquine dans les yeux.
— Aucun risque.
La jeune femme câlina le Demiguise pendant plusieurs minutes. Quand il se fut endormi, Newt le déposa dans son nid et ils rejoignirent Augustus, Nina et Thésée qui discutaient tranquillement autour d'une table.
— Newt, est-ce que tu me laisserais te tirer les cartes ?, demanda aussitôt Catherine, une fois qu'elle fut assise.
Elle sortit alors un paquet de cartes de tarot de la poche de son pantalon sous le regard surpris du sorcier. Il accepta, légèrement confus.
— C'est ma grand-mère qui m'a appris à le faire, il y a longtemps, expliqua-t-elle, nostalgique.
Newt sourit.
— C'est un peu comme de la divination, non ?, demanda Augustus, curieux, et Catherine hocha la tête.
Thésée laissa échappa un grognement de dégoût et croisa les bras sur le torse.
— Pire matière jamais enseignée, s'exclama-t-il.
— Oh non, j'ai trouvé ça très intéressant, intervint timidement Nina.
Thésée lui jeta un regard surpris et les deux partirent dans un débat passionné sur les bons et mauvais côtés de la divination, chacun défendant son point de vue. Augustus les regarda se chamailler avec une expression paternelle.
Newt avoua alors, honteux :
— J'ai fait un peu de divination à Poudlard, avec des boules de cristal et des feuilles de thé. Je n'ai jamais été très doué.
— Tu ne peux pas être bon partout, ce ne serait pas juste. Tu es déjà trop parfait, chuchota Catherine, ajoutant la dernière phrase pour pouvoir voir l'expression flattée et gênée du sorcier apparaître sur son visage.
Il baissa aussitôt la tête, souriant timidement, et Catherine se mordit la lèvre inférieure, adorant le voir réagir ainsi.
Elle se mit alors à mélanger les cartes avec agilité sous le regard admiratif et tendre du sorcier. Puis, elle déposa le paquet devant lui.
— Coupe.
Il obéit et Catherine finit sa préparation avant de déposer trois cartes, face cachée, devant elle.
— Ce tirage est assez simple. La plupart du temps, il fait référence à ton passé, ton présent et ton futur, expliqua-t-elle, ramenant l'attention des autres sorciers sur elle. Tu es prêt ?
Le magizoologiste hocha la tête. Il n'avait jamais vraiment cru au pouvoir de la divination mais Catherine semblait tellement excitée et prendre cela tellement au sérieux qu'il ne voulait pas lui faire de la peine.
Elle retourna la carte tout à gauche. Un homme portant une longue cape bleue apparut. En dessous était inscrit : « L'Ermite ».
Catherine fronça les sourcils, essayant de se souvenir de la signification de l'arcane, avant de dire :
— L'Ermite indique que, au cours de ta vie, plusieurs bons changements sont apparus de manière lente et profonde.
Elle se tourna vers le sorcier, voulant avoir confirmation, et il acquiesça. Ce n'était pas entièrement faux mais il trouvait l'interprétation très large.
Catherine eut un grand sourire et Newt se félicita de ne pas avoir exprimé ses doutes à voix haute. Elle tourna alors la seconde carte, celle censée décrire son présent.
— L'amoureux, dit-elle, sa voix vacillant alors qu'elle lisait l'intitulé de l'arcane.
Elle réfléchit pendant plusieurs secondes, le rouge lui montant aux joues, puis elle ajouta, gênée :
— Elle peut avoir plusieurs significations.
Thésée et Augustus eurent un sourire en coin.
— Cela peut représenter une situation instable et un choix déchirant à faire. Ou bien une relation encore en formation, insistant sur le dés-, les sentiments en général, se reprit Catherine rapidement.
— La deuxième interprétation donc, conclut Thésée en souriant triomphalement.
Newt se gratta la nuque, troublé par une telle coïncidence.
Catherine se contenta de sourire à la remarque de Thésée avant de retourner la dernière carte, le futur.
Son sourire se figea aussitôt et elle cligna des yeux plusieurs fois. Newt releva alors la tête et aperçut le dessin d'un squelette avec une faux.
— Celle-ci n'a pas de nom, fit remarquer Nina en se penchant.
Newt plissa les yeux pour mieux voir et effectivement rien n'était écrit dessus. Il observa Catherine, toujours silencieuse, et se demanda pourquoi elle semblait aussi perdue. Finalement, elle se racla la gorge.
— Oui... C'est l'Arcane Sans Nom. Celle de la transformation, de l'évolution. (Elle hésita.) Elle représente souvent un passage qui se fait dans la douleur et la perte mais qui amène ensuite quelque chose de nouveau et de bon. Elle peut aussi représenter la mort et les ténèbres.
Aussitôt fini, elle se replongea dans le silence, fixant la carte devant elle avec une expression fermée. Newt s'inquiéta. Il n'aimait pas la voir aussi déstabilisée par quelque chose d'aussi aléatoire que la divination. Il hésita. Il voulait l'apaiser, lui dire quelques paroles réconfortantes, mais son manque de croyance en cette discipline ne lui permettait pas de trouver les bons mots. À la place, il plaça sa main sur la sienne puis de son autre main, remit les cartes dans le paquet.
Catherine lui sourit gentiment, le remerciant pour son geste, mais son regard, toujours voilé, alarma Newt. Et quand Augustus la pressa de tirer les cartes pour lui et qu'il observa la crispation dans ses épaules et son sourire figé, il se sentit impuissant.
Il ne comprenait pas pourquoi elle se mettait dans un état pareil. Et il détestait ne pas pouvoir l'aider à aller mieux.
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