20| Retrouvailles
Augustus Worme détestait perdre l'un de ses auteurs de vue.
Encore plus quand celui-ci était censé être l'attraction principale de la soirée.
La disparition du sorcier ne l'étonnait pourtant pas. L'éditeur avait toujours eu un mal fou à retenir Newt Scamander plus de quelques heures dans la même pièce que lui. Le sorcier avait toujours une excuse pour retourner auprès de ses créatures et l'éditeur n'y avait jamais vu quoi que ce soit à redire. Mais ce soir-là, il était hors de question qu'il ne s'éclipse avant que la soirée ne touche à sa fin.
Augustus grimpa sur les premières marches menant à l'estrade et détailla la foule de son regard perçant. La touffe brune-rousse du sorcier n'était très difficile à remarquer en temps normal, encore moins avec la taille vertigineuse de son propriétaire. L'éditeur qui faisait une tête de moins que lui évitait d'ailleurs bien souvent de rester trop longtemps à ses côtés. Il n'aimait pas être le plus petit de la pièce, c'était pour cela qu'il portait des talonnettes magiques à ses chaussures.
Un serveur portant plusieurs coupes de champagnes en cercle serré sur un plateau en bois passa devant l'éditeur et celui-ci récupéra l'un des verres en cristal et but d'une traite la boisson dorée qu'il contenait. Sa femme détestant le voir boire, Augustus en profitait grassement quand elle n'était pas dans les parages.
L'alcool lui montant légèrement à la tête après les plusieurs coupes qu'il avait avalées, le sorcier descendit les marches sur lesquelles il était monté et, du coin de l'œil, il repéra le fuyard.
Le magizoologiste rentrait dans la salle de bal de l'hôtel par la porte qu'Augustus lui-même avait emprunté lorsqu'il était parti à sa recherche dans le jardin. Newt Scamander, accompagné de la jeune femme asiatique avec laquelle il était venu à la soirée de lancement, avait un sourire béat sur le visage. Augustus aurait pu reconnaître cette expression particulièrement joyeuse même en ayant les yeux bandés. En voilà un qui avait passé un bon moment.
Augustus se détendit. Il pouvait accepter que son protégé s'éclipse si c'était pour passer du bon temps avec une femme. Après tout c'était sa soirée, mais maintenant, il fallait se remettre au travail.
L'éditeur des Livres Obscurus se précipita vers le couple.
— Enfin, vous voilà !, s'exclama-t-il en prenant une expression soulagée dramatique. J'ai des invités à vous présenter.
Newt Scamander eut une expression résignée avant de se tourner vers Mlle Fleming et de s'excuser. Alors que le jeune sorcier se mettait à suivre son éditeur, Augustus lui donna une tape dans le dos, souriant de toutes ses dents. Ah, être jeune et amoureux...
Même s'il aimait toujours sa femme de tout son cœur, il avouait que la passion des premières années lui manquait. Et quand il pouvait témoigner d'idylles naissantes, il ne se privait pas.
Entraînant gaiement son jeune auteur à côté de lui, Augustus rejoignit le couple Wellington, des invités qu'il avait bichonné tout au long de la soirée pour cet instant précis.
Il s'arrêta face à l'homme d'une cinquantaine d'années au visage aimable et ouvert et au fort accent américain et face à sa femme, dont les cheveux roux flamboyants illuminaient toute la pièce. Il présenta Scamander au couple aisé de Washington en espérant que le sorcier fasse bonne impression. Le magizoologiste était un homme charmant mais loin d'être le plus à l'aise ni le plus convaincant des vendeurs.
Et pourtant Augustus misait tout sur lui. L'avenir de leur ouvrage serait déterminé par cette conversation. Les Wellington étaient propriétaires de la plus grosse maison d'édition des Etats-Unis. Basés à New-York, la plupart de leurs romans étaient des best-sellers et s'ils décidaient de promouvoir un livre, alors celui-ci était quasiment assuré d'être un succès dans la vieille colonie qu'était les Etats-Unis.
Augustus n'était, d'ailleurs, pas peu fier d'avoir réussi à les faire venir à sa soirée de lancement. Le couple avait un emploi de ministre et leur voyage d'affaire au Royaume-Uni ne leur laissait que peu de temps libre et pourtant ils étaient là, devant lui, à son plus grand bonheur.
Et à son plus grand étonnement, Scamander se révéla être un orateur passionné, persuasif et persistant. Les Wellington se retrouvèrent bientôt sous le charme du jeune homme au regard fuyant et acceptèrent avec enthousiasme de publier son livre aux Etats-Unis. Augustus, un sourire triomphant sur les lèvres, leur serra la main et les accompagna vers le hall pour fixer ensemble une date pour un rendez-vous d'affaire.
Newt Scamander les observa s'éloigner avec soulagement. L'adrénaline de son argumentaire commençait à s'atténuer. Il était cependant heureux de voir que son livre pourrait être publié dans un pays aussi peuplé que les Etats-Unis ; il pourrait ainsi toucher encore plus de sorciers et les éduquer sur les créatures magiques de leur monde.
Le sorcier s'éloigna du centre de la salle où il était posté. Les invités, tout autour de lui, parlaient fortement, l'alcool commençant à faire son œuvre et une douce musique de violons résonnait dans l'air. Newt se dirigea vers l'une des nombreuses baies vitrées et se mit à observer, avec une certaine fatigue, un chêne centenaire qui se tenait un peu plus loin dans le jardin. Cette vision de calme le relaxa.
— Quelle soirée, n'est-ce pas Pickett ?
Le Botruc émit une exclamation aiguë pour approuver et Newt glissa ses mains dans les poches de son pantalon de costume noir. Dans la vitre en face de lui, il pouvait voir son reflet et il se trouva un air heureux. Il se doutait assez facilement de la raison, après tout, la chaleur qu'il avait ressentie un peu plus tôt continuait de réchauffer son cœur et il se sentait si léger et profondément joyeux qu'il en venait à se demander s'il n'avait pas attrapé une maladie et subissait des effets secondaires étonnamment bénins.
Il n'eut pas le loisir de se laisser emporter par ses pensées qu'une voix l'appela à quelques mètres derrière lui. Newt fronça aussitôt les sourcils, envahit d'un sentiment de familiarité et de nostalgie si puissant qu'il s'en trouvait chamboulé.
Son cerveau tourna à toute vitesse à la recherche du propriétaire de cette voix alors que le temps, à l'inverse sembla ralentir. Il se retourna, ne sachant pas à qui s'attendre, et écarquilla les yeux à la vue de l'homme devant lui.
— Newton Artemis Fido Scamander, c'est un plaisir de vous revoir.
Newt resta quelques secondes sans voix, agréablement surpris et surtout abasourdi de voir l'un de ses anciens professeurs devant lui. Il ne s'attendait pas à ce que l'un fasse le déplacement.
— Professeur ! (Newt serra la main que lui tendait Albus Dumbledore avec enthousiasme, ayant encore du mal à se rendre compte de la situation.) Je ne m'attendais pas à vous voir.
Dumbledore sourit à son ancien élève et Newt se sentit replonger dans son adolescence. Albus Dumbledore avait été son professeur de métamorphose à Poudlard dans les années 1910 et avait surtout été l'un des seuls professeurs de l'école à prendre sa défense lors de l'incident qui avait failli le faire renvoyer.
— Je n'aurais manqué cela pour rien au monde. Je dois m'excuser pour le retard, cependant. Un problème de goule caméléon dans l'enceinte de l'école. Un magizoologiste tel que vous nous aurait été très utile.
Newt fut légèrement flatté du compliment même s'il savait très bien que le sorcier en face de lui n'avait besoin de l'aide de personne pour s'occuper de simples goules. D'ailleurs, Dumbledore n'avait pas beaucoup changé en une dizaine d'années. Ses cheveux bruns mi-longs commençaient à être envahi de mèches blanches et il portait des lunettes mais mis à part cela, il avait toujours sa même barbe brune et des yeux bleus perçants.
Les deux sorciers discutèrent alors pendant plusieurs minutes. Albus Dumbledore prit des nouvelles de son élèves et Newt Scamander prit des nouvelles de son ancienne école. Rien n'avait beaucoup changé.
— Il est temps pour moi de m'éclipser. Je ne tiens pas à rester suffisamment longtemps pour devoir faire la discussion avec tous ceux présents dans cette salle.
— Bien sûr, professeur. Merci d'être venu.
Les deux sorciers se serrèrent la main une dernière fois et Dumbledore, avant de se retourner, dit à Newt :
— Sachez que je ne pourrais pas être plus fier de l'homme que vous êtes devenu, M. Scamander. Vous avez accompli de grandes choses et je ne manquerai pas, en retournant à Poudlard, de le faire savoir à tous vos anciens professeurs.
Newt hocha la tête et vit au regard malicieux du sorcier qu'il comptait surtout en faire part aux professeurs qui avaient voté pour son exclusion. Sur cette dernière phrase, son ancien mentor se retourna et se dirigea vers la sortie, saluant au passage quelques invités.
Le magizoologiste resta debout près de la baie pendant un certain temps. Il était légèrement peiné de voir son ancien mentor partir si tôt mais aussi immensément heureux de l'avoir revu. Avoir un sorcier si puissant et sage faire le chemin jusqu'à Londres pour lui le touchait plus qu'il ne voulait bien l'admettre.
Alors qu'il commençait à reprendre du poil de la bête, Newt scanna la foule du regard à la recherche de la seule et unique personne avec qui il pouvait s'imaginer partager cela. Il la trouva, seule, assise sur l'estrade où il avait prononcé son discours. Elle observait avec intérêt les invités qui bavardaient joyeusement dans la salle et souriait de temps à autres.
Newt se dirigea vers elle d'un pas sûr. Il ne l'avait quitté que depuis une trentaine de minutes mais déjà il commençait à ressentir un manque. Quand il arriva à sa hauteur, ils échangèrent un sourire et le sorcier s'assit à côté d'elle, laissant quelques centimètres entre eux.
Il se tourna vers elle et observa son profil avant de lui chuchoter, les yeux baissés :
— Je ne sais pas si je te l'ai déjà dit mais tu es magnifique ce soir.
Catherine sourit et Newt focalisa son attention sur ses lèvres.
— Ce n'est que la deuxième fois, répondit-elle en se retournant vers lui.
— Il semblerait que le champagne me monte à la tête alors.
Catherine rit. Newt était un homme sérieux mais il lui arrivait aussi d'être extrêmement joueur et c'était ce qui émanait de lui à ce moment-là. Elle plongea ses yeux dans les siens, s'attendant à le voir se détourner aussitôt, comme il en avait l'habitude, mais il n'en fit rien. Son regard, fixé sur elle, était tellement intense que Catherine sentit son cœur louper un battement. Il ne l'avait jamais regardé comme cela auparavant, avec une affection aussi évidente, et ce que Queenie lui avait dit, dans la valise du sorcier avant qu'elle ne quitte New York, lui revint en mémoire
Vous n'avez rien à envier à qui que ce soit, Catherine. Je ne suis pas la seule à le penser. Certaines personnes sont simplement meilleures que d'autres à cacher leurs sentiments.
Sa phrase prenait enfin sens. Catherine avait alors pensé que Queenie avait vu quelque chose dans ses pensées qui avait pu la pousser à dire cela, peut-être le comportement d'un ancien collègue ou ami à son égard, mais en réalité cela n'avait pas été dans sa tête que la sorcière avait été pêcher cela mais dans celle de Newt.
Catherine baissa les yeux, légèrement décontenancée. Elle n'avait jamais imaginé que Newt avait pu avoir des sentiments pour elle dès leur première rencontre.
Elle sourit faiblement alors que Newt venait placer sa main sur la sienne et entrelacer ses doigts, légèrement calleux à cause de son travail, aux siens ; le seul geste affectueux qu'il osait se permettre dans cette salle de bal remplie de sorciers. Mais pour Catherine, cela était amplement suffisant pour que son corps soit parcouru de frissons. Elle rayonnait de bonheur et lui aussi.
Le couple se retourna vers le reste de la salle. De là où ils étaient, ils avaient une vue d'ensemble de la pièce : des tables qui s'étendaient sur les côtés, des serveurs qui traversaient la foule de sorciers avec leurs plateaux et même d'Augustus, se tenant en haut des marches menant à la salle de bal, et serrant les mains des invités qui commençaient à s'éclipser.
La soirée touchait à sa fin, au plus grand bonheur de Newt.
Il était exténué. Et pourtant, il aurait aussi voulu que cette soirée ne s'arrête jamais ; il avait rarement vécu de moment aussi paisible et heureux. Et surtout, cette soirée marquait deux évènements majeurs dans sa vie : la première fois qu'il tenait le fruit de plusieurs années de labeur dans ses mains et la première fois qu'il embrassait celle pour qui son cœur battait depuis si longtemps.
Et cela valait bien tout l'or du monde.
Il se surprit alors à vouloir s'éclipser. Il ne voulait qu'une chose : passer plus de temps en tête-à-tête avec Catherine. Il lui jeta un rapide coup d'œil et retint sa proposition à la vue de ses sourcils froncés. La bouche légèrement ouverte et une expression curieuse sur le visage, la jeune femme observait l'entrée de la salle de bal avec un intérêt non dissimulé et Newt suivit son regard.
À l'endroit où se tenait Augustus auparavant se massait désormais une foule d'invités. Une clameur se faisait entendre au-dessus d'eux et Newt y sentit plus d'excitation que de peur. La curiosité lui vrilla l'estomac mais de la même manière, il ne voyait pas de meilleur moment pour transplaner discrètement hors de l'hôtel avec Catherine. Après tout, il n'était pas persuadé qu'Augustus le laisse partir aussi facilement autrement.
Alors qu'il réfléchissait à cette alternative, une femme vint précipitamment rejoindre son mari à une table près d'eux et le nom qu'elle prononça provoqua un élan de joie dans le cœur du sorcier, aussitôt suivit de surprise.
Newt, la tête relevée et le corps tendu, tentait d'apercevoir l'homme qui créait une telle agitation, un mélange d'espoir et d'incrédulité se battant en duel dans son cœur. Il voulait croire qu'il soit là.
— Newt, tu vas bien ?, demanda Catherine sur sa droite, inquiétée par son comportement.
Le sorcier se tourna vers elle et il déglutit, soudain envahit par le doute.
— Mon frère, Thésée, est là.
La surprise se lut sur le visage de Catherine, il ne lui avait jamais dit qu'il avait un frère, mais Newt était déjà trop occupé par ses pensées pour y faire attention.
Il était infiniment heureux à l'idée que son frère soit venu au lancement de son livre. Il ne l'avait pas revu depuis des années et il lui manquait atrocement. Entre ses voyages et le travail de Thésée en tant qu'Auror, il était devenu pratiquement impossible pour les deux frères de se voir. Mais d'un autre côté, et à sa grande surprise, il sentait une pointe de ressentiment naître en lui. Après tout, il avait constamment vécu dans l'ombre de son frère ; que ce soit à Poudlard où Thésée était plus populaire et intelligent que lui, ou bien plus tard, lorsqu'il devint un héros de guerre, reléguant Newt au simple statut de sorcier légèrement énervant et incapable de se lier d'amitié avec d'autres individus. Et aujourd'hui, alors que les sorciers de leur communauté apprenaient enfin qu'un autre Scamander existait, Thésée venait le remettre dans l'ombre. Newt avait l'impression de revenir des années en arrière, à la fin de la guerre.
L'esprit embué, Newt se massa la nuque avant de baisser la tête. Catherine, qui observait toujours la scène avec étonnement, demanda :
— Pourquoi est-ce que tout le monde réagit comme cela ?
— Thésée est un Auror très respecté et un héros de guerre.
Catherine hocha la tête, les yeux rivés sur la foule avant de froncer les sourcils et de se tourner vers Newt.
— Vous avez fait la guerre ?
Newt fut déconcerté pendant quelques secondes par le soudain intérêt de la jeune femme puis il se rappela sa curiosité avide pour tout ce qui touchait à leur monde. Il acquiesça de la tête.
— Tu y a participé ?
— J'entrainais des dragons, des Pansedefer ukrainien, sur le front de l'Est.
Catherine écarquilla les yeux avant de le regarder, impressionnée.
— Des dragons ?
Newt sourit, touché. Il savait que la jeune femme ne pouvait pas s'empêcher d'être admirative de tout ce qui touchait à la magie mais la voir être aussi impressionnée par ses actions l'émouvait. La plupart du temps, quand Newt parlait de la guerre, ses interlocuteurs étaient plus intéressés par les exploits de son frère que les siens.
Newt serra la main de Catherine plus fort dans la sienne pour la remercier silencieusement.
— Je te promets de tout te raconter plus tard.
— Tu as intérêt !
Catherine lui sourit de toutes ses dents et Newt sentit toutes les pensées qui obscurcissaient son esprit s'envoler. C'est à ce moment-là que la voix grave et familière qui avait bercée son enfance appela son nom.
Newt se tourna dans sa direction et observa son grand frère fendre la foule. Il portait un costume noir classique et ses cheveux bruns étaient ramené en arrière. Ses yeux verts brillaient d'excitation et le grand sourire qu'il arborait fit soulever les coins de la bouche de Newt.
Le sorcier avait oublié à quel point il l'aimait. Il l'avait toujours aimé et ce malgré la distance, qu'elle soit spatiale ou sociale, qui les séparait. Newt se mit debout et se dirigea vers Thésée, serrant fermement la main de Catherine dans la sienne.
Quand les deux sorciers se retrouvèrent l'un en face de l'autre, ils se toisèrent en silence pendant plusieurs secondes jusqu'à ce que, finalement, Thésée ne prenne son petit frère dans ses bras en riant joyeusement.
Newt lui rendit son étreinte, souriant de tout son être.
Cette soirée était définitivement la meilleure de toute sa vie.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top