18| Une première journée à Londres

Portsmouth se dessinait à l'horizon, grandissant de minutes en minutes à mesure que le paquebot, rempli d'une centaine de passagers, approchait de la petite ville portuaire. Les humbles maisons en briques que le sorcier pouvait apercevoir de son poste, au bout du bateau, étaient recouvertes de neige et de la fumée s'échappait en volutes de longues cheminées en pierres, donnant un côté pittoresque et chaleureux à la ville.

Newt prit une grande inspiration, soulagé de retrouver son pays natal. Un sourire flottait sur ses lèvres à la vue de cette petite ville, qui n'avait pourtant jamais été plus qu'une étape parmi tant d'autres sur sa route, mais qui aujourd'hui lui réchauffait le cœur. Même les températures hivernales de fin décembre ne douchaient pas son enthousiasme.

Le sorcier s'éloigna du garde-corps du bateau quand des familles entières, des couples et des hommes d'affaires sortirent de leurs cabines, leurs valises à la main, et vinrent se masser près des rambardes dans un chaos assourdissant pour apercevoir le saint-Graal : la fin de leur long voyage. Newt partit s'asseoir sur un banc, à l'écart de la foule, pour profiter d'une certaine tranquillité. Il posa sa valise pleine de créatures sur ses genoux et observa distraitement les personnes qui l'entouraient.

Deviner leurs provenances était un jeu d'enfant. De par leurs accents et leur excitation, il pouvait assurer, sans trop avoir à réfléchir, que la plupart des passagers étaient anglais. Cependant, parmi la foule de ressortissants britanniques revenant au pays se trouvaient une dizaine d'étrangers. Là encore, la légère inquiétude que le sorcier pouvait lire sur leurs visages les trahissait. Une inquiétude, bien trop familière, qui dévoilait leur peur d'être refusé à la douane et de devoir repartir aussitôt pour les Etats-Unis, sans même avoir pu poser le pied sur le sol anglais. Une inquiétude que Newt avait pu lire très clairement sur le visage de Catherine durant leurs derniers de jours de voyage ensemble.

La peur de la jeune femme était contagieuse. Newt avait beau savoir qu'il n'y avait que très peu de chances pour qu'elle soit refusée d'entrée sur le sol britannique, une partie irrationnelle de son être ne pouvait s'empêcher d'imaginer le pire.

Ces pensées l'avaient gardé éveillé bien plus souvent qu'il ne voulait se l'admettre et Newt concentra son regard sur sa valise en cuir marron sur ses genoux, essayant, tant bien que mal, de penser à autre chose. Sans succès. Il releva alors la tête et se mit à chercher l'américaine du regard.

Catherine et lui s'étaient mis d'accord pour se rejoindre sur le pont extérieur du paquebot avant son arrivée au port mais, alors qu'il était sorti depuis une vingtaine de minutes déjà, Catherine, elle, était toujours introuvable. Et lentement mais sûrement, le paquebot s'approchait dangereusement de la terre ferme.

Newt pouvait maintenant apercevoir le quai se découper devant lui avec plusieurs petits bateaux de pêcheurs amarrer devant et une grande bâtisse en béton qui abritait le passage à la douane.

Le sorcier tourna sur lui-même, jetant un coup d'œil aux passagers derrière lui dans l'espoir d'apercevoir Catherine mais la sensation de quelque chose tirant sur son col de chemise le fit arrêter sa recherche désespérée. Précipitamment, il baissa la tête sur son torse et resta bouche bée quand il aperçut Pickett tirer fortement sur son nœud papillon.

Le Botruc, ses deux petits bras verts agrippant fortement le tissu bleu à fines rayures pointillées blanches autour du cou du sorcier, ne fit pas attention à celui-ci et continua à tirer énergiquement sur son nœud papillon jusqu'à ce que celui-ci tombe mollement sur la chemise blanche de Newt. Le Botruc poussa alors un petit soupir de contentement à la grande consternation de Newt.

— Pickett, que- à quoi est-ce que tu joues ?

Newt jeta un regard inquiet autour de lui tout en cachant le petit Botruc sous son col. Il observa alors, dépité, son nœud papillon totalement défait. Il n'avait absolument aucune idée de comment le refaire sans magie et sortir sa baguette sur le pont, alors qu'il était entouré de centaine de moldus, n'était vraisemblablement pas une bonne idée.

Il fronça les sourcils et se mit à tenter de nouer de nouveau le petit tissu bleu autour de son cou. Il jura une ou deux fois pendant le processus et réprimanda Pickett quand il entendait le petit Botruc rire sous son col.

— J'espère que tu es content de toi, marmonna Newt à Pickett alors qu'il finissait son nœud papillon.

Celui-ci était noué grossièrement autour de son cou et tournait plus à la verticale qu'à l'horizontale, venant frotter contre la peau de son cou. Newt tira plusieurs fois dessus pour le tourner mais il ne réussit qu'à le rendre un peu plus lâche.

La corne de brume se mit alors à résonner autour de lui, bientôt noyée par des dizaines d'exclamations heureuses des passagers sur le pont. Un brusque mouvement de foule se fit alors que tous se précipitaient près des sorties, attendant avec impatience que le bateau finisse de s'amarrer au quai.

Newt se leva mais resta à l'écart de la foule, jouant distraitement avec son nœud papillon en attendant l'arrivée de Catherine. La jeune femme apparut quelques minutes plus tard, alors que les passerelles finissaient de s'abaisser sur le quai. Elle courut vers lui et s'arrêta à ses côtés, légèrement essoufflée. Elle avait un sourire figé sur les lèvres et observait avec appréhension les passagers commencer à descendre.

— Tout va bien se passer.

Catherine hocha la tête et remercia Newt d'un sourire. Elle sembla s'apaiser mais le sorcier voyait bien ses mains accrocher désespérément les poignées de ses deux valises comme une bouée de sauvetage. Quand il ramena son attention sur le visage de Catherine, il put observer l'effroi et l'horreur traverser celui-ci.

— Tu ne peux pas passer à la douane comme cela.

La mine sombre et inquiète, elle posa brusquement ses valises à ses pieds avant de se rapprocher du sorcier et de défaire le nœud papillon que Newt avait malhabilement attaché. Le sorcier se figea, peu habitué à une telle proximité avec une femme et sans s'en rendre compte, il se mit alors à détailler le visage de Catherine. Sous la concentration, un léger froncement de sourcils s'était installé sur son front et Newt ne put s'empêcher de trouver cela adorable. Il commençait tout juste à se détendre que déjà, Catherine reculait. Un nœud papillon parfaitement noué ornait désormais son cou et Newt ne put qu'admirer les gestes rapides et précis de la jeune femme.

Catherine récupéra ses deux mallettes dans sa main gauche comme si de rien n'était, l'inquiétude reprenant aussitôt sa place sur son visage. Newt lui sourit tendrement pour l'apaiser avant de se mettre à avancer derrière les autres passagers. La descente de la passerelle se fit rapidement et quand Newt dut quitter Catherine pour se diriger vers la file réservée aux ressortissants britanniques, il lui dit d'un ton rassurant :

— À tout de suite.

Catherine lui lança un sourire inquiet avant de se diriger nerveusement vers la file réservée aux voyageurs étrangers, son passeport serré dans sa main. Newt l'a suivi du regard tout le long du processus et lorsque le douanier lui rendit son passeport, celui-ci lui confia d'un air complice :

— Vous êtes déjà le troisième aujourd'hui à revenir avec une américaine. Vous êtes chanceux, j'en ai entendu des belles sur ces femmes !

Newt écarquilla les yeux et protesta :

— Oh non, ce n'est pas ce que vous croyez.

Il regarda avec insistance le douanier mais celui-ci lui fit un clin d'œil et passa au passager suivant, ne lui prêtant déjà plus aucune attention. Newt rangea son passeport dans sa poche et se dirigea vers le bout du quai, près d'une colonne en béton grise qui soutenait le toit au-dessus de leurs têtes. À quelques mètres de là, il pouvait voir Catherine récupérer à son tour son passeport, un sourire de soulagement éclaircissant son visage alors qu'elle se dirigeait vers lui.

Le reste du trajet fut rapide. Newt transplana en dehors de la ville et utilisa une vieille chaussette qu'il transportait toujours avec lui à cet effet pour créer un portoloin direction Londres. Il observa sa montre attentivement, ne prêtant pas attention au regard étonné de Catherine sur la chaussette qui était tendue entre eux deux. En un éclair, ils furent transportés dans une ruelle déserte de la capitale et Newt prit une grande inspiration, se sentant enfin de retour chez lui.

La ruelle pavée dans laquelle ils avaient atterris était jonchée d'ordures et cela n'aida pas Catherine. Déjà prise de haut-le-cœur à cause du portoloin, elle porta sa main à sa bouche et fit tomber ses valises au sol à l'odeur de pourriture qui flottait dans l'air. Newt la transplana aussitôt dans une ruelle plus aérée et la jeune femme reprit des couleurs, non sans pester légèrement contre ce mode de transport dont elle n'arrivait, visiblement, pas à s'habituer. Newt rit et Catherine lui donna un coup de coude taquin dans le bras avant de récupérer ses valises des mains du sorcier.

Il était déjà le milieu de l'après-midi quand Catherine atteint son hôtel à la périphérie de Londres. Newt eut du mal à la laisser partir mais ils convinrent de se retrouver le lendemain à la première heure pour une visite de la ville et se séparèrent ainsi pour la première fois depuis ce qui semblait une éternité pour le jeune homme.

***

Le lendemain matin, Catherine se réveilla avec un sentiment de légèreté qu'elle n'avait pas éprouvé depuis longtemps. Alors qu'elle se retournait dans les draps doux et chaud de sa chambre d'hôtel, il lui fallut quelques secondes pour se rappeler où elle était. Pour prendre conscience qu'elle avait enfin atteint l'Angleterre. Elle eut un moment de panique quand elle se rendit compte qu'elle n'avait absolument aucune idée de ce qu'elle pourrait bien faire maintenant. Après tout, elle était partie sur un coup de tête, sans avoir aucun plan de secours. Bien sûr, elle avait pensé à voyager un peu ; faire le tour du Royaume-Uni puis peut-être de l'Europe mais maintenant qu'elle avait rencontré Newt, elle ne savait plus vraiment quoi faire. Elle allait bien évidemment rester avec lui, comme il le lui avait proposé, mais elle ne savait pas combien de temps il attendait d'elle qu'elle reste. Devait-elle trouver un appartement ? Devait-elle trouver un travail ?

Elle grogna et se cacha la tête sous son oreiller, ne souhaitant pas penser à tout cela de si bonne heure et ne voulant qu'une chose : retourner se coucher. Pouvoir dormir sans être constamment ballottée d'un bout à l'autre de son lit était un bonheur que Catherine appréciait de tout son être. Cependant, elle jeta tout de même un coup d'œil au réveil sur sa table de chevet et quand elle aperçut l'heure, elle lâcha un juron et sortit à toute vitesse du lit.

La jeune femme eut à peine trente minutes pour se préparer avant que Newt ne se présente à sa porte. Catherine jeta un rapide coup d'œil à son reflet dans le miroir avant d'aller le rejoindre.

Lorsque le sorcier l'aperçut, il lui sourit de toutes ses dents et Catherine en fit de même. Le sentiment de bien-être qu'elle ressentait en sa compagnie recommençant à l'envahir lentement alors qu'ils descendaient une volée de marches et se dirigeaient vers la sortie du petit hôtel trois étoiles qu'elle occupait.

Elle lui trouvait un air changé. Un certain bonheur, une décontraction qu'il n'avait pas avant, sur le bateau ou même à New York, et se demanda si le simple fait de revenir chez lui était ce qui le mettait de si bonne humeur. Catherine aurait aimé pouvoir ressentir la même chose mais aucun endroit où elle n'avait jamais vécu ne lui avait procuré un tel sentiment.

Newt l'emmena visiter le quartier de Westminster avec toutes les institutions politiques qui s'y trouvaient. Cependant, il avait plutôt tendance à se concentrer sur la communauté magique ou bien sur les endroits où il lui était arrivé de rencontrer certaines créatures. Il marchait à ses côtés, légèrement tourné vers elle alors qu'il lui expliquait avec moult détails comment il avait attrapé son premier Augurey à quelques rues seulement de là où ils se tenaient. Aussi intéressante qu'était son histoire, Catherine était plutôt fascinée par les bâtiments qui l'entouraient : tout était si...britannique. Et absolument différent de là où elle avait grandi. Il y faisait plus frais aussi même si New York ne se débrouillait pas trop mal de ce côté-là. Même les passants semblaient différents : plus polis. De plus, de magnifiques décorations de Noël étaient accrochées aux lampadaires et dans les différentes petites boutiques qui les entouraient donnant une atmosphère magique au lieu. Catherine s'y sentait déjà chez elle.

Les deux compagnons traversèrent plusieurs quartiers et alors que Catherine regardait avec intérêt une grande tour surmontée d'une horloge sur sa droite, Newt s'arrêta brusquement. Il se figea et Catherine le regarda curieusement. Il semblait observer quelques choses à une dizaine de mètres d'eux et quand Catherine tourna la tête dans cette direction pour comprendre son comportement, il agrippa sa main et se retourna, entraînant la moldue derrière lui. Newt marchait vite et la jeune femme dut courir pour rester à ses côtés. Celle-ci allait lui demander ce qui n'allait pas quand elle entendit un homme crier derrière eux :

— Scamander ! Revenez ici !

Catherine se retourna et aperçut un homme trapu leur courir après. Il avait une moustache immense sur le visage mais cela ne cachait pas la colère que l'on lisait dans ses yeux. Newt jeta un coup d'œil à l'homme par-dessus son épaule avant de se tourner vers Catherine, un sourire désolé sur les lèvres.

— Il va falloir se mettre à courir, j'en ai peur, balbutia-t-il, joignant le geste à la parole et entraînant ainsi Catherine avec lui.

L'américaine courut à ses côtés, passant de rues en rues et bousculant un nombre incalculable de passants. Newt tenait fermement sa main dans la sienne et Catherine s'y agrippait comme si sa vie en dépendait. Peu habituée à ce genre de course poursuite, elle se retrouva assez vite à bout de souffle et eut beaucoup de difficulté à ne pas glisser sur la neige fondue qui formait de grandes flaques au sol. Elle fut donc soulagée quand, petit à petit, les vociférations de l'homme derrière eux, finirent pas s'évanouirent.

Newt traversa en courant un parc joliment aménagé avant de tourner dans une allée sombre et discrète. Il s'arrêta. Catherine, hors d'haleine, s'appuya contre le mur en briques de l'immeuble adjacent à la ruelle et prit plusieurs grandes inspirations pour se calmer. Newt, les joues légèrement roses à cause de l'exercice, semblait, autrement, tout à fait en forme. Il regardait distraitement dans la rue qu'ils venaient de quitter à la recherche de l'homme et Catherine, se redressant, s'époumona :

— Qui était-ce ?

Newt se retourna vers elle et prit un air innocent.

— Qui ?

— L'homme qui nous a couru après et que tu tentes visiblement de semer.

Newt baissa les yeux sur le sol avant de porter son regard sur les passants qui déambulaient devant l'allée, vaquant à leurs occupations.

— Une connaissance. (Il fit une moue avant de regarder de nouveau Catherine dans les yeux puis de faire un léger signe de tête vers la rue qu'ils venaient de quitter.) Tu viens ?

— Une connaissance... (Catherine fixa du regard Newt mais celui-ci fit semblant de ne pas voir le soupçon dans ses yeux. La jeune femme croisa les bras sur sa poitrine avant de passer devant lui.) Tu as raison, allons-y. Je suis sûre que l'on peut retrouver cet homme et partager une bonne tasse de thé avec lui.

Newt prit un air inquiet et accéléra le pas pour se retrouver à sa hauteur.

— Je ne voudrais pas le déranger, je suis sûr qu'il a mieux à faire.

— Vu la ténacité avec laquelle il t'a appelé, je suis persuadée qu'il a vraiment très envie de te parler.

Catherine sourit innocemment au sorcier avant de faire un pas dans la rue bondée de passants. Newt pencha la tête sur le côté, un petit sourire sur les lèvres, avant d'attraper la main de Catherine, la faisant s'arrêter.

— Tu es têtue.

— Et toi, tu es un très mauvais menteur.

Newt baissa les yeux et sembla réfléchir pendant quelques secondes avant de jeter un autre coup d'œil à la rue passante derrière la jeune femme.

— Cet homme est un sorcier. Il tenait une animalerie remplie de créatures magiques. Ils les maltraitaient et quand je l'ai appris, je l'ai fait fermer. (Newt eut un petit sourire triste avant de continuer.) Il ne l'a pas vraiment bien pris.

Newt lui lança un regard inquisiteur, attendant sa réaction et Catherine sourit tendrement. Voilà qui lui ressemblait bien. Elle serra la main du sorcier dans la sienne alors que quelques flocons commençaient à tomber autour d'eux.

— Tu as raison, il a probablement mieux à faire. (Elle jeta un regard derrière elle et aperçut un petit café à quelques mètres au bout de la rue, une guirlande lumineuse entourant sa vitrine.) Tu sais ce que tu pourrais m'offrir pour te faire pardonner de m'avoir fait courir ? Une bonne de tasse de thé.

Newt détailla la jeune femme pendant quelques instants ; elle lui souriait, insouciante des flocons de neige qui commençaient à tomber dans ses cheveux noirs et il hocha la tête, souriant. Il lui aurait offert la Lune si elle le lui avait demandé.

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