16| Confessions

Une semaine passa et Catherine finit par faire partie intégrante des journées de Newt. Sur le paquebot, peu de passe-temps s'offraient à eux et la jeune femme, avide de connaissance, devint une apprentie acharnée.

Les deux jeunes gens se retrouvaient tous les matins dans la salle à manger pour prendre discrètement de la nourriture avant d'aller petit-déjeuner ensemble, dans la valise du sorcier, n'en ressortant ensuite que pour déjeuner et dîner.

Leurs journées se suivaient et se ressemblaient : nourrir les créatures, nettoyer les enclos et préparer certains remèdes et potions. Catherine, qui ne rechignait pas à la tâche, se mettait en quatre pour ne pas décevoir Newt, et celui-ci, même s'il lui faisait confiance, gardait toujours un œil sur elle. Au début, cela était pour s'assurer qu'elle ne fasse pas d'erreurs et qu'elle ne se mette pas en danger mais ensuite, quand la moldue se mit à se débrouiller parfaitement bien et que l'assistance du sorcier n'était plus nécessaire, Newt se retrouvait toujours à la chercher du regard et à l'observer pendant quelques secondes avant de se reconcentrer sur sa tâche. Il ne comprenait pas vraiment pas pourquoi il faisait cela d'ailleurs.

Certaines fois cependant, l'attention du jeune homme était attirée comme un aimant par le rire cristallin de Catherine qui résonnait dans sa valise comme l'appel d'une sirène. Dans ces moments-là, il se mettait à sa recherche, curieux de savoir ce qui pouvait bien la faire rire autant et la plupart du temps, il la trouvait assise par terre, à s'amuser avec l'une de ses créatures, une expression enfantine sur le visage. Il la rejoignait toujours, appréciant ces courts instants de détente et de légèreté.

C'était lors de parenthèses joyeuses comme celles-ci que Newt se rendait compte à quel point la présence de Catherine égayait ses journées. Et pourtant, alors même qu'ils pouvaient passer des heures entières sans se parler, chacun absorbé par sa tâche, le simple fait d'être en sa présence rendait les journées du sorcier plus agréables.

En quelques jours seulement, un fort sentiment de joie et de sérénité s'était installé en lui et il en savait pertinemment la cause : Catherine.

Certaines fois, l'attachement qu'il commençait à ressentir pour elle lui faisait peur. L'arrivée du paquebot en Angleterre se rapprochait dangereusement, et avec elle, leur séparation. Il ne se voyait pas recommencer à passer ses journées seul. Il n'en avait pas envie. Il avait une solution à cela : demander à Catherine de devenir son apprentie. Cependant, il n'était pas sûr qu'elle accepte et de même, une autre question sans réponse, plus importante que celle-ci, occupait toutes ses pensées. Car après toutes les journées qu'ils avaient passées ensemble, Newt ne savait pas grand-chose de la vie de Catherine. Celle-ci était si fascinée par les créatures et par la communauté magique qu'elle le bombardait toujours de questions, et ils passaient une majeure partie de leurs discussions à parler de cela. Ce n'était pas pour déplaire au sorcier mais il pouvait sentir, à chaque jour qui passait, son interrogation enfler et avec elle, le doute et l'appréhension de la réponse de la jeune femme.

Et tous les soirs, alors qu'il sortait prendre l'air sur le pont extérieur du paquebot en compagnie de Catherine, il pouvait sentir cette question pointer le bout de son nez. Et à chaque fois, il la renvoyait au fin fond de son esprit, effrayé par la réponse qu'elle pourrait lui donner. Effrayé de voir leur relation s'effondrer à ses pieds.

Ce soir-là ne sortait pas de l'ordinaire. Le soleil se couchant à l'horizon et l'air frais de fin de soirée fouettant leur visage, Catherine et Newt profitaient du peu de lumière naturelle qui restait. Newt, les joues rougies par le froid, resserra son manteau autour de lui et jeta un coup d'œil à Catherine sur sa gauche. La jeune femme, accoudée au garde-corps, les yeux fermés, avait le bout des oreilles et les joues qui commençaient à rosir à cause du froid mordant sur sa peau et pourtant, elle semblait tout à fait paisible. Ses cheveux noir de jais virevoltant autour de son visage, Newt ne pouvait s'empêcher de l'admirer. Il la trouvait resplendissante.

Cette pensée le fit baisser la tête et il observa, penseur, les vagues se fracasser contre la coque du bateau. Il sentit la question qu'il avait si longtemps refoulée ressurgir. Il serra la mâchoire avant de se retourner vers Catherine.

— Est-ce que tu regrettes d'avoir quitté New York ?

Catherine ouvrit les yeux avant de tourner doucement la tête vers lui. Newt observa la façon dont elle fronçait les sourcils, réfléchissant longuement à la question. Après quelques secondes, elle lui sourit joyeusement et répondit non. Il ne sentit aucune hésitation ou remords dans sa voix et fut impressionné ; il savait pourtant à quel point cela était dur de tout laisser derrière soi. Et pourtant, il ne partait jamais définitivement.

— Et tu ne laisses personne derrière toi ?, formula-t-il avec un tremblement discret dans la voix.

Il sentit un poids être soulevé de ses épaules. Il avait tourné et retourné cette question tellement de fois dans sa tête qu'il ressentait un bien fou à enfin l'avoir dit à voix haute. Cependant, il savait que le plus dur serait d'attendre sa réponse.

Newt n'était pas aveugle. Après avoir passé autant de jours en compagnie de Catherine, il avait vu certains des regards que lui lançaient les hommes sur le bateau. Des regards appuyés qui n'était pas sans lui rappeler ceux de prédateurs aux aguets. Catherine n'avait pas eu l'air de s'en rendre compte et il se demandait si elle si était seulement habituée ou si, justement, son cœur était déjà pris, l'empêchant ainsi de regarder d'autres hommes. De plus, au fur et à mesure qu'il avait appris à connaître la jeune femme, il s'était rendu compte de toutes ses qualités : elle était charmante, drôle, cultivée et pleine de vie. Et si, lui, était capable de voir cela alors n'importe quel autre homme le pouvait. Elle ne pouvait pas être décemment encore célibataire.

Malgré cela et son embarras, Newt se contraint à garder les yeux rivés sur le visage de la jeune femme. Il scruta son profil et observa la surprise se peindre sur son visage. La façon dont ses yeux s'écarquillèrent discrètement et dont sa bouche s'ouvrit légèrement. Elle se reprit très vite et lui jeta un rapide coup d'œil avant de tourner son regard vers l'océan. Une certaine tristesse apparut alors dans la façon qu'elle eut de plisser les yeux et les lèvres, comme si la phrase qu'elle s'apprêtait à prononcer pesait lourd sur son cœur.

— Non. Je n'ai jamais rencontré d'homme qui puisse accepter mon mode de vie.

— Comment cela ?

Catherine fronça les sourcils, embarrassée et Newt se réprimanda pour sa curiosité. Il n'avait pas voulu la mettre mal à l'aise. Il avait été sur le point de lui dire de ne pas prendre en compte sa question quand elle lui répondit, sa voix se voulant neutre mais ses yeux couvant une peine bien réelle.

— Je n'ai jamais cherché activement un partenaire mais j'ai eu certains rendez-vous galants. (Catherine fit la moue comme si ces souvenirs étaient particulièrement déplaisants.) Le premier homme que j'ai rencontré à New York était charmant, un vrai gentleman. Nous nous sommes rencontré à un kiosque et après une discussion passionnante, il m'avait invité à dîner. Tout se passait à merveille jusqu'à ce je lui avoue que je convoitais une place de photographe dans un journal. Il m'a rit au nez, puis il a passé le reste de notre dîner à se moquer de moi. (Newt, le visage fermé, baissa les yeux sur les mains de Catherine qui étaient crispées sur la rambarde, les phalanges blanchies par la colère et l'humiliation.) Il m'a fallu plusieurs mois pour m'en remettre mais finalement j'ai fini par tourner la page et donner sa chance à un autre homme. Un de mes collègues de travail, un journaliste. Notre relation est rapidement devenue plus sérieuse mais il m'a ensuite assez vite fait comprendre qu'il fallait que je quitte mon poste, qu'il ne pouvait pas être avec moi si je ne me transformais pas en parfaite petite femme au foyer, prête à mettre de côté mes ambitions personnelles pour lui préparer son dîner tous les soirs. Cette fois, c'est moi qui l'ai quitté. Le dernier rendez-vous auquel j'ai été, mes parents m'y avaient forcé. J'avais à peine eu le temps de mentionner mon travail, que l'homme prit un air outré et me laissa en plan au restaurant. (Catherine eut un petit rire nerveux à ce souvenir et Newt en eut le cœur brisé.) Donc non, comme tu peux le constater, je ne laisse personne derrière moi.

Newt s'excusa aussitôt, s'en voulant terriblement de lui avoir fait revivre tout cela mais Catherine secoua la tête d'un air entendu.

— Je ne serais pas ici aujourd'hui si je n'avais pas vécu tout cela. J'imagine que c'est un mal pour un bien.

Catherine eut alors un sourire nostalgique qui attisa la curiosité de Newt. Le regard vide, elle resta silencieuse pendant de longues secondes avant de se retourner vers lui, le regard malicieux. Un sourire taquin se dessina sur ses lèvres et elle lui demanda :

— Et vous, M. Scamander, êtes-vous en route pour retrouver un être cher ?

Newt sourit. Depuis qu'ils se tutoyaient, les seuls moments où Catherine le vouvoyait étaient quand elle le taquinait ou essayait de détendre l'atmosphère. Ici, cependant, il était persuadé que derrière son sourire malicieux, il pouvait voir une certaine appréhension dans son regard.

— Non, je n'ai pas ce plaisir. Je n'ai jamais été très doué pour les subtilités de ce type de relation, se contenta-il de répondre.

Newt savait que son excuse n'était pas la meilleure. Pour être honnête, il n'avait jamais essayé de rencontrer quelqu'un. Peut-être que la façon dont Leta et lui s'était quitté jouait encore beaucoup sur sa façon d'être. De toute manière, ce n'était pas un sujet qu'il aurait abordé avec Catherine. De la même façon, il était sûr de n'avoir jamais rencontré de femmes qui aient été intéressé par lui.

La réponse de Newt fit pencher la tête de Catherine sur le côté. Elle observa alors Newt avec une intensité dans le regard qui le mit mal à l'aise. Il baissa les yeux avant d'ajouter :

— Je crois fortement que tout serait plus simple si l'on pouvait se contenter d'effectuer une parade amoureuse, comme les éruptifs. Sans le côté explosif de cette période, bien sûr.

Catherine pouffa et Newt se détendit.

— M. Scamander, vous passez bien trop de temps avec vos créatures.

— Vous avez probablement raison, Mlle Fleming.

Ils échangèrent un regard complice avant de se détourner vers la mer. Un léger sourire sur les lèvres, ils éprouvaient tous deux un profond soulagement.

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