14| Dougal à la rescousse (2)
Dormant paisiblement sur le ventre, Catherine n'entendit pas le Demiguise pénétrer dans sa chambre. Elle n'entendit pas Newt s'excuser à sa créature et n'entendit pas cette dernière refermer la porte derrière elle et s'approcher de son vieux lit en métal sur ses deux pattes arrière. Elle n'entendit même pas le léger crissement qui s'éleva quand le Demiguise vint s'asseoir près d'elle, à hauteur de ses épaules.
La paisible créature, pour qui l'obscurité n'était pas une gêne, semblait fascinée par la façon dont une mèche de cheveux de la jeune femme, qui était tombée sur son nez, s'envolait à chacune de ses respirations. Le Demiguise se pencha en avant et se mit à toucher de ses longs doigts le visage de Catherine. Celle-ci ne réagit pas et le Demiguise pencha la tête sur le côté avant de passer sa main dans les cheveux de la femme. De temps à autre, il reniflait certaines de ses mèches, trouvant une odeur qui semblait le réconforter.
Le mouvement de plus en plus frénétique dans les cheveux de Catherine la fit secouer la tête dans son sommeil avant de se réveiller complètement. Pétrifiée de peur, elle garda les yeux fermés le temps de comprendre ce qu'il se passait et de se forcer à ne pas paniquer. Pendant ce temps, les doigts qu'elle sentait bouger dans ses cheveux continuaient leur affaire et alors qu'elle sentit le poids près de ses épaules, elle entendit un reniflement animal près de sa tête. Sans plus attendre, elle ouvrit les yeux.
La pièce était plongée dans l'obscurité et plus aucun son ne se faisait entendre à part les battements rapides de son cœur dans sa poitrine.
Catherine ferma les yeux et prit une faible inspiration, essayant d'être le plus discrète, avant de se relever à toute vitesse dans son lit et d'allumer sa lampe de chevet.
Assise sur son oreiller et le dos collé contre le mur derrière elle, Catherine poussa un cri aigu à la vue du singe blanc qui bascula en arrière et faillit tomber du lit. Un bruit sourd retentit alors dans le couloir, comme si quelqu'un avait essayé d'entrer dans sa cabine avant de se raviser et Catherine sentit ses poils se hérisser sur ses bras.
Les yeux de Catherine retombèrent sur le drôle de singe quand celui-ci se releva, et elle sentit comme une pointe de remords à la vue de l'incompréhension dans ses yeux. Le singe pencha la tête et l'observa pendant quelques secondes. Catherine fit de même. Le silence pesait lourd autour d'eux quand finalement le singe se mit à s'avancer vers elle avec lenteur. Il s'assit sur les cuisses de Catherine avant d'entourer ses bras autour de son cou et de se lover contre elle. La tête dans le cou de Catherine et les yeux fermés, Dougal était le Demiguise le plus heureux du monde.
Catherine resta immobile pendant un dixième de seconde, assimilant la situation. Un grand singe- non pas un singe. Elle fronça les sourcils. Un demi- quelque chose la prenait dans ses bras.
Elle baissa les yeux sur la tête de la créature et sur les longs poils blancs et soyeux qui recouvraient son corps. Avec appréhension, elle y déposa sa main et aussitôt la créature releva la tête vers elle, ses grands yeux noirs et dorés plongeant dans les siens avant de venir frotter tendrement son nez contre le sien.
C'était un geste tout simple mais il fit naître chez Catherine un fort sentiment de déjà-vu. Puis tout à coup, ce fut comme si elle se faisait attaquer de toutes parts. Des dizaines de souvenirs se bousculèrent devant ses yeux, accompagnés de toutes les émotions qu'elle avait ressenties à ces moments-là. De la peur. De la curiosité. De la joie. De l'émerveillement. Quand le défilement s'arrêta, Catherine crut, pendant un instant, qu'elle venait d'avoir une attaque.
Un poil blanc tomba sur son menton et Catherine baissa la tête.
Dougal.
Un large sourire s'épanouit sur ses lèvres et elle serra le Demiguise dans ses bras.
Comment avait-elle pu oublier cette gigantesque et attachante boule de poils ?
Comment avait-elle pu tout oublier d'ailleurs ? L'obscurus qui rodait dans New-York. Les sorciers qu'elle avait rencontrés : Newt, Tina, Queenie et le Non-Maj' comme elle, Jacob. La valise pleine de créatures qu'elle avait visitée. La bataille qui avait semblé avoir lieu quelques heures après sous la ville.
C'était comme si tout avait disparu de sa mémoire quelques instants après que l'oiseau gigantesque du sorcier s'était élevé dans le ciel. Elle ne voyait pas comment on avait pu lui effacer la mémoire à ce moment-là et pourtant c'était ce qui avait dû se passer ; jamais elle ne serait rentrée chez elle après un tel spectacle. Elle aurait au moins essayé d'en savoir plus, ou de retrouver les sorciers.
Serrant le singe dans ses bras et enfouissant son visage dans ses longs poils pour se prouver qu'elle ne rêvait pas, elle se demandait bien qui avait pu lui effacer la mémoire. Queenie ? Newt ? Tina ?
La pensée que ce soit Tina ou Queenie ne lui faisait pas autant de peine que de penser que ce soit Newt. Elle s'était peut-être trompée mais elle avait eu le sentiment de s'être bien entendu avec lui.
Elle fut frappée de stupeur en repensant au sorcier.
Newt Scamander.
Elle ne se trompait pas, elle lui avait parlé sur le bateau. Elle avait même déjeuné avec lui.
Oh mon dieu, qu'avait-elle dit ?
Catherine se tritura le cerveau à la recherche de tout ce qu'elle avait pu dire de compromettant en sa présence mais la seule chose qui acceptait d'apparaître dans son esprit était l'expression pleine d'espoir de Newt lorsqu'elle l'avait interpellé sur le pont, après avoir attrapé la petite bête brune. Ainsi que la déception qui s'en était suivie.
Elle se mit à se poser mille et une questions : était-il déçu qu'elle ne se souvienne pas ? Et si Dougal était là, dans sa chambre, et non pas dans la valise, cela voulait-il dire que c'était sa manière à lui de l'aider à retrouver la mémoire ? Mais lui, où était-il ?
Des exclamations se firent entendre derrière la porte de sa cabine et Catherine sortit de son lit précipitamment. Elle posa Dougal sur ses couvertures avant d'enfiler une robe de chambre et d'ouvrir la porte de sa cabine.
Dans le couloir étroit se trouvait une femme âgée avec des yeux bleus glacial et une tenue très chic en train de demander à un homme, qu'elle traitait de dépravé, de bien vouloir déguerpir immédiatement.
Catherine tourna immédiatement la tête dans la direction de l'homme et sourit.
— Newt !
Le sorcier tourna la tête dans sa direction et la légère crainte qui obscurcissait son visage disparut aussitôt, remplacée par une profonde joie. Ses yeux vert émeraude se mirent alors à détailler l'expression de Catherine rapidement avant de lui sourire timidement.
Instantanément, Catherine fut noyée de nouveau sous une vague de chaleur qui semblait peser sur sa poitrine. Elle se souvenait maintenant à quel point elle avait trouvé ce Newt Scamander charmant, lors de leur discussion dans sa valise. Le pire était que, désormais, ce sentiment naissant fusionnait avec ceux qu'elle avait ressentis lors de leur petit-déjeuner : une profonde attirance et une envie de lui plaire.
De même, tous les étranges sentiments qu'elle avait ressentis avant de prendre le bateau se mirent soudain à prendre tout leurs sens. Ce sentiment étrange d'avoir oublié de dire adieu à quelqu'un ; cette joie à la vue de sa destination, l'Angleterre ; ce tiraillement dans son avant-bras qui n'était pas sans rappeler la sensation qu'elle avait eu lorsqu'il l'avait fait se téléporter avec lui. Ses joues s'empourprèrent à l'idée que c'était cet anglais qui lui avait fait ressentir tout cela, et ce sans même qu'elle se souvienne de lui.
La femme interrompit ses pensées en demandant :
— Vous connaissez cet homme, mademoiselle ?
Catherine hocha vigoureusement la tête pour confirmer et la femme toisa les deux jeunes gens du regard pendant quelques secondes. Newt, les yeux grands ouverts, semblait soudain fasciné par le mur du couloir derrière elle et Catherine, sentant Dougal se coller à ses jambes pour tenter de sortir dans le couloir, essayait tant bien que mal de le garder à l'intérieur de sa cabine avec son pied.
La femme laissa échapper un léger grognement avant de tourner les talons, adressant à Newt, alors qu'elle retournait dans sa cabine, un dernier regard furieux.
Catherine fut soudain prise d'une envie indécente de prendre le sorcier dans ses bras. Celui-ci, les yeux baissés sur l'épaule droite de Catherine et un faible sourire collé aux lèvres, dit :
— J'en déduis que vous avez retrouvé la mémoire.
— C'est exact, Catherine se mordit la lèvre inférieure avant de lui prendre le bras et de l'entraîner à l'intérieur de sa cabine. Ne restez donc pas dans le couloir, vous rendez nerveuse mes voisines.
Elle referma la porte derrière Newt et sourit à la vue de Dougal, les bras tendus vers elle. Elle le récupéra dans ses bras et se précipita soudain vers ses valises, posées par terre, pour les refermer, se rendant compte par la même occasion du bazar qui régnait dans sa cabine.
Newt le remarqua aussi et ne sut où poser les yeux. Partout dans la pièce, il apercevait un objet personnel de la jeune femme et se sentait terriblement indiscret. Il sembla même voir ce qui ressemblait à un sous-vêtement en dentelle au pied d'une armoire en bois et il sentit le rouge lui monter aux joues. Il baissa alors aussitôt la tête et se concentra sur ce qu'il avait en face de lui : une photographie représentant deux jeunes femmes asiatiques assises sur un banc dans un parc et souriant à pleine dents. Catherine, sur la gauche, semblait n'avoir qu'une quinzaine d'années. Une frange devant les yeux, elle regardait la femme à sa droite, avec une affection non dissimulée.
Catherine, qui avait fermé ses valises à la hâte, poussa du pied le bout de tissu qui traînait sous l'armoire en priant pour que le sorcier ne l'ait pas vu, avant de s'arrêter à côté de lui.
— C'est ma sœur, Trish.
— Vous avez l'air très proches.
— Nous l'étions, répondit Catherine avec une certaine nostalgie dans la voix.
Le regard de Newt se posa sur son profil, curieux de la raison de sa tristesse, et Catherine fit un petit geste de la main en secouant la tête.
— Je ne vais pas vous embêter avec cela.
Le regard de la jeune femme se posa sur ses yeux avant de dériver sur la gauche. Un léger sourire étira ses lèvres :
— Vous avez de la terre sur votre tempe.
Newt baissa aussitôt la tête et passa rapidement sa main sur sa tempe. Catherine gloussa devant son expression embarrassée et ses efforts inutiles pour enlever la trace de terre de sa peau, ses doigts frottant plusieurs centimètres sous la tâche.
— Laissez-moi faire.
Elle s'approcha et frotta son pouce contre sa tempe. En quelques secondes, elle eut retiré le reste de terre que Newt s'était mis sur le visage et Catherine, légèrement consciente du geste très intime qu'elle venait de faire, recula précipitamment. Newt garda la tête baissée et Catherine se mit à caresser Dougal pour oublier ce moment embarrassant. Dougal émit un petit gazouillis et Catherine partit s'asseoir sur son lit avec lui.
Newt releva la tête pour observer son Demiguise se faire bercer comme un bébé par Catherine. Il avait beau se comporter comme une mère avec les Occamy, avec Catherine, il redevenait un vrai enfant.
Une fois assise, Catherine plongea son regard dans celui de Newt et lui posa la question qu'il attendait et redoutait.
— Pourquoi ai-je tout oublié ?
Newt partit s'asseoir sur une chaise en bois qui trônait devant un bureau et la tourna pour faire face à Catherine. Le regard fixé sur une broderie sur la robe de chambre en soie blanche de la jeune femme, il se mit à tout lui raconter, n'épargnant aucun détail. À de brefs et rares moments, il croisait le regard de Catherine, et à chaque fois, elle lui offrait un sourire réconfortant, le poussant à toujours aller un peu plus loin, à lui raconter tout ce qu'elle avait pu manquer et ce sans jamais le couper, alors même qu'il voyait à quel point elle mourrait d'envie de lui poser toute sorte de question.
Newt était alors sûr d'une chose : il ne regrettait absolument pas sa décision de lui rendre sa mémoire.
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