10| Nouveau départ
Newt Scamander n'était pas doué pour les adieux.
Non pas qu'il n'ait jamais eu à en faire.
Il avait voyagé dans un nombre impressionnant de pays et rencontré une multitude de personnes, toutes plus hautes en couleurs et plus inoubliables que les autres, mais sans jamais vraiment s'attacher. Ces personnes étaient des connaissances, des compagnons de voyages qui ne l'accompagnaient jamais plus longtemps qu'une journée et évidemment, quand l'heure du départ arrivait, il n'avait jamais eu personne à qui dire au revoir.
Il n'y avait jamais prêté trop d'attention. À certains moments, lorsque la solitude lui pesait plus que de raison, il se mettait à imaginer ce que cela ferait de devoir dire adieu à des amis proches, de tenter d'imaginer ce que l'on pouvait bien ressentir à cet instant, avant de se reprocher de telles pensées. Il n'avait jamais vraiment cru qu'il se retrouverait dans une telle situation un jour, et alors qu'il se trouvait face à Tina et Queenie sur le quai, près à partir pour une énième fois, il se rendait compte à quel point il avait eu tort.
Alors que Queenie se retenait pour ne pas verser de larmes, il en regrettait presque cette solitude lancinante, difficilement supportable au quotidien mais le laissant sans attache, facilitant grandement les nombreux voyages qu'il avait eu à faire au cours des dernières années.
Il baissa les yeux sur le sol quand Queenie le prit dans ses bras, au bord des larmes. Newt tapota maladroitement son bras avec sa main libre, tenant fermement sa valise de l'autre. Il aurait voulu trouver les mots pour la réconforter mais il n'en avait aucun. Il savait pertinemment que sa tristesse n'était pas tellement liée à son départ mais plutôt à celui de Jacob. Cependant, il n'en voulait pas à Queenie. Il comprenait sa tristesse, il la ressentait lui aussi.
Jacob avait été ce qu'il avait eu de plus proche d'un ami depuis bien longtemps, sans compter ses créatures, et il n'avait pas pu se résoudre à partir sans lui laisser un présent pour le remercier de ce qu'ils avaient vécu ensemble. En laissant la valise remplie d'œufs d'Occamy aux pieds de Jacob et en entendant sa voix l'appeler, Newt avait ressenti une tristesse sans égale l'envahir et il avait difficilement tourné le dos à son ami. Cependant, il savait que Jacob s'en sortirait et Newt espérait de tout cœur que celui-ci serait heureux dans sa pâtisserie.
L'étreinte de Queenie ne dura que quelques secondes et quand elle recula, elle sécha ses yeux avec un mouchoir en tissu blanc et s'excusa platement avec un léger sourire tremblotant. Newt lui sourit faiblement pour la réconforter avant de se tourner vers Tina. La sorcière brune lui sourit chaleureusement avant de lui faire promettre de venir leur rendre visite lorsque son livre serait publié. Queenie, à ses côtés, hocha la tête vigoureusement.
— Oh oui, il le faut, Newt.
Newt baissa la tête, momentanément désemparé par l'enthousiasme des deux jeunes femmes, avant de leur sourire.
— C'est promis.
Les trois sorciers échangèrent un dernier regard avant que Tina entraine Queenie avec elle, faisant un dernier signe de la main à Newt.
Newt les observa s'éloigner pendant quelques secondes, troublé par le profond sentiment de tristesse qu'il ressentait à l'idée de quitter New York.
Le grognement d'une de ses créatures dans sa valise le fit redescendre sur terre. Tous les autres passagers du Royal Star étaient déjà montés à bord du paquebot, le laissant seul sur le quai. Il se dirigea vers la passerelle et la gravit en quelques enjambées. Il marcha en direction du pont supérieur et s'assit sur un banc en bois parmi la centaine d'autres passagers qui s'était regroupé au même endroit pour assister au départ du bateau. Un voyage de quinze jours les attendait. Un voyage où il n'y aurait rien d'autre à voir que l'étendue infinie de l'océan. Newt, comme les autres, voulaient profiter des derniers moments de civilisation qu'ils auraient.
Newt déposa sa valise sur ses genoux et se sentit soudainement de retour sur le Fort Elizabeth, quelques jours auparavant, lors de son arrivée aux Etats-Unis. Le vent était cependant plus fort et une mèche de cheveux tomba devant ses yeux. Il la repoussa d'un geste de la main avant de repenser à ce qu'il avait ressenti à ce moment-là. La seule chose qu'il avait voulue avait été de libérer Frank, l'oiseau-tonnerre, et il avait réussi. Rien ne pouvait le rendre plus heureux que cela. Il espérait simplement que tout se passerait bien pour lui dorénavant.
La corne de brume du paquebot retentit dans l'air matinal et Newt eut un léger pincement au cœur. C'était l'heure du départ.
New York serait probablement la ville qui lui manquerait le plus. Dans sa tête, les visages de ses amis défilèrent : Queenie et Tina, bien sûr dont la gentillesse resterait à jamais dans son cœur, Jacob et son enthousiasme sans faille et même Catherine, qu'il n'avait pas eu le temps de connaître alors même qu'il ressentait une profonde affection pour elle.
Il ne savait trop comment réagir à l'idée de ne pas savoir ce qu'il lui était arrivé. Il avait pourtant essayé de le découvrir. Après le départ de Jacob, Newt s'était souvenu de la jeune photographe aux yeux en amandes qu'il avait abandonné sur le toit une heure auparavant et y avait transplané, espérant naïvement qu'elle ait pu se mettre à l'abri et ainsi conserver toute sa mémoire.
Il avait su aussitôt que ses pieds avaient touché le sol gris de l'immeuble que cela était idiot. Qu'elles étaient les chances qu'une telle chose arrive ? S'il avait appris quelque chose du peu de temps qu'ils avaient passé ensemble, c'était qu'elle ne serait jamais restée sans rien faire alors qu'un tel chaos régnait sur la ville.
Quand il n'aperçut aucun signe d'elle, il fut envahi par deux sentiments contradictoires : un fort soulagement à l'idée qu'il n'aurait pas à lui effacer la mémoire lui-même, car il savait pertinemment qu'il n'en aurait pas eu la force, ainsi qu'une profonde tristesse, prenant conscience qu'il ne la reverrait plus jamais.
Lorsqu'il était parti à la poursuite de Credence, il avait été persuadé de la revoir et savoir que ce n'était pas le cas l'accablait profondément ; il aurait aimé pouvoir lui dire quelques mots avant qu'elle ne disparaisse à son tour.
Il éprouvait aussi un profond ressentiment envers les lois qui régissaient la communauté magique américaine et qui l'avaient forcé à laisser derrière lui non pas un, mais deux amis. Tout aurait été bien différent s'ils s'étaient rencontrés au Royaume-Uni.
Cette pensée le surprit car pour être honnête, il ne comprenait pas comment cette femme avait pu le charmer autant en quelques heures seulement. Était-ce sa gentillesse, sa prévenance et sa détermination qui lui avait donné envie de plus la connaître ? Ou bien était-ce tout simplement sa façon de se comporter avec ses créatures ainsi que cet émerveillement constant qui sembla la suivre tout au long de son parcours dans sa valise ?
Il n'avait jamais pensé qu'il serait capable de s'attacher aussi vite et aussi fortement à une femme de nouveau. Au fond, il savait pertinemment qu'il ne survivrait pas à la perte d'un autre être cher, et plus que tout, il ne voulait pas revivre ce qu'il avait vécu avec Leta et avoir le cœur brisé en mille morceaux de nouveau.
Dans sa valise, Dougal grogna et Newt cligna des yeux, sortant de se rêverie. Il se leva, l'esprit toujours embué, et observa les gratte-ciels de la ville s'éloigner à mesure que le paquebot accélérait. Il se dirigea alors vers sa cabine, chuchotant au passage à sa valise.
— Encore un peu de patience, j'arrive.
***
Accoudée sur le garde-corps en ferraille qui commençait à rouiller, Catherine observait les immeubles qui se dressaient devant elle avec intérêt. Si près et pourtant si loin. Elle ne put s'empêcher de ressentir de la fierté.
Elle l'avait fait. Elle était partie.
Ses deux valises trônant à ses pieds, Catherine prit une profonde inspiration et caressa du doigt le métal irrégulier qui se trouvait sous ses mains. La froideur de celui-ci sur sa peau lui donnait des frissons, renforcés par le vent qui battait à tout rompre autour d'elle. Pour autant, elle ne voulait pas rentrer à l'intérieur, pas avant le départ.
Un départ qu'elle avait eu peur de manquer. Après s'être retrouvée en plein milieu de New York, sans savoir pourquoi, Catherine n'avait pas eu le temps de réfléchir à une explication probable car déjà l'heure approchait et à son grand désespoir quand elle pénétra dans son petit appartement, elle découvrit qu'une partie de ses valises n'avait pas été faite. Elle avait eu deux heures pour tout finir à la hâte, ce qui ne lui ressemblait pas. Cela la fit se poser encore plus de questions qu'auparavant ; elle qui avait toujours été si consciencieuse, à prendre mille précautions et à toujours tout préparer en avance, que c'était-il passé pour qu'elle en oublie de faire ses valises ?
Elle avait juste fermé sa deuxième valise que son propriétaire était entré dans son salon pour récupérer les clés.
Catherine avait alors jeté un dernier coup d'œil au petit appartement deux-pièces qui lui avait servi de maison pendant cinq ans. Bon nombre de bibelots traînaient encore derrière mais elle ne pouvait emmener que le strict minimum et avait par conséquent fait des choix drastiques. Au final, elle n'emportait avec elle que des vêtements, des affaires de toilettes et certains souvenirs qu'elle ne se voyait pas laisser derrière elle en raison de leurs valeurs sentimentales. Le reste serait récupéré par son propriétaire, qui s'en débarrasserait pour elle.
En passant le seuil de la porte, elle eut un pincement au cœur et une larme coula sur sa joue. Catherine était infiniment triste mais elle sentait au plus profond d'elle-même que ce n'était pas seulement le fait de quitter son appartement qui la mettait dans un état pareil, non elle avait l'étrange pressentiment qu'en partant, elle laissait quelque chose derrière elle d'infiniment plus précieux et son cœur se serra à cette idée. Elle n'arrivait pas à mettre le doigt dessus mais elle sentait qu'elle oubliait quelque chose ou quelqu'un. Comme-ci elle n'avait pas dit adieux à toutes les personnes qui comptaient pour elle.
Elle secoua la tête, chassant cette drôle d'idée de son esprit, et dit adieu à son propriétaire, un vieil homme charmant qui avait toujours été plus que serviable avec elle.
En sortant de l'immeuble, elle déambula dans les rues de New York pendant quelques minutes, serrant le vieux billet cartonné à moitié jauni dans sa main.
Ce billet était maintenant la chose la plus importante pour elle. Il représentait un nouveau départ. Une nouvelle chance. Et son cœur se serrait à l'idée de pouvoir enfin vivre toutes les aventures dont elle n'avait jamais rêvées.
Quand ses yeux défilèrent sur sa destination, elle sentit comme un tiraillement dans son bras, comme si son corps tout entier essayait de lui parler, de lui rappeler quelque chose qu'elle avait oublié. Une sensation familière l'enveloppait, comme si elle avait déjà visité cet endroit et n'attendait qu'une chose, y retourner. Ce qui n'avait aucun sens.
Elle fronça les sourcils, se demandant si elle devenait folle. Trop de pensées étranges semblaient lui traverser la tête depuis le début de la journée mais lorsque ses yeux retombèrent sur le billet, elle sut qu'il était temps qu'elle parte.
Elle prit la première rame de métro qui passa, sans se soucier qu'elle soit bondée, et atteint le quai trente minutes avant le départ.
Agrippant le garde corps, elle observa les vagues se fracasser sur la coque du Royal Star et eut un moment d'appréhension. Elle n'avait jamais pris le bateau de sa vie et ce voyage allait s'avérer long. Elle pria pour ne pas tomber malade, ne souhaitant pas être refoulée à la douane à cause de son état.
La corne de brume résonna tout autour d'elle et elle serra de nouveau son billet dans sa main. Le mot Angleterre, marqué en lettres majuscules noires sur le billet, semblait lui sauter aux yeux et elle sourit, passant son pouce sur le tracé des lettres.
Elle avait un bon pressentiment. C'était l'endroit où elle devait être.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top