- Chapitre 5 -


Lundi 7 Septembre:

   Je rentrais en classe si épuisée que je me vautrai telle une larve sur mon pupitre.
   Éviter Grey était devenu ma priorité. Je me sentais déjà assez mal pour samedi soir alors je priais le bon Dieu de ne pas me la foutre à l'envers et de l'éloigner de moi.

    Notre enseignante de sciences nous annonça une bonne nouvelle qui réjouit toute la classe : une excursion d'une durée d'une semaine.
   Trop épuisée pour montrer un quelconque signe de vie, je concédai simplement à un sourire de satisfaction.
   Notre professeure nous expliqua que cette excursion avait été mise en place pour nous apprendre l'autonomie et nous enrichir scientifiquement parlant. Et pour savoir si cela aura été bénéfique, nous devions faire un exposé en binôme ou trinôme.
   Minerva et moi formions l'équipe numéro sept, celle s'occupant de la reproduction du chêne. La concernée m'adressa un sourire et je hochai simplement la tête.
   Je me redressai sur ma chaise et plaquai mon dos contre mon dossier, ne souhaitant pas finir comme mon professeur d'histoire-géo. J'attrapai de ma main mon quatre couleurs et tentai de rester concentrée, les sciences étant ma matière de sauvetage. Je l'aurais bien épousée mais, dommage pour elle, il se trouvait qu'elle n'était pas vivante.

    Mon frère, qui avait fini par comprendre qu'il ne fallait pas revenir sur le sujet " Grey ", m'énuméra tous les avantages de cette excursion.
- Pas de cours, pas de devoirs, pas d'obligations, pas de parents sur le dos, ENFIN DES PUTAINS DE NUITS ENTIÈRES, sans t'offenser sur le sommeil de ton fils hein, et surtout... S'AMUSER ! S'exclama mon second blond favoris.
Je roulai des yeux et riotai légèrement.
   Depuis la naissance de Tom, les nuits s'étaient vues se raccourcir du jour au lendemain. Du coup, ce voyage était surtout source de repos cependant...
- N'oublie pas que nous aurons un oral à présenter sur notre sujet de groupe ! Lui rappelai-je. Ne compte pas trop sur Yukino pour te la couler douce hein.
- T'inquiète ! Je suis l'homme de la situation !
- Grave, t'es TELLEMENT l'homme de la situation que tu serais donc capable de me dire sur quoi se porte votre sujet, nan ?
Mon frère fuya mon regard, les mains dans ses poches, et se râcla la gorge, ce qui laissa un petit rire m'échapper.
- C'est bien ce que je pensais... soufflai-je, amusée.
- T'en fais pas. Je vais me mettre au travail !
- Mouais, mon œil me dit l'inverse hein.
- La confiance que tu me portes est inexistante. Se plaignit-t-il.
- Comme mon amour pour toi.
- Aïe... Comme on le dit si bien... Coup dur pour Guillaume.
- Nan, Stingou. Pas ça. C'est dépassé.
Rentrés, je le défiai à une partie de jeu vidéo avant de monter dans ma chambre, attrapant mon violon, que je posai sur mon épaule, et mon archet d'une autre main. Un entraînement intensif de trois heures survint juste après, me faisant dîner plus tard que ma famille.
    Je me donnais toujours à fond pour le violon. Cet instrument avait ce pouvoir de me faire vibrer dès la première note. Le son qui en sortait était d'une douceur si apaisante que je m'étais lancée dans ce projet. Et je ne le regrettais pas.

Lundi 14 Septembre:

    Depuis mon réveil, Tom ne me lâchait pas de peur que je ne l'abandonne, sûrement un traumatisme prénatal dû à la connerie de son père.
    Après ma brève préparation, je bouclai ma valise et descendis les marches des escaliers avant de rapidement foncer dans les bras de mes parents et de baiser le front de mon fils qui versait toutes les larmes de son petit corps.
- Eh... ne t'en fais pas, Tom. Tout va très bien se passer. Mami et papi s'occuperont très bien de toi, d'accord ? Et puis, je reviens très vite hein.
- Mais naaan ! Reste ! Insista le blondinet, une coulée lui sortant de ses narines.
Je le serrai contre moi et lui caressai doucement ses cheveux d'or. Je le rassurai tant bien que mal et le bordai jusqu'à ce que, par épuisement, il s'assoupisse dans mes bras.

    Devant le lycée, nous dûmes attendre les derniers retardatairs pour pouvoir enfin entrer dans l'autocar scolaire. Je m'assis côté fenêtre pour comme toujours observer le paysage extérieur et Erza se plaça sur le siège libre.
    Nos discussions tournaient autour de divers sujets, bien évidemment chacune esquivait celui étant fâcheux pour l'autre. Deux heures de routes, - il faut se l'avouer - c'est tout de même bien long. Alors avec Erza, nous débutâmes une partie de cartes mais, étant mauvaise joueuse, je les balayai d'un revers de main, après avoir perdu pour la troisième fois, et elles s'envolèrent dans le reste du véhicule.
- Ah bah bravo ! Me félicita de façon ironique mon amie.

    Le véhicule garé et les élèves à l'extérieur, contemplant le paysage, un moniteur aux longs cheveux blonds vénitiens, rattachés en une queue de cheval, s'approcha de notre classe. Il se présenta comme le gardien du parc naturel qui nous encerclait et résuma en trois phrases notre séjour ici. Le jeune homme nous fit visiter le chalet avant de nous laisser vaquer à nos occupations juste après.
    Juvia s'était retrouvée dans une chambre avec Kagura et Yukino comme colocataires. Erza venait de m'envoyer un message pour m'annoncer qu'elle se trouvait avec Sting. Maintenant, il ne manquait plus que moi, et j'avais un mauvais pressentiment.

    Tandis je rangeais mes hauts dans la dernière étagère de mon étroit placard en bois, usé par le temps, quelqu'un toqua à la porte de ma chambre. Ma voix, l'autorisant à entrer, résonna dans la pièce et la porte s'ouvrit sur Natsu.
    Depuis l'altercation chez Mirajane, je ne lui avais plus adressé la parole. Je n'avais ni eu l'occasion, ni l'envie.  Je craignais sa violence en état d'ébriété. Sa façon de se comporter pouvait parfois me dérouter. Je ne gardais pas un bon souvenir de ce samedi soir et il en était l'une des raisons.

    Je posai ma valise au pied de mon lit et m'approchai de la baie vitrée dont je tournai les poignées pour aller prendre l'air. Je me plaçai à la rambarde et laissai mon regard vagabonder dans le lointain horizon tandis que l'oxygène s'infiltra dans mes narines, calmant peu à peu la sensation d'oppression qui m'avait prise auparavant. Lentement, je fermai les yeux, profitant davantage de la paisible atmosphère du parc.
    Sa chaleur corporelle m'indiqua que mon colocataire venait de se joindre à mon moment de tranquillité.
- J'te jure que si tu t'allumes un joint, je te le fais bouffer par le cul. Compris ? Le menaçai-je.
Le rosé pouffa et leva les mains en signe de résilience. Je roulai des yeux, un rictus apparent à la commissure de mes lèvres. Natsu se replaça en face du paysage et l'observa longuement.
- Ça change de la ville.
- Jure ? T'es perspicace, en vrai. Ironisai-je.
Le rosé ricana une nouvelle fois, et son regard se posa soudainement sur moi. Je me tournai dans sa direction.
- T'es une marrante, toi. Finit-il par dire, amusé.
J'esquissai un léger sourire et détournai le regard afin de le replonger dans le paysage naturel qui trônait devant moi. Je me râclai la gorge.
- Euh... Par contre, mes nuits sont assez mouvementées. L'informai-je.
En rivant son regard vers moi, il m'assura qu'il me prêtait toute son attention.
- Comment ça ?
- Terreurs nocturnes.
- Oh, je vois. Eh bien... ça ne me dérange pas plus que ça.
- Tant mieux.
Alors même que ma phrase venait de clôturer la discussion, Natsu continuait de m'observer en silence.     Cette incommode situation moita la paume de mes mains alors, je replaçai une mèche volante derrière mon oreille. Je tentai de sécher mes mains sur mon pantalon noir.
- Sans vouloir être indiscret, pourquoi tu en as si souvent ?
À sa question, je lui avais brièvement lancé un regard avant de fixer un point à l'horizon, d'un air pensif. Je serrai soudainement mon poing tout en tapotant du pied, nerveuse.

    Deux ans auparavant, ma vie avait basculé et j'avais lâché la corde du bonheur. Il y a de cela deux ans, je m'étais enfermée dans une bulle nocive. Je m'étais isolée de tout et de tout le monde, respirant un parfum toxique. Je n'avais fait qu'inlassablement hurler au désespoir comme pour alerter de mon envie de disparaître.
    Pleurer était devenu mon quotidien, et tracer de longues lignes le long de mes avant-bras était devenu une source d'échappatoire. J'étais recroquevillée sur moi-même, ne souhaitant voir personne.
    Je me rappelais de ces pleurs. Les pleurs du bébé que je venais de mettre au monde m'avait rendue folle. Tellement folle que j'en étais venue à le maudire jour et nuit.    Tellement folle que je lui avais sans cesse répété de se taire, de me laisser tranquille. Tellement folle que j'en étais arrivée à un point où le meurtre m'était devenu envisageable. Le désir de le noyer sous les larmes qu'il avait provoquées m'avait, pendant de longs mois, appelée.
    Je n'avais jamais remarqué les efforts de mes proches qui avaient souhaité de tout cœur m'extirper de ma dépression. Je n'avais rien vu, aveuglée par mon chagrin. J'avais été perdue, laissée dans un vaste labyrinthe sans fin, et je n'avais même pas essayé de m'en sortir. Il ne m'avait fallue d'une année pour me reprendre en main mais il me restait encore un bien long chemin, rempli d'embûches, avant d'effleurer cette belle lumière au bout.
    Cette crainte de me retrouver à nouveau trahie par celui que j'aimais me poursuivait même dans mes rêves qui n'en étaient plus depuis bien trop longtemps maintenant. L'abandon, voilà ma phobie. Voilà ce qui me hantait jour et nuit.

    Je tripotais mes cheveux, coiffés en une longue tresse, avec tant de frénésie que j'en venais à les arracher. Une deuxième mauvaise habitude qui faisait partie de mon quotidien. Mes ongles se trouvaient plantés dans ma chair à m'en faire saigner alors que j'exécutais avec mon pied la même frustrante action que depuis deux minutes.
    Comprenant que mon humeur venait brutalement de changer, Natsu posa doucement sa main sur mon épaule, me faisant sursauter et sortir de mes mauvais souvenirs par la même occasion.
    Je déviai un instant mon regard, livide, du paysage et le plongeai dans la couleur onyx de ses yeux qui tentaient tant bien que mal de cerner la raison de mon désarroi. Il suivit le mouvement de mes lèvres qui annoncèrent mon souhait de prendre la parole et mon colocataire de chambre remarqua leur léger tremblement. 
    Je refermai ma bouche, me mordant soudainement la lèvre inférieure, résistant au tsunami qui déferlerait si je ne me concentrais pas sur ma respiration. Néanmoins mes larmes perlaient déjà, et elles menaçaient de s'échouer.
- Lucy ? Ça ne va pas ? Me demanda le rosé de sa voix la plus douce, comme s'il désirait de tout cœur me protéger de mon mal-être.
Ses mots résonnèrent dans ma tête, me provoquant un douloureux mal de tête. Son regard, confus, traduisit subitement de son inquiétude alors qu'il s'approchait un peu plus de moi.
     Je grimaçai et, avant qu'elles ne longent mon visage, je me précipitai hors du balcon, promptement empoignée par Natsu qui me retournait sans attendre. Un puissant frisson me traversa toute l'échine lorsque nos regards se rencontrèrent. Mes lèvres s'étaient mises à trembler de manière incontrôlable.
- Natsu, je... soufflai-je, coupée par un sanglot.
Ne tenant plus, je laissai mes larmes longer mes joues et Natsu me ramena à lui, me serrant contre torse. Ses bras, qui m'étreignaient, réussirent doucement à me calmer. J'intensifiai l'étreinte et me collai un peu plus à lui. Me sentant faiblir contre lui, Natsu me souffla d'aller me poser sur mon lit. J'acquiesçai et le suivis.

    Je me sentais si pitoyable. Je me trouvais tellement pathétique d'autant pleurer pour un garçon qui n'en valait pas la peine, devant un garçon avec qui j'étais loin d'être proche. Je ne savais pas me contrôler, et cela prouvait bien que je n'étais pas forte.
    Dire qu'avoir survécu à ce que j'avais enduré était courageux, c'était ne rien voir, être simplement aveugle. J'étais tout bonnement faible. Une fille fragile qui se lamentait encore d'un drame du passé qu'elle aurait mieux fait d'oublier. Moi qui ne souhaitait qu'être épargnée de tous, que ma fissure ne soit qu'inconnue du monde qui m'entourait, je n'y montrais aucune conviction.

    Enfoncés dans mes oreillers, Natsu laissait sa main circuler de haut en bas dans mon dos tandis que l'autre caressait tendrement mes cheveux dont la tresse venait de se déconstruire.
   Son intérêt pour moi me touchait, je devais me l'avouer. Il prêtait attention à mon état, et ça m'émouvait.
     J'enfouis ma tête dans son cou, ne pensant pas à ce que les gens pourraient croire. Nastu était là, et il me réconfortait. Ça me suffisait pour aller envoyer balader les rumeurs.
     Ma concentration se porta sur l'odeur fruitée qui émanait de mon colocataire. Je la humai et cette activité des plus farfelues apaisa peu à peu mon cœur. Les yeux clos, je profitai de cet instant de tranquillité où un paisible silence y régnait.

    Je me mordillai la lèvre inférieure et mon cœur se serra. La honte me prit subitement et je soufflai de médiocres excuses, l'implorant son pardon pour avoir été si pathétique. J'étais horrifiée à l'idée de l'avoir agacé avec mes problèmes.
    La vie des gens n'intéressait personne. Elle passait toujours après soi. Il n'y avait qu'à remarquer l'hypocrisie dont faisait preuve notre société. On ne pouvait compter que sur soi-même. Nous étions notre propre bouée dans cet océan de malheur. Les gens étaient mauvais. De purs égoïstes sans cœur.
    Mais Natsu me demanda de me taire et de ne plus penser ça.

    Ma fourchette s'entortillait continuellement autour de mes spaghettis, saucées à la bolognaise, tandis que je piquais une boulette de viande. Ma tête appuyée par ma seconde main, je triturais inlassablement mon plat. Je réitérai l'action encore et encore, sans pour autant entrer quoique ce soit dans ma bouche.
     Un soupir m'échappa, coupant court à la discussion qui se déroulait entre mes amies. Elles trois jetèrent des regards à mon plat intact, reportant ensuite leurs yeux à mon faciès.
- Il y a un problème, Lucy ? Me questionna la petite bleutée.
- Oh non, non. Ne vous en faites pas. Répondis-je, laissant un sourire captieux se dessiner sur mon visage, minutieusement examiné par Levy.
Sceptique, elle préféra tout de même ne rien rétorquer. Je me levai de table pour rejoindre mon lit, exténuée par cette journée, et me rendis donc à l'étage.

    Le temps filait à une vitesse fulgurante devant les merveilles du vaste ciel étoilé, écourtant encore et toujours mes heures de sommeil.    Pensive et ne décrochant pas mon regard de cette voûte céleste, je soufflai longuement après avoir tenté de balayer toutes les pensées qui vagabondaient dans mon esprit.
    J'avais décidé d'arrêter de me voiler la face et d'enfin m'avouer que je ne m'étais toujours pas extirpée de cette affligeante souffrance qui perdurait depuis bien trop longtemps. Ma vie n'avait plus rien de banal, et je le savais pertinemment. J'avais juste du mal à le concevoir.
    Un sentiment de solitude, enfoui en moi dès l'échec de ma vie, s'installa subitement en moi et à cette alarme, je pris l'initiative de rentrer à l'intérieur, jetant un dernier regard au paysage et fermant la baie vitrée derrière moi.
    Je m'enroulai dans ma couette, laissai une dernière pensée m'attrister davantage et fermai les yeux, une larme roulant le long de ma joue.

    Quatre heures du matin, et me voilà dégagée des bras de Morphée. Il restait encore deux longues et interminables heures avant le petit-déjeuner alors, je me sortis de mon lit simple afin d'aller me dégourdir les jambes dans les couloirs du chalet.
    J'errais sans quête dans tout le chalet, à la recherche d'une quelconque activité, et analysais les alentours, inquiète. Ce sinistre calme hérissait mes poils de terreur. Le silence pesait dans cette bâtisse. Je me trouvais absolument seule, dans un endroit inconnu où seule une faible ampoule éclairait l'allée que je longeais. Puis, un bruit.
    Le parquet craqua sans raison et je sursautai, poussant un petit cri de surprise. Mon cœur venait de bondir violemment dans ma cage thoracique.
    Je me retournai à une vitesse fulgurante et mon regard se posa sur celui qui venait d'entraver au calme du chalet. Oh non, pas lui... Je restai un instant à l'observer, m'assurant que ce n'était pas mon esprit qui me jouait des tours.

——————————————————

Credit to @July_26_ on twitter

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top