Que le sang coule




Un hurlement s'échappa des lèvres ensanglantées. Du sang. De grosses gouttes rouges carmin s'écrasèrent au sol. Une quinte de toux les avait propulsé au sol à la vitesse de l'éclair. L'homme souffrait. Il aurait aimé qu'on mette fin à son supplice, qu'on l'achève ou qu'on le sauve. Dans sa tête il avait prié Dieu de lui venir en aide. Il regarda le monstre qui s'acharnait à lui transpercer le corps avec des bouts de métal brillant comme l'argent. Ce monstre qui regardait le sang comme si c'était la chose la plus précieuse au monde, cet homme au visage n'exprimant que le sadisme qui de son doigt fin et froid récupéra une goutte de sang et le lécha. L'homme ou la victime, qu'importe, ça revenait au même, leva les yeux vers ce jeune homme au visage parfait, dénué de toute expression, qui le regardait comme s'il était une poussière sur le bout de sa chaussure vernie. Dans son regard lassé et meurtris, il y avait toute la misère du monde. Mais le jeune homme au visage parfait, à l'allure élégante, n'eut aucune pitié pour lui. Il détourna le regard lorsque l'homme hurla:

– Pitié, sauvez moi!


Le spectacle le plus triste au monde dura des heures. Les hurlements s'étaient muées en des sanglots, jusqu'à ce qu'il n'ai même plus la force d'émettre le moindre son. L'homme vomit, le sang se mêlait à la bile. Son tortionnaire fit durer le plaisir jusqu'au bout. Lorsque sa victime tomba en avant pour ne plus jamais se relever, il eut un air triste et embêter comme un enfant qui a cassé son jouet.

Le jeune homme qui avait contemplé toute la scène sans dire un mot, sans esquisser un geste pour sauver l'homme, sorti son étui à cigarette.

– Quel dommage qu'ils soient si fragiles ! fit le tortionnaire avec un sourire glaçant tant il y avait du sadisme dedans.

Le jeune homme haussa les épaules.

– Ce n'est qu'un mortel, fit-il sans aucune émotions dans sa voix. Son ton monocorde était sans doute plus effrayant encore que le sadisme de son aîné.

– Valentin, ce que tu peux manquer d'imagination parfois.

Le jeune homme regarda le tortionnaire dans les yeux. Il n'y avait nul reproche dans son regard, juste de la lassitude, comme s'il avait déjà vécu cette scène sans y prendre aucun plaisir ni aucune peine.

– Pardonne moi, Vassily, mais cela ne m'excite plus de te voir torturer un pauvre animal.

Le Vassily en question hausse les épaules et tend la main vers sa victime, caressant du bout de doigt ce visage qui n'a plus rien d'humain après qu'il lui eut arraché les yeux. Le jeune homme craque une allumette, allume sa cigarette et tourne les talons. La scène ne semble plus l'intéressé du tout.


Valentin s'enfonce dans la nuit noir. On est en 1988. Le monde au dehors semble devenir fou. Les Russes et les Américains se font la guerre depuis plus de vingt ans maintenant. Qui les empêchera de détruire le monde?

Pas ce jeune homme à l'allure distinguée mais au regard froid. Il n'est plus attaché au sort de l'humanité depuis qu'un vampire lui a donné son sang faisant de lui un être hors du commun. Il se moque bien de ce que deviendra ce monde depuis belle lurette. Si quelqu'un doit le sauver, ça ne sera pas lui. Et d'ailleurs il s'en moque parfaitement.

Les héros ça n'existe pas. Juste des bandes dessinées pour nourrir les fantasmes des hommes. Les véritables héros ne sont que des fictions. Dans la vie, il y a seulement des minables, des monstres et les autres, ceux qui font ce qu'ils peuvent pour survivre.

Lui se sent au-dessus de tout cela. Il n'a plus rien à combattre depuis longtemps. Même faire le mal ne lui fait plus rien, ne lui procure plus aucune joie. Il rentre l'air épuisé, mais c'est de la lassitude de ce monde plus que de la véritable fatigue. Même fumer ne lui procure plus aucune sensation. A partir de quel moment a-t-il perdu toute sensation, tout sentiment? Peut-être que cela avait commencé lorsqu'il avait accepté l'immortalité que lui proposait Vassily.

Le Prince vampire moscovite l'avait approché quand il n'était encore qu'un humain, qu'un nécromancien ignorant le potentiel de ses pouvoirs hérité d'un père gitan disparu avant même qu'il ne vienne au monde. Et il lui avait proposé un étrange pacte qui avait fait de lui une créature immortelle.


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