Valentin se sent partir, comme si un courant d'air le prenait sur ses épaules. Soudainement il perd conscience de son environnement, tout parait si flou, si transparent, si rissible. Effrayé, il ferme les yeux.

Lorsqu'il les rouvre, il se retrouve devant une fenêtre. La neige tombe. Il lève le nez. Un lampadaire au-dessus de lui brûle d'une flamme vacillante. Son regard balaie la rue, un enfant joue avec un cercle en bois et un baton, tandis qu'un homme vêtu comme au 19e siècle passe devant lui les bras chargé d'un précieux trésor: une dinde.

Reportant son regard à la fenêtre, il y voit un petit garçon qui pleure en silence. De ses mains il tente d'étouffer ses pleurs, mais il échoue car de gros bruits de pas lourd se font entendre. Le petit garçon a l'air effrayé.

La porte s'ouvre avec fracas. Une silhouette menaçante apparaît.

– Sale petit batard ! T'entendre pleurnicher est aussi pénible que de voir ces mendiants supplier les braves gens. Tu n'es qu'une honte, une affreuse chose que m'a fille m'a laissé. Si seulement elle n'était pas partie... et toi!

Dans un hurlement de rage, le viel homme lève sa canne pour frapper l'enfant. Les coups pleuvent sur le petit corps, mais la rage du vieil homme ne s'en va pas si facilement. Les coups redoubles.

Valentin sent une boule se forger dans sa gorge. Il se tourne sur sa droite, regarde le fantôme et le supplie.

– Faites moi partir d'ici! Je vous en prie!

Le regard dur, le fantôme lui répond d'un ton froid.

– Heureusement que j'ai plus de pitié que toi.

La vision du petit garçon battu, tremblant et effrayé disparaît peu à peu, pour laisser place à un intérieur chaleureux, chic, et élégant où l'on voit un jeune homme maladroit et distrait dévorant du regard une jeune femme.

Valentin contemple son propre passé. L'enfant c'était lui, et ce jeune homme maladroit également. Avant qu'il ne rencontre Vassily, il était ce jeune homme. Mais il a dû mal à se reconnaître. Tant de choses ont changées.

– Regarde, c'est notre dernière nuit, fit le fantôme.

La jeune femme qui semble être la principale attraction du regard du jeune homme maladroit ressemble trait pou trait au fantôme. Sauf qu'elle est resplendissante dans sa robe bleue, avec ce sourire aux lèvres, et que ses joues deviennent roses lorsqu'elle sent le regard du jeune Valentin sur elle. Ce dernier la dévore du regard n'osant lui parler.

Derrière lui, se tient un élégant jeune homme, plus beau, mais plus froid aussi. Ce jeune homme froid, c'est Vassily. Valentin se sent plus fort en sa présence, mais pour l'instant ce n'est qu'un ami. La jeune femme s'avance vers lui, et le jeune homme maladroit n'ose pas lui parler, c'est elle qui commence.

– Peut-être le moment est-il venu d'officialiser notre relation, fit-elle dans un murmure.

Les joues de Valentin s'empourprent. Son regard caresse le bout de ses chaussures, puis se pose sur son ami, Vassily, qui soudainement lui donne tout le courage du monde.

– N'est-ce pas trop tôt pour parler mariage, et enfant? Nous sommes jeunes, et nous avons toute la vie devant nous. Il serait stupide de gâcher notre jeunesse en nous enfermant dans une vie de famille morne et ennuyeuse.

Le regard de la jeune femme se voile. Ses yeux se remplissent de larmes sans qu'aucune ne parviennent à couler. Elle sent la colère monter en elle, mais à cet instant, sa main se lève comme pour giffler Valentin, et retombe. C'est la tristesse qui l'emporte sur le sentiment de trahison.

– Mais nous nous aimons, hoquet-elle dans un sanglot.

Le Valentin du présent ferme les yeux, pose sa main devant son visage, comme pour en masquer l'expression et demande au fantôme:

– A quoi cela sert-il de remuer le passé puisqu'on ne peut le changer?

Le fantôme pose sa main sur celle de Valentin, ce contact froid et humide provoque un frisson chez le nécromant.

– Ne vois-tu pas ce que je cherche à faire? Je veux te montrer les noëls passé, Valentin, pour que tu change de chemin dans le présent. Que tu réalise à quel point tu t'es perdu.

Le nécromant repousse cette main dans un geste rageur. Toute forme de tristesse ou de dégoût a quitté son visage, car désormais c'est la colère qui règne en son coeur.

– Tu crois que revoir tout ça me fera devenir meilleur, c'est ça? Si c'est pour ça que tu ai là, vas-t'en, tu perd ton temps.

Le fantôme s'approche un peu plus de Valentin, posant ses deux mains sur les bras de l'homme à l'apparence d'un adolescent.

– Ce n'est pas finit, Valentin. Je ne suis que le fantôme des noëls passées.

Sur ces paroles, elle disparaît et le nécromant regarde alors autour de lui. Il est revenu au présent, dans son immense appartement luxueux mais vide. La décoration a été faite par un autre, et il n'y a aucune photo, aucun objet personnel, aucun souvenir. Il n'y a pas la moindre décoration de noël non plus. Comme s'il s'en moquait tout simplement. Valentin s'approche de sa déserte pour ouvrir sa bouteille de wisky, mais à l'instant où le liquide ambré coule dans le verre, un bruit se fit entendre suivit d'une voix.