Chapitre 11.
Pendant le dîner, Tao avait l'air assez mal à l'aise.
« Je ne m'attendais pas à ce que tu acceptes Ailee aussi vite, dit-Seiji. Tu es assez méfiant d'habitude.
— Elle a sa place ici, marmonna-t-il.
— Tiens, c'est étrange ça. C'est rare que tu marmonnes.
— Tu ne te souviens plus, Seiji ? dit-Callum. Il était pareil après que l'on soit allés chez la voyante. »
Esteban rigola.
« C'est vrai en plus » dit-il.
Ailee n'osait rien dire et restait silencieuse pendant que les garçons parlaient.
« Elle a dû dire quelque chose de bizarre vu la tête que vous faîtes tous les deux, fit remarquer Stephen.
— Elle n'a rien dit de plus bizarre qu'à vous, mentit Tao.
— Pourtant, il doit y avoir plus de choses bizarres à propos d'Ailee qu'à propos de nous.
— Elle n'avait rien d'intéressant à dire, dit-Ailee.
— Alors pourquoi vous agissez aussi bizarrement ? » demanda Louis.
Tao soupira, posa ses couverts et monta dans sa chambre. Ailee ravala sa salive et baissa les yeux.
« On dirait qu'il s'est vraiment passé quelque chose » continua Louis.
Elle posa à son tour ses couverts et sortit de table.
« Je débarrasserais la table » dit-elle avant de monter au dernier étage.
Un blanc s'installa à table. Personne ne disait et ne faisait rien.
« Elle a peut-être dit quelque chose qui a blessé Ailee » finit par supposer Callum.
Ils n'avaient plus faim donc ils se levèrent et retournèrent à leur chambre. Ailee descendit et débarrassa la table. Louis était seul dans le salon. Alors qu'Ailee venait de finir de débarrasser la table, il vint la voir.
« Tu veux aller boire un coup ?
—Boire quoi ?
— Hm, quand on dit ça de cette façon, c'est pour parler d'alcool.
— Ah, non, merci. Je suis un peu fatiguée.
— Tu es sûre ? Ça te changera les idées.
— Je n'ai jamais bu d'alcool.
— Ah, c'est vrai, tu as à peine 18 ans. Mais, il y a une première fois à tout.
— Pourquoi pas... Les autres ne viennent pas ?
— Non, tu avais l'air mal à l'aise au dîner alors je me suis dit que ce serait mieux juste tous les deux.
— Tu n'as pas tort. »
Ils mirent leurs chaussures et sortirent. Ils s'arrêtèrent dans un petit bar, assez vide.
« Salut Louis. Ça faisait longtemps que tu n'étais pas venu, dit le barman. Les garçons ne sont pas avec toi ?
— Non, pas aujourd'hui.
— Tu es avec une fille ? C'est une première.
— C'est une amie.
— Bonjour, dit-Ailee.
— Bonjour, mademoiselle. Allez, asseyez-vous. »
Louis montra un siège à Ailee. Elle s'y assit et il s'assit à côté d'elle.
« Je te sers la même chose que d'habitude Louis. Et pour la demoiselle ?
— Mets-nous la même chose. »
Le serveur plaça donc deux verres devant eux.
« À ton premier verre, Ailee. »
Ils trinquèrent et Ailee goûta une gorgée.
« C'est fort, dit-elle en faisant une grimace.
— C'est normal, au début. »
Louis prit une grosse gorgée.
« Bizarrement, j'ai l'impression que tu ne vas pas bien tenir l'alcool, Ailee.
— Pourquoi tu penses ça ?
— Une intuition. »
Ailee reprit une gorgée.
« On dirait que ça ne s'est pas très bien passé chez la voyante.
— Effectivement, ça ne s'est pas bien passé du tout.
— Elle est un peu trop directe, non ?
— Oui, ça c'est sûr.
— Tao va souvent la voir. Je ne comprends pas vraiment pourquoi.
— Elle m'a appelé par mon prénom...
— Ton vrai prénom ?
— Oui, je ne savais pas quoi faire.
— Ça doit être dur pour toi, de ne plus entendre personne t'appeler par ton vrai prénom.
— J'ai l'impression qu'elle n'existe plus... L'ancienne moi. C'est effrayant.
— Madeleine ? »
Ailee se tourna rapidement vers lui, surprise.
« Oui ?
— C'est peut-être tout ce qu'il te faut – pour que tu te sentes vivante – que quelqu'un t'appelle par ton vrai prénom. »
Ailee lui sourit.
« Je pense que ça ira, même sans ça. »
Ils finirent leur verre.
« On devrait peut-être rentrer, je n'ai pas trop envie de te voir saoule. »
Ailee rit et acquiesça. Ils sortirent du bar et rentrèrent à la maison. Le lendemain matin, l'ambiance au petit-déjeuner s'était adoucie. Tout le monde parlait normalement.
« Vous faîtes quoi en général le dimanche ? demanda Ailee.
— On va faire les courses le matin. Comme les magasins sont fermés le dimanche après-midi et que c'est le seul jour où aucun de nous ne travaille, répondit-Noaz.
— Et l'après-midi ?
— Ça dépend de notre humeur. »
Ils finirent de manger et allèrent se préparer pour faire les courses. Quand il furent dans le magasin, Ailee leur demanda :
« Ce n'est pas trop dur de faire les courses pour autant de personnes ?
— Oh, non, on a toujours de la nourriture de côté à la maison. Du coup, on achète que ce dont on a vraiment besoin. On prend des gros formats, dit-Callum.
— Ça doit quand même faire beaucoup de choses à acheter.
— Un peu, mais à force on s'est habitués. C'est dur surtout quand on doit racheter du riz.
— Pourquoi ?
— Parce qu'on prend des sacs de 20 kilos, donc c'est assez lourd. Mais comme on en mange souvent, on est bien obligés de prendre cette quantité.
— C'est pour ça que vous faîtes vos courses tous ensemble ?
— Oui, comme on a pas de voiture pour l'instant, on est obligés de tout porter jusqu'à la maison, donc il faut pas mal de bras.
— Ça doit vraiment être dur de vivre sans adultes, non ?
— C'est mieux comme ça, dit-Louis. Au moins on est plus indépendants que quand on vivait chez nos parents. On a pas besoin d'eux.
— Louis a raison, c'est mieux sans eux, dit-Stephen. Du moins pour nous, pour toi c'est différent. Tu dois te sentir un peu seule sans ton père.
— Non. Pas du tout, mentit-Ailee.
— Ne ment pas, dit-Tao. Il te manque. »
Ailee détourna le regard des garçons.
« Toi tu sais quelque chose, dit-Callum.
— C'est sûrement la voyante qui a fait une remarque à ce propos » dit-Seiji.
Tao ne répondit rien et mit quelque chose dans le caddie.
« Et comme tu ne réponds rien, je suppose que ce n'est pas tout ce qu'elle a dit. »
Un blanc s'installa et ils continuèrent de faire les courses. Ils rentrèrent chez eux les bras chargés. Ailee aida Stephen à cuisiner le déjeuner.
« Vous vous êtes rencontrés comment ? demanda-t-elle.
— C'est une longue histoire, mais disons que l'on s'est retrouvé au même moment, au même endroit, à faire la même chose et avec la même idée en tête.
— Vous m'en parlerez plus tard, c'est ça ? dit-elle en souriant.
— Peut-être, je ne sais pas.
— Je me sens à plus à l'aise quand vous êtes seuls que quand vous êtes tous ensemble.
— C'est sûrement parce que tu n'es pas habituée à être autant entourée, à cause de ta mère.
— Oui, sûrement.
— Tu verras, tu t'habitueras, et après tu ne te sentiras plus mal à l'aise avec nous. Pour l'instant on se connait à peine donc c'est normal.
— C'est vrai que ça fait seulement une semaine que je suis ici.
— Une semaine que tu es réveillée, parce que ça fait deux semaines que tu es là.
— Oui, c'est vrai. Ça n'a pas dû être facile quand j'étais endormie. Vous avez dû vous demander ce que vous deviez faire de moi.
— On avait surtout peur que tu ne te réveilles jamais. Et que l'on aille en prison pour vol. »
Ailee rit.
« C'est vrai ça. La police est sûrement encore à ma recherche. J'imagine bien la tête que les gérants du musée on fait quand ils ont remarqué que quelque chose d'aussi gros avait été volé et que personne ne s'en était rendu compte.
— C'est vrai que ça aurait été drôle à voir, dit-Stephen. La police doit péter les plombs à l'heure qu'il est.
— C'est vrai. Les pauvres, ils ne pourront jamais résoudre cette affaire.
— Ne t'inquiète pas pour eux. Il classeront vite l'affaire dans les affaires non résolues.
— J'espère bien. Il ne faudrait pas qu'ils bossent pour rien.
— Tu en veux à ta mère ? demanda-t-il soudainement.
— À propos de quoi ?
— De tout ce qu'elle t'a fait.
— Pas vraiment, dit-elle sincèrement. Je ne vois pas vraiment l'intérêt d'être en colère contre elle.
— Tu es quelqu'un d'assez compréhensif, non ?
— Sûrement. Je n'ai jamais eu besoin de le savoir.
— Pourquoi ? demanda-Stephen.
— Parce que j'ai connu très peu de personnes avant de vous rencontrer. Et d'ailleurs, j'aime beaucoup cette nouvelle vie.
— Je suis content de l'apprendre. Je me demandais si tu regrettais d'être là.
— Non, pas du tout ! Je pense que c'est sûrement mieux comme ça. Et je préfère être là que morte.
— C'est vrai que si ta mère n'avait pas fait ça, tu aurais sûrement perdu la vie assez tôt.
— Je ne serais sûrement pas morte de vieillesse ou de maladie, c'est sûr.
— Donc c'est un peu mieux comme ça.
— Oui, même si je me demande pourquoi elle a fait ça.
— Elle voulait sûrement avoir le contrôle de ton père, en le menaçant...
— Oui, sûrement, je n'y avais pas pensé. Ça a dû être dur pour lui.
— Si tu veux savoir ce qui lui est arrivé, on peut regarder dans les annales.
— Louis me l'a déjà proposé, mais je ne suis pas encore prête à le savoir.
— Okay, sans problème. Quand tu auras envie ou besoin de savoir, préviens moi, je t'aiderais à trouver les réponses à tes questions.
— Merci. Pour tout. »
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