Point de vue Mikuru

<< Je répète ma question Mikuru, sévit Père. Tu viens de conduire notre plan à l'échec, alors pourquoi ? >>

Je ne réponds pas et reste de marbre devant l'écran affichant Père sans un sourire, la tête posée sur son poing comme à son habitude. Je ne sais pas non plus pourquoi je l'ai fais... Pourquoi les ai-je sauvé ? Si je n'étais pas intervenue, nous aurions pu passer à l'étape suivante comme prévu. Mais j'ai désobéi... Était-ce vraiment contre mon gré ou non ? Je ne saurais comment l'expliquer. Je n'ai pas réfléchi...

Je ne comprends pas ce qui m'arrive. Personne ne veut répondre à mes questions...

- Réfléchissez Père. En les sauvant j'ai gagné leur confiance. Personne ne me soupçonnera à présent et ma mission peut donc se poursuivre sans encombre. Je rappelle que ma mission est de voler le plus d'Alters afin d'affaiblir l'ennemi et aussi loin que ça ne puisse paraitre, c'est une opération délicate si je reste dans leur viseur.

Il sourit comme s'il s'attendait à ce raisonnement.

<< Tu me rassures ma fille. J'ai cru un instant devoir te renvoyer au labo pour des modifications dans ton comportement. Mais tu es assez intelligente pour ne pas me trahir et je suis fier de toi. Soit, va ma fille. J'ai toute confiance en toi. Mais la prochaine fois, fais nous part de tes plans de dernière minute. >>

Je hoche la tête et rejoint Nishimiya-san dans la chambre avant de m'allonger dans mon lit. Il reste silencieux en me fixant d'un air mi furax, mi inquiet. Je n'y prête aucune attention et regarde le plafond.

- ... Nishimiya-san.

<< Nani ? >>

- Vous doutez de moi ?

Il ne me répond pas, visiblement surpris de ma question.

- Pourquoi servir mon père, Nishimiya-san ?

<< C'est très compliqué... >>

- Racontez moi votre histoire.

<< Pourquoi ? >>

Je tourne la tête vers lui, un peu plus expressive.

- Je veux connaitre vos motivations. Ce que vous voulez protéger ou dénoncer. Vous êtes censé être mon "père" aux yeux de l'ennemi, mais je ne sais rien de vous. Et vous appelez un nom dans votre sommeil. "Kuri"...

Il écarquille les yeux avant de tourner la tête. Cette personne devait être précieuse à ses yeux... Qu'est-ce qu'on ressent dans ces cas là ? Que ressent-on à la perte d'un être cher ? J'ai besoin de comprendre. Beaucoup de choses...

<< C'était ma fille... avoue-t-il tristement. Elle est morte dans les bras de ma femme suite à une intervention héroïque... >>

- Comment ?

Il peine à s'exprimer je le vois bien. Je ferme les yeux et le laisse trouver ses mots.

<< Il y a eu un attentat dans un lieu public, poursuit-il. Ma femme et ma fille étaient en première ligne et les héros présents pour soit disant sauver tout le monde n'ont pas daigné bouger quand un des terroristes a tiré d'abord sur ma fille... puis sur ma femme... Ils n'ont rien fait, même pas pour les évacuer... >>

Je rouvre les yeux en sentant comme un pincement en ma poitrine en écoutant son récit.

<< Ma fille n'avait que trois ans... Trois ans... Elles auraient pu survivre si les héros avaient fait leur travail correctement. >>

Je me redresse en voyant ses mains jointes trembler. Je les lui prends dans les miennes, ce qui le surprend sur le coup. Je fixe ses paumes écorchées et les caresse du pouce.

- Vous avez fais justice vous même pour venger votre femme et votre fille. Mais aux yeux des héros, vous êtes devenu un criminel. Vous ne vouliez rien de plus que Justice soit rendue à votre famille. Je me trompe ?

Je relève la tête et le regarde me dévisager en pleurant. Le mot "famille" me perturbe étrangement... Je l'ai épelé sans vraiment comprendre ce que ça signifiait...

<< Mikuru... >>

- La douleur ne vous a jamais quitter n'est-ce pas ? Et vous n'attendez qu'une chose... Revoir votre femme et votre fille un jour. Vous servez mon père dans l'espoir de trouver un nouveau sens à votre vie, mais la tâche s'avère être difficile, pas vrai ?

Il m'enveloppe dans ses bras sans prévenir. Ce contact soudain me surprend sur l'instant. C'est comme ça que l'on exprime sa douleur ? Nishimiya-san me serre de plus en plus, pleurant à chaudes larmes sur mon épaule.

<< Dès l'instant où je t'ai vu... tremble-t-il en me caressant la tête. J'ai eu l'impression de retrouver Kuri... Assister à sa renaissance... Mikuru... Tu es l'espoir que j'attendais... >>

J'écarquille les yeux à ses dernière paroles, avant qu'il ne se recule en souriant tristement en caressant ma joue fébrilement.

<< Je te considère comme ma fille depuis la seconde où j'ai posé les yeux sur toi pour la première fois... Quand tout sera fini, je t'emmènerai faire le tour du monde. Découvrir toutes les merveilles et répondre à toutes les questions que tu te poses. Tu es vivante, et tu as tout autant le droit de vivre normalement, comme une véritable humaine. Je te le promets... >>

Il s'écroule sur mes genoux en continuant de sangloter. Je reste figée devant ses promesses, avant de lever la main en hésitant un peu et lui caresser doucement les cheveux.

- J'attendrai ce jour, Nishimiya-san...

🦋🦋🦋

Je me rends en cours le lendemain matin, accompagnée de Nishimiya-san comme d'habitude. Je regarde sa main un instant, avant d'y glisser la mienne. Il me sourit avant de s'arrêter devant les portes de l'académie.

<< Passes une bonne journée, salut-il en embrassant mon front. >>

Je ressens comme une chaleur naissante en ma poitrine. D'habitude il m'encourage à mener à bien ma mission, ce matin il me traite... comme une humaine... Il me caresse la tête avant de me laisser parmi les élèves de Yuei. Je le regarde partir avant de prendre une inspiration.

- Père !

Il se retourne vivement en croyant sûrement halluciner de m'entendre l'appeler ainsi pour la première fois. Je lui souris à mon tour et lui fais signe de la main.

- Passez une bonne journée.

Puis un sourire ému fend son visage avant qu'il ne hoche la tête. Puis il disparait. J'ignore ce qu'il se passe au fond de moi, mais ce tambour en ma poitrine bat de plus en plus fort. Au début je ne supportais pas ce rythme qui me déconcentrait, je me rends compte à présent que je suis en train de changer. Je ne sais pas si c'est bien ou mal, si cela entravera ma mission, mais... C'est tellement agréable... Je porte ma main à ma poitrine pour sentir les battements de ce que les humains appellent "coeur". Mais qu'est-ce que ça signifie au juste ?

Je me tourne vers le bâtiment et emboite le pas vers celui-ci, avant d'apercevoir une tête que je reconnais tout de suite, loin devant moi et de dos. J'hésite un instant avant d'accélérer le pas jusqu'à me retrouver derrière lui et suivre son rythme de marche. Je serre la sangle de mon sac de cours avant de me racler la gorge pour l'interpeler, en penchant ma tête à sa gauche. Todoroki Shoto se retourne vers moi, visiblement surpris.

<< Yui ? >>

- Bonjour, Todoroki Shoto...

<< Salut. Tu sais tu peux m'appeler seulement "Todoroki" ou "Shoto". >>

Je hoche la tête et marche à ses côtés jusqu'à notre classe. On arpente les couloirs en silence, côte à côte.

<< Au fait, commence Todoroki. Merci pour l'autre fois. >>

- C'est normal. Ta main...

<< Hum ? Ah ça, c'est rien t'inquiètes. Ca va vite guérir. >>

Il secoue son poignet gauche enroulé dans un bandage pour me montrer qu'il n'a pas si mal que ça. Il porte aussi quelques pansements au visage depuis l'attaque du Nomu, dont un qui se décolle un peu de sa joue. Par réflexe je passe mon doigt dessus pour le lui recoller, ce qui à l'air de le surprendre.

- Gomenasai... reculai-je.

<< C'est rien. Merci. >>

<< On vous a vu, siffle Kaminari à la porte de la classe, avec Sero et les filles. >>

<< Fichez nous la paix, remballe calmement Todoroki, blasé. Au fait Yui. >>

- Aye ?

<< On va au festival d'été ce week end, tu viens avec nous ? >>

J'avoue que sa proposition me surprend un peu, c'est bien la première fois qu'on me propose une sortie... "entre amis" ?

- Pourquoi me le demander ?

<< Bah... cherche-t-il en se frottant l'arrière de la tête. On est amis, non ? >>

Je sursaute. De l'entendre de sa bouche me donne comme un électrochoc. Quand les filles me le disent, je finis pas m'y habituer très vite, mais de la part de Todoroki ça me fait... étrangement plaisir...

<< Tu peux toujours refuser, je t'oblige à rien, rassure-t-il en fourrant ses mains dans ses poches. Mais bon, je sais qu'on se connait à peine mais je pense que c'est l'occasion de faire connaissance, pas vrai ? >>

- Mais que peut-il y avoir dans un festival ?

Il arque un sourcil avant de lever les yeux pour réfléchir.

<< Hm, beaucoup de nourriture, de jeux, de cadeaux souvenirs... Même des feux d'artifices. >>

- C'est quoi ?

<< Ca je peux pas te le dire, faut le découvrir par toi même, sourit-il. C'est très joli à regarder. >>

- Alors je veux bien venir.

<< Tu aimes le traditionnel ? demande-t-il en m'accompagnant dans la salle. >>

- Je suppose...

<< Tu vas découvrir beaucoup de choses toi... pouffe-t-il de rire. >>

- Ne te moque pas.

<< Je me moque pas mais c'est drôle. >>

- Hmm...

À suivre...