Bonne lecture !

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— Et donc, est-ce qu'on va parler de Cody ?

Peter laisse tomber l'atome en plastique de la maquette qu'il est en train de monter. Sa mâchoire se décroche, les sourcils de Ned se haussent, et sa chambre devient tout à coup très silencieuse. Il doit être trois heures du matin, et ça fait un bon moment qu'ils discutent de tout et de rien (de films, en grande partie de films) et tout à coup Ned semble avoir décidé que les arts cinématographiques n'étaient pas suffisants pour son divertissement.

— Pourquoi tu veux parler de Cody ?

— Oh, je sais pas. Pourquoi parlerait de Cody, à ton avis ?

— Ned, ça a aucun sens. Tu parles comme MJ.

— Non, si je parlais comme MJ j'aurais dit : je m'en fous de ta vie loser, arrête de faire l'aveugle.

Peter cligne des yeux.

— Ouais, elle pourrait dire quelque chose comme ça. Mais ça m'éclaire pas plus que ça. Il s'est passé un truc avec....

— Oh, Peter.

Ned grimace. Ça fait un moment qu'ils n'ont pas fait ça : passer une soirée ensemble, regarder Star Wars, essayer de faire la cuisine, parler de Spider-man (et de Tony Stark, des Avengers, de ses soirées au labo, et des cours, parfois). La dernière fois, Tony lui a demandé quelle fac il choisira à la sortie du lycée.

Il a dit quelque chose comme « MIT ? Harvard ? CalTech ? ». Et Peter n'a pas su quoi répondre, car franchement personne n'a jamais eu d'aussi grandes attentes de lui. Imaginer que l'une de ses facs veuille bien de lui, ça lui donne l'impression d'être légèrement prétentieux. Et optimiste.

Peter aime les maths. Il calcule vite. Il adore construire des choses. Il retient facilement. Ses notes crèvent le plafond. Mais il n'a rien d'incroyable. Il n'est pas Tony Stark.

— Je me demandais simplement si tu voulais en parler. De Cody. Ou si tu préférais te mentir à toi-même encore un peu. MJ m'a dit qu'elle ne pouvait même plus rester à côté de vous tellement ça lui donnait la nausée.

— Mais quoi —

— C'est pas grave, tu sais ? Je comprends.

Il prend un air mature, compréhensif. Et Peter veut : 1. sauter par la fenêtre 2. s'enterrer 3. ne plus jamais voir son meilleur ami lui parler ainsi comme un adulte responsable alors que techniquement Peter est plus vieux que lui de deux mois.

— Ned, est-ce que tu prends de la drogue ?

— Non. Et toi ?

— Non.

— Okay, ravi qu'on soit toujours au même point. Alors ? Cody ?

Les sourcils de Peter se froncent à nouveau. Il ramasse lentement l'atome tombé au sol, et le fait rouler entre ses doigts. Sa bouche se tord, et pendant quelques secondes il prend le temps de vraiment y réfléchir.

Il dit :

— Je sais pas quoi en dire.

— Bien. On avance.

Ned acquiesce lentement et Peter plisse les yeux.

— Vous traînez souvent ensemble.

— Oui, je crois.

— Et il est gentil.

— Quand il ne fout pas son poing dans le visage des gens, ouais. Il travaille là-dessus.

— Et il est beau. Enfin, objectivement, d'après les standards modernes, tout le monde dit qu'il est.

— Il.... (Peter se racle la gorge). Oui. D'accord. Il l'est.

— Et il semble bien t'aimer.

— Ah bon ?

— Peter.

— D'accord, d'accord. Je pense qu'il m'apprécie. Au moins un peu.

— Alors où est le problème ?

Ned l'observe attentivement. C'est un peu curieux, car tout à coup l'atmosphère est très sérieuse et Peter ne sait pas quoi en fait. Ils rigolent souvent, traînent ensemble tous les jours, Ned connaît son secret et s'est lui-m^me surnommé son « mec-dans-le-fauteuil » ce qu'il est, à n'en pas douter.

Peter peut parler de maths avec lui : Ned ne suit pas toujours quand Peter s'emballe trop vite et trop fort et qu'il invoque des théories que presque personne ne connaît, mais il suit un peu. Assez pour que Peter n'ait pas peur de se laisser aller.

Ned est son meilleur ami. Mais habituellement, c'est tellement plus facile de dire qu'une fille comme Liz est belle, ou qu'une fille comme MJ est géniale. Plus facile de dire que Cody Neal est incroyable et parfait et canon et gentil et que peut-être c'est flirt mais aussi peut-être pas !

Car Peter n'a plus ou moins que Ned. Car les autres garçons ont toujours eu l'habitude de... de l'envoyer violemment contre des murs et de l'enfermer dans des casiers en caleçon.

— Il m'apprécie, soupire Peter. Mais je ne sais pas, enfin.... bon, ouais. Tu vois ? Mais c'est pas grave, ça me va comme ça. Enfin on peut rester et ne rien faire et juste traîner ensemble, ouaip pas de problème.

Il sourit. Ned lui retourne une expression sincèrement ennuyée.

— Voilà, ajoute Peter. Et de toute façon, si... enfin si vraiment il... enfin tu vois, et bien il préférait sûrement Spider-man. Peter est pas terrible, les gens préfèrent Spider-man. C'est normal, je les comprends. Cody aussi aime bien Spider-man.

— Ah oui ? Il te l'a dit ?

— Non. Enfin, si. Je crois. Il m'a demandé si je l'avais déjà vu, alors bien sûr j'ai répondu un peu oui, pas trop, mais finalement ouais disons qu'on se parle de temps en temps. Le soir. Quand j'ai mon costume.

La mâchoire de Ned tombe presque au sol. Tout à coup, il attrape un atome sur le côté et tente de le lui lancer en pleine figure : Peter le rattrape par réflexe.

— Tu lui parles quotidiennement en tant que Spider-man ? Tu rigoles ?

— Mais je fais attention ! Et il se fout toujours dans les emmerdes alors sans Spider-man il...

— Mec, tu flirtes avec lui avec ton masque de Spider-man ?

— Je flirte pas !

— Il va finir comme Flash à monter ton fan-club !

Peter grimace, car l'image est affreuse et dérangeante. Bien sûr qu'il apprécie quand les autres aiment Spider-man, quand il passe devant le kiosque à journaux et qu'il aperçoit son image avec des choses gentilles (Peter a du mal avec la critique, ça le touche vraiment et ça le rend triste) ou qu'il repère un porte-clé bleu et rouge sur le sac d'une fillette.

Mais quand ce sont ses amis, quand il a envie qu'on apprécie Peter et non le super-héros, et bien d'un coup ce n'est plus tout à fait la même chose.

— Ne dis pas ça. Ne me rappelle pas que Flash fait vraiment parti de mon... du fan-club de Spider-man. Ça me dégoûte un peu.

Il soupire largement.

— Enfin, ce n'était pas le sujet. D'ailleurs le sujet peut se terminer maintenant : j'aime bien Cody, Cody m'aime bien, ça va rester comme ça le plus longtemps possible. La vie est belle. Surtout quand on ne change rien.

— Trouillard.

— Un peu.

Il offre une grimace à son meilleur ami, et celui-ci semble enfin comprendre que Peter n'a pas tellement envie de parler sentiments. Un crush sur un inconnu, c'est cool et marrant. Un crush sur un ami, c'est stressant et pathétique.

— On...mmmh, on finit la maquette et on va manger ?

— Ouais. D'accord. Faisons ça.

Et juste comme ça, Ned accepte de le laisser faire l'aveugle encore un peu.

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