IX
Mona marchait d'un pas rapide vers l'hôpital, le vent froid d'octobre fouettant son visage. La veille, Luce lui avait envoyé un message par l'intermédiaire d'une infirmière. Le contenu était court, mais porteur d'une urgence étrange : "J'ai une surprise pour vous. Venez vite."
Une surprise ? Mona avait passé la nuit à se demander ce que cela signifiait. Elle imaginait mille choses, mais rien ne l'avait préparée à ce qu'elle allait découvrir en entrant dans la chambre ce matin-là.
Quand Mona poussa la porte, elle s'arrêta net. Luce n'était pas dans son lit. À la place, elle aperçut des draps en boule, abandonnés sur le matelas, et une fenêtre entrouverte. Le vent soulevait doucement les rideaux blancs, les faisant danser comme des fantômes.
Son cœur fit un bond.
— Luce ?
Elle fit un pas dans la pièce, le regard balayant chaque coin. Elle aperçut alors un carnet posé sur la table de chevet, avec un mot griffonné sur la première page :
"Si vous voulez me comprendre, suivez moi. – L."
Mona sentit une bouffée d'adrénaline la traverser. Que faisait cette gamine ? Était elle sérieuse ? Et surtout, comment avait elle réussi à sortir ?
Une infirmière entra dans la pièce à ce moment-là, visiblement agitée.
— Vous l'avez vue ? demanda Mona sans attendre.
— Non, mais ce n'est pas la première fois qu'elle s'échappe. Elle connaît l'hôpital mieux que nous tous.
— Et vous la laissez faire ?
L'infirmière leva les mains, impuissante.
— C'est une battante. Mais elle revient toujours.
Mona se sentit à la fois inquiète et fascinée. Luce avait un esprit indomptable, mais elle jouait avec le feu.
— Je vais la chercher, dit-elle brusquement.
— Bonne chance. Elle adore le jardin.
Mona quitta la chambre sans attendre.
En descendant les escaliers, Mona essaya de rassembler ses pensées. Pourquoi Luce avait elle organisé cette "fugue" ? Était ce une manière de tester sa patience, ou une tentative désespérée d'échapper à la monotonie de l'hôpital ?
Elle atteignit rapidement le jardin, un espace vaste et luxuriant malgré la saison. Des allées de gravier serpentaient entre des haies bien taillées, des bancs de bois et quelques statues de marbre.
Et là, au détour d'un chemin, elle aperçut Luce.
L'adolescente était assise sur le rebord d'une fontaine, les pieds balançant dans le vide. Elle portait une écharpe rouge, qui contrastait vivement avec son pyjama bleu.
— Vous êtes enfin là ! lança-t-elle en apercevant Mona.
Mona s'arrêta, les mains sur les hanches, et prit une grande inspiration pour contenir sa colère.
— Luce, qu'est-ce que tu fais ? Tu sais que tu pourrais te mettre en danger ?
Luce haussa les épaules, un sourire espiègle aux lèvres.
— Je voulais vous montrer quelque chose.
— Et il fallait que tu fasses tout ce cirque pour ça ?
— Oui, répondit Luce en riant. Parce que sinon, vous n'auriez jamais vu ça.
Elle tendit la main vers un carnet posé à côté d'elle.
— Qu'est-ce que c'est ? demanda Mona en s'approchant.
— Ouvrez le.
Mona prit le carnet avec précaution. À l'intérieur, elle découvrit des dessins détaillés d'un endroit étrange et onirique : une forêt où les arbres semblaient faits de cristal, un ciel parsemé de constellations inconnues, et au centre de tout cela, une petite silhouette en mouvement.
— C'est quoi ? murmura Mona, fascinée.
— Mon monde. Celui que je vois dans ma tête.
Luce sauta de la fontaine et se planta devant elle, les yeux brillants d'excitation.
— Vous m'avez demandé de rêver, alors voilà. Ce sont mes rêves.
Mona regarda les dessins avec attention. Chaque détail semblait avoir une signification, une histoire à raconter.
— Luce, c'est incroyable.
— Vous croyez que ça pourrait être une partie du livre ?
Mona acquiesça, encore émue par ce qu'elle voyait.
— Absolument. Mais pour ça, il faut qu'on travaille ensemble.
— Alors, suivez moi, dit Luce en saisissant la main de Mona.
— Où ?
— Vous verrez.
Luce entraîna Mona à travers le jardin, contournant les buissons et passant par des passages que Mona n'avait jamais remarqués. Elles finirent par atteindre un petit bosquet isolé, où Luce s'arrêta devant un vieux banc en pierre.
— C'est ici que je viens quand j'ai besoin de réfléchir, expliqua-t-elle.
Elle s'assit et invita Mona à faire de même.
— Alors, c'est quoi le plan ? demanda Mona en s'asseyant à ses côtés.
Luce posa ses coudes sur ses genoux et regarda droit devant elle.
— Je veux qu'on crée un monde ensemble. Pas juste un livre, mais un monde entier.
— Un monde entier ?
— Oui ! Avec des règles, des personnages, des histoires. Quelque chose qui ressemble à ma vie, mais en mieux.
Mona sentit une bouffée d'admiration pour cette jeune fille. Malgré sa fragilité apparente, Luce avait une vision audacieuse et une détermination sans faille.
— Très bien, dit Mona. Par où on commence ?
Luce sortit un autre carnet de son sac.
— J'ai déjà des idées, dit-elle avec un sourire malicieux.
Alors qu'elles travaillaient sur leurs idées, le bruit d'une branche cassée les fit sursauter. Mona se retourna et aperçut une silhouette qui s'approchait : une infirmière, visiblement furieuse.
— Luce ! cria-t-elle. Ça suffit maintenant !
Luce se leva d'un bond, comme une enfant prise en faute.
— Oh non, elle m'a trouvée.
L'infirmière attrapa Luce par le bras, mais cette dernière se débattit.
— Lâchez-moi ! Je n'ai rien fait de mal !
— Tu es sortie sans permission ! Tu sais très bien que ce n'est pas autorisé !
— Je voulais juste...
Luce s'interrompit, la voix tremblante. Mona intervint.
— Attendez ! Elle n'est pas en danger. On était juste en train de parler.
L'infirmière lança un regard sévère à Mona.
— Vous êtes peut-être son amie, mais vous devez comprendre que ses escapades mettent sa santé en danger.
Luce baissa la tête, les larmes aux yeux.
— Je suis désolée, murmura-t-elle.
Mona sentit son cœur se serrer.
— Écoutez, dit-elle à l'infirmière. Je vais la raccompagner dans sa chambre. Je m'en occupe.
L'infirmière hésita, puis finit par hocher la tête.
— Très bien. Mais plus de fugues, compris ?
Luce ne répondit pas et suivit Mona en silence.
De retour dans la chambre, Mona ferma la porte derrière elles et se tourna vers Luce.
— Pourquoi tu fais ça ? demanda-t-elle doucement.
Luce s'assit sur le lit, serrant son carnet contre elle.
— Parce que je ne veux pas être enfermée.
— Ce n'est pas une prison, Luce.
— Ça y ressemble.
Mona s'approcha et posa une main sur son épaule.
— Je comprends que ce soit difficile. Mais tu dois nous faire confiance. On est là pour toi.
Luce leva les yeux, et Mona vit des larmes briller dans son regard.
— Vous savez ce qui est le pire ? murmura-t-elle. Ce n'est pas la douleur, ni même la maladie. C'est le temps. J'ai l'impression qu'il me glisse entre les doigts, comme du sable.
Mona s'assit à côté d'elle.
— Alors, utilisons ce temps pour créer quelque chose d'incroyable, d'accord ?
Luce hocha la tête, essuyant ses larmes.
— D'accord.
Ce soir-là, alors que Mona rentrait chez elle, elle sentit un mélange de fatigue et de satisfaction. Cette journée avait été éprouvante, mais elle avait renforcé sa détermination.
Luce n'était pas qu'une simple adolescente malade. Elle était une flamme vive, un esprit libre qui refusait de se laisser éteindre.
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