III

Le jour de la rencontre avec Luce, Mona se réveilla bien avant l'aube. Elle resta couchée un moment, fixant le plafond plongé dans l'obscurité, écoutant les bruits étouffés de la ville qui s'éveillait lentement. Elle savait qu'elle devait se lever, se préparer et affronter cette journée, mais son corps semblait cloué au lit, paralysé par un mélange de peur et de résistance.

Elle s'était battue toute la semaine contre l'idée de cette rencontre. Chaque fois qu'elle envisageait d'appeler Ted pour annuler, elle relisait la lettre de Luce. Elle l'avait pliée et dépliée tant de fois qu'un coin du papier commençait à s'effriter.

Finalement, Mona se força à se lever. Elle traîna des pieds jusqu'à la cuisine, où elle prépara un café qu'elle laissa refroidir sur la table sans y toucher. Son appartement était en désordre, comme elle-même. Les livres empilés sur les étagères semblaient la juger silencieusement, leurs tranches poussiéreuses criant son abandon.

Elle passa un long moment à regarder son reflet dans le miroir de la salle de bain, examinant les cernes qui cernaient ses yeux et les mèches éparses de ses cheveux noirs, qu'elle peignait rarement ces derniers temps. Son visage portait encore les marques d'un chagrin qu'elle ne parvenait pas à effacer.

Dans un tiroir, elle trouva une photo de sa sœur, Camille. Elle hésita avant de la sortir. C'était une vieille photo, prise lors de vacances en Provence. Camille souriait à l'objectif, les cheveux au vent, tenant une glace à moitié fondue. Mona sentit une boule se former dans sa gorge.

« Je fais ça pour moi, pas pour toi, » murmura-t-elle, comme si sa sœur pouvait l'entendre.

Elle rangea la photo, décidant de ne pas la laisser hanter davantage cette journée.

Mona passa une partie de la matinée à chercher quoi porter. Ce qui aurait dû être une tâche banale devint un véritable calvaire. Elle ne voulait pas arriver à l'hôpital en arborant son habituelle tenue décontractée – un jean délavé et un pull informe – mais elle ne voulait pas non plus paraître trop apprêtée.

Après avoir essayé plusieurs tenues, elle opta finalement pour une chemise blanche simple et un pantalon noir. Professionnel, mais pas froid. Elle noua ses cheveux en une queue de cheval basse et glissa son carnet de notes dans son sac, bien qu'elle doutât d'avoir besoin de prendre des notes lors de cette première rencontre.

À midi, elle était prête. Mais l'idée de partir l'oppressait. Elle s'assit sur le canapé, les mains serrées sur ses genoux, ses pensées tournoyant dans tous les sens.

Elle se rappela une conversation qu'elle avait eue avec Camille, des années auparavant.

« Tu n'es pas obligée de tout contrôler, Mona, » avait dit sa sœur en riant. « Parfois, tu dois juste laisser les choses venir. »

Camille avait toujours été comme ça – spontanée, pleine d'une énergie que Mona n'avait jamais réussi à comprendre. Sa mort avait laissé un vide immense, un silence assourdissant dans la vie de Mona.

« Tu ne peux pas contrôler ça non plus, » se murmura-t-elle, comme pour se convaincre.

Elle sortit enfin de chez elle et monta dans un taxi, direction l'hôpital. Le trajet lui sembla interminable, même si le chauffeur tentait d'alléger l'atmosphère avec des banalités sur la météo et le trafic. Mona répondait par des hochements de tête distraits, ses pensées trop agitées pour qu'elle puisse se concentrer sur autre chose.

L'hôpital, un grand bâtiment gris et austère, se dressait au bout de la rue. Mona sentit son estomac se nouer lorsqu'elle en descendit. Elle paya le chauffeur, s'arrêta un instant pour respirer l'air froid, puis s'avança vers les portes automatiques.

À l'intérieur, l'atmosphère était tout aussi oppressante. L'odeur des produits désinfectants, les murmures des infirmiers, le bruit sourd des machines médicales : tout cela créait un univers qui lui était étranger, presque irréel.

Elle trouva l'accueil et donna son nom. Une jeune femme en uniforme scruta l'écran de son ordinateur avant de lui sourire.

- Vous êtes là pour voir Luce ? 

Mona hocha la tête, mal à l'aise.

- Chambre 407, quatrième étage. Prenez l'ascenseur juste là. 

Elle murmura un merci et se dirigea vers l'ascenseur. Lorsqu'elle entra dans la cabine, elle sentit un vertige la saisir. Elle se força à inspirer profondément, les yeux fixés sur le panneau des étages.

Les couloirs du quatrième étage étaient étonnamment calmes, presque apaisants. Mona marchait lentement, observant les dessins d'enfants accrochés aux murs : des arcs-en-ciel, des soleils souriants, des animaux improbables. Mais ce ne fut pas suffisant pour alléger le poids qui pesait sur sa poitrine.

Arrivée devant la porte de la chambre 407, elle s'arrêta. Le battement de son cœur s'accéléra, résonnant dans ses tempes. Pendant une fraction de seconde, elle envisagea de faire demi-tour, de quitter cet endroit et d'oublier toute cette histoire.

Mais elle pensa à la lettre de Luce. À cette écriture hésitante mais pleine de vie. À cette adolescente qui l'attendait de l'autre côté de la porte, espérant peut-être qu'elle puisse combler une part de ses rêves.

Elle ferma les yeux, prit une grande inspiration, puis posa la main sur la poignée.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top