Chapitre 1 - Un bonjour à un vieil ami.

.Aujourd'hui, c'est le trois novembre. Le jour où je peux enfin quitter cet hôpital, où j'ai passé bien trop de temps. Je suis debout, face au miroir, habillé dans des vêtements simples que Canceller m'a laissés. Mon reflet me semble étrange, presque irréel. Ce corps, ce nouveau corps que je porte, est une œuvre de Canceller. Sa provenance, cependant, est un mystère qu'il garde bien caché. J'essaie de ne pas y penser trop, de ne pas trop m'attarder sur les questions qui me hantent depuis que j'ai ouvert les yeux dans ce lit d'hôpital. Il y a des choses plus importantes à faire aujourd'hui.

J’inspire profondément, mes doigts effleurant ma poitrine. L'absence de mon cœur, ou du moins ce qui en restait, ne m'échappe pas. Miracolo a accompli un miracle en me sauvant, mais je ne peux m'empêcher de me sentir différent. Plus fragile, peut-être. Pourtant, je suis toujours là, debout, prêt à affronter le monde.

Une légère claque sur la porte attire mon attention. C’est elle. Aisa, ma petite amie, entre dans la pièce, suivie de près par Sahariel et Ururiel. Dès que nos regards se croisent, son visage s’illumine, et elle s’approche de moi sans hésiter. Je n’ai pas le temps de dire un mot avant qu’elle ne m'embrasse, doucement, tendrement, comme pour s’assurer que je suis bien là, que je ne vais pas disparaître à nouveau. Je sens ses mains se poser sur mes joues, son front pressé contre le mien.

« Tu es enfin sorti, murmure-t-elle. » Sa voix est douce, mais je peux sentir l'inquiétude dans ses mots.

Je réponds par un sourire, incapable de trouver les mots justes pour lui exprimer ce que je ressens. Après tout ce qu'elle a traversé, après tout ce que nous avons traversé, je suis toujours là, encore en un seul morceau… ou presque.

« Comment tu te sens ? » demande Sahariel en s'approchant avec Ururiel.

Je leur fais un signe de tête. « Ça ira… » dis-je simplement. Mes forces ne sont pas totalement revenues, mais je me sens suffisamment bien pour quitter cet endroit. Pour me tenir droit à nouveau.

Nous savons tous pourquoi nous sommes ici, aujourd’hui. Vitwento. Nous allons lui rendre hommage. Le seul cimetière de la Cité Académique attend notre visite, et je ne peux m'empêcher de ressentir un nœud dans mon estomac à cette pensée. Elle n'a pas eu la chance de survivre, contrairement à moi. Et aujourd’hui, c’est à moi de lui dire au revoir, de trouver un moyen d’accepter cette perte.

Aisa attrape doucement ma main, son regard plongé dans le mien.

« Tu es prêt ? »

Je hoche la tête, bien que je ne sois pas sûr de l’être vraiment. Peut-on jamais être prêt pour ce genre de chose ? Pour dire adieu à un ami qu’on n’a pas pu protéger ?

« On a décidé de marcher, reprend-elle. C’est mieux pour toi, et puis… on aura le temps. »

Je comprends. Mes blessures ne sont pas encore totalement guéries, et je sais que Sahariel et Ururiel veulent s'assurer que je ne me précipite pas trop. Ils veillent sur moi, peut-être plus que je ne le fais moi-même. Je suis encore en convalescence, après tout, même si l'envie de voler jusqu’au cimetière me démange.

Alors, on se met en route, doucement. La ville nous entoure de son murmure habituel, les étudiants de l'Académie se précipitant de part et d’autre. Pour eux, ce jour est banal, mais pour nous, il est chargé de sens. Chaque pas que je fais me rappelle que je suis vivant, que je respire, alors que Vitwento ne le peut plus.

Sahariel marche à mes côtés, surveillant chacun de mes mouvements, comme s'il s'attendait à ce que je m'effondre à tout moment. Ururiel, plus en retrait, semble perdu dans ses pensées, comme si ce jour lui rappelait quelque chose qu’il préfère ne pas partager. Aisa, elle, garde ma main dans la sienne, offrant un silence réconfortant.

« Tu as vu Kamijou récemment ? » me demande-t-elle soudain, brisant le silence qui pesait sur nous.

Kamijou… Je ne l’ai pas revu depuis la guerre. Depuis que nous avons tous été jetés dans cette folie. J’imagine qu’il a ses propres batailles à mener, tout comme moi.

« Pas encore, » dis-je, presque à regret. « Mais bientôt. »

Nous continuons de marcher, l’air devient plus frais au fur et à mesure que nous approchons du cimetière. C'est étrange, cette sensation d'être en mouvement tout en ayant l'impression de rester figé dans un moment. Chaque pas me rapproche de la tombe de Vitwento, et pourtant, je me sens de plus en plus éloigné de la réalité.

« X, tout va bien ? »

La voix d’Aisa me tire de mes pensées. Elle me regarde avec inquiétude, ses yeux scrutant mon visage à la recherche de quelque chose, peut-être un signe que je suis sur le point de flancher. Mais je ne le ferai pas. Pas aujourd'hui.

« Oui, tout va bien, » je lui mens doucement.

Elle serre un peu plus fort ma main, comme pour me rappeler que je ne suis pas seul dans tout ça. Que je n’ai pas à tout porter seul.

Nous arrivons enfin à l'entrée du cimetière. Un endroit tranquille, presque apaisant dans sa simplicité. Les arbres sont nus, leurs branches tendues vers le ciel gris, comme si elles cherchaient désespérément à toucher quelque chose d'inatteignable. Une brise légère fait bruire les feuilles mortes sous nos pieds, ajoutant une étrange mélodie à cet endroit déjà chargé d'émotions.

Sahariel et Ururiel restent en arrière, respectant ce moment plus intime. Aisa et moi avançons vers la tombe de Vitwento, une simple pierre marquée de son nom et des dates de sa courte vie. Voir son nom gravé là, c’est comme un coup de poing dans l'estomac.

Je me détache lentement de la main d’Aisa et m’accroupis devant la tombe, les mots me manquent. Comment lui dire adieu ? Comment lui rendre hommage, alors que j’ai l’impression de l’avoir abandonnée ?

« Je suis désolé, » murmuré-je, presque inaudiblement. Mes mains effleurent la pierre froide. C'est tout ce que je peux dire. Tout ce que je peux offrir.

Nous sommes enfin arrivés au cimetière. Le ciel gris est presque un miroir de l'humeur ambiante, et l'air frais de novembre semble vouloir nous rappeler que nous sommes bien vivants, malgré les pertes que nous portons tous. Vitwento… Cette tombe marque la fin de son existence, mais elle continue de vivre dans nos esprits.

Je reste silencieux devant la pierre, Aisa toujours à mes côtés, mais je sens un nouveau mouvement derrière moi. Mes sens sont toujours aiguisés, malgré la fatigue qui pèse sur mon corps. Je n’ai pas besoin de me retourner pour savoir qui s’approche.

Miracolo est là. Je peux sentir sa présence distincte avant même de l’entendre. Lui et Psi marchent main dans la main, une image que je n’aurais jamais imaginée il y a quelques mois. Psi, toujours aussi calme, mais désormais plus… ouvert, peut-être. Leur relation a évolué. Ils se sont rapprochés, tout comme Aiko et Kenji qui les suivent, plus intimes que jamais.

— « On dirait qu’on est au complet, » murmuré-je en les voyant arriver.

Miracolo me fait un signe de tête en silence, tandis que Psi m’adresse un sourire presque timide. C'est un moment de recueillement, un moment pour honorer Vitwento, mais c’est aussi un moment pour nous rappeler que la vie continue, malgré tout. Même après la guerre, même après les pertes.

Je tourne la tête et vois une autre silhouette familière. C’est Index. Elle ne vient jamais seule, et aujourd'hui, Kazakiri Hyouka est avec elle. Les deux ont cette amitié unique, presque inséparable. Hyouka est toujours la même, avec ce sourire doux et ses grands yeux innocents, malgré tout ce qu’elle a vécu. Mais c’est la première fois que je vois Index depuis plusieurs mois, et je me demande ce qu’elle pense de moi, après tout ce temps.

Juste derrière elles, je repère Mikoto. Je ne l’ai pas vue depuis un moment non plus. Elle marche avec sa détermination habituelle, mais je peux sentir une tension subtile dans ses pas. À ses côtés, Kuroko fait de son mieux pour masquer son enthousiasme habituel, sans doute par respect pour l’occasion, mais il est évident qu’elle est heureuse de voir Mikoto. Et puis, derrière elles, les clones. Misaka 10032 et 10055 sont venues, probablement pour honorer leur sœur Vitwento. Et bien sûr, Last Order n'est pas loin. Elle marche avec Misaka Worst, une présence plus sombre mais tout aussi importante.

Je note l'absence d'Accelerator, mais je ne suis pas surpris. Il est probablement occupé ailleurs, toujours à jongler entre ses propres batailles. Pourtant, sa présence se fait sentir à travers celles de Last Order et Misaka Worst.

Quand tout le monde est enfin réuni, un silence tombe sur le groupe. C’est un moment solennel, presque sacré. Chacun est ici pour rendre hommage à Vitwento à sa manière. Je me recule légèrement pour laisser de l’espace à ceux qui veulent s’approcher de la tombe. Aisa reste à mes côtés, ses doigts entrelacés aux miens. Je sens sa chaleur, son soutien, et cela me permet de rester debout, de ne pas vaciller sous le poids de mes émotions.

Miracolo est le premier à s’avancer. Il ne dit rien, mais je peux voir ses lèvres se mouvoir en un murmure silencieux. Psi reste légèrement en retrait, respectant l’espace personnel de Miracolo, mais je sais qu’ils sont connectés d’une manière que peu comprennent. Ils se tiennent toujours la main, un geste silencieux qui en dit long sur leur lien.

Ensuite, Kenji et Aiko s’avancent. Je les observe, curieux de leur dynamique. Ils semblent plus proches qu’avant, leurs gestes plus intimes. Ils ont dû beaucoup traverser ensemble depuis la fin de la guerre. Aiko pose une fleur blanche sur la tombe, un geste simple mais plein de sens. Kenji reste à ses côtés, son bras entourant doucement sa taille.

Quand c’est au tour d’Index et Kazakiri, je sens une vague d’émotions émaner d’elles. Kazakiri, avec son calme habituel, semble absorbée dans ses pensées. Index, quant à elle, ferme les yeux un instant, murmurant peut-être une prière silencieuse. Leur présence ici montre à quel point Vitwento a touché chacun d'entre nous, même ceux qui ne la connaissaient pas intimement.

Puis, c’est au tour de Mikoto et Kuroko. Mikoto semble plus tendue que les autres, peut-être à cause de sa propre relation avec les clones. Elle s’accroupit devant la tombe, son regard dur mais triste, et je peux presque sentir son chagrin silencieux. Kuroko, bien que souvent espiègle, reste respectueuse, posant doucement une main sur l’épaule de Mikoto. Leur lien est indéniable.

Enfin, Last Order et Misaka Worst s'approchent ensemble. Last Order est plus émotive, son visage trahissant une tristesse sincère. Elle murmure quelque chose que je ne peux entendre, peut-être une dernière pensée pour Vitwento. Misaka Worst, plus distante, garde ses émotions bien cachées, mais je sais qu'elle ressent cette perte à sa manière.

Lorsque le recueillement est terminé, le groupe se disperse légèrement, chacun se tournant vers moi comme s'ils attendaient des nouvelles. Je sens leurs regards sur moi, mais ce n’est pas de la pression. C'est plutôt une attente bienveillante, un désir de savoir comment je vais.

Miracolo s'approche en premier. « Comment tu te sens, X ? »

Je hausse les épaules, tentant de donner une réponse honnête. « Mieux… enfin, je crois. Ce nouveau corps est encore un mystère pour moi, mais je suppose que ça ira. »

Psi, toujours à côté de lui, ajoute avec un sourire doux : « Tu es plus résistant que tu ne le penses. »

Je souris en retour, reconnaissant de leur présence.

Kenji et Aiko me rejoignent, Aiko étant la première à parler. « On était inquiet pour toi, mais tu as l’air de tenir le coup. »

« Ouais, » ajoute Kenji en passant une main dans ses cheveux. « Il paraît que tu es une sorte de miraculé. »

Je ris légèrement, même si le mot "miraculé" me semble étrange. « Ouais, quelque chose comme ça. Miracolo et Canceller y sont pour beaucoup. »

Aiko acquiesce, visiblement soulagée. Puis, elle échange un regard avec Kenji, et je réalise à quel point leur relation a évolué. Ils sont clairement plus qu'amis maintenant, et je me demande combien de temps cela a pris pour en arriver là.

Kazakiri s'approche timidement, suivie d'Index. « C’est bon de te revoir, » dit-elle d'une voix douce.

Index, toujours aussi directe, enchaîne : « Tu as l’air mieux qu’avant ! Tu vas enfin arrêter de te blesser tout le temps ? »

Je ris, amusé par son franc-parler. « Je vais essayer. Pas de promesses, par contre. »

Mikoto s'avance ensuite, les bras croisés mais le regard adouci. « On est tous contents que tu sois encore là, » dit-elle avec sincérité.

Je hoche la tête, touché par ses paroles. « Merci, Mikoto. Je suis content de voir que tu vas bien aussi. »

Kuroko, toujours fidèle à elle-même, ne tarde pas à ajouter : « Vous êtes tous devenus tellement sérieux… Mais je suppose que c’est la situation qui l’exige. »

Son ton est léger, mais je peux voir qu'elle est également émue par tout ce qui s’est passé. C’est sa manière de gérer les choses.

Last Order, avec ses grands yeux innocents, me regarde longuement avant de dire : « Vitwento… elle t’aimait beaucoup, tu sais. »

Cette phrase me frappe en plein cœur. Misaka Worst, à ses côtés, ne dit rien, mais elle pose une main réconfortante sur l'épaule de Last Order.

Je sens mes yeux s'humidifier, mais je fais de mon mieux pour retenir mes larmes. « Je le sais, » murmuré-je. « Je le sais. »

L'instant est solennel, mais aussi rempli de chaleur. Ce groupe, ces personnes qui m'entourent, sont plus qu'une simple équipe. Ils sont devenus ma famille au fil du temps. Et même si Vitwento n'est plus là, elle fait toujours partie de nous, d’une manière ou d’une autre.

Je prends une profonde inspiration, regardant chacun d'entre eux. « Merci à vous tous d’être ici. Je… je ne sais pas ce que je ferais sans vous. »

Sahariel, qui était resté silencieux jusqu’à présent, pose une main sur mon épaule. « Tu n’es pas seul, X. Tu ne l’as jamais été. »

Je hoche la tête, sentant le poids de ses paroles. C’est vrai. Peu importe les défis à venir, je sais que je peux compter sur eux. Et avec cette pensée, je me sens enfin prêt à affronter ce qui nous attend.

Je marche en silence aux côtés d’Ururiel et Sahariel. Le groupe s’est séparé plus tôt, chacun retournant à ses obligations après la visite de la tombe de Vitwento. Le silence entre nous trois n’est pas inconfortable, il est presque naturel, un moment de calme avant ce qui semble être une surprise qu'ils me réservent. Il y a quelque chose dans l'air, une tension palpable que je ne comprends pas encore. Les deux gardent un visage neutre, ne laissant rien transparaître.

« Qu'est-ce que vous mijotez encore ? » demandé-je avec un sourire en coin.

Ururiel échange un regard avec Sahariel, mais aucun des deux ne répond. Au lieu de cela, Ururiel s'approche de moi avec un bandeau noir en main.

« Fais-nous confiance, Khi, » dit-elle d'une voix douce mais ferme.

Je la regarde un instant, incertain. Puis je hoche la tête et la laisse me bander les yeux. Ce n’est pas comme si je n’avais pas confiance en eux, loin de là. Mais l’idée de me laisser guider à l’aveugle ajoute une certaine excitation. Une fois le bandeau bien en place, ils prennent chacun un de mes bras et commencent à me guider doucement.

Mes autres sens prennent le dessus, le bruissement des feuilles sous mes pieds, le vent léger qui caresse ma peau. Nous marchons pendant ce qui semble être une éternité, même si je suis certain que ce n’est qu'une dizaine de minutes. Le trajet est rempli de mystère. Je sens des odeurs familières : terre humide, végétation… et quelque chose d’autre. Un parfum presque neuf, que je n’arrive pas à identifier.

« On est presque arrivés, » murmure Sahariel à côté de moi.

Je hoche la tête, de plus en plus curieux. Puis, soudain, ils s’arrêtent.

« Tu es prêt ? » demande Ururiel d'une voix amusée.

« Je suppose, » répondis-je avec une légère appréhension.

Je sens leurs mains se retirer, et doucement, ils retirent le bandeau de mes yeux.

La lumière me frappe d'abord, et mes yeux mettent quelques secondes à s’adapter. Mais une fois que je peux voir clairement, ce que je découvre me coupe littéralement le souffle.

Devant moi, un gigantesque manoir s'élève dans le ciel, majestueux, imposant. Il fait trois fois la taille de la Maison Blanche en hauteur, peut-être même plus. Ses murs sont d’un blanc éclatant, presque aveuglant sous la lumière du soleil de novembre. Les détails architecturaux sont complexes, avec des colonnes imposantes et des balcons qui s'étendent sur plusieurs étages. Chaque fenêtre reflète la lumière de façon presque surnaturelle, et je peux à peine comprendre ce que je vois.

« Qu’est-ce que… » Je me tourne vers eux, incrédule. « Comment… comment est-ce possible ? »

Ururiel croise les bras et me regarde avec un sourire satisfait. « On a nos moyens. »

Sahariel éclate de rire en voyant mon expression. « On savait que tu serais surpris, mais là, tu dépasses nos attentes. »

Je me frotte les yeux, essayant de m’assurer que je ne rêve pas. « Vous plaisantez, c’est ça ? Comment vous avez pu faire ça ? C’est impossible ! »

« Rien n’est impossible, Khi, » répond Ururiel en haussant les épaules. « Maintenant, tu veux continuer à poser des questions, ou tu veux voir l'intérieur ? »

Je reste sans voix un moment avant de hocher la tête. « D’accord, je suis partant pour la visite. »

Ils échangent un regard complice avant de me conduire à l’intérieur du manoir. Dès que nous franchissons la porte, je suis à nouveau frappé par l’immensité et la splendeur de l’endroit. Le hall d’entrée est d’un blanc immaculé, avec des lustres en cristal qui pendent du plafond, diffusant une lumière douce et apaisante. Des colonnes de marbre ornent les côtés, et l’escalier central semble directement sorti d’un palais.

« Wow… » soufflé-je, incapable de trouver les mots pour décrire ce que je ressens. Chaque pas résonne dans cet espace gigantesque.

« Suis-nous, » dit Sahariel, un sourire mystérieux aux lèvres.

Ils me conduisent à travers plusieurs pièces. Un salon gigantesque avec des canapés luxueux, une salle à manger avec une table capable d'accueillir des dizaines de personnes, une cuisine qui semble tout droit sortie d'un rêve pour les chefs étoilés. Mais c’est l’atmosphère qui me frappe le plus. Tout est soigneusement pensé, chaque détail, chaque couleur. C'est comme si cet endroit avait été créé spécialement pour moi.

Finalement, ils m’emmènent à l’étage, devant une porte d’un blanc pur, en contraste avec le reste des pièces que nous avons visitées.

« Voilà ta chambre, » dit Ururiel en ouvrant la porte avec un sourire.

Je reste un instant devant la porte ouverte, prenant une profonde inspiration avant d’entrer. La chambre est… presque vide. Tout est blanc, du sol au plafond, en passant par les murs et même le lit qui trône au centre de la pièce. C’est étrange, mais à la fois apaisant. Il n’y a rien qui agresse mes sens, rien qui me dérange.

« C’est… assez simple, » murmuré-je, un peu perplexe.

Sahariel rit légèrement. « Attends un peu. »

Ils me laissent seul dans la pièce, fermant doucement la porte derrière eux. Je suis maintenant seul dans cette chambre vide. Le silence est presque assourdissant. Je m’assieds sur le lit, toujours surpris par la simplicité de l'endroit comparé au reste du manoir.

Puis je me rappelle ce qu’ils m’ont dit. « Éteins la lumière. »

Je me lève et cherche l'interrupteur. Une fois la pièce plongée dans le noir, je sens une légère chaleur émaner de ma poitrine. Je regarde vers le bas et vois mon nouveau cœur commencer à briller. Au début, la lumière est faible, mais elle devient de plus en plus intense. Puis, devant moi, une silhouette holographique se forme.

C’est Vitwento.

Mon souffle se coupe. Elle est là, devant moi, ou du moins une version holographique d'elle. Ses traits sont doux, presque translucides, mais je peux reconnaître chaque détail. Elle me sourit, et pour la première fois depuis sa mort, je sens une vague de réconfort m’envahir.

« Salut, X, » dit-elle, sa voix claire et apaisante. « Si tu vois ça, c'est que tu as enfin découvert ton nouveau cœur. »

Je reste figé, incapable de répondre. C'est une illusion, je le sais, mais ça semble tellement réel.

« Je savais que tu aurais du mal à t’habituer à ça, » continue-t-elle avec un léger rire. « Mais ne t’inquiète pas. Ce cœur est une copie du mien. Il a été amélioré spécialement pour toi, au cas où… » Elle s'arrête un instant, comme si elle cherchait les bons mots. « Au cas où tu finirais avec un autre trou dans la poitrine. »

Je ris nerveusement à cette remarque, même si elle touche un point sensible. C’est tellement typique de Vitwento, cette manière de dédramatiser les situations les plus graves.

« Tu dois savoir une chose, X, » poursuit-elle. « Ce cœur, il est plus qu'un simple organe. Il est connecté à toi, à ta volonté. Tant que tu gardes l'espoir, tant que tu ne te laisses pas sombrer dans le désespoir, il continuera de battre. C'est ta force intérieure qui le maintient en vie. »

Je baisse les yeux, touchant doucement ma poitrine. Je sens cette chaleur, cette énergie. Elle a raison. Ce cœur, ce n'est pas juste un remplacement. C’est… un lien entre elle et moi, une preuve de ce qu’elle a laissé derrière elle.

« Et une dernière chose… » ajoute-t-elle avec un ton plus sérieux. « Ne déprime pas, d’accord ? Je te connais. Je sais que tu es du genre à te laisser submerger par tes émotions, mais je t'interdis de sombrer dans le chagrin. Tu as trop de choses à accomplir, trop de personnes qui comptent sur toi. »

Je ferme les yeux un instant, prenant une profonde inspiration. Ses paroles résonnent en moi, et je sais qu’elle a raison.

« Maintenant, » dit-elle avec un sourire plus doux, « je dois te dire quelque chose que je n'ai jamais eu le courage de te dire en face. »

Je rouvre les yeux, sentant mon cœur s’accélérer.

« X… Je t’aimais. Je t’aime toujours. Depuis le début, depuis que nous avons combattu ensemble. Je savais que je n’avais pas beaucoup de temps, que mon corps finirait par me lâcher, mais je voulais te le dire avant de partir. J’ai toujours admiré ta force, ta volonté, et même si tu as tes défauts, tu es quelqu’un de bien. »

Mes yeux commencent à se remplir de larmes, mais je reste silencieux, écoutant chaque mot avec une attention fébrile.

« Alors voilà, » dit-elle en riant légèrement. « Je t’ai enfin tout dit. Ne laisse pas ça t’abattre, d'accord ? Vit ta vie pleinement. Pour toi, pour moi, pour tous ceux qui te soutiennent. Je suis partie, mais tant que tu continueras d’avancer, je serai toujours avec toi. »

Ses mots me frappent avec une force indescriptible. C’est un mélange de tristesse, de réconfort, de culpabilité… tout se bouscule dans ma tête. Je ne sais pas si je dois rire ou pleurer. Mon cœur bat à un rythme effréné, comme s’il répondait à ce dernier message de Vitwento.

« Je… » balbutié-je, cherchant les mots qui pourraient répondre à tout ce qu’elle vient de dire. Mais rien ne me semble assez fort, assez juste. Tout ce que je ressens en ce moment dépasse les mots.

Elle me regarde avec son sourire bienveillant, comme elle l'a toujours fait. Puis elle incline légèrement la tête, son image holographique commençant à s'effacer.

« Rappelle-toi, X, » dit-elle doucement alors que son visage devient flou. « N’oublie jamais ce que tu es capable de faire, ni ceux que tu aimes. Ne perds pas de vue ce qui compte vraiment. Et surtout… sois heureux. »

Avec ces derniers mots, l’hologramme disparaît complètement, et je suis à nouveau seul dans cette chambre blanche, plongé dans l'obscurité.

Je reste immobile un moment, essayant de reprendre mes esprits, de comprendre tout ce qui vient de se passer. Vitwento m'a laissé un message, une ultime preuve de son attachement, de son amour, même après sa mort. Elle savait que j’aurais du mal à l'accepter, à continuer sans elle. Mais elle m'a donné une nouvelle raison d’avancer, de ne pas me laisser consumer par le chagrin.

Je me laisse tomber en arrière sur le lit, mes pensées toujours brouillées. Mes mains viennent se poser sur ma poitrine, là où ce nouveau cœur bat avec force, une force que je n’aurais jamais imaginée.

Ce n’est plus seulement mon cœur. C’est aussi celui de Vitwento.

« D’accord, » murmuré-je finalement dans le silence de la pièce. « Je vais continuer. Pour toi. Pour moi. Pour tout le monde. »

Je ferme les yeux et prends une profonde inspiration, sentant pour la première fois depuis longtemps un certain apaisement m’envahir.

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