Chapitre 35 : Éclairé et Sauvetage.

Le vent glacial de la Russie siffle dans mes oreilles tandis que je scrute les alentours. Vitwento est à quelques pas, concentrée sur son travail. Elle manipule habilement ses appareils, se connectant au réseau Misaka et au réseau internet russe, piratant sans difficulté les systèmes militaires locaux. Son visage est impassible, mais je sais qu’elle analyse chaque donnée avec une précision chirurgicale.

Sarahiel, debout à côté de moi, pose une question à voix haute, brisant le silence oppressant :

« Est-ce que cette guerre n’est pas plus qu’une simple guerre politique ? Une guerre entre la magie et la science ? »

Je hoche la tête. C’est évident pour moi. Cette guerre dépasse largement les enjeux géopolitiques que les dirigeants affichent en public. Il y a quelque chose de plus profond qui se joue ici, une lutte pour le contrôle entre ces deux forces qui façonnent le monde depuis des siècles. La science, incarnée par la Cité Académique, et la magie, représentée par des organisations comme le Vatican ou encore les Thaumaturges.

« Tu as raison, Sarahiel, » dis-je calmement. « Cette guerre n’est qu’un prétexte. C’est un affrontement entre les deux mondes. Et si nous ne trouvons pas rapidement un moyen de l’arrêter, elle détruira bien plus que quelques nations. »

Ururiel, qui se tenait silencieux jusqu’alors, se redresse et ajoute avec une pointe d’inquiétude dans la voix :

« Miracolo s’occupe du Vatican, c’est vrai, et Psi est en Grèce pour rallier des alliés. Mais tant que le Royaume-Uni n’aura pas vaincu la France, les choses resteront compliquées. »

Il marque une pause, son regard tourné vers l’horizon enneigé, avant de reprendre.

« Et je crains que Miracolo ne soit trop réticent à utiliser tout son pouvoir. Il ne risquera pas de blesser des innocents, même si cela ralentit sa mission. »

Je ferme les yeux un instant, pensant à Miracolo. Il est l’un des plus puissants combattants que je connaisse, mais sa compassion pour les faibles et les innocents est à la fois sa plus grande force et sa plus grande faiblesse. Il ne prendra jamais de risques inutiles, même si cela signifie sacrifier une victoire rapide. Je ne peux que respecter cela, mais en temps de guerre, c’est un luxe que peu peuvent se permettre.

C’est alors qu’un bruit de pas rapides attire mon attention. Avant que je ne puisse réagir, un jeune garçon russe, armé d’un vieux pistolet, surgit de derrière un tas de débris. Son arme tremble entre ses mains, mais son regard est déterminé, empreint de peur et de désespoir.

Ururiel est sur lui en un clin d’œil. Il le saisit par le col avec une force brutale, le soulevant du sol sans effort.

« Je devrais le tuer, » gronde-t-il, la colère suintant de ses paroles.

« Ururiel, stop ! » intervient Sarahiel avec une voix douce mais ferme.

Elle pose une main apaisante sur son petit frère, et je peux sentir l’atmosphère se détendre légèrement. Ururiel relâche légèrement son emprise, mais ses yeux restent rivés sur le garçon, prêts à l’abattre au moindre mouvement suspect.

Je m’avance doucement, observant le garçon de plus près. Ses vêtements sont sales, usés par le froid et la misère. Il semble effrayé, mais ce qui retient mon attention, c’est la petite croix en argent qui pend à son cou. Une croix orthodoxe, brillante malgré la poussière et la neige qui l’entourent.

Je fais un pas en avant, levant une main en signe de paix.

« Attend, Ururiel. »

Le jeune garçon me regarde avec des yeux écarquillés alors que je m’approche de lui. Je m’agenouille à sa hauteur, fixant la croix.

« Cette croix... Tu es chrétien orthodoxe, n’est-ce pas ? » lui demandé-je doucement, adoptant une posture humble.

Le garçon ne répond pas immédiatement, mais je peux voir un éclat de reconnaissance dans ses yeux. Il acquiesce faiblement, ses mains toujours tremblantes sur le pistolet.

Je murmure alors une prière en russe, une prière orthodoxe. C’est une prière que j’ai apprise il y a longtemps, dans les terres de Grèce, là où la foi orthodoxe est profondément enracinée. Les paroles sont simples, mais elles résonnent dans l’air froid, brisant le silence pesant.

Le garçon abaisse lentement son arme, ses yeux remplis de surprise. Mes compagnons me regardent, déconcertés par mon comportement, mais je les ignore pour l’instant. Ce n’est pas le moment pour des explications.

« Tu n’as rien à craindre de nous, » dis-je en russe, tendant une main ouverte vers lui. « Viens à l’intérieur, tu dois être gelé. »

Après une longue hésitation, il relâche enfin son arme et prend ma main. Je l’aide à se lever, et ensemble, nous entrons dans la base, à l’abri du froid mordant.

À l’intérieur, l’atmosphère est tendue. Vitwento et Ururiel gardent un œil vigilant sur le garçon, tandis que Sarahiel lui offre un sourire rassurant. Mais je sens leur curiosité.

« Qui es-tu, petit ? » demande Vitwento d’une voix neutre, tout en gardant ses yeux fixés sur ses écrans.

Le garçon inspire profondément avant de répondre d’une voix faible, mais résolue.

« Je m’appelle Nikolo. L’archevêque de l’église orthodoxe russe a été enlevé par ceux qui ont déclenché cette guerre. J’ai entendu parler d’un homme... un certain Fiamma de la Droite. Il discute avec celui qui tire les ficelles de tout ça. »

Le nom de Fiamma résonne dans mon esprit comme une cloche d’alarme. Je connaissais ce nom grâce à Miracolo. Fiamma de la Droite, un mage d’une puissance terrifiante. Si Fiamma est impliqué dans cette guerre, alors cela dépasse de loin les simples conflits entre nations. La magie et la science ne sont plus seulement en opposition, elles sont sur le point de s’effondrer l’une sur l’autre avec des conséquences désastreuses.

Vitwento me lance un regard interrogateur.

« Comment est-ce que tu connais ce Fiamma, X ? »

Je reste silencieux un instant, réfléchissant à la meilleure manière de répondre.

« Miracolo m’a parlé de lui. Il est... un des plus grands ennemis de l’Église catholique et des Thaumaturges. »

( Dans le sens où Fiamma peut selon Miracolo aller jusqu'à tuer le Pape et prendre le contrôle de l'église Catholique romaine pour mettre en place son plan qui est contraire à ce que l'église catholique veut et vue que Miracolo est catholique, euh... )

Je prends une profonde inspiration avant de continuer.

« Quant à l’église orthodoxe... c’est celle qui prédomine en Grèce. J’ai été baptisé orthodoxe quand j’étais enfant. C’est ainsi que je connais leurs prières. »

Le silence qui suit mes paroles est lourd de signification. Mes coéquipiers, habitués à mes secrets et à mes mystères, ne posent pas plus de questions. Mais je peux sentir leur surprise et leur respect grandir.

« Alors, Nikolo, » dis-je en me tournant vers le garçon, « tu vas rester avec nous pour l’instant. Tu seras en sécurité. »

Je jette un regard à Sahariel, un sourire en coin. Elle hoche la tête, comprenant sans que j’aie besoin de le dire. Elle sera responsable de Nikolo. Et je sais qu’elle veillera sur lui avec une douceur presque trompeuse.

Mais dans le fond, je plains un peu ce garçon. Sahariel peut être un ange avec moi et avec ceux qu’elle aime, mais lorsqu’il s’agit d’obtenir des informations, elle sait exactement comment manipuler les gens. Nikolo ne sait pas dans quoi il s’est embarqué.

Alors que la tension diminue légèrement, je regarde par la fenêtre de la base. La neige tombe toujours, recouvrant le sol d’un manteau blanc immaculé. Cette guerre ne fait que commencer, et déjà, elle emporté avec elle des victimes innocents. Nous devons agir vite, ou tout sera perdu.

Le matin du 23 octobre est glacial. La neige s'étend à perte de vue, créant un paysage blanc presque irréel. Je me tiens près de la fenêtre, observant le silence des plaines russes. C’est ce silence qui m’a permis de réfléchir, de m’éclaircir l’esprit. Mais aujourd’hui, il est temps d'agir.

Avec une décision déjà prise, je sors mon téléphone. Il est temps d’appeler Kumokawa Seria. Je sais que ça ne sera pas une conversation simple, mais je ne peux pas avancer sans son approbation. Le patriarche de l'Église orthodoxe russe, Krans R. Tsarskly, est la clé pour comprendre cette guerre, pour la désamorcer. Sahariel a réussi à extraire la vérité de Nikolo – le garçon avait menti, peut-être par peur, en disant qu'il s'agissait d'un archevêque, mais en réalité, c'est Krans, un enfant, qui a été kidnappé. Il est celui que nous devons sauver.

Je compose le numéro de Seria. Le téléphone sonne quelques secondes avant qu'elle ne décroche, sa voix froide et calculatrice traversant la ligne.

« X ? Qu'est-ce qui t'amène à m'appeler si tôt ? »

Je prends une grande inspiration. « J'ai besoin de ton autorisation pour une mission spéciale. »

Il y a un moment de silence à l'autre bout, avant qu'elle ne parle à nouveau, sa voix neutre mais légèrement teintée d'intérêt. « Et quelle est cette mission ? »

Je m’apprête à entrer dans un terrain glissant. « Libérer Krans R. Tsarskly, le patriarche orthodoxe russe. C’est un enfant. Il a été kidnappé par ceux qui tirent les ficelles de cette guerre. Nous devons le sortir de là si nous voulons avoir une chance de stopper ce conflit. »

Seria reste silencieuse pendant plusieurs secondes, ce qui est rare pour elle. Je sais qu'elle réfléchit, pèse chaque mot que je viens de dire. Elle est méthodique, calculatrice, et elle ne prend jamais de décisions à la légère. Cela la rend difficile à cerner, mais c’est aussi ce qui fait d’elle une alliée redoutable.

« Et pourquoi devrais-je te donner cette autorisation, X ? Tu sais que cette mission pourrait déclencher encore plus de complications. »

Je m'y attendais. « Parce que si on libère Krans, on obtient des informations cruciales sur la véritable nature de cette guerre. Ce n'est pas simplement une guerre entre nations, c'est une guerre entre la magie et la science. Et Krans est la clé. Il sait des choses que personne d'autre ne sait. »

Elle reste silencieuse encore un instant, et je sais que je dois la convaincre davantage. Je continue, ma voix calme mais déterminée.

« Je sais que c’est risqué, Seria. Mais nous ne pouvons pas simplement rester en retrait et attendre que la situation s'aggrave. Si on ne fait rien, cette guerre va détruire tout ce que la Cité Académique a construit. »

Un léger rire s’échappe de l’autre côté de la ligne, froid et contrôlé. « Toujours aussi idéaliste, X. Mais d’accord. Je te donne ma permission, à une condition. »

Je me fige, sachant que la suite n’allait pas être simple. « Laquelle ? »

« Tu viendras me voir immédiatement après la mission. Nous devons discuter de certaines choses. En personne. »

Ses paroles sont délibérément insidieuses, et je sens qu'elle teste mes limites. Elle sait parfaitement que j'évite les confrontations inutiles avec elle, surtout celles où elle a l'avantage. Mais il est trop tard pour reculer. J’ai déjà décidé que cette mission devait avoir lieu, peu importe les conséquences.

« Je ne te promets pas de revoir mes amis avant de venir te voir, mais je serai là, » je réponds finalement, ma voix ferme mais réticente.

Seria rit doucement à nouveau. « Parfait. Je t’attendrai. Bonne chance, X. »

Je raccroche avant qu’elle ne puisse dire autre chose. Mon cœur bat un peu plus vite, pas à cause de la mission à venir, mais à cause de ce rendez-vous. Il y a quelque chose de dangereux dans ses demandes, quelque chose de manipulateur, mais je ne peux pas l’ignorer.

Je range mon téléphone dans ma poche, et me tourne vers mes coéquipiers.

Vitwento me regarde avec un air sévère, ses yeux brillants de colère contenue. « Tu es un imbécile, X. » Elle fait mine de me jeter une décharge électrique avec son pouvoir, une petite étincelle dans sa main. « Tu vas vraiment te jeter dans la gueule du loup comme ça ? Seria est beaucoup plus dangereuse qu'elle en a l'air. »

Ururiel, de son côté, me jette un regard moqueur. « Tu devrais penser à Himegami. Elle n’apprécierait pas que tu traînes avec une femme comme Seria. » Son ton est sarcastique, mais il sait qu'il touche une corde sensible.

Je pousse un soupir en les écoutant. Avant que je ne puisse répondre, Sahariel entre dans la conversation avec un sourire en coin. « Fais attention, X. Ce sont toujours les femmes intéressées qui sont les plus dangereuses. Et Seria est clairement intéressée. »

Nikolo, qui écoute la conversation avec des yeux écarquillés, semble déjà aux anges, comme s’il admirait chaque mot échangé.

Je me frotte le front, sentant un mal de tête arriver. Cette équipe va me rendre fou, mais je dois admettre que c'est aussi ce qui les rend uniques. Ils savent comment me pousser à bout, mais d’une manière ou d’une autre, je m'amuse toujours avec eux.

Je repose une main sur le front de Nikolo, qui sursaute légèrement avant de sourire timidement. Je dois lui montrer que, malgré tout, nous sommes là pour le protéger, même si nos méthodes sont parfois un peu... inhabituelles.

« Allez, on se concentre, » dis-je en regardant mes coéquipiers. « Nous avons une mission à accomplir, et Krans doit être libéré. Si Seria accepte de nous laisser faire, c’est que c’est important. »

Ils acquiescent, même si je peux sentir l'irritation de Vitwento et la méfiance d’Ururiel vis-à-vis de Seria. Quant à Sahariel, elle continue de sourire, sachant que cette situation est à la fois dangereuse et divertissante.

Je m’amuse malgré moi, mais je sais que chaque minute compte.

***

Moscou est en pleine effervescence, avec des fidèles orthodoxes qui affluent vers la grande cathédrale au cœur de la ville. La neige tombe lentement, enveloppant tout d’un voile blanc, accentuant le silence tendu qui règne dans les rues, malgré la foule. Mes coéquipiers et moi, accompagnés de Nikolo, avançons discrètement à travers les ruelles, nos vêtements traditionnels russes nous camouflant parmi les fidèles.

Le plan est simple, du moins en apparence : nous infiltrer dans le siège de l’Église orthodoxe russe, où se trouve le patriarche Krans R. Tsarskly, et le libérer. Mais je sais que rien ne sera aussi facile. En plus des fidèles, l’armée russe est partout. Ce n’est pas une mission que nous pouvons accomplir par la force brute. Pas encore.

Je sens le regard de Vitwento dans mon dos. Elle est tendue, ses sens en alerte, probablement déjà en train de scanner les réseaux environnants pour toute communication suspecte. Sahariel marche à mes côtés, calme mais prête à agir à tout moment. Ururiel traîne un peu derrière, comme toujours, mais il est loin d’être distrait. Sa vigilance est différente, presque instinctive. Quant à Nikolo, il est nerveux, ses petits yeux balayant sans cesse les environs.

La cathédrale se dessine enfin devant nous. Son dôme doré brille sous les flocons de neige, une structure imposante qui domine la ville, symbole de pouvoir et de foi. Il est clair que cette mission ne sera pas aussi simple qu’il n’y paraît. Les fidèles affluent, des centaines, voire des milliers de personnes, mêlées aux soldats qui patrouillent, leurs visages impassibles. Tout cela forme une barrière presque infranchissable.

Je m’arrête soudainement, levant la main pour signaler à mon équipe de faire de même.

« Boucher les oreilles, » je murmure.

Ils me regardent un instant, confus, mais ils obéissent sans poser de questions. Vitwento, Ururiel, Sahariel et même Nikolo placent leurs mains sur leurs oreilles, me faisant confiance, comme toujours.

Je prends une grande inspiration, sentant le pouvoir d'Omni Senses monter en moi. Mes yeux commencent à changer de couleur, un phénomène que je maîtrise à peine. Les nuances de mes yeux se mélangent, des teintes de bleu, de vert, et de doré scintillant sous les flocons de neige.

D’une voix forte, je m’adresse à la foule : « Regardez-moi ! Posez vos yeux sur moi ! »

Il y a un moment de confusion, puis lentement, les têtes commencent à se tourner vers moi, leurs yeux s'accrochant aux miens. C’est une scène étrange, presque irréelle, de voir des centaines de personnes tourner leur regard vers moi en même temps. Les soldats russes aussi ne peuvent résister, leurs visages durs se détendant alors que leurs yeux rencontrent les miens.

La neige continue de tomber, et dans ce silence hivernal, quelque chose se produit. Les gens, un par un, commencent à perdre connaissance. Leurs corps tombent lourdement dans la neige, comme des poupées de chiffon, sans bruit, sans résistance. C’est presque paisible, comme s’ils s’endormaient simplement.

Quand il n’y a plus un son, je fais signe à mes coéquipiers de retirer leurs mains de leurs oreilles.

« C'est bon, » dis-je calmement. « On peut avancer. »

Vitwento s’approche de moi, son visage marqué d'une curiosité intense. « Qu’est-ce que c’était, X ? »

Je souris légèrement, sachant qu'elle ne va pas lâcher l'affaire. Sahariel et Ururiel nous rejoignent, et même Nikolo semble attendre une explication.

« Mes yeux, » dis-je simplement, en désignant mes pupilles, qui ont repris leur teinte naturelle. « Omni Senses les modifie. Ils changent de couleur en fonction de ce que je veux faire. »

« Et alors, qu’est-ce que ça leur fait ? » demande Ururiel, toujours sceptique.

Je les regarde tous tour à tour, un sourire amusé étirant mes lèvres. « Qu'est-ce que vous pensez qu'il se passe quand vous regardez plusieurs couleurs en même temps, dans la neige ? »

Ils se regardent, chacun essayant de trouver une réponse logique. Vitwento fronce les sourcils, réfléchissant intensément. Sahariel tapote doucement son menton, tandis qu’Ururiel, comme à son habitude, reste silencieux, préférant observer plutôt que participer.

« Ça doit désorienter les sens, non ? » propose finalement Vitwento.

Je hoche la tête. « C’est ça. La neige reflète la lumière et rend les couleurs encore plus intenses. Mes yeux envoient des signaux confus au cerveau de ceux qui les regardent. C’est comme si leurs sens se mélangeaient, et avant qu’ils ne comprennent ce qui se passe, ils tombent inconscients. »

« Tu aurais pu nous en parler avant, » dit Ururiel en haussant un sourcil, son ton sarcastique.

Je hausse les épaules. « Vous êtes là pour apprendre, non ? »

Sahariel rit doucement, appréciant la légèreté de la situation malgré le contexte tendu. « On va dire que c'était une bonne leçon pratique, alors. »

Nous avançons à travers la foule évanouie, nous frayant un chemin vers la grande porte de la cathédrale. Le bâtiment est imposant, mais je peux sentir une autre présence à l’intérieur, quelque chose qui nous attend. Quelqu’un, ou quelque chose, sait que nous venons.

Nous atteignons les portes, et alors que je m'apprête à entrer, Vitwento s’arrête net, levant la main pour nous signaler de faire de même.

« Il y a un problème, » dit-elle.

Je plisse les yeux, sentant à mon tour une perturbation. Quelque chose de subtil, mais de puissant.

Avant que je puisse dire quoi que ce soit, une basse profonde résonne à travers la cathédrale, un son si puissant qu’il fait vibrer le sol sous nos pieds. Je fronce les sourcils. Une hard bass. Et pas n'importe laquelle, une hard bass produite par un pouvoir psychique.

« Couvrez vos oreilles, tout de suite ! » je crie.

Tous mes coéquipiers réagissent instantanément, se bouchant à nouveau les oreilles, mais cette fois, l'ennemi est préparé. Un esper russe, doué d'un pouvoir rare et dangereux : il peut générer des vagues sonores destructrices avec sa bouche.

La hard bass continue de résonner, martelant nos corps, faisant vibrer nos os. Même avec les oreilles bouchées, je peux sentir les ondes sonores tenter de percer ma concentration. C’est comme si le son essayait de briser mon esprit, de nous réduire à néant avec une simple mélodie destructrice.

Mais je ne me laisserai pas faire. Pas ici, pas maintenant. Mes sens sont éveillés, et je sais ce qu'il faut faire.

« Restez derrière moi ! » criai-je à mon équipe, même si le son couvre presque ma voix.

Je canalise la puissance d’Omni Senses, laissant mes perceptions s'étendre au-delà du son. Je sens les vibrations dans l'air, je les vois presque, comme des ondes invisibles qui se déplacent à travers l’espace. Je plie l’espace autour de moi, créant une barrière invisible entre nous et la source du son.

Le bruit s'arrête brusquement.

Je jette un coup d'œil à mes coéquipiers. Sahariel me regarde avec des yeux écarquillés, tandis qu'Ururiel semble sur le point de faire une remarque sarcastique, mais se retient. Vitwento, elle, a un sourire en coin. Nikolo est encore figé, probablement terrifié, mais il tient bon.

« Et voilà, » dis-je en abaissant ma barrière. « Rien de mieux qu’un peu de silence, non ? »

Ils acquiescent, et je pousse la porte de la cathédrale. L’intérieur est vaste, orné de dorures et d’icônes sacrées, mais l’ambiance est lourde, presque étouffante. L’ennemi nous attend, mais nous sommes prêts.

La mission continue, et Krans R. Tsarskly, le patriarche kidnappé, n’est plus très loin.

Nous sommes enfin arrivés à l'endroit où se trouve Krans R. Tsarskly, le patriarche de l'Église orthodoxe russe, âgé de seulement 15 ans. L’atmosphère dans la pièce est pesante, mais dès que Nikolo aperçoit Krans, il se jette dans ses bras, les larmes aux yeux. La scène est touchante, presque hors du temps, contrastant fortement avec la violence et la tension qui règnent à l’extérieur.

Krans étreint Nikolo avec affection, puis tourne son regard vers moi. Ses yeux brillent d’un mélange de soulagement et de reconnaissance. Il s'avance pour me saluer, mais avant qu'il ne puisse dire un mot, je lève la main pour l’arrêter gentiment.

« Pas de salutations formelles, Krans, » dis-je avec un sourire narquois, l’ignorant délibérément dans une scène qui aurait pu être digne d’une comédie. « Tu sais, il faudrait vraiment que je pense à arrêter de me retrouver dans ce genre de situations. À chaque fois, c'est un coup monté pour me faire plonger dans le chaos. »

Krans écarquille les yeux un instant, puis laisse échapper un petit rire, soulagé de voir que je ne lui en veux pas. « Je suis désolé, X. Je sais que tu n’as pas signé pour ça... »

Je secoue la tête, amusé. « Eh bien, infiltrer la Cité Académique au nom de l’Église orthodoxe russe... ça fait de moi un agent, je suppose ? »

« C’était aussi mon idée, » ajoute Krans, soudain plus sérieux. « Après que nous nous soyons sauvés l’un l’autre, je t’ai proposé de te faire passer pour un non-croyant, pour que tu ne sois pas dans la ligne de mire. »

Je hoche la tête, mes pensées revenant à ce moment précis, lorsque j’avais dit cette phrase ambiguë à Vento le 30 septembre. Tout cela pour éviter que la Russie, la Grèce, et moi-même ne soyons visés par la CIA qui recherche les Gemstones. Et bien sûr, la Russie est le rival historique des États-Unis. C’était un plan complexe, mais nécessaire pour protéger tout le monde.

« Les amis sont là pour ça, » je dis à Krans avec un sourire franc, ressentant la sincérité derrière ses excuses.

Sahariel, Vitwento, et Ururiel m'observent silencieusement, mais je peux sentir leur curiosité et leur étonnement derrière leurs visages neutres. Aucun d’eux ne semble m’en vouloir. Ils ont accepté la complexité de la situation avec un pragmatisme désarmant.

Mais soudain, sans prévenir, Nikolo se fait transpercer de plusieurs lames d’énergie venues de nulle part. Mon regard se fige sur lui, et une fraction de seconde plus tard, je vois l'assaillant : l'esper Hard Bass. Ses pouvoirs soniques lui ont permis de s’infiltrer sans un bruit, et maintenant, Nikolo est à terre, son corps ensanglanté.

Cependant, quelque chose d’inattendu se produit. Au lieu de réagir avec panique, un sourire énigmatique étire mes lèvres.

« Allez, Nikolo, » dis-je calmement, en me penchant vers lui. « Lève-toi. »

Mes mots sont emplis d'une étrange certitude, comme si je connaissais un secret que les autres ignoraient encore. Sahariel, Vitwento et Ururiel me regardent avec des yeux ronds, tandis que je prononce lentement son nom complet : « Nikolo Rasputin. »

À cet instant, un frisson parcourt la pièce. Sahariel se fige, reconnaissant instantanément le nom. Vitwento aussi montre une lueur de compréhension dans ses yeux, tout comme Krans.

Nikolo, qui semblait sur le point de mourir, ouvre les yeux. Un sourire narquois se dessine sur ses lèvres alors qu'il se relève lentement, comme si les blessures n'avaient jamais existé. Avec une tranquillité effrayante, il tend la main vers son assaillant, l'esper Hard Bass, et en un instant, toutes les blessures de Nikolo se transfèrent à son ennemi. Le corps de l'assaillant s'effondre, vidé de toute vie.

Ururiel, qui n'a jamais caché son admiration pour Rasputin, se précipite vers Nikolo. « Attends... T’es un descendant de Grigori Rasputin ?! »

Nikolo acquiesce avec un sourire mystérieux. « Oui. Et comme lui, j’ai hérité de certains pouvoirs, notamment son immortalité. »

« Tu pourrais... me signer un autographe ? » demande Ururiel avec des étoiles dans les yeux, oubliant complètement le contexte.

Sahariel soupire, mais elle est visiblement soulagée de voir Nikolo sain et sauf. Vitwento, elle, reste stoïque, même si je devine qu’elle analyse déjà la situation avec son intelligence habituelle.

Nikolo se redresse complètement et essuie le sang de ses vêtements. « Je suis désolé de vous avoir caché la vérité. Je ne suis pas seulement un enfant perdu... Je suis le garde du corps de Krans. C’était notre plan depuis le début. X m’a aidé en modifiant certains de mes souvenirs via son pouvoir, Omni Senses, pour que je puisse infiltrer cette situation sans éveiller de soupçons. »

Krans s’avance, un peu à l’écart, visiblement mal à l’aise. « Je te dois des excuses, X. Tout ce que tu as enduré... c’est en grande partie à cause de moi. »

Je secoue la tête, amusé par la situation malgré tout. « Krans, t'inquiète. C'est ce que font les amis, non ? »

Je ressens un sentiment de soulagement, pas seulement parce que nous avons retrouvé Krans, mais aussi parce que tout commence enfin à faire sens. Tout ce que j’ai traversé, cette mission d’infiltration dans la Cité Académique, tout cela avait un but.

Mais avant que je puisse savourer ce moment, je dois m’expliquer avec mes coéquipiers. Sahariel, Vitwento, et Ururiel me regardent avec des expressions différentes. Vitwento est probablement la plus suspicieuse, même si je sens qu'elle va me donner le bénéfice du doute.

« Alors, c’est quoi la prochaine étape ? » demande Sahariel, les bras croisés.

Je prends une profonde inspiration. « On doit renverser celui qui a pris la place de Krans et éliminer tous ses partisans. Ensuite, on sort d’ici. Simple, non ? »

Vitwento soupire et me regarde droit dans les yeux. « Tout ça... tout ça sort directement de ta tête, pas vrai ? »

Je ris doucement, reconnaissant son sens de l’humour. Sahariel intervient, avec un sourire complice. « Ne t'inquiète pas, je serai muette comme une carpe. »

Ururiel, fidèle à lui-même, hausse les épaules. « Je ne suis qu’un garçon de 12 ans avec un groupe de tarés. Qu’est-ce que tu veux que je dise ? »

Je les regarde un par un, reconnaissant pour leur soutien, malgré tout ce que nous venons de traverser.

« Merci, vraiment, » dis-je finalement, avec sincérité.

Nous sommes prêts. Ensemble, nous allons renverser le faux patriarche et mettre fin à cette folie. Et cette fois, je sais que je peux compter sur eux, quoi qu’il arrive.

Je me tiens devant la porte imposante du bureau du patriarche actuel, mon esprit en alerte maximale. Mes sens, éveillés par Omni Senses, captent chaque vibration, chaque souffle de vent autour de moi. Mes pas résonnent lourdement dans ce couloir silencieux, comme si l’espace même autour de moi retenait son souffle.

Lorsque j’entre enfin dans la pièce, le patriarche m'attend. Son sourire froid et calculateur n'a rien de surprenant. Il est assis derrière un bureau massif, une figure imposante drapée dans une robe religieuse, mais ses yeux brillent d’une ambition dévorante.

« Je savais que tu viendrais, » dit-il d'une voix doucereuse. « Depuis le début, je savais que ce jour viendrait. »

Je ne réponds pas tout de suite, le laissant s’enfoncer dans son propre discours. Il pense qu'il contrôle la situation, mais il est loin de se douter de ce qui l'attend.

« Tes parents t'ont fait venir en Grèce sous un faux nom, n’est-ce pas ? Ils t’ont caché dans cet orphelinat avant de mourir dans une mission secrète. En réalité, tu n’es pas grec, mais russe, tout comme moi. »

Il pense que ces informations vont m’ébranler, que révéler mes origines va changer quelque chose. Mais tout cela n’a pas d’importance à mes yeux. Je me souviens de tout maintenant, grâce à Omni Senses. La vérité, c’est que je n’ai jamais été défini par mes origines. Je suis plus que ce qu’il croit.

Je croise les bras, le regard fixe. « Franchement, je m’en fous, » dis-je calmement, tranchant dans son illusion de contrôle. « Mes parents ont fait ce qu’ils ont fait pour me protéger de types comme toi et de ce gouvernement corrompu qui ne voit dans les Gemstones que des armes. Peu importe mon vrai nom, le seul qui compte aujourd’hui est X Alfavito. »

Le patriarche fronce les sourcils. Mon indifférence semble l'avoir déstabilisé. « Tu penses vraiment pouvoir déjouer mes plans ? Rejoindre Fiamma de la Droite était ma carte maîtresse. Avec lui à mes côtés, nous pourrions plier la Russie et le monde entier sous notre contrôle. »

Je secoue la tête. « Fiamma de la Droite ? Je m’en doutais. Mais si tu crois que je ne savais pas que tu avais l’intention de le doubler, tu te trompes. »

Son sourire se fige alors que je continue de parler, ma voix glaciale tranchant l’air. « Ton plan n’est qu’un château de cartes qui va s'effondrer. Et je vais m'assurer que Fiamma en soit pleinement conscient. »

Il se redresse brusquement, son visage se crispant. « En ce moment même, j’ai pris tes amis en otage. » Il tente de reprendre le contrôle, mais avant même qu'il ne puisse esquisser un geste, une lumière vive éclate à plusieurs kilomètres de là.

Une explosion d'énergie traverse la pièce et frappe le patriarche de plein fouet. Il tombe en arrière, son bureau fracassé en morceaux sous la puissance du coup.

Je reste figé un instant, choqué, avant de comprendre ce qui vient de se passer. Vitwento… Elle a tiré depuis une distance incroyable, utilisant une technique similaire au Railgun, mais à un niveau que je n’avais jamais imaginé possible venant d'elle. Ce coup l’a anéanti en une fraction de seconde.

Je me tourne vers la fenêtre, fixant l’horizon lointain d’où le coup est parti. « Finalement, sa puissance est plus proche de celle d’un niveau 5 que d’un niveau 4, » murmuré-je pour moi-même, admiratif.

Un instant plus tard, la porte s'ouvre et Nikolo, Krans, Sahariel et Ururiel entrent dans la pièce, apparemment inconscients de ce qui vient de se passer. Ils semblent soulagés de me voir intact, et je les accueille avec un sourire rassurant.

« On dirait que tout est sous contrôle ici, » dit Sahariel avec un sourire amusé, observant les débris du bureau du patriarche.

« Plus ou moins, » je réponds en haussant les épaules.

Le faux patriarche gît inconscient sur le sol. Nous n’avons plus qu’à le faire arrêter. Pourtant, quelque chose me dérange encore. Nous avons neutralisé ce traître, mais la guerre n’est pas finie. Derrière lui, Fiamma de la Droite continue de tirer les ficelles.

Soudain, un téléphone sonne dans la poche du patriarche. Je le saisis sans hésiter. C’est un coup de poker, mais je décide de répondre.

« Fiamma, » dis-je d'une voix calme et assurée.

Il y a un silence de l’autre côté de la ligne. Puis, une voix grave et calme me répond. « X Alfavito. Je présume que tu es celui qui a défait mon allié. »

« La Russie a perdu, » je déclare sans détour, ma voix ferme. « Tes plans sont en ruines, et ce n’est qu'une question de temps avant que tu ne tombes. »

Il rit doucement de l’autre côté. « Penses-tu réellement pouvoir me menacer, enfant ? Je suis Fiamma de la Droite. L’Église catholique, l’Europe, et bientôt le monde seront à mes pieds. »

Une bataille psychologique s'engage entre nous, chaque mot pesé, chaque réplique tranchante. Mais je sais exactement comment l’atteindre.

« Peu importe que tu te caches derrière des titres ou des factions, Fiamma, » je réplique, ma voix se durcissant. « Tôt ou tard, Touma, Miracolo, quelqu’un d’autre, ou moi-même te mettrons en pièces. Et pas seulement pour tes plans de conquête. Mais parce que tu as osé toucher à Index et à la chrétienté. »

Un silence s’installe à l’autre bout du fil. Je sens que j’ai touché une corde sensible.

« Tu parles de défendre la chrétienté, » rétorque Fiamma finalement. « Mais tu n’as aucune idée du véritable fardeau que je porte. »

« Peut-être, » dis-je en haussant les épaules, même s’il ne peut pas me voir. « Mais je vais te dire une chose : peu importe tes raisons. Tu as déjà perdu. »

Je raccroche sans attendre sa réponse. C’est une déclaration de guerre. Mais c’est aussi un message clair. Peu importe où il se cache, nous le trouverons, et nous l’arrêterons.

Je me tourne vers mes amis, mes alliés. Krans, Nikolo, Sahariel, Ururiel, Vitwento... Ils me regardent tous avec confiance, prêts pour la suite.

« On vient de déclarer la guerre à Fiamma de la Droite, » dis-je avec un sourire en coin. « Prêts à en découdre ? »

Sahariel hoche la tête, une lueur dangereuse dans ses yeux. « Toujours. »

Ururiel sourit en coin. « Eh bien, je suis un gamin de 12 ans, mais je suis prêt à casser des têtes. »

Krans, plus sérieux, pose une main sur mon épaule. « Nous allons le faire tomber. Ensemble. »

Je les regarde tous un par un, reconnaissant pour leur loyauté et leur force. Nous sommes au cœur d'une guerre qui dépasse tout ce que nous avons connu. Mais ensemble, je sais que nous avons une chance. Une chance de changer le cours de l’histoire.

« Alors allons-y, » dis-je finalement. « Fiamma de la Droite n’a encore rien vu. »

Et avec ces mots, nous quittons la pièce, prêts à affronter la suite.

On y va !

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