Chapitre 17 : Opération - Reste du Tree Diagram I

Le 13 septembre est une journée longue et épuisante, mais pour une fois, elle a un sens. Depuis le lever du jour, Sogita et moi arpentons les rues de la Cité Académique, comme deux fantômes de justice. On ne laisse rien passer. On traque les délinquants, les criminels, les espers malveillants, qu’ils soient petits ou grands. On rétablit un peu d’ordre dans ce chaos perpétuel, mais surtout, on aide les gens. Les civils qui n’ont rien demandé, ceux qui sont pris dans les filets de cette ville qui broie les âmes les plus faibles.

Les heures passent, mais on ne s’arrête pas. On intervient dans des disputes, on empêche des vols, on arrête quelques agresseurs. Sogita est tout sourire, comme s’il prenait plaisir à chaque confrontation. Moi, je me contente de faire ce qu’il faut, d’agir sans réfléchir. Il n’y a pas de place pour les doutes, ni pour les émotions. Juste l’action, pure et simple. On remonte le moral de ceux qu’on croise, on rend un peu d’espoir à ceux qui en ont perdu. C’est étrange, cette sensation de faire quelque chose de bien dans un monde qui semble si mal foutu.

Alors que la journée tire à sa fin, je décide de rentrer chez moi. Mon corps est épuisé, mais mon esprit reste alerte. Chaque rue que je traverse, chaque visage que je croise, tout est une menace potentielle. Dans cette ville, il faut toujours rester sur ses gardes, même après une journée comme celle-ci.

C’est alors que je la vois. Kuroko Shirai, de Judgment, au loin. Son regard est déjà fixé sur moi. Instinctivement, mon corps se tend. Pas aujourd’hui, pas maintenant. Je n’ai ni l’envie ni l’énergie pour un interrogatoire. Alors, je fais ce qui me semble le plus logique : je commence à courir, plus vite que d’habitude, accélérant mon pas avec l’aide de mon toucher.

Mais elle n’est pas de celles qu’on peut semer facilement. En un instant, elle se téléporte devant moi, mais je l’esquive d’un mouvement fluide. Pourtant, elle ne lâche pas l’affaire. Elle bloque ma route une seconde fois, son regard de fer planté dans le mien.

Je sais que je pourrais la semer, mais quelque chose me retient. C’est Judgment, après tout. Si je ne coopère pas, ça pourrait mal tourner. Alors je décide de jouer le jeu, pour le moment. Je m’arrête net, lui laissant le bénéfice du doute.

« Qu’est-ce que tu fais, Khi ? » Sa voix est ferme, teintée d’une légère exaspération.

Je soupire. Évidemment, elle est déjà au courant de ce que j’ai fait toute la journée, mais elle veut l’entendre de ma bouche. Je lui dis calmement que je la suivrai où elle veut, si elle tient vraiment à m’interroger.

Sans dire un mot de plus, elle m’entraîne vers le bureau de Judgment. Je la suis, non pas par obligation, mais par une certaine lassitude. Si ça peut lui faire plaisir de m’entendre dire ce qu’elle sait déjà, alors autant en finir rapidement.

Quand nous arrivons, je découvre Uiharu Kazari et Ruiko Saten déjà présentes. Elles me regardent, un mélange de curiosité et d’inquiétude dans les yeux. C’est comme si elles se demandaient ce que je fais là, dans leur repaire. J’imagine que Kuroko leur a déjà raconté une partie de l’histoire, mais ça ne me surprend pas.

Je soupire, le poids de cette journée commençant à peser sur mes épaules. Tout ce que je veux, c’est en finir avec ça. Heureusement pour moi, ce n’est pas Kuroko qui fait mon interrogatoire, du moins c’est ce que je crois. Mais elle n’est pas du genre à lâcher prise si facilement.

Elle commence avec une question simple : « Qu’est-ce que tu faisais, Khi ? »

Je la regarde, un sourire en coin. « Si tu connais déjà la réponse, pourquoi tu me la demandes ? »

Elle fronce les sourcils, visiblement agacée par ma réponse. « Ce n’est pas le moment pour jouer, Khi. Je veux que tu me le dises toi-même. »

Je soupire, réalisant que je n’échapperai pas à cette conversation. D’un ton aussi neutre que possible, je lui explique que Sogita et moi avons passé la journée à aider les gens, à remettre un peu d’ordre dans la ville. Nous avons fait ce que Judgment fait, mais à notre manière. Rien de plus, rien de moins.

Elle me regarde longuement, comme si elle cherchait la moindre faille dans mon récit. « Et pourquoi tu n’as rien dit à Judgment ? Pourquoi agir dans l’ombre ? »

Je la fixe avec un calme glacial. « Tu ne m’as pas laissé le temps. Dans la rue, tu étais déjà prête à m’arrêter et à m’interroger. »

Elle reste silencieuse, cherchant ses mots. « Tu as essayé de fuir. »

« Parce que je savais ce que tu voulais faire, » je réplique froidement. « Tu voulais m’arrêter, m’interroger, me juger sans même connaître le contexte. »

Nos regards se croisent, une tension palpable dans l’air. Je sens qu’elle veut riposter, mais elle se retient. Juste à temps, Yomikawa Aiho et Komoe-sensei entrent dans la pièce.

Je me tourne vers Kuroko une dernière fois avant de partir. « J’ai l’habitude qu’on me juge salement. Tu ne seras pas la dernière. »

Mais alors que je me détourne pour les suivre, elle me retient par un dernier mot. « Ce n’est pas une excuse pour être aussi froid, tu pourrais... »

Sa voix se brise, s’étouffant dans sa gorge quand elle croise mon regard. Elle doit voir dans mes yeux une vérité que je cache depuis trop longtemps : j’ai déjà essayé d’être autrement, de ne pas être cette lame glaciale, mais ça n’a jamais marché.

Je m’éloigne, sans me retourner, laissant derrière moi un silence lourd, plein de non-dits. Je ne suis pas sûr de ce que Kuroko a compris, mais peu importe. Ce qui compte, c’est que je continue d’avancer, même si je dois le faire seul.

Le crépuscule tombe sur la Cité Académique, enveloppant les rues de son voile sombre et silencieux. Après l’interrogatoire avec Kuroko, je suis rentré chez moi pour réfléchir. Mais la tranquillité de la nuit ne parvient pas à apaiser mon esprit. Mes pensées sont embrouillées, agitées par les révélations et les questions qui ont émergé au cours de la journée.

Le Tree Diagram, ou ce qu’il en reste, est en train d’être rassemblé. Et avec lui, la menace de voir ressurgir des projets sinistres comme Sisters ou le Level 6 Shift. Ces mots résonnent dans ma tête, lourds de sens et de conséquences. Je sais que je ne peux pas laisser ça se produire. Si ces projets reprennent, alors d’innombrables vies seront à nouveau en danger. Et cette fois, je dois m’assurer que cela n’arrive pas.

Je sors mon téléphone et compose un numéro. L’appel est rapidement pris, et une voix monotone, familière, répond à l’autre bout.

« Misaka numéro 22, » dis-je calmement. « J’ai besoin de ton aide. »

Il y a un court silence, puis sa voix résonne à nouveau, posée et sans émotion apparente. « Quelles sont vos instructions, Khi ? »

« Je veux que tu espionnes Kuroko Shirai. Je dois savoir ce qu’elle fait, ce qu’elle prévoit. Elle est de Judgment, et je ne peux pas prendre de risques avec elle. Mais ce n’est pas tout. Je veux aussi que tu surveilles Awaki Musujime. Elle est une utilisatrice de Move Point, et je suis sûr qu’elle a un rôle à jouer dans tout ça. Le Tree Diagram pourrait être entre leurs mains ou pire, elles pourraient être en train de rassembler les pièces manquantes. »

« Compris, » répond-elle sans la moindre hésitation. « Je vais commencer immédiatement. »

Je raccroche, l’esprit toujours aussi tourmenté. Je sais que demander à Misaka 22 d’espionner Kuroko est une décision risquée. Mais je n’ai pas le choix. Cette situation dépasse de loin les simples préoccupations de Judgment ou de l’Anti-Skill. C’est une menace pour toute la Cité Académique, et peut-être même au-delà.

Je m’appuie contre le mur de ma chambre, les bras croisés, réfléchissant à la suite des événements. L’idée de m’allier à Kuroko me traverse l’esprit, mais ce ne sera pas simple. Après ce qui s’est passé aujourd’hui, je doute qu’elle soit d’accord pour me faire confiance. Et pour être honnête, je ne suis pas sûr de pouvoir lui faire confiance non plus. Mais si nous devons stopper ce projet, je n’ai pas vraiment d’autre choix.

Je ferme les yeux un instant, repensant à la journée. Les rencontres, les confrontations, tout semble si loin déjà. Et pourtant, je sais que c’est loin d’être terminé. Le Tree Diagram, même en miettes, reste une menace bien réelle. Et les personnes qui cherchent à le restaurer ne reculeront devant rien pour parvenir à leurs fins.

Alors que je suis perdu dans mes pensées, mon téléphone vibre dans ma poche. Je le sors et vois un message de Misaka 22.

« Kuroko Shirai est en mouvement. Elle se dirige vers le quartier 19. Je continue de la suivre. »

Le quartier 19. Un lieu peu fréquenté, mais stratégique pour ceux qui connaissent les rouages de la Cité Académique. S’il se passe quelque chose d’important ce soir, ce sera là-bas.

Je me redresse, prenant une décision rapide. Il est temps d’agir. Je ne peux pas laisser Kuroko ou quiconque avancer sans savoir ce qui se trame réellement. Et si je dois la confronter à nouveau, cette fois je le ferai à ma manière.

Je quitte rapidement mon appartement, me fondant dans l’ombre des rues désertes. Le quartier 19 n’est pas loin, mais je préfère rester discret. Si quelqu’un est déjà là-bas, je dois les surprendre avant qu’ils ne se rendent compte de ma présence.

Les rues se succèdent, sombres et silencieuses. L’air est frais, presque froid, comme pour annoncer une nuit pleine de dangers. Mais je suis prêt. Chaque pas me rapproche un peu plus de ma destination, de ce qui pourrait bien être le point de non-retour.

Finalement, j’atteins le quartier 19. Je m’arrête un instant, observant les alentours. Les bâtiments sont vieux, pour la plupart abandonnés. Un lieu parfait pour ceux qui souhaitent agir dans l’ombre, loin des regards indiscrets. Je me faufile dans une ruelle, avançant prudemment vers la zone où Kuroko a été vue pour la dernière fois.

Mon téléphone vibre à nouveau. Un autre message de Misaka 22.

« Kuroko Shirai est entrée dans un bâtiment au sud du quartier. Aucun autre mouvement détecté pour le moment. Awaki Musujime n’a pas été localisée. »

Je hoche la tête, satisfait de ces informations. Mais quelque chose me dérange. Pourquoi Kuroko se rendrait-elle ici, seule ? Elle est puissante, certes, mais prudente. Et ce quartier n’est pas exactement le genre d’endroit où l’on se promène sans raison.

Je continue d’avancer, me dirigeant vers le sud, où se trouve le bâtiment en question. Il est délabré, les fenêtres brisées, l’enseigne à moitié effacée par le temps. Je me rapproche, prenant soin de rester dans l’ombre.

À l’intérieur, tout est silencieux. Trop silencieux. Je m’arrête devant la porte, tendant l’oreille. Aucun bruit ne me parvient, mais je sais que Kuroko est là. Je prends une profonde inspiration, prêt à entrer, quand soudain, une présence se fait sentir derrière moi.

Je me retourne d’un geste rapide, mais trop tard. Une force invisible me soulève du sol, me projetant contre le mur avec violence. Je grogne de douleur, tentant de reprendre mes esprits. Mais avant que je puisse réagir, une voix familière résonne dans l’air.

« Tu es trop prévisible, Khi. »

Awaki Musujime sort de l’ombre, un sourire narquois sur le visage. Elle se tient à quelques mètres de moi, le regard plein de défi.

« Je savais que tu viendrais ici. Tu ne peux pas t’empêcher de jouer les héros, hein ? »

Je me redresse, les muscles tendus, prêt à riposter. « Tu es impliquée dans le rassemblement des restes du Tree Diagram, n’est-ce pas ? »

Elle hausse un sourcil, comme amusée par ma question. « Peut-être bien. Mais ce qui m’intéresse vraiment, c’est de voir jusqu’où tu es prêt à aller pour m’arrêter. »

Avant que je puisse répliquer, elle utilise à nouveau son pouvoir, me forçant à esquiver une série d’attaques. Ses mouvements sont rapides, précis, mais je parviens à les contrer. Cependant, je sais que je ne tiendrai pas longtemps à ce rythme.

« Où est Kuroko ? » je crie, tentant de la distraire.

Awaki rit doucement, un son glacial qui résonne dans la nuit. « Elle est déjà loin d’ici. Tu as vraiment cru que tu pourrais la retrouver aussi facilement ? »

Je serre les dents, réalisant que je suis tombé dans un piège. Elle m’a attiré ici pour me détourner de la véritable menace. Et maintenant, je suis seul face à elle, avec peu d’options pour m’en sortir.

Mais je ne suis pas du genre à abandonner si facilement. Rassemblant mes forces, je me prépare à contre-attaquer, déterminé à ne pas laisser Awaki s’échapper. Si je dois l’affronter ici et maintenant, alors je le ferai, jusqu’au bout.

L’air se tend, chargé d’électricité. Les secondes s’égrènent, chaque instant pouvant être le dernier. Mais au fond de moi, je sais que cette nuit ne se terminera pas sans un affrontement décisif.

Et je suis prêt à tout pour remporter cette bataille, pour protéger ceux qui comptent encore sur moi, même si cela signifie faire alliance avec ceux que je considère comme des ennemis.

Alors que nos regards se croisent, une seule pensée me traverse l’esprit : il est temps de jouer selon mes propres règles.

Le combat avec Awaki Musujime débute de manière intense, son pouvoir de Move Point envoyant une pluie d’objets en tout genre dans ma direction. Chacune de ses attaques est rapide, précise, et dangereuse. Des débris, des fragments de métal, et des objets divers volent à une vitesse effrayante, menaçant de me réduire en morceaux. Mais je suis prêt. Je n’ai pas seulement anticipé ses mouvements, j’ai aussi prévu une contre-attaque qu’elle n’aura pas vue venir.

À l’instant où elle tente de m’écraser sous une colonne de métal, j’active mon champ Anti-Spatial. Ce n’est pas une simple barrière ou un bouclier ordinaire. Ce champ est le résultat de mes expérimentations, une extension de mon champ anti-vectoriel que j’ai utilisé pour contrer Accelerator. Mais cette fois, il est conçu pour contrer le pouvoir de téléportation d’Awaki. Dès qu’un objet est déplacé dans ma direction, il rencontre une résistance invisible, un mur d’énergie qui dissipe sa force et l’immobilise. Les débris volent autour de moi, mais aucun ne parvient à m’atteindre.

« Quoi ? » s’écrie Awaki, la surprise visible dans sa voix. « Comment… ? »

Je ne lui laisse pas le temps de comprendre. Je concentre mon pouvoir, étendant le champ Anti-Spatial pour couvrir toute la zone du combat. Chaque fois qu’elle tente de déplacer quelque chose avec son pouvoir, le champ l’arrête net. Je sais que cela ne tiendra pas éternellement, mais pour le moment, c’est suffisant pour la déstabiliser.

Awaki recule, comprenant que son atout principal est neutralisé. Elle change de tactique, tentant de me forcer à quitter la zone protégée. Si je sors du champ, elle reprendra l’avantage, c’est évident. Mais ce qu’elle ignore, c’est que je ne suis pas limité à cette zone. Je l’ai laissée croire que c’était mon point faible, mais en réalité, j’ai bien plus de ressources que cela.

Grâce à ma vue perçante, je repère chacun de ses mouvements, même les plus infimes. Mon ouïe, aiguisée au-delà de la normale, capte le moindre son de ses déplacements, tandis que mon odorat détecte sa présence dans l’air. Et pour ajouter à mon avantage, j’ai gardé une mèche de ses cheveux que j’ai coupée plus tôt dans notre confrontation. C’est une technique simple mais efficace.

Je porte la mèche à ma bouche et la mâche doucement. Mon pouvoir se déclenche, changeant mon apparence pour prendre celle d’Awaki. Je sens la transformation se produire, mes traits se modifiant pour ressembler aux siens, ma taille et ma silhouette se réajustant. Cela pourrait sembler un simple tour de passe-passe, mais c’est bien plus que ça. En prenant son apparence, j’acquiers aussi une compréhension instinctive de son pouvoir. C’est une capacité que j’ai développée au fil du temps, une forme de mimétisme qui me permet d’utiliser les pouvoirs de ceux dont je prends l’apparence, même si c’est de manière limitée.

Avec ma nouvelle forme, j’utilise Move Point de manière bien plus subtile. Au lieu de déplacer des objets massifs, je me concentre sur des projectiles minuscules mais mortels : des éclats de plomb. Ils sont petits, presque invisibles, mais d’une létalité redoutable. J’envoie ces projectiles dans toutes les directions, saturant l’espace autour d’elle. Awaki ne s’y attend pas. Elle parvient à en éviter quelques-uns, mais pas tous. Un éclat passe près de son visage, l’effleurant juste assez pour lui faire perdre sa concentration.

C’est à ce moment-là que l’Anti-Skill arrive. Le bruit des sirènes et des véhicules blindés se fait entendre, se rapprochant rapidement de notre position. Awaki jette un coup d’œil aux alentours, comprenant que son temps est écoulé. Elle ne peut pas se permettre d’être capturée, et je le sais. Si elle reste, elle risque non seulement d’être arrêtée, mais aussi de voir ses plans tomber à l’eau. Et je suis certain que l’idée de perdre est insupportable pour elle.

Elle se prépare à fuir, mais pas sans un dernier regard haineux dans ma direction. « Ce n’est pas fini, Khi. Tu n’as gagné qu’une bataille. »

Je lui rends son regard, maintenant son apparence. « Peut-être. Mais pour ce soir, c’est toi qui perds. »

Elle ne répond rien, se concentrant uniquement sur sa fuite. En un instant, elle utilise son pouvoir pour se téléporter loin de moi, hors de portée des forces de l’Anti-Skill. Je la laisse partir, sachant que ce combat est terminé, pour l’instant du moins. Il y en aura d’autres, c’est certain. Mais ce soir, j’ai fait ce que je devais faire.

Je ne perds pas de temps. Je sais que l’Anti-Skill ne fera pas de distinction entre elle et moi si je suis découvert ici. Toujours sous son apparence, je me concentre, puis me téléporte loin de cette zone, jusqu’à l’endroit le plus sûr que je connaisse : chez moi. L’air se distord autour de moi alors que je me déplace à travers l’espace, et en un instant, je suis de retour dans mon appartement, la sécurité des murs familiers m’enveloppant.

Je relâche enfin mon pouvoir, reprenant ma véritable apparence. Mon téléphone vibre dans ma poche, me signalant un appel entrant. Je le sors et vois que c’est Misaka 22. Je décroche immédiatement.

« Comment ça s’est passé ? » demande-t-elle, sa voix monotone mais avec une légère inflexion d’inquiétude.

« Je vais bien, » je réponds, essayant de ne pas laisser transparaître la fatigue qui commence à s’installer. « Awaki a dû fuir quand l’Anti-Skill est arrivé. Grâce à toi, Kuroko ne m’a pas retrouvé. »

« Heureux de l’entendre, » dit-elle. « Voulez-vous que je continue la surveillance ? »

Je réfléchis un instant. Awaki a réussi à échapper à l’Anti-Skill, et Kuroko pourrait encore essayer de me retrouver. Mais pour l’instant, je dois me concentrer sur autre chose.

« Oui, continue de surveiller. Mais sois discrète. La dernière chose dont j’ai besoin, c’est que quelqu’un découvre ce que nous faisons. »

« Compris. Je vous tiendrai au courant. »

Je raccroche, poussant un soupir de soulagement. Ce combat était plus difficile que je ne l’aurais pensé, mais je suis satisfait du résultat. Awaki est en fuite, et je suis toujours en liberté, prêt à continuer la lutte contre ceux qui veulent restaurer le Tree Diagram.

Je m’affale sur mon lit, les événements de la journée défilant dans mon esprit. Ce n’est qu’un début, je le sais. La route à venir sera longue et semée d’embûches. Mais peu importe les obstacles, je suis prêt à les affronter. Parce qu’il y a trop en jeu pour que je me permette d’échouer. La Cité Académique est un champ de bataille, et ce soir, j’ai remporté une petite victoire. Mais la guerre est loin d’être finie.

Je ferme les yeux, laissant le silence de la nuit m’envelopper, me préparant pour ce qui m’attend demain.

Après les cours du 14 septembre, je monte sur le toit de l’école, là où Sogita Gunha m’attend. Le soleil commence à décliner, baignant la ville d’une lumière dorée qui adoucit les contours des bâtiments et des rues en contrebas. Il y a un calme étrange dans l’air, comme si le monde retenait son souffle en attendant que quelque chose se produise.

Sogita, toujours aussi énergique, me salue avec son habituel sourire confiant. C’est un sourire qui semble pouvoir repousser toutes les ténèbres, et je dois admettre que sa présence a cet effet sur moi. Nous nous installons sur le rebord du toit, les jambes pendantes dans le vide, tandis que nous regardons l’horizon.

« Alors, X, qu’est-ce qui t’amène ici ? » demande-t-il, sa voix pleine de cette énergie qui lui est propre.

Je prends un moment pour organiser mes pensées. La question qu’il pose est simple, mais ma réponse ne l’est pas. Je réfléchis à la meilleure manière de lui expliquer ce qui me trotte dans la tête depuis un certain temps. Gunha est quelqu’un de direct, de brut, mais aussi étonnamment perspicace quand il le veut. S’il y a bien quelqu’un dans cette ville qui pourrait comprendre, c’est lui.

« Gunha, » je commence, en choisissant mes mots avec soin, « tu sais, je ne me contente pas d'utiliser mes cinq sens comme le ferait n'importe quel humain. »

Il hoche la tête, m'encourageant à continuer.

« En fait, je les éveille, » dis-je. « Quand je dis éveiller, je veux dire les pousser au maximum de leurs capacités, à un niveau que la plupart des gens ne pourraient même pas imaginer. Je ne me contente pas de voir le monde tel qu'il est, je vois ce qui est au-delà. Au-delà du visible, au-delà des limites du possible. »

Gunha fronce légèrement les sourcils, intrigué mais aussi concentré sur mes paroles. Il n'est pas du genre à se perdre dans les détails, mais il sait que ce que je dis a une importance.

« Imagine les capacités de Bouddha à leur maximum, » continué-je. « Par exemple, mes yeux ne se contentent pas de voir ce qui est visible, ils vont au-delà. Ils perçoivent l'énergie, les flux de pouvoir, les vibrations les plus subtiles du monde autour de moi. Ma langue ne sert pas qu'à manger ou à parler. Elle me permet de traiter chaque cellule que je rencontre. Je peux accepter ou rejeter une cellule, je peux analyser chaque élément que je goûte. »

Je vois Gunha hocher la tête à nouveau, absorbant mes paroles.

« Mes oreilles ne se contentent pas d'entendre ce qui est du son. Elles sont capables de détecter des fréquences inaudibles pour l'oreille humaine. Elles captent des signaux, des ondes, des vibrations que personne d'autre ne peut percevoir. »

Je fais une pause, laissant tout cela s’imprégner en lui avant de poursuivre.

« Et puis il y a le toucher. Si je peux créer tous ces champs, ces barrières, c’est parce que j'ai touché ou été touché par quelque chose dans ce monde. Je peux sentir les choses à un niveau microscopique, je peux comprendre la structure de ce que je touche, je peux même influencer ce que je touche. Si je touche quelque chose ou si quelque chose me touche, je peux en comprendre la nature profonde. C'est une ironie, vraiment, parce que toi, tu fais tellement de choses sans même comprendre tes pouvoirs, et moi, je passe mon temps à analyser, à comprendre, mais j’en fais si peu. »

Gunha me regarde, son sourire s’élargissant, mais cette fois, il est différent. Il n'est plus seulement confiant, mais aussi respectueux. « C’est impressionnant, X. Je n’avais jamais pensé à tout ça de cette manière. »

Je hoche la tête, reconnaissant pour ses mots. « Merci, Gunha. Ça me fait plaisir de savoir que tu existes. Je veux devenir plus fort, et je pense que je le serai, surtout avec le festival qui approche. »

Il me donne une tape amicale sur l'épaule, et nous restons là, un moment, en silence, chacun perdu dans ses pensées. Mais je sais que je dois encore accomplir quelque chose avant que la nuit ne tombe complètement.

***

Plus tard, alors que le crépuscule tombe, je me transforme en une élève inconnue et me téléporte directement à Tokiwadai. Il me faut peu de temps pour localiser Kuroko Shirai. La connaissant, elle serait probablement sur ses gardes, surtout après notre dernière rencontre.

Je la trouve dans les couloirs de l’école, sa posture rigide et son regard méfiant. Je m'approche d'elle, m'arrêtant à une distance raisonnable.

« Kuroko, » dis-je, utilisant une voix qui n'est pas la mienne. Elle se retourne brusquement, la main déjà prête à saisir ses aiguilles. « Attends. Je ne suis pas ton ennemi. »

Elle fronce les sourcils, prête à réagir à la moindre menace.

« Qui êtes-vous ? » demande-t-elle, son ton méfiant.

« Ce n'est pas important pour l'instant, » dis-je, levant les mains en signe de paix. « Mais j'ai des informations importantes à te transmettre. »

Kuroko ne relâche pas sa garde, mais elle incline légèrement la tête, m'indiquant de continuer.

« Il s’agit d’Awaki Musujime, l’utilisatrice de Move Point, » dis-je doucement. « Elle est impliquée dans une tentative de reconstitution des restes du Tree Diagram. Si elle réussit, les projets comme Sisters et Level 6 Shift pourraient reprendre. »

Elle semble surprise, mais elle ne laisse rien transparaître. « Comment savez-vous cela ? »

Je fais un pas en avant, tentant de la convaincre de la gravité de la situation. « Parce qu'elle veut me prendre pour cible, ainsi que la Railgun. Si tu veux protéger les civils et empêcher une nouvelle tragédie, tu dois écouter ce que j'ai à dire. »

Elle reste silencieuse un moment, évaluant mes paroles, cherchant à discerner si je dis la vérité ou si c’est un piège. Je peux voir l’hésitation dans ses yeux, mais aussi sa détermination.

« Très bien, » dit-elle enfin. « Je suis prête à écouter. Mais à une condition. »

« Laquelle ? » Je plisse les yeux, m’attendant à quelque chose de difficile à accepter.

« Transformez-vous en Misaka. »

Je reste un instant silencieux, digérant sa demande. Je comprends pourquoi elle demande cela. Peut-être que cela la rassurerait, ou lui prouverait que je ne suis pas un ennemi. Mais même ainsi, je ne peux pas me résoudre à le faire.

« Non, » dis-je fermement. « Je ne me transformerai pas en Misaka. Ce serait irrespectueux envers elle, et envers moi-même. »

Son regard devient plus dur. « Dans ce cas, pourquoi devrais-je te faire confiance ? »

Je secoue la tête, désolé que les choses se terminent ainsi. « Si c’est le prix à payer pour gagner ta confiance, alors je préfère m’en aller. »

Je tourne les talons, prêt à partir, mais avant de me téléporter, je lui lance un dernier regard.

« Pense à ce que je t’ai dit. Awaki ne reculera devant rien. Si tu changes d’avis, je serai prêt à coopérer. »

Sans attendre sa réponse, je me téléporte hors de Tokiwadai, de retour dans la nuit tranquille de la Cité Académique. Je ne peux pas forcer quelqu’un à me faire confiance, et encore moins quand cela implique de renoncer à mes propres principes. Mais je sais que le temps presse, et que tôt ou tard, Kuroko comprendra que nous devons travailler ensemble pour arrêter ce qui se prépare.

Pour l’instant, je vais continuer à surveiller la situation de près. Awaki est dangereuse, et tant qu’elle est en liberté, personne n’est en sécurité. Il est temps de se préparer pour la prochaine confrontation.

Je me tiens là, immobile sur le toit d’un des nombreux bâtiments de la Cité Académique, caché dans les ombres de la nuit. Sous l’apparence d’une élève de Tokiwadai, je suis presque invisible, un fantôme parmi les lumières vives de la ville. Mes yeux, bien au-delà de ce que les simples mortels peuvent percevoir, parcourent l’étendue urbaine, cherchant, analysant, anticipant. Chaque mouvement, chaque flux d’énergie, chaque vibration dans l’air me parle, me raconte une histoire que peu peuvent comprendre.

Ce soir, je ne suis pas là pour agir directement. Ce soir, je suis un spectateur, un observateur silencieux de la bataille qui se déroule en contrebas, dans une ruelle étroite et mal éclairée. Là, je vois Kuroko Shirai, l’impétueuse téléporteuse de Judgment, se préparer à affronter une ennemie bien plus redoutable qu’elle ne le réalise.

Awaki Musujime, l’utilisatrice de Move Point, est un adversaire redoutable, et je sais qu’elle a un net avantage sur Kuroko. Ses capacités lui permettent de déplacer n’importe quel objet à volonté, dans un rayon bien supérieur à celui de Kuroko. C’est une force que peu peuvent contrecarrer, et je me demande si Kuroko réalisera rapidement qu’elle est dépassée.

Je me mets à commenter mentalement ce que je vois, comme si je m’adressais à un public invisible.

*La première erreur de Kuroko : elle sous-estime son adversaire. Ce n’est pas une simple délinquante qu’elle affronte, c’est une stratège qui sait exploiter la moindre faiblesse.*

Kuroko fonce tête baissée, utilisant ses aiguilles comme arme principale. Elle les téléporte avec précision, visant les points vitaux d’Awaki. Mais cette dernière esquive avec une facilité déconcertante, déplaçant des objets autour d’elle pour bloquer ou dévier les attaques. Un panneau métallique, une poubelle, même un vélo qui traîne, tout devient une arme ou un bouclier sous le contrôle de Move Point.

*Deuxième erreur : Kuroko n’a pas encore compris que chaque attaque directe ne fait qu’offrir à Awaki plus de munitions. Elle joue sur un terrain où elle est en infériorité.*

Je pourrais intervenir. Je pourrais mettre fin à ce combat en un instant, utiliser mon propre pouvoir pour neutraliser Awaki, pour sauver Kuroko de la défaite. Mais ce n’est pas ce que je veux. Pas encore. Ce combat a une valeur stratégique. Je dois savoir combien de temps Kuroko peut tenir face à elle. Jusqu’où elle est prête à aller. C’est une information précieuse pour mon plan final.

Awaki commence à prendre l’avantage. Elle n’a même pas besoin de se rapprocher de Kuroko, elle manipule son environnement avec une telle aisance que chaque mouvement de Kuroko devient plus difficile, plus risqué. Une plaque d’égout est soulevée du sol, projetée avec une force terrifiante. Kuroko l’esquive de justesse, mais je peux voir l’effort qu’il lui en coûte.

*Troisième erreur : Kuroko tente de la battre sur son propre terrain, celui de la téléportation. Mais Move Point n’est pas un simple pouvoir de déplacement. C’est une extension de la volonté d’Awaki, un contrôle presque absolu sur l’espace autour d’elle.*

Kuroko se retrouve acculée, dos au mur, littéralement. Awaki profite de chaque ouverture, poussant Kuroko dans ses retranchements. Chaque objet devient un projectile mortel, chaque mouvement de Kuroko est anticipé, contré. Le combat tourne lentement mais sûrement en faveur d’Awaki.

Je ressens une légère frustration en moi, un désir instinctif d’intervenir, de prendre les choses en main. Ma main se lève automatiquement, comme pour projeter une barrière, ou pour lancer une attaque. Mais elle se pose sur ma poitrine, comme pour me rappeler que je dois rester en retrait pour l’instant.

Ce geste me perturbe légèrement. Sous ma véritable apparence, ce geste est un symbole, un rituel presque. Mettre la main sur mon cœur, c’est réaffirmer ma conviction, ma détermination à ne jamais faillir. Mais ici, dans cette apparence empruntée, le geste prend un tout autre sens, et je me retrouve brièvement désorienté.

C’est à ce moment-là qu’Awaki décide de se retirer. Peut-être qu’elle estime avoir suffisamment joué, ou peut-être qu’elle ne voit plus d’intérêt à prolonger un combat qu’elle sait déjà gagné. Elle disparaît dans l’ombre, se téléportant hors de la ruelle.

Je sais que ce n’est pas la fin. Ce n’est qu’un début, un prélude à quelque chose de bien plus grand. Et je ne peux pas la laisser s’échapper si facilement.

Avec une précision calculée, je tire une puce de repérage vers Awaki. Le projectile traverse la nuit avec une vitesse et une exactitude inhumaine, se fixant sur elle à plusieurs kilomètres de distance. Maintenant, peu importe où elle ira, je saurai exactement où elle se trouve.

Je me téléporte ensuite, toujours sous l’apparence de l’élève de Tokiwadai, directement à l’endroit où se trouve Kuroko. Elle est encore haletante, essuyant la sueur de son front, ses mains tremblant légèrement après l’effort qu’elle vient de fournir.

« Tu as bien combattu, » dis-je en apparaissant derrière elle.

Kuroko se retourne brusquement, sur la défensive, mais elle reconnaît mon apparence d’élève de Tokiwadai. Ses traits se durcissent en me voyant.

« C’était toi, n’est-ce pas ? » accuse-t-elle, sa voix trahissant une fatigue qu’elle tente de dissimuler. « Tu as observé tout le temps, sans rien faire. »

Je hoche la tête. « C’est exact. Je voulais voir de quoi tu étais capable face à un adversaire comme Awaki. »

Elle serre les dents, le rouge lui montant aux joues, partagée entre l’indignation et la honte. « Pourquoi ne pas m’avoir aidée ? »

« Parce que ce n’était pas le bon moment. Tu devais affronter Awaki par toi-même pour comprendre à quel point elle est dangereuse. Mais maintenant que tu as vu ce dont elle est capable, es-tu prête à accepter mon aide ? »

Kuroko reste silencieuse un moment, pesant ses options. Je peux voir qu’elle est déchirée. Elle veut prouver qu’elle peut protéger la ville par ses propres moyens, mais elle sait aussi que refuser mon aide pourrait la condamner à l’échec. Finalement, elle secoue la tête.

« Non. Je refuse de travailler avec quelqu’un qui reste en retrait pendant que d’autres se battent. »

Je soupire intérieurement. Sa détermination est admirable, mais aussi frustrante. Elle est encore trop fière pour accepter qu’elle ne peut pas tout faire seule.

« Très bien, » dis-je calmement. « Mais sache que tu es en train de refuser une aide précieuse. Awaki ne s’arrêtera pas là. Elle te prendra pour cible à nouveau, et cette fois, elle n’aura peut-être pas la patience de jouer avec toi. »

Je vois son expression vaciller, mais elle reste ferme. « Je me battrai seule, comme je l’ai toujours fait. »

Je secoue la tête, résigné. « Alors le marché ne tient plus. »

Avant qu’elle ne puisse réagir, je me téléporte juste devant elle et laisse ma véritable apparence se dévoiler. Mon visage, celui d’X, se matérialise lentement, l’illusion de l’élève de Tokiwadai se dissipant comme une brume qui se lève.

« X… » murmure-t-elle, la surprise envahissant ses traits.

« Souviens-toi de ce moment, Kuroko. » Mon ton est grave, sans menace, mais avec un poids qui porte un avertissement. « La prochaine fois que nous nous croiserons, ce ne sera plus en tant qu’alliés potentiels. »

Elle reste sans voix, choquée par la révélation. Sans attendre sa réaction, je me téléporte loin de la ruelle, la laissant seule avec ses pensées.

Je réapparais chez moi, retirant enfin l’apparence de l’élève de Tokiwadai, retrouvant mon propre visage et mon propre corps. Une fois dans la sécurité de mon sanctuaire, je m’appuie contre le mur, repensant à tout ce qui vient de se passer.

Un sourire se dessine sur mes lèvres malgré tout. Je sais que Kuroko a la force de caractère pour surmonter ce genre de défi. Même si elle refuse mon aide maintenant, elle finira par comprendre que ce qui se profile à l’horizon est bien au-delà de ses capacités actuelles. Et quand ce moment viendra, elle saura où me trouver.

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