Chapitre 17 - Dimanche 18/04
Je stresse. C’est bête, parce que ce n’est pas la première fois que je vois Andy, mais je ne peux pas m’en empêcher. Je stresse.
Et si je ne sais pas quoi lui dire ? Et si nous n’arrivons pas à trouver de sujets de conversation intéressants ? Et s’il s’ennuie ?...
Je ne peux pas me sortir toutes ces questions de la tête. Pourtant, j’ai déjà eu un petit rendez vous avec lui, la dernière fois au parc. Mais là c’est différent, c’est carrément tout un déjeuner au restaurant, et ça a l’air plus… Réel. On dirait vraiment… Un rencard.
J’attends Andy devant le restaurant où nous sommes censé manger ; une petite brasserie pas excessivement chère mais qui fait quand même de bons petits plats. C’est un bon lieu pour un rendez vous.
Mais Andy est en retard : ça fait déjà cinq minutes que je l’attends, et plus le temps passe, plus je stresse. Surtout qu’Andy ne répond toujours pas à mes messages. Il ne m’aurait quand même pas posé un lapin, si ?
Je lui envoie un nouveau message, en lui demandant s’il est mort ou s’il va finir par venir. J’ai immédiatement droit à une réponse : un smiley tirant la langue.
Je soupire, et commence à rédiger un pavé un peu trop long et peut être un chouïa agressif, avant qu’on ne me tape sur l’épaule.
- Salut !, s’exclame le retardataire.
- Ah, enfin !
Il me tend sa main en souriant, et je me mets à la regarder fixement. C’est vrai qu’on ne s’est jamais vraiment dit bonjour jusque là, du moins jamais autrement qu’à l’oral.
Je lui tends moi aussi ma main, et il attrape pour l’amener jusqu’à son visage et y déposer ses lèvres. Ce qui me fait, évidemment, doucement rougir.
- C’est… Singulier, je m’étonne.
- C’est comme ça qu’un homme faisait la cour, dans les années cinquante.
- J’en suis pas sûr. Je crois que tu te trompes d’époque.
- Je ne me trompe jamais.
- Sauf sur les horaires.
Il ouvre la bouche, puis la referme et se contente juste de sourire. On reste quelques secondes à juste se regarder, ma main toujours dans la sienne, puis il finit par la lâcher pour ouvrir la porte du restaurant.
On entre tous les deux, et un serveur vient directement nous placer. Andy passe devant, et il m’indique une chaise du doigt tout en s’y dirigeant aussi.
- Tiens, assieds toi, me dit-il en tirant la chaise, pour que je m’assois dessus.
Je secoue doucement la tête de gauche à droite, et m’assois sur la chaise d’en face.
- Trop de manières tue les manières.
- Tu es un monstre. Tu gâches tout mon romantisme.
- Tu n’as pas besoin d’être romantique.
- Pourquoi ? T’aimes pas ça ?
- Ce… On avait dit que c’était pas un rencard.
- Je sais. C’est juste un déjeuner. En tête à tête.
- Oui, voilà.
Il hoche lentement la tête, en se contentant de sourire. Je ne suis pas sûr qu’on se comprenne bien, mais je préfère me dire que si et changer de sujet.
- Je ne t’ai jamais demandé quel âge tu avais.
- Hum… Quel âge tu me donnes ?
- Quarante-six.
Il se met à rire, et je ne peux pas m’empêcher de sourire aussi. J’y vais peut être un peu trop fort. Mais je n’y peux rien, si mon humour me vaut d’être un peu… Piquant.
- J’ai vingt-deux ans, me dit-il. Et toi ?
Oh. Je ne pensais qu’on avait autant de différence d’âge.
- Dix-huit, je lui réponds en détournant un peu les yeux.
- Mooh, t’es tout petit !
Et voilà. C’est exactement ce que je voulais éviter.
- Pas du tout. Je suis juste jeune, moi, c’est tout.
Son sourire s’agrandit tandis qu’il passe sa main dans ses cheveux, sûrement en essayant d’arranger ses mèches rebelles. Sans succès, bien sûr.
- Profites-en. C’est nul, de vieillir.
- J’en doute pas. Ma mère ne fait que s’en plaindre.
- Tu vis chez tes parents ?, me demande-t-il en penchant la tête sur le côté.
- Non, je vis tout seul. Ma mère vit à une petite heure d’ici, mais je n’avais pas envie de devoir prendre les transports tous les jours.
- Ok, je vois.
Il se sert de l’eau et boit une grande gorgée de son verre, tout en me regardant toujours fixement. Ça m’énerve, parce que depuis qu’on est arrivé, je sens que j’ai les joues chaudes. Ça veut sûrement dire que je rougis depuis tout ce temps, et ça m’agace.
- Et… Et toi ?, je finis par lui demander.
- Je vis seul aussi. J’ai un appart’ plutôt grand, tu verras.
- Je verrais ?, je répète.
- Si un jour tu viens chez moi, m’explique-t-il en haussant les épaules et en rougissant légèrement lui aussi.
Le serveur qui nous a placé revient pour prendre notre commande, et je grimace en me rendant compte que je n’ai même pas regardé la carte. Je l’ouvre et la parcours rapidement des yeux, en essayant de rapidement trouver quelque chose d’intéressant.
Le soucis, c’est que la grande majorité des plats me donnent envie. Je finis par en choisir un en posant aléatoirement mon doigt sur la carte. Il faudra que je revienne pour goûter les autres.
- J’aime bien ta technique pour prendre des décisions, me dit Andy en souriant. Tu m’autorises à dire une phrase un peu clichée ?
- Hum hum…, je réponds, en plissant les yeux le plus possible.
- Parle moi de toi.
Je hausse les sourcils, surpris, et je me mets directement à le maudire. C’est la pire des questions à poser à quelqu’un, ça. Est-ce que je dois lui parler de mes passions ou lui apprendre mon deuxième prénom ? Lui raconter une anecdote, lui dire ma couleur préférée ?
J’essaie de faire une mini liste dans ma tête, tout ça pour bêtement finir par lui dire ma couleur préférée et mon deuxième prénom.
- Philippe. C’est moche.
- Ton nom n’est pas beaucoup mieux. C’est trop américain.
- Pas du tout. C’est grec.
- Quoi ? Pas du tout. Andy, c’est tout sauf grec.
- Ouais, c’est plutôt américain. Heureusement que je ne m’appelle pas comme ça, du coup.
- Q… Quoi ? Comment ça ?
J’ai toujours cru qu’il s’appelait Andy. C’est comme ça que me l’avait présenté sa collègue… C’est d’ailleurs pour ça que je ne lui ai pas demandé son prénom, quand on a échangé nos numéros de téléphone. J’étais fier de l’avoir directement nommé Andy. Mais si ce n’est pas son prénom…
Olala. Je sens mes joues devenir non plus chaudes mais bouillantes, tellement que j’ai moi aussi besoin de boire un grand verre d’eau.
En plus, cet idiot se contente de me regarder avec un petit sourire en coin, comme si c’était marrant. Si je n’avais pas déjà commandé mon plat, je pense que je serais parti.
- Je m’appelle Andrea, m’avoue-t-il. Andy, c’est un surnom.
- P-Pourquoi tu ne me l’as jamais dis ?
- Parce que tu ne me l’as jamais demandé, me répond-il en haussant les épaules.
Enterrez moi. Pitié, sortez moi d’ici, et je creuserais même ma tombe moi-même. J’en profiterais aussi pour creuser celle de la serveuse qui m’a menti sur son nom.
- Mais du coup, reprend-il, peut être pour essayer de dissiper ma gêne, je suis d’origine greco-hispanique. Et toi ?
J’essaie de rentrer dans son jeu et de changer de conversation pour penser à autre chose, et ça marche. Dieu merci.
On discute de tout et de rien, en apprenant doucement à se connaître. En fait, je ne connaissais pas vraiment Andrea. La preuve en est, je ne connaissais même pas son vrai prénom. Mais là, en discutant comme ça, j’ai l’impression d’en apprendre de plus en plus sur lui.
Et j’aime bien ça.
En plus, Andy… Enfin, Andrea, a fixé une petite règle intéressante : il veut qu’on ne parle que d’anecdotes joyeuses et de choses positives, car il veut qu’on « associe ce rendez-vous qu’à de beaux souvenirs ».
Résultat, on passe tout le repas à discuter de jolies choses, et si je me fie au visage qu’avait Andrea durant tout le repas, je pense pouvoir dire qu’on a tous les deux adorés notre rendez vous.
- Je vais payer pour nous deux, je dis au serveur, tandis qu’Andy… Andrea, est aux toilettes.
Le serveur hoche la tête et revient vite vers moi pour m’encaisser, et évidemment, Andrea revient pile à ce moment là.
- Qu… Eh !, s‘exclame-t-il, non, c’est moi qui paye !
Je le regarde droit dans les yeux, et tape mon code sur la machine du serveur en ayant cette fois moi aussi un petit sourire en coin. Pour une fois, c’est moi qui lui offre quelque chose.
- Paiement refusé, me dit le serveur après quelques secondes.
- Hein ?!
- Vous voulez réessayer ?
Je hoche timidement la tête, en faisant abstraction du rire de celui que j’essaye d’inviter. Je lui découvre un petit côté sadique.
Je retape mon code, et cette fois, le paiement est acceptée. J’ai eu peur… Ça m’apprendra à frimer et à payer sans regarder.
- C’est tout bon !, me rassure le serveur.
Je lui souris, puis on sort du restaurant. Andrea me remercie de l’avoir invité, et me propose une « balade digestive ».
- La différence d’âge est terrible. On dirait un papi.
- Tais toi, c’est toi qui voulait une balade « non rencard », se défend-il tout en mimant des guillemets avec ses doigts.
- C’est vrai.
- De toute façon, j’aime bien avoir des « non rencards » avec toi. J’espère qu’on en aura plus souvent.
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