Un café plus tard

C’était la première fois que je venais dans cet appartement avec des colocataires de vacances. Nous étions six en tout dans ce petit trois pièces comprenant un salon, une petite cuisine, une salle de bain séparé en deux ainsi que deux petites chambres. J’avais hérité de la première, celle qui comprenait deux paires de lits à étages qui pouvaient accueillir en tout quatre personnes. Je ne savais pas si je devais en être enchantée à vrai dire. Parmi tous ces vacanciers, j’étais la seule qui parlait le français. Les cinq autres maniaient plutôt l’allemand, je pouvais donc remercier mes profs de Deutsch car sans eux, je me serais retrouvée seule et perdue… La visite des lieux se fit dans l’excitation et la répartition des dortoirs dans ce même cadre joyeux, sauf pour moi. Cette semaine ne m’inspirait pas du tout confiance, je priais déjà pour rentrer chez moi, loin de ce village perdu en plein montagne à près de deux mille mètres d’altitude. « Ich bin müde… » Dis-je à mes nouveaux colocataires de chambre en baillant pour leur faire comprendre mon message. « Gute Nach ! » Me répondirent-ils tandis que je me laissai glisser sous ma couette au fond de la petite chambre, sur le matelas du bas du second lit à étage. Ce que le matelas pouvait être inconfortable ! J’avais beau me tourner et me retourner, impossible de trouver une position convenable pour rejoindre le précieux monde des songes. Et cette fenêtre, pourquoi ô grand Dieu a-t-il fallu que nous la gardions ouverte, il faisait d’un froid glacial…

Lorsque mes trois camarades eurent terminé leur bavardage incompréhensible en cette langue, je pus finalement fermer les yeux. Alors que j’étais à deux doigts de m’endormir pour de bon, ma voisine du dessus se retourna dans son lit et fit craquer les planches de bois que j’avais au-dessus de moi. J’avais peur que cette fille endormie de fasse rompre le tout et ne m’écrase pendant mon sommeil. Cette crainte m’empêcha de dormir, ainsi je décidais de sortir mon téléphone portable. Lorsque je découvris qu’il n’y avait pas de connexion internet, mon envie de retourner en ville s’agrandit davantage.

Je sélectionnai alors ma playlist favorite du moment pour tenter de trouver le sommeil sans entendre les grincements de matelas ou encore les ronflements tout juste supportable du jeune homme endormi dans le matelas fasse au mien. J’en voulais à mes parents de m’avoir suggéré de passer une semaine ici pour le ski, seigneur ce que j’en avais horreur de cette torture qu’était ce sport d’hiver… Au point que je regrettais amèrement d’avoir accepté ce séjour en solitaire car, même du haut de mes dix-huit ans, je ne pouvais pas refuser ce cadeau de Noël. Cela ne faisait même pas douze heures que j’étais dans ce village que tout me manquait déjà. Ma famille un peu dérangée sur les bords, les peux d’amis que je possède, même la pollution de la ville me manquait déjà ! « Warum schlafst du nicht ? » Me demanda la fille qui était sensée dormir au-dessus de moi. Traduisant ceci en pourquoi ne dors-tu pas, je réfléchis dans ma tête comment lui expliquer qu’elle faisait énormément de bruit avec ce matelas bon marché, que ce type ronflait comme un camion et qu’il faisait incroyablement froid. Quelques secondes passèrent et je finis par lui répondre par quelque chose que je savais dire et qui faisait partie de la vérité. « Es ist kalt. » chuchotai-je en lui montrant la fenêtre grande ouverte du doigt. Dans l’obscurité de la chambre, je la vis se pencher hors du lit pour fermer ladite fenêtre. Je la remerciai et refermai les yeux, bercée par la mélodie de la musique offert par mes écouteurs.

La nuit se termina sans autre interruption, le petit matin commençait déjà à pointer le bout de son nez lorsque je fus réveillée par une sonnerie de téléphone synonyme de réveille-matin. Le son aigu me parvint immédiatement jusqu’à mes pauvres tympans, me réveillant brusquement dans un sursaut incontrôlé. Tout le monde bondit hors de leur lit respectif et se ruèrent dans la salle de bain pour se changer, ne laissant derrière eux que ma petite personne encore à moitié endormie. Profitant de l’absence de tout individu dans la petite chambre, je me dépêchais d’enfiler un pull à col roulé couleur chocolat, un pantalon de ski noir, même si je savais que je ne comptais pas skier aujourd’hui, et des grosses chaussettes pour mes pieds frileux. Une fois entièrement changée, je coiffai mes cheveux bouclés châtains foncé avec les pointes teintes d'une nuance de châtains plus claire, puis attrapai ma brosse à dents pour faire la queue devant la salle de bain. L'attente fut longue car la troisième fille, celle qui dormait dans l’autre chambre, avait eu la brillante idée de prendre un bain. Il aura fallu attendre près de trente minutes jusqu’à ce que son fiancé ne se résigne à la faire sortir de la baignoire de force pour laisser la place aux autres. Une fois notre toilette achevée, chacun se dépêcha de déjeuner et de partir en vitesse pour prendre la navette jusqu’au périphérique qui les ménera à la station de ski. Étant la dernière à quitter la salle de bain, je n’eus pas d’autre choix que de faire moi-même la vaisselle et de fouiller partout dans la cuisine à la recherche de potentielle nourriture avant de venir à la conclusion suivante ; personne n’avait fait les courses et chacun avait dévoré ses propres bâtonnets de céréale plus ou moins calorique. Moi, je n’avais rien pris de mangeable. Un soupire exaspéré poussé, j’enfilai ma veste blanche, mes grosses bottes de la même couleur, mon écharpe bleu foncé et partis de l’appartement en prenant bien soin de fermer la porte à clef derrière moi. J’avais également pris mon vieux sac à dos moche noir et jaune fluo que m’avait offert ma grande sœur pour mes quinze ans. Je dévalai les escaliers tranquillement et quittai le bâtiment en bois.

Le village se réveillait tout juste. Quelques voitures roulaient déjà et les petits commerces s’ouvraient un à un. Je ne connaissais rien ni personne ici et je croisais déjà les doigts pour tomber sur quelqu’un de francophone… Sans plus attendre, je pris la direction d’un petit café que j’avais repéré en arrivant ici la veille en fin d’après-midi. C’était une petite bâtisse en bois foncé avec un panneau en haut de l’entrée comportant le nom du café, il y avait également des fenêtres qui dévoilaient l’intérieur de l’endroit. Lorsque j’entrais à l’intérieur, je fus prise d’une agréable chaleur. Il n’y avait encore personne sans compter la serveuse qui d’après ses cheveux légèrement grisâtre et sa peau pâle, devait avoir près d'une cinquantaine d’année tout au plus. Elle avait l’air gentille, son sourire m’inspirait vraiment confiance et de toute manière il m’était maintenant impossible de faire marche arrière car la voilà qui m’aperçue. « Guten Tag ! Bonjour à toi ! » S’écria-t-elle en m’invitant à m’approcher du comptoir. « Bonjour… Serait-il possible de déjeuner ici ? » La dame hocha la tête et me présenta les nombreuses sortes de pain derrière elle, rangées soigneusement sur des étagères. Je les détaillais attentivement un par un pour finalement opter pour un croissant et une tasse de café.

Attendant sagement ma commande, je détaillais plus attentivement les lieux. Ce n’était pas si grand que ce que je l’avais imaginé. Je pouvais constater que les tables carrés en bois peint en rouge étaient alignés dans la longueur de la salle soit près de la fenêtre, soit au milieu de la pièce. Les chaises, elles, était recouvertes de mousse parfaitement assorties aux tables. Le sol était juste du carrelage beige et les murs en bois foncé couleur chocolat étaient décorés avec des peintures de montagne ou des photos de chats. « Et voilà ma grande. » Souffla la gentille détentrice des lieux en posant mon café tant attendu ainsi que mon croissant. Une fois le tout payé, je me déplaçai jusqu’à une table près d’une des fenêtres donnant sur la route enneigée où en face se trouvait une petite pharmacie. Un peu rêveuse, je portais ma petite tasse jusqu’à mes lèvres et bus une gorgée brûlante de ma boisson matinale. Appréciant l’agréable chaleur qu’elle me procurait, je ne fis que peu attention au nouveau client qui avait fait son apparition dans l'établissement.

Je m’apprêtais à boire une seconde gorgée de mon café lorsque, prise d’un sursaut, je fis tomber ma tasse par terre. Ce qui m’avait fait peur c’était le bruit de la chute qu’avait fait le nouvel arrivant. Je me levai pour voir ce qu’il en était, avant de constater qu’il s’agissait d’un jeune homme humanoïde, mais pas tout à fait humain, ayant eu la malchance de s’être encoublé le pied contre le paillasson à l’entrée de la pièce. La serveuse derrière son comptoir l’interpela pour savoir si il allait bien tandis que je me précipitai vers lui pour l’aider. « Vous allez bien monsieur ? » Lui demandai-je en lui tendant ma main. L’inconnu releva timidement la tête, un peu étourdi.

C’était un jeune squelette. Je savais que les monstres étaient très présents parmi les Hommes, mais c’était le premier squelette que je croisais dans ma vie. Il portait une grosse veste noire et un short de la même couleur accompagné d’une rayure blanche sur les côtés. Il avait à ses pieds des chaussons roses claire en forme de lapin. Lorsque j’eu rapidement fait le tour de sa tenu, le jeune squelette remarqua que j’avais rompu le contacte visuel et, sur ce, il se leva non sans épousseter ses vêtements. « Oui, je vais bien merci… » Finit-il par répondre, tâchant de prendre soin de ne pas regarder la serveuse dans les yeux. Tête baissée, il passa à côté de moi comme un courant d'air et prit la direction du comptoir pour ensuite disparaître derrière une porte en bois menant peut-être à la réserve. La dame poussa un soupire exaspéré en s’accoudant au bar près de l’étrange machine qui lui servait de caisse. « Qu’il est maladroit le petit Sansy… Le portrait de son père… Non mais je vous jure, si j’en avais eu la possibilité je lui aurais mis du plombs dans sa cervelle magique, je le garantie sur la tête de Camomille !! » Rouspéta la serveuse en fixant la montre à son poignée. Lorsque le jeune monstre revint, il avait retiré sa veste pour dévoiler un pull crème tricoté très semblable au mien et attachait maladroitement un petit tablier autour de ses hanches en prenant soin de ne rien faire tomber en revenant, maladroit qu'il était. La dame qui jusqu’à là gardait patience, lui jeta un regard furieux et pointa ma tasse de café brisée par terre. « Je compte sur toi pour ranger ce carnage et présenter tes excuses à la jolie demoiselle. Et toi, ne reste pas plantée là ! Viens donc je vais te préparer une autre tasse. Oh ne crains rien, ça ne te coutera pas le moindre sous. » Attendant que le surnommé Sansy ne passe le balais près de ma table, je ne me résignais pas à bouger d’un iota. Lorsqu’il s’assura n’avoir laissé aucun débris de porcelaine par terre, il fit marche arrière comme un robot.

Un peu hésitante, je traversai la salle et repris place devant mon croissant à peine entamé. Attendant mon nouveau café, j’observais sagement les clients venir un par un dans le café. Certains chaussaient des chaussures de ski, d’autres de simples bottes à fourrure les protégeant de ce froid montagnard. La serveuse ainsi que son bras droit servirent quelques clients avant que le jeune squelette maladroit ne revint vers moi avec un grand sourire comme l’on oblige dans les emploies dans le social, un plateau en bois une main. « Sincèrement désolé pour tout à l’heure... Je ne comptais pas t'effrayer.» Me souffla-t-il en posant ma boisson devant moi. Le liquide sombre tapissé d’une belle mousse de lait dégageait une légère bué qui passa entre nous deux, créant une atmosphère chaleureuse. Mes yeux se perdirent immédiatement dans ses profondes pupilles blanches et lumineuses. Aucun de nous de bougea jusqu’à ce qu’un client ne l’interpelle, soi-disant pour réclamer son chocolat chaud. Le serveur tourna les talons en vitesse et s’éloigna de ma table. Mon regard restait attaché sur le squelette encore un moment, détaillant chacun de ses faits et gestes. Il était plus petit que moi en taille, je dirais un bon mètre soixante si ce n’était pas plus petit. Lorsque je le perdis totalement de vue à cause d’un grand homme en vêtements de ski qui s’installa à une table juste devant la mienne, je replongeai mon nez dans mon petit déjeuner. Je dévorai lentement ma viennoiserie, terminai de boire et quittai la salle.

À peine j’eu le temps de poser un pied dehors que l’agréable chaleur me manquait déjà. Un peu rêveuse, je me baladais dans les rues du petit village de l’étrange nom de Sinluque Town. Je détaillais maladroitement chaque chalet en bois que je pouvais croiser sur mon chemin. Soudain, alors que je passais devant un mini-marché, j’eu comme un déclique dans mon esprit. Il fallait faire les courses pour mes colocataires insupportables au moins pour ce soir et demain, et pour les autres jours, ils n’auront qu’à se débrouiller !

La journée se termina plutôt rapidement, nous étions déjà en fin d’après-midi et je profitais tranquillement de la paix et du silence dans le canapé avec un bon livre à l’eau de rose comme je les aimais. Tandis que j’étais plongée dans ma passionnante lecture, je ne remarquai le retour de ma voisine de lit que lorsqu’elle se précipita vers moi en riant comme une attardée. Encore trempe, elle se laissa tomber lourdement sur le canapé et retira sauvagement ses chaussures de ski oranges pétantes. On pouvait voir de légères traces rouges sur son visage blanc. La grande rouquine se pencha alors vers moi, curieuse de mon activité. « Was machst du ? » Me demanda Leonie, visiblement pas assez têtue pour constater que je lisais. « Ich lese… » Répondis-je agacée sans trop le montrer en fermant mon ouvrage. « Was liest du ? Wie war deine Tag ? Oh ! Ich bin hungrig ! Haben wir Pasta oder Kuchen ?! Was ist der Farbe eines Kartoffel ? » Alors qu’elle me bombardait de questions dont je n'en comprenais pas le sens, je priais pour qu’on soit déjà samedi pour que je puisse rentrer chez moi et faire la tête à mes parents.

Leonie se précipita alors vers le frigo pour en regarder le contenu, pendant ce temps là, je m’éclipsais en douce jusqu’à mon dortoir sans avoir l'intention d'en ressortir. Une heure peut-être s’écoula jusqu’à l’arrivée des quatre autres. Le seul moment où je me résignais à m’éloigner de la chambre s’était uniquement pour le repas du soir ou encore pour me brosser les dents. Évitant la présence de ces individus incroyablement bruyants et indiscrets, je me glissai en vitesse sous le duvet pour dormir au plus vite.

J’ignorais combien de temps j’avais dormi lorsque je me réveillai avant tout le monde le lendemain. C’était peut-être une bonne chose, au moins je n’aurai pas à les entendre brailler dès le matin. Dans l’obscurité, prenant soin de ne réveiller personne, je troquai mon pyjama contre les vêtements de la veille et partie en vitesse. Ce que je n’avais pas pris en considération, c’était qu’il faisait encore super tôt. Le soleil tardait à se lever et il n’y avait pas grand monde dans les rues hivernales du village. Je marchai d’un pas rapide jusqu’au Chat perché, le petit café où j’avais pris mon petit déjeuner la veille. Il n’y avait encore aucune lumière au travers les vitrines ce qui indiquait clairement l’absence de tout personnel. Je pris place contre le mur près de la porte et attendis, assise dans la neige. Les yeux voilés derrières mes paupières closes, j’attendis bien sagement l’ouverture de mon refuge. Le temps semblait passer plus rapidement lorsque j’avais les yeux fermés. La fraîcheur matinale ne m’était pas désagréable tant que je visualisai un crépitement de feu de cheminé.

Ce qui me tira brusquement de mes rêves, c’était une main osseuse posée sur mon épaule. J’ouvris lentement les yeux et levai la tête en direction du serveur encore en veste. Il faisait jour, ce qui me montrait que je m’étais endormie dans la neige. « Salut Sansy… » Baillai-je encore à moitié endormie tandis que le squelette s’agenouilla près de moi. « Pourquoi vous m’appelez comme ça ? » Me demanda-t-il en retour, inquiet de mon état. N’obtenant aucune réponse de ma part, il m’aida à me relever et m’emmena à l’intérieur du café. Près du bar, je le regardai fouiller dans des cartons derrière.
« -Ça fait longtemps que vous dormez devant le café ?
-Sans doute… Et vous ça fait longtemps que vous me regardiez dormir ?
-Quelques minutes pas plus, je devais chercher deux ou trois trucs pour Mathilde et Camomille.
-Qui c’est ?
-Mathilde c’est ma patronne, c’est la dame avec qui je travaille ici. Et Camomille c’est son chat, tout simplement. Elle avait oublié de prendre le pâté qu’elle avait acheté hier donc je suis de corvée d’aller les chercher. Vous avez de la chance, sinon vous auriez dormi encore longtemps dehors alors que dimanche le Chat perché est fermé. »

Je n’ajoutai rien d’autre à notre échange. Lorsque le squelette eu trouvé le sac en plastique contenant des petites boîtes de conserves, il s’accouda au comptoir juste en face de moi d’un air fatigué. « Et sinon, ça fait longtemps que vous êtes à Sinluque Town ? » Il plongea ses orbites dans mes yeux chocolats à l’attente d’une réponse. « Je suis arrivée il y a deux jours, vendredi il me semble. » Je m’apprêtais à enchaîner par une question lorsqu’une douce mélodie s’éleva dans l’air. Le squelette attrapa son portable de la poche de sa veste et regarda le numéro de la personne qui lui téléphonait. « C’est Mathilde, je dois y aller. On continue la discussion un autre jour ? Demain vous êtes là ? » Me demanda-t-il sans répondre à l’appelle téléphonique.
« -Oui, je viendrai demain à l’ouverture. Au fait, c’est quoi votre nom ? J’aimerai bien vous tutoyer mais pour ça je dois savoir comment vous vous appelez.
-Heh heh… D’ac’. Moi c’est Sans mais Mathilde m’appelle Sansy et c’est bien la seule qui m’appelle comme ça. Sinon je préfère Ccino.
-Ccino dis-tu ? C’est joli, c’est court mais ça sonne bien à l’oreille.
-Vous trouvez ? Merci dans ce cas… Et vous ? Histoire que je puisse aussi vous tutoyer ? »

Il attendit patiemment une réponse qui pourtant, ne venait pas. J’étais trop concentrée sur sa petite bouille squelettique pour ne serait-ce sortir un son de mes cordes vocales, sans compter la sonnerie de son téléphone qui ne cessait de recommencer en boucle. « Bon... Je vais devoir y aller avant qu'elle ne m'arrache la tête. Mais demain, il faudra que vous me disiez votre prénom. » Il ramassa le sac en plastique et m’invita à quitter les lieux. Amusée, quoique légèrement déçue, je lui emboîtai le pas jusqu'à hors du Chat perché.

[...]

J’essayais de rejoindre le monde des songes, mais il ne m’en donnait point l’accès. La rouquine du dessus de cessait de se tourner et se retourner sur ce matelas qui grinçait à tout bout de champs, le ronfleur de service, lui, faisait une imitation de fusée et Boris, un des gars qui dormait avec nous, n’arrêtait pas d’être sur son portable. J’ignorais ce qu’il pouvait faire sans connexion internet, et franchement, je n’avais pas envie de savoir. Tout ce que je devais faire, s’était d’arrêter de réfléchir. Mais comment ne pas songer à ce Ccino ? Il m’intriguait avec son air timide, mais il avait l’air gentil. Ça me plairait vraiment de devenir son amie parce que sinon, en présence de ces allemands, j’allais devenir folle…

[. . .]

« Un café s’il vous plait. » Demandai-je gentiment à Mathilde derrière son comptoir avant de m’installer à la même table que l’avant-veille. Attendant sagement ma commande, je guettais du coin de l’œil Ccino qui traversait en long et en large la grande salle, plateau en main. Lorsqu’il remarqua ma présence, il s’approcha de moi et posa ma boisson tant attendue. « Salut petit chat. » Me souffla-t-il avec une pointe de taquinerie dans le ton de sa voix. « April. » Lui répondis-je en retour avant d’enchaîner. « Je m’appelle April, ravie de faire ta connaissance Ccino. » Souriant, prenant légèrement plus confiance en lui, il s’accouda au dossier de la chaise en face de moi après avoir posé son plateau sur ma table. « April, comme le mois de l’année ? » Quelques secondes s’écoulèrent tandis que je goûtais au breuvage bouillant à souhait. C’était comme magique entre nous deux, comme si le monde autour de nous faisait une pause durant l’espace d’une seconde qui semblait durer une heure entière.

«- Je suis née le sept avril donc bon, tu diras bonjour l’originalité…
-Oh mais j’aime beaucoup tu sais ? Je ne savais même pas que ça existait comme prénom.
-Ravie qu’il te plaise…
-... Petit chat.»

Alors qu'il gloussait doucement derrière ses mains, l’appelle de Mathilde nous ramena dans la réalité où le bruit des couverts et des tasses reprirent rapidement le dessus avec les discutions des clients, effaçant l’atmosphère de rêve qui nous avait englobés. Le jeune squelette soupira et s’éloigna un instant avec son plateau dans une main. Mon sourire mourut. Pourquoi est-ce que nous ne pouvons jamais parler sans interruption ? Il faudra un moment pour nous deux pour faire plus ample connaissance sans être dérangés !

Alors que je m’énervais en silence, je ne fis pas attention à Ccino qui se hâtait de me rejoindre avec un grand sourire. « Mathilde m’offre une petite heure de pause. » Alors là, je ne m’y attendais pas le moins du monde, c’était comme si Dieu tout puissant avait entendu mes jurons ! « V-vraiment ?! Génial ! »  Il retira son tablier et s'instala en face de moi avec un grand sourrire. Nous discutâmes une bonne heure pour mieux faire connaissance et je devais avouer qu'en ce moment, que je ne voulais plus que la semaine s'arrête...

[...]

Vendredi matin. Je vais comme chaque matin au café le Chat perché et comme chaque matin, je commende un café, le même. Celui qui me l’apporta n’était autre que ce serveur du nom de Sans avec son radieux sourire. « J’ai un peu de temps libre, il faut absolument que je te montre quelque chose. » Me lança le squelette en posa la tasse devant moi.
« Ah oui ? Et tu comptes m’emmener où ? » Ccino esquissa un petit sourire au coin de ses lèvres imaginaires avant de me susurrer à l’oreille d’une toute petite voix. « Termine d’abord ton café et habille-toi, tu verras. » Il n’eut pas à me le dire deux fois ! Je bus d’une traîne ma boisson, enfilai ma veste à la vitesse de la lumière et me levai. Le jeune squelette posa sa main osseuse, et étrangement chaude dû à la magie, dans ma main. Je me sentais rougir, cela était fort agréable. Nous quittions en vitesse le café, je pus tout juste remarquer le regard amusée de Mathilde avec son plateau en main, un sourire fière imprimée sur son visage pâle comme si son fils allait pour la première fois à l’école.

Il me fit traverser le village entier jusqu’à un étrange bâtiment en bêton. « Où sommes-nous ? » Demandai-je, curieuse. « C’est là où on ira ce soir. Mais avant je dois savoir… Est-ce que tu me fais confiance ? » Je serrais ma main dans la sienne en rougissant davantage avant d’hocher la tête avec un sourire timide. Je ne sais pas ce qu'il m'arrive, ça doit être juste la caféine dans mon sang qui font cet effet-la. « Je suis sûre que tu n’es pas le genre de gars qui va souler les filles dans des boîtes de striptease… Et puis c’est marqué périphérique. Tu vas m’emmener faire un ski nocturne ? Je te préviens je ne sais pas skier et j’aime pas ça de toute manière… » Le petit squelette éclata de rire en faisant demi-tour. « En effet, je suis pas ce genre de gars, petit chat. Non, ce qu'on va faire c’est encore mieux que du ski nocturne. »

[. . .]

Vingt-et-une heures exactement devant le bâtiment du périphérique, comme me l’avait demandé Ccino. Je ne suis pas sûre si ce plan était un bon plan car il faisait très très froid, obscure et vide mais que faisait-il ? M’aurait-il posé un lapin ?? Il n’aurait pas osé… Alors que je faisais les cents pas, une silhouette humanoïde que je connaissais bien s’approcha de moi. « Ponctuelle ? » Chuchota Ccino dans l’obscurité en m’enlaçant dans ses bras. « Et toi en retard. » Il ria à mes mots pleine de reproche sans vraiment l'être.
« -Désolé, je devais nourrir Cam’ mais je ne trouvais plus les clefs pour fermer la maison de Mathilde en sortant.
-Tu vis chez Mathilde maintenant ?
-Rappelle-toi, je t’avais dis qu’elle me logeait quand mon père était absent de la maison, c’est-à-dire presque tout le temps. Il est souvent en déplacement et mon petit frère fait des études dans un autre endroit paumé. Donc comme je vis pratiquement chez elle, je me dois d’effectuer quelques tâches ménagères. Mais bon, asses parlé de ma vie bizarre. Est-ce que tu es prête ? »

Je pris une longue inspiration avant de lui répondre à la positive. Ccino me garda dans ses bras et nous téléporta à l’intérieur du bâtiment avant de paralyser toutes les caméras de sécurité. Une fois cela effectué, le monstre prit ma main et me tira un peu plus loin dans la pièce puis nous téléporta de l’autre côté d’une porte coulissante en verre. À présent, nous nous tenions devant un périphérique, un genre de mini train ou un bus bleu sur rail qui servait de base à monter les skieurs jusqu’à la station de ski plus haut. Je m’approchai timidement en observant l’intérieur. Je vis Ccino appuyer sur un bouton pour ouvrir les portes dans un bourdonnement. « Après toi. » Me dit-il en m’invitant à entrer à l’intérieur de la bête, ce que je fis avec excitation. C’était pas spécialement grand mais il pouvait accueillir tout de même pas mal de personnes. Il y avait un étrange matériel couleur grise qui protégeait le tout, j’étais même surprise de la propreté de ces machins lorsqu’il n’y avait personne. J’observai attentivement les manipulations de Ccino lorsque ce dernière posa ses mains sur une étrange machine situé tout devant, pour ensuite enclencher sa magie. Il alluma le petit bus qui se mit en marche et lentement, il commença à monter.

À travers les vitres sur les côtés je pouvais voir les pistes de neige dépourvues de forme vivante, les arbres ainsi que les sapins se faire plus rare au fil que nous avancions ainsi qu’un croissant brillant dans le ciel qui nous éclairait faiblement. Le squelette magique retira alors délicatement ses mains pour laisser le périphérique sur place. « Tu nous emmènes pas jusqu’à la station ? Pourquoi on s’arrête à mi-chemin ? » Ccino s’approcha alors de moi et me prit le menton entre ses doigts. « Ce n’est pas nécessaire petit chat. Demain tu t’en vas, je me trompe ? Je voulais te faire un… Genre de cadeau d’adieux. C’est pas grand-chose mais j’ai rien d’autre à t’offrir, April… » On se regardait attentivement. Mon cœur semblait battre la chamade, pas certain de comprendre ce dont il parlait. J’attendis. J’attendis qu’il dise quelque chose d’autre pour me guider dans ses dires, mais à première vue, pas besoin de mot lorsqu’il pouvait m’embrasser. Oui, Ccino, le serveur sur qui j’avais tapé de l’œil et vice-versa venait bien d’ajuster la séparation entre nos deux visages, ses os magiques contre mes lèvres fines. Je fermai les yeux à mon tour. Je semblais renaître, c’était vraiment magique cette sensation de chaleur et de bien être. Timidement, il plongea une main squelettique sous mon pull pour donner quelques douces caresses à ma peau dorsale en manque d’affection et d’amour depuis mon dernier et seul copain que j’avais eu trois ans en arrière qui m’avait lâché pour une fille plus vieille que moi du nom de Lyse. Jamais je n’aurai cru penser ressentir cette douce sensation de toucher. Et pourtant, je trouvai encore la force d’éloigner légèrement Ccino de moi. « Non attends… Tu voulais… Qu’on le fasse ici ? Et maintenant ? » Le squelette prit une douce teinte bleutée au niveau de ses pommettes osseuses. « C’est pas ce que tu veux ? » Il avait l’air gêné et déçu, mais je me rattrapai en vitesse. « C’est pas ça ! C’est juste que… C’est pas la première fois que je le fais… Ça te dérange ? » Ccino soupira de soulagement. « Non, je m’y attendais un peu qu’une jolie fille comme toi ne soit plus vierge. Et puis, je suis sûr que tu ne l'as jamais fait dans un périphérique à presque minuit avec un séduisant squelette. » Je souris, alors là, je ne m’y attendais pas non plus. En fait je ne sais jamais à quoi m’attendre avec lui. Peut-être… Que finalement, c’est lui le garçon qu’il me faut ?







Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top