Jungkook était resté muet face à cette réplique, et peu après ils s'étaient garés pour se rendre à la boutique de cosmétiques. Ici, Jungkook laissait son aîné se débrouiller. Avec une assurance qui dépassait l'entendement, Taehyung remplissait un petit panier de soins et maquillages en tous genres. Il avait vécu quelques années avec sa sœur, de sorte qu'il savait exactement quel type de produits elle utilisait pour sa routine beauté – cette même routine qui l'avait tant de fois poussé à essayer de forcer la porte de la salle de bains parce qu'elle lui prenait plus d'une demi-heure en comptant son maquillage.

Sa sœur l'avait rendu fou, mais à présent qu'il vivait seul, ce genre de petits moments en venaient presque à lui manquer. Ce serait une façon amusante de lui rappeler ces moments qu'ils avaient partagés et dont il savait qu'ils manquaient aussi un peu à sa sœur. Une fabuleuse manière de lui dire qu'il avait chéri ce qu'ils avaient partagé et qu'il souhaitait à présent partager davantage que des souvenirs : il aimerait qu'ils se voient plus souvent, qu'ils s'organisent des sorties, qu'ils bavardent de tout et rien par messages ou au téléphone, peu importait.

« Je pense que j'ai tout ! se réjouit Taehyung après avoir rempli son panier plus que de raison. Elle aura de quoi prendre soin d'elle jusqu'à la fin de l'année prochaine ! Allez, à la caisse ! »

Jungkook se demanda à quand remontait la dernière fois que son ami avait fait les courses avec un tel enthousiasme. Quand ils s'étaient rencontrés, Taehyung avait affirmé ne pas vouloir s'encombrer du devoir de faire les magasins, activité qui l'ennuyait puisqu'aucune idée ne lui venait. Et le voilà qui déambulait dans les rayons, le visage illuminé de bonheur, l'esprit inondé de souvenirs. Il rayonnait. Jungkook était supposé lui faire ses courses, mais il avait suffi qu'il lui donne une idée pour qu'il s'amuse à courir les boutiques avec lui.

Jungkook observa son aîné en train de payer et d'échanger quelques mots avec la caissière. Il ignorait pourquoi, mais il trouvait cette scène attendrissante.

Taehyung le rejoignit une fois ses achats emballés et sa carte d'un noir mat rangée dans son portefeuille.

« T'es vraiment le meilleur, merci Jungkook ! Grâce à toi je me suis senti revenir à une période de ma vie que j'affectionnais beaucoup, affirma-t-il d'un ton innocent alors qu'ils atteignaient la voiture. Ma sœur et moi avons été très proches, et puis on a tous les deux commencé à bosser et on s'est éloignés. Je suis sûre que le petit clin d'œil à ces moments va lui faire très plaisir aussi. »

Le cœur de Jungkook lui parut en apesanteur à ces mots. Il grimpa côté passager tandis que son ami rangeait ses courses et s'installait à côté de lui. Le moteur commençait à peine à ronronner quand Taehyung se tourna vers lui.

« Eh, je me demandais : ça te dirait de venir chez moi pour fêter ça ? On a trouvé un cadeau exceptionnel pour chaque membre de ma famille, ça mérite bien une coupe de champagne, non ?

— L'alcool, j'évite, répliqua Jungkook, mais c'est très gentil de proposer, merci beaucoup. C'est mon travail, alors c'est pas la peine de...

— Peu importe la boisson, j'ai aussi des sodas ou des jus de fruits si tu préfères. Ce qui compte c'est de porter un toast. Ils font ça aux États-Unis, et j'aime beaucoup l'idée !

— Ça se fait aussi ici, hein...

— Oui, mais avec du champagne, ça fait pas très coréen, c'est pour ça.

— Effectivement.

— Alors t'es d'accord ? »

Il devait refuser : fêter la fin de ce dernier contrat – la fin de ce travail – avec Taehyung, pourquoi pas, mais pas chez lui. Jimin l'avait prévenu de se méfier.

Or, une part de lui voulait entrer dans l'intimité de Taehyung. Bon sang, oui, dans les deux sens du terme, aussi salace cela pouvait-il être ! Il jurerait que son aîné était sur le point de se livrer à lui, de lui expliquer enfin pourquoi il avait abandonné Jimin, et surtout de lui dire ce qu'il attendait vraiment de leur relation. Resteraient-ils en contact, cela serait-il amical ou plus ?

Que faire ?

« D'accord, je veux bien, céda Jungkook. Merci pour l'invitation. »

Et bien qu'une part de lui le fustige pour sa faiblesse, une autre, bien plus bruyante, célébrait déjà de demeurer un peu plus longtemps auprès de cet homme dont il s'était épris.