Chapitre 23

Après s'être promené une heure durant dans le centre commercial, les deux garçons décidèrent de s'offrir une pause dans un restaurant. Affamés et épuisés, ils n'attendaient que de s'installer à une table pour se reposer un instant et prendre le temps de discuter de la suite de la soirée. Ils avaient en effet visité tous les magasins qui intéressaient Jungkook, sans succès.

Du moins, un succès avait vite sauté aux yeux du jeune homme : Taehyung ne lui avait plus adressé la moindre remarque prétentieuse à propos des articles qu'il regardait. Il s'était même promené à plusieurs reprises dans les boutiques pendant que Jungkook cherchait sa perle rare, ce qui avait stupéfait son cadet qui ne s'attendait pas à le voir réellement fouiller les rayonnages de peluches du Kakao Friends Store : il était entré juste pour le taquiner, et le voilà pris à son propre jeu à devoir attendre Taehyung !

Quand enfin ils se laissèrent choir sur une banquette molletonnée, ils poussèrent en chœur un soupir de bien-être avant d'échanger un regard amusé.

« Je suis crevé, souffla Jungkook en attrapant son portable. J'ai passé la journée à bosser, j'ai hâte d'aller me coucher.

— Et moi donc.

— Tu bosses beaucoup ?

— Entre l'entreprise de mon père que je suis supposé reprendre et ma propre entreprise que je gère seul ? Non, bien sûr que non, je n'ai dépassé les cent heures de travail par semaine que sept fois cette année.

— Tu déconnes ?

— Même pas. Je me rappelle la dernière fois que j'ai dépassé les cent heures : je bossais sur une présentation capitale, j'ai commencé le jeudi à huit heures du matin, j'ai fini le vendredi à trois heures de l'après-midi : j'étais tellement stressé que j'ai pas pu décrocher. J'ai donc bossé plus de trente heures consécutives dessus. Je me suis écroulé à peine rentré chez moi, du coup je me suis levé tôt le lendemain ce qui m'a permis de bosser de six heures à vingt-deux heures avec une heure de pause déjeuner.

— T'es un malade. Déjà que quand je dors moins de six heures je le sens passer, mais alors une nuit blanche...

— T'en as jamais fait ?

— Non, ou alors c'est pas que je bossais, juste que j'arrivais pas à dormir. »

Ils se turent pour remercier le serveur qui leur apporta leur dîner. Jungkook observa le burger que s'était commandé son aîné.

« Rassure-moi, Taehyung, t'as demandé à ce qu'on y ajoute de la truffe et des feuilles d'or, n'est-ce pas ?

— Non, seulement du caviar.

— Ah, j'ai cru un instant que t'allais manger comme nous autres mortels.

— Tu vas continuer longtemps de te foutre de ma gueule comme ça ? s'enquit-il malgré son amusement.

— Tant que tu continueras de montrer ce petit sourire en me répondant, oui. Si ça t'agace, hésite pas à le dire et je continuerai avec encore plus de plaisir.

— Connard.

— Les insultes gagnent en intensité, à ce que je vois.

— Je me renouvelle, je m'abaisse à ton piètre niveau.

— Mon piètre niveau d'homme pauvre ?

— Exactement, pauvre hère. »

Jungkook pouffa alors qu'il portait ses nouilles à ses lèvres. Il les aspira sans discrétion : un régal ! Taehyung l'observa un court instant avant de se concentrer de plus belle sur son burger. Ils dînèrent de façon paisible, échangeant parfois quelques répliques. Jungkook tenta quelques questions à propos de la mère de son client qui répondit avec autant de précisions que possible.

« Je ne la vois presque plus, et ça depuis longtemps, reconnut-il dans un soupir. Elle travaille beaucoup et moi aussi, de sorte que se dégager du temps devient de plus en plus difficile. On se parle souvent au téléphone, mais surtout du travail, pas de nos goûts.

— Je suis désolé.

— Ce n'est rien, il faut consentir à certains sacrifices si on veut devenir riche.

— Et pourquoi as-tu voulu devenir riche ?

— Pour rendre fiers mes parents.

— Ces mêmes parents auxquels tu as choisi de renoncer pour la richesse, murmura Jungkook.

— Tu veux savoir ce qu'il y a de drôle là-dedans, Jungkook ?

— Est-ce qu'il y a quelque chose de drôle là-dedans ? s'étonna-t-il avec une mine dubitative.

— D'ironique, disons plutôt. »

Jungkook opina, curieux. Taehyung, de qui un sérieux peiné avait volé le sourire, leva les yeux comme s'il fixait le passé.

« Ce qu'il y a d'ironique là-dedans, c'est que mot pour mot c'est ce que j'ai reproché à mes parents quand j'ai atteint l'adolescence : "vous voulez devenir riches pour nous rendre heureux, mais comment suis-je supposé être heureux sans vous ?" Il faut croire que l'argent peut faire changer tout le monde d'avis.

— Ou alors...

— Hum ? l'encouragea-t-il dans un haussement de sourcils.

— Ou alors tu espérais sans même t'en rendre compte que travailler comme eux, que reprendre leur entreprise un jour, te permettrait de te rapprocher d'eux. »

Taehyung frémit à ces mots. Il éprouva la sensation que quelque chose en lui se fendillait pour laisser un déluge de douleur et de tristesse l'envahir. Les souvenirs jaillirent avec la violence d'un torrent sauvage.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top